5

Wulf, Centre des Épouses Interstellaires, Cellule de Détention


Qu'est-ce qui clochait chez moi ? J'étais blessé ? Je ne m'étais jamais senti aussi... assommé, sauf quand la Ruche...

Non, je ne devais pas y penser. Pas avec le goût de la chatte de ma femme aux lèvres.

Ma femme.

Je clignai des yeux et essayai de m'asseoir, je réalisai que mon corps était trop imposant pour me réveiller de ma léthargie. Pourquoi avoir sombré dans l'inconscience ? Putain, je n'étais pas moi-même. Je ne contrôlais plus rien.

Ma bête n'avait pas battu en retraite. J'étais en mode bête.

Je me levai lentement, fis passer mes énormes jambes par-dessus le côté du lit ridiculement petit, ma bête grogna comme la pièce se mettait à tourner, la nausée fit remonter la bile dans ma gorge. Que m'était-il arrivé ?

Une femme se tenait dans la pièce, bloquant une porte si petite que j'allais devoir m'accroupir pour la franchir. Elle s'éclaircit la gorge. Non, ce n'était pas ma femme. Pas Olivia Mercier. Je reconnaîtrais sa voix n'importe où. Son odeur. Sa peau. Son goût. Je luttais pour réprimer la fièvre de l’accouplement qui couvait, en prenant conscience que cette femme n'était pas ma femme. Ce n'était pas la mienne, alors que faisait-elle ici ?

Elle était soit incroyablement courageuse, soit complètement stupide.

— Allez-vous vous montrer raisonnable, Seigneur de guerre, ou dois-je appeler les gardes pour qu'ils vous piquent les fesses avec d'autres tranquillisants, avant de vous conduire à la plate-forme de transport.

Une voix douce mais inflexible. J'étais sur son territoire maintenant, où que je sois.

— Femme. Où ? demanda ma bête.

— Pas ici. Elle est rentrée chez elle, Wulf.

Elle ne constituait pas une menace. Elle était petite. Une femme. Une humaine. Comme notre femme. La femme douce au goût sucré que j'avais tringlée. Son odeur me collait à la peau, me hantait, ce qui était probablement une bonne chose.

— Où ?

La directrice émit un grondement réprobateur.

— Ils vous ont shooté avec suffisamment de tranquillisants pour endormir un éléphant douze heures durant.

— Pas éléphant.

Ça la fit rire, et j'accueillis son rire, m'assurai que ma bête se concentre sur la distraction de cette femme. Ce n'était pas un combat. Nous n'étions pas en danger. Malgré cela, j'étais à deux doigts de perdre son sang-froid, mais savoir que ma bite gardait l'odeur d'Olivia, que j'avais son goût dans la bouche m'apaisait suffisamment pour tenir le coup. J'avais besoin de récupérer mes bracelets de mariage dans la boîte en verre sur scène. Ils m'appartenaient. Non, une paire m'appartenait, mais l'autre appartenait à Olivia Mercier et je voulais la voir avec, me consacrer à elle jusqu'à mon dernier souffle.

— Je vous accorde le mérite d'être un Atlan, répondit la Directrice Égara, tout sourire.

Je l'avais rencontrée à mon arrivée sur la planète.

— Quand vous avez une idée en tête, vous ne l'avez pas ailleurs quand il s'agit de vos femmes.

Elle s'avança dans la pièce, à la lumière, elle avait compris que je n'entrerais pas dans une rage meurtrière.

La Directrice Égara m'était familière, elle travaillait au Centre de Recrutement des Épouses Interstellaires sur Terre, là où j'avais passé la plupart de mon temps au cours des trois dernières semaines. Ses cheveux bruns étaient relevés en un chignon strict, elle portait ces chaussures ridicules que les femmes appellent escarpins, son uniforme arborait l'insigne du Programme des Épouses de la Flotte de la Coalition sur la poitrine. Elle était intelligente et responsable du bonheur de nombreux guerriers et combattants de la Coalition, car responsable des Terriennes volontaires. Elle avait souvent coopéré avec Rachel, en quête de compagnes pour la Colonie.

C’était une alliée. Une amie. Elle saurait où se trouvait ma femme et comment la retrouver. Égara vivait sur cette planète et, étant humaine, connaissait les us et coutumes pour m'aider à retrouver ma compagne.

Elle devait m'aider avant que ma bête ne pète les plombs et décide de traquer la seule femme que je reconnaitrais dans cette ville, dans toutes les rues, à l'odeur. Si ma bête se mettait en chasse, je tuerais de nombreux humains avant qu'elle la trouve, et elle finirait par la trouver. Mais une fois que je l'aurais trouvée, ils devraient me tuer parce que je ne serais pas capable de me maîtriser. Je serais fichu. J'en étais arrivé à cette extrémité, surtout maintenant, la sachant quelque part dans le coin, mais séparée de moi.

J'étais seul. Je ne devrais pas être seul. J'avais trouvé ma compagne. Nous ne devrions pas être séparés.

— Ma femme, répétai-je, comme si mon vocabulaire se résumait soudain à deux petits mots. Je connaissais plusieurs mots, même dans l'anglais de la Terre que nous utilisions, mais ce mot résumait tout ce qui m'importait en ce moment. Elle. Olivia Mercier. 'À moi.'

La Directrice Égara croisa les bras d'une manière que je reconnus comme étant de l'agacement, les quelques humaines que je connaissais sur la Colonie le faisaient parfois. Elle inclina même la tête et arqua un sourcil comme Rachel, lorsqu'elle était sur le point de se fâcher avec l'une d’elles. Ou moi, plus tôt, lors de sa petite mise au point.

— Écoutez Wulf, vous avez vraiment fait un beau bazar, poursuivit-elle.

— Ma femme.

Une main se leva.

— Stop. Je sais que vous voulez savoir où se trouve Olivia…

Olivia. Quel prénom magnifique. Doux, comme ses seins. Son ventre. Ses fesses rondes que j'avais empoignées à pleines mains. Quand je la retrouverais, je…

— Ohé — cette main s'agitait en faisant des cercles devant mon visage — ici la Terre à Wulf. Restez avec moi. Vous devez vous concentrer.

La Directrice Égara s'approcha encore plus près, à portée de main, et fit claquer ses petits doigts devant mon visage avec un bruit particulier, incisif, qui attira l'attention de la bête.

— Concentrez-vous, Wulf. Vous voulez revoir votre femme ? N'est-ce pas ? Vous voulez que je vous aide à la retrouver ? La convaincre de vous dire oui, vous et vos bracelets de mariage ? Oui ? C'est ce que vous voulez ?

— Oui. À moi.

Je me renfrognai. Elle me parlait comme si j'étais un gamin. Ce n'était pas le cas. Pendant un instant, je songeai à m'approcher dangereusement, à la faire reculer un peu, mais c'était une femme. Petite. Qui ne constituait pas une menace. Ce serait déshonorant, et en tant qu'alliée, je ne voulais pas la mettre en colère. Un tel acte ne me rapprocherait pas de la femme que je convoitais. Olivia.

— Écoutez, dit-elle, d'une voix plus forte. Vous m'écoutez ?

— Oui, Directrice Égara.

Je luttais, je forçais ma bête à se soumettre, la raisonner était la seule façon d'obtenir ce que nous voulions tous deux. Sortir de cette cellule. Passer devant les gardes sans en tuer un seul. Pour être franc, tuer n'était pas vraiment un problème pour elle, pas si cela signifiait avoir accès à notre femme. Notre compagne. Je pris une profonde inspiration, puis une autre. Je desserrai les poings en faisant un effort surhumain. Quand je m'éclaircis la gorge, j'étais redevenu moi-même. De justesse. Mon corps était redevenu... normal. La tenue terrienne qu'ils m'avaient forcée à endosser m'allait de nouveau, son étoffe en lambeaux.

Elle me gratifia d'un petit sourire.

— Dieu merci. Vous voici de retour parmi nous.

Je levai les yeux vers son regard gris débordant de sympathie, mais sans pitié ni compromis. La Directrice Égara était un commandant à sa façon.

— Je suis de votre côté, mais je dois vous conseiller de ne pas laisser votre bête reprendre le dessus, à moins d'avoir les bracelets de mariage et qu'Olivia soit votre femme. Vous comprenez ? Vous avez déjà créé un gros merdier au niveau des relations publiques avec votre pétage de plombs de tout à l'heure.

— Je n'ai pas pété les plombs, rétorquai-je. C'est ma femme. La bête l'a reconnue. Je ne contrôlais plus rien.

Elle m'observa.

— Vous êtes trop à cran, Seigneur de guerre. Le gouverneur aurait dû envoyer quelqu'un d'autre.

J'opinai.

— Tout à fait d'accord. J'étais prêt à être téléporté sur Atlan pour y être exécuté. Je ne voulais pas venir ici.

— Venir sur Terre et participer à une émission de téléréalité, ça ne se discute pas.

— J'espère que vous ne croyez pas que l'initiative me revient.

Elle soupira.

— C’est à cause de Rachel. L'optimisme incarné, après tout ce qu'elle a vécu.

— Oui.

La directrice disait vrai. L'épouse du Gouverneur Maxim refusait de baisser les bras pour les hommes de la Colonie. Nous l'aimions tous pour cela. Nous combattions plus vaillamment, nous nous accrochions plus longtemps, pour elle. En espérant qu'elle ait raison. En espérant qu'une femme comme elle nous sauverait, comme elle avait sauvé Maxim et Ryston.

La directrice posa sa petite main sur mon épaule mais je ne la regardai pas dans les yeux. Je ne voulais pas y voir de pitié maintenant, là où il n'y en avait pas auparavant. La mort était une réalité pour un guerrier. Acceptée comme inévitable, surtout pour ceux qui, comme moi, avaient été capturés par la Ruche. J'avais survécu à leurs tortures. J'avais réussi à m'échapper, et pourtant, en fin de compte, c'est ma propre bête intérieure qui allait me tuer. Maintenant ou plus tard, ça ne faisait pas de différence pour une bête sans femme. Une fois la fièvre de l’accouplement passée, nous ne nous concentrions que sur deux choses : se battre et baiser.

J'avais baisé avec Olivia Mercier, mais elle n'était pas là avec moi. Nos poignets étaient vierges de tout bracelet. Ma bête ne voudrait aucune autre créature vivante, pas maintenant. Moi non plus. Aucun commandant atlan ou seigneur de guerre n'oserait donner un ordre à une bête en proie à la fièvre de l’accouplement. Ma bête ruerait dans les brancards et défierait le Prime Nial en personne. La bête n'écoutait rien ni personne hormis la petite femme qui occupait mes pensées, mes sens.

Je lui appartenais. Olivia tenait littéralement ma vie entre ses mains. Si elle voulait ma mort, je mourrais. C'était aussi simple et aussi complexe que ça. Je lui donnerais ce dont elle avait besoin. Peu importe le prix.

— La mort ne signifie rien pour moi, Directrice, expliquai-je.

— Pour moi, si.

Elle pressa mon épaule, la légère pression m'apaisa étonnamment.

— Ainsi que pour ceux que vous laissez derrière vous. Olivia Mercier est votre compagne. Je suis heureuse que vous l'ayez trouvée. Ainsi soit-il. On peut encore sauver l'émission et les chances pour les autres de trouver une compagne. Nous pouvons vous sauver aussi.

Voilà que je la dévisageais.

— Comment ?

Elle sourit.

— Eh bien, vous allez vous rendre chez Olivia. Je vous communiquerai son adresse.

Ma bête se calma, satisfaite. Elle allait obtenir ce qu'elle voulait. Égara allait nous dire exactement où trouver notre femme.

Elle leva la main, index dressé.

— Vous, Seigneur de guerre Wulf, vous comporterez en gentleman, et non comme une bête. Vous allez lui faire la cour comme il se doit, et non pas la traiter comme une bête sauvage comme vous l'avez déjà fait. Me suis-je bien fait comprendre ? Vous aurez deux jours d'intimité pour la convaincre. C'est tout ce que je peux vous accorder.

J'étais perplexe. Deux jours ?

— Je ne comprends pas.

Elle sourit, j'avais déjà vu ce regard chez les humaines, chez Kristen. Suffisante. Malicieuse. Dangereuse. Je n'enviais pas Tyrnan et Hunt, les époux de Kristen, quand leur épouse guerrière arborait un visage semblable à celui d'Égara en ce moment-même.

— Je me suis procurée son dossier professionnel. Elle était employée à temps partiel, engagée uniquement pour les émissions, personne ne remarque les maquilleurs sur le plateau. J'ai contacté sa patronne, une dénommée Lucy Vandermark. Elle refuse de donner les informations personnelles d'Olivia aux médias. Même si son visage est connu jusqu'en Sibérie et sur tous les réseaux sociaux possibles et imaginables, personne ne sait qui elle est. J'ai parlé à cette femme, et nous avons convenu de vous accorder du temps.

Je ne connaissais pas cette Lucy, mais je lui étais reconnaissant.

— Du temps pour quoi ? Je vais la posséder, lui offrir mes bracelets de mariage, la ramener chez elle à la Colonie.

— Ce n'est pas si simple, me répondit-elle en reculant pour arpenter la petite pièce.

— Malgré votre... coup d'éclat, le producteur vous demande de continuer l'émission comme prévu. Vous avez l'obligation contractuelle de partir en voyage à New York pour une interview en compagnie de votre jeune épouse, une émission télévisée diffusée en deuxième partie de soirée. Vous étiez supposé passer vos bracelets de mariage à l'une d'entre elles ce soir-là, en direct à la télévision. Vous voir faire votre demande en mariage à genoux était le point d'orgue de cette émission, un gros coup de pub. Ils parlent de réaliser une autre série, avec un autre mâle de la Colonie. Mais ils doivent donner ce que le public attend, et c'est vous, à genoux, demandant à Olivia de devenir votre femme devant le monde entier. Vous et votre jeune épouse vous faisant les yeux doux devant les télévisions du monde entier.

Je devais paraître aussi confus que je l'étais en réalité car la directrice leva et agita la main en l'air comme si elle chassait un insecte.

— Il y a déjà des mèmes là-bas. Certains sont très divertissants.

— C'est quoi un mème ? Et c'est quoi ces putains d'yeux doux, je fais comment, moi ? Mes yeux ne changeront pas, Directrice. Ils ont été contaminés par la Ruche…

— Peu importe. Il s'agit d'une autre émission en direct, un talk-show cette fois. Afin de s'assurer que le Programme des Épouses est perçu de façon positive, que le monde entier vous voit, vous et Olivia, heureux et ainsi convaincre toutes les autres femmes sur Terre qu'elles peuvent vivre le même rêve en se portant volontaires. Vous et votre jeune épouse devez y aller, vous asseoir sur des chaises et répondre aux questions. Ils veulent que le monde entier vous voie ensemble et faire en sorte que tous les spectateurs sachent exactement à quel point vous êtes dévoué et aimant envers votre nouvelle femme.

Je bombai le torse. Dévoué ? Aimant ? Je l'aimerais jusqu'à ce qu'elle jouisse comme jamais. Elle serait comblée. Adorée. Choyée. Protégée. La bête se leva et parla avant que je l'en empêche.

— À moi.

— Ça suffit maintenant.

La directrice me grondait comme si j'étais un petit garçon, ma bête battit en retraite en ronchonnant mais sans discuter. Elle écoutait. Je me fichais de cette interview télévisée tant que j'étais avec Olivia avec mes bracelets de mariage à ses poignets.

— J'ai deux jours. Et ensuite ? Comment ça se passe, ce talk-show ? Je ne sais toujours pas comment faire les yeux doux. Olivia saura quoi faire ?

Je voulais un maximum de renseignements sur la situation, tout savoir dans les moindres détails. Je voulais éviter les mauvaises surprises, et si elle ne voulait pas que ma bête reprenne le dessus, la Directrice Égara devrait s'assurer qu'il n'y ait pas de couac.

Elle se mit à rire.

— Oui. Olivia saura parfaitement de quoi je parle.

Bien. Je me calmai suite à cette information. Je n'allais pas passer pour un imbécile en redemandant à la directrice de quoi il s'agissait, pas quand ma femme pourrait me fournir l'information sur ces yeux bizarres.

Égara poursuivit.

— Vous avez deux jours en sa compagnie. En privé. Ensuite, Olivia et vous prendrez l'avion pour New York.

— Un avion humain ? demandai-je. J'avais vu des images et j'étais épouvanté.

Elle hocha la tête.

— Oui.

— Non.

Des cercueils métalliques volants. Des engins primitifs. Fonctionnant aux énergies fossiles et brûlant du carburant. Un truc de barbares. S'y rendre à pieds serait plus sûr.

— Oui. C'est parfaitement sûr, et nous essaierons de faire en sorte que vous ayez l'air normal.

— Je suis normal, répondis-je.

Elle se mit à rire.

— Pas sur Terre, oh que non très cher. Pas du tout, même.

Je la laissais dire. Elle était une alliée et je ne perdrais pas mon temps à me disputer pour des futilités.

— Deux jours. Puis la télévision. Puis retour maison ?

— Pas exactement.

Elle s'éclaircit la gorge et détourna brièvement le regard.

— Vous avez tout gâché, Wulf. Je ne vais pas vous mentir. La raison pour laquelle Lindsey et moi avons eu cette idée était de montrer à quel point vous êtes respectables, forts et dévoués en tant qu'époux de la Coalition. Nous voulions attirer les femmes humaines non seulement à se porter volontaires en tant qu'épouses, mais aussi les inciter à choisir la Colonie en particulier.

— Les futures épouses peuvent demander une planète spécifique ?

— Oui. La plupart ne le font pas, mais oui, elles peuvent. Les combattants de presque tous les pays sont présents sur la Colonie, nous avons insisté sur cet élément en faisant la promotion de l'émission. Vous avez peut-être été la vedette de l'émission, mais vous ignoriez peut-être ces détails. Nous avons fait en sorte que tout le monde sache que les vétérans sont forts, qu'ils ont survécu à la capture ennemie, que nombre d'entre eux sont maintenant des parias sur leur planète originelle, y compris certains humains qui ont combattu dans les guerres contre la Ruche et non autorisés à réintégrer la Terre.

— On doit passer pour des imbéciles pathétiques.

Elle secoua la tête.

— Non. Faites-moi confiance. Ça vous rend sympathiques. Aimables. Blessés, beaucoup de femmes humaines, pour une raison que j’ignore, semblent avoir un besoin instinctif de guérir.

Ses mains étaient maintenant sur ses hanches.

— Être un vétéran vous rend plus désirable, croyez-moi. Mais vous étiez censé choisir entre Geneviève et Willow, les deux finalistes. Au lieu de cela, vous les avez mis dans l'embarras, vous avez frappé un caméraman, vous avez écrasé le micro du pauvre Chet qui a eu si peur qu'il a dû changer de boxer…

Elle rit mais j'ignorai ce qu'était un boxer, alors j'attendis. Je n'avais pas vu de boxeur durant l'émission.

— Et puis vous avez embarqué une femme inconnue hors caméra, vous l'avez baisée contre une porte en direct à la télévision, avant de vous métamorphoser en monstre incontrôlable menaçant de tuer tout le monde dans l'immeuble quand elle a essayé de s'échapper. Vous avez été tranquillisé en direct à la télévision et êtes tombé comme une masse.

Elle me regarda en secouant la tête.

— Ce n'est pas l'image du guerrier respectable et digne de confiance que nous recherchions.

Vu sous cet angle ... Elle avait raison. Mes actes avaient peut-être coûté leur chance de se marier à de nombreux guerriers contaminés de la Colonie. Je ne pourrais pas vivre avec cette culpabilité.

— Je vous présente mes excuses si mes actes ont provoqué des dommages collatéraux. Dites-moi ce que je dois faire pour faire amende honorable. Mais sachez une chose, Olivia Mercier est à moi. Je ne partirai pas sans elle.

— Je le sais et vous le savez, mais Olivia l'ignore. Le Président des États-Unis l'ignore. Le Congrès l'ignore. Le grand public l'ignore.

— Ces humains ne sont pas mon problème.

— Et pourtant ça devrait l’être, parce qu'Olivia ne s'est pas portée volontaire pour être une Épouse Interstellaire. Elle n'a pas signé de clause pour l'émission pour être candidate à la série télévisée Bachelor La Bête Célibataire. Concernant la Terre en son entier, c'est une citoyenne de la Terre placée sous notre protection et nos lois, et non celles de la Coalition. Elle doit vous choisir, Wulf. Tout d'abord, vous aurez deux jours pour la persuader de s'afficher en direct avec vous à la télévision et convaincre toute la planète que vous êtes amoureux fous.

— Elle est à moi.

— Ce n'est pas comme ça que ça marche.

Je pris une inspiration pour l'interrompre mais elle leva un doigt et j'attendis.

— Deux jours avant le talk-show à New York. Après, elle doit consentir à quitter la planète avec vous. Se porter volontaire. Après New York — et selon la façon dont les choses tourneront chez elle — il vous restera sept jours avant de quitter cette planète et réintégrer la Colonie. Vous comprenez ? Sept jours, séjour à New York compris.

— Ce n'est pas suffisant.

— Dommage pour vous. La loi en vigueur sur Terre prévaut, pas celle de la Coalition. Votre permission de séjourner sur cette planète expire dans neuf jours exactement.

Elle vérifia un petit appareil à son poignet et fronça le nez en effectuant un calcul mental rapide.

— C'est bien ça. Neuf jours, trois heures et vingt-sept minutes avant que je sois contrainte de vous téléporter hors de ce caillou.

— Elle est à moi. Elle m'accompagnera.

— Espérons que vous avez raison, Wulf. Mais je tiens à préciser qu'elle n'est pas volontaire. Vous devez la convaincre de laisser derrière elle tout ce qu'elle a connu, pour vous suivre. Je ne peux pas organiser son transport à moins qu'elle porte vos bracelets de mariage.

— Je devrais bénéficier de trente jours pour courtiser mon épouse. Ça figure dans les contrats de mariage.

Elle secoua la tête et précisa,

— Écoutez-moi. Ce. N'est. Pas. Une. Épouse. Elle n'a pas signé de contrat. Mettez-vous ça dans le crâne. C'est une citoyenne des plus ordinaires qui n'a jamais envisagé d'abandonner sa vie sur Terre. Votre permission de séjour expire dans un peu plus de neuf jours. Vous aviez trente jours sur Terre pour choisir une épouse. Trois semaines se sont déjà écoulées, vingt-et-un jours sur trente, ici dans l'émission. Le gouvernement se fiche que vous n'ayez pas choisi l'une des concurrentes, c'est un détail pour eux. Il vous reste neuf jours, et après, épouse ou pas, vous quitterez cette planète.

— Merde.

— Vous commencez à comprendre maintenant.

— Comment faire pour qu'une humaine veuille de moi ?

Elle me gratifia d'un petit sourire.

— Chaque femme est différente, Wulf.

— Ça me fait une belle jambe.

Elle soupira.

— Soyez honnête. Soyez vous-même. Vous êtes un homme digne et de valeur. Elle s'en apercevra. Je vous ai accordé deux jours pour vous déclarer. C'est tout ce que je peux faire. Après ça, les paparazzi vous sauteront dessus et vous vivrez sous cloche. Ce sera un vrai cirque médiatique.

— C'est quoi un paparazzi ?

— Ils suivent les gens célèbres pour de l'argent. Ils envahissent leur vie privée. Ils prennent des tas de photos. Écrivent des histoires sur eux, comme Lindsey à la Colonie, mais pas aussi sympathiques. Plus c'est choquant et scandaleux, plus ils gagnent d'argent. Certaines célébrités veulent attirer l'attention. D'autres non. C'est compliqué.

— Non. Je n'ai pas besoin d'attirer l'attention. Ils n'ont pas intérêt à traquer ma partenaire.

Je n'aimais pas ça du tout. Je connaissais Lindsey, l'humaine, l'épouse de Kiel le Chasseur. Elle réalisait des documentaires sur les guerriers de la Colonie. Grâce à elle nous nous sentions valorisés. Vivants. Pas abandonnés. C'était totalement différent.

— S'ils s'approchent de ma femme, je les écrabouille.

— Si vous voulez finir dans une prison humaine, allez-y.

— Ma bête n'obéira jamais aux autorités humaines.

— Exact. Alors limitons au maximum la casse avec ces abrutis d'humains, d’accord ?

Ma bête grogna, mais cette fois la directrice n'avait pas envie de rire.

— Je vous emmène dans le vestiaire des hommes, vous pourrez vous doucher.

— Je ne veux pas perdre l'odeur de ma femme, répondis-je à la hâte.

Elle me regarda.

— Faites-moi confiance, Seigneur de guerre. Odeur ou pas, vous devez vous doucher. Votre femme voudra d'un homme propre et … ce n'est pas le cas. Ensuite, je vous conduirai jusqu'à Olivia.

— Je lui offrirai mes bracelets, lui assurai-je.

Un profond soupir s'échappa de ses lèvres.

— A propos, vos bracelets sont restés sur le plateau de l'émission.

Je me levai et m'écriai :

— Pardon ?

— Vous avez détruit un plateau, ruiné deux semaines de programmation. Ne vous méprenez pas, ils sont ravis de ce rebondissement, mais ils ne prendront pas le risque que vous offriez ces bracelets à votre femme en coulisses.

— Ils m'appartiennent. Ils n'ont pas le droit.

— Les bracelets sont en route pour New York, en attendant l'émission 'de vérité'. Vous les passerez à votre femme là-bas, en direct à la télévision.

Quelle idée atroce, garder mes bracelets en otage pour ce qu'ils appellent l'audimat. Je n'avais pas le choix. Je devais me rendre à New York pour terminer l'émission sous un jour favorable pour mes frères d'armes. Je devais également récupérer mes putains de bracelets et les passer à Olivia Mercier. L'objectif ultime.

— Je ne suis pas content, dis-je.

— Oui, je savais que ça ne vous ferait pas plaisir.

Elle m'adressa un signe de la main.

— Allez. Prenez une douche, puis nous irons chez votre partenaire.

Je me regardais. Les vêtements en lambeaux. Les mains et les vêtements sales, comme si on m'avait traîné sur un sol dégueulasse. C'était probablement le cas. Si je devais revoir ma compagne, je devais faire bonne impression. On pouvait tout pardonner, mais pas la crasse.