En 1989, la mention très bien au bac échappa à Yonasz, à deux dixièmes de points près. En juillet, il rencontra sur les Champs-Élysées une Anglaise, venue, comme lui, assister au défilé célébrant le bicentenaire de la Révolution française mis en scène par Jean-Paul Goude. Il s’inscrivit en droit, s’installa en colocation au centre de Paris, comme il l’avait prédit à Cléo. Il allait rarement au cinéma et se promettait d’apprendre la basse, bientôt.

Yonasz, Clara et leur mère s’appelaient tous les soirs. Aucun des trois ne pleurait, ils listaient les choses à faire : il faudrait apporter à Serge son discman, sa musique lui manquait à l’hôpital. Il n’aurait bientôt plus de livres à lire. Il faudrait reprendre un rendez-vous avec le médecin : cette nouvelle chimio épuisait Serge ; on pourrait lui cuisiner un cake aux courgettes, ça se mangeait facilement.

Son père sous perfusion constante de morphine demandait des nouvelles de Gaëlle, soupirait qu’elle était très fade, quel dommage que Yonasz n’ait pas été à la hauteur de Cléo ; d’ailleurs il fallait qu’il finisse de lui écrire : Serge se redressait sur ses oreillers, il traçait du bout des doigts des lettres immenses dans le vide.