On n’a jamais le cuir assez dur

Nicolas Rey

8 octobre 2009

Ne dites pas « le dernier » s’il vous plaît.

Je ne suis pas superstitieux, mais cela me fout la poisse, « dernier », en fait.

Oui, mais non.

Dites « le cinquième ».

Vitamines, c’est le titre.

Beaucoup mieux !

Franchement, cela en est que le 7 janvier 2010 (pour une fois que je me souviens d’une date), je vais fêter mes deux ans.

D’abstinence.

Ah non ! Heureusement qu’il me reste ça ! Enfoiré, vous allez vraiment me foutre la poisse…

Oui, tout ce qui va avec. L’alcool est une drogue. L’alcool est une drogue dure, on ne le dit pas assez. Il y a des lobbies, il y a des vignobles…

L’alcool est considéré comme une drogue dure au même titre que l’héroïne.

Oui. Un Français sur dix est alcoolique.

T’y penses tous les jours, oui. Tous les jours, tu te dis « je vais essayer de ne pas boire aujourd’hui ».

Je les ai remerciés à ma façon. Ils ont été fair-play parce qu’ils n’ont jamais touché une virgule de ce que j’avais écrit. Pourtant je leur en ai fait voir.

Oui. Quand il est 6 heures du mat et que tu rentres d’une fête, t’es « à la C », tu fais ta chronique en dix minutes…

À la Coke.

Oui. C’est plus long maintenant pour moi d’écrire une chronique.

Tout ! Cela me fait horriblement chier. Je boycotte les bars, les restaurants, tout. Je suis en guerre totale contre ça, et je ne lâcherai pas l’affaire, sachez-le.

La version officielle, c’est « je suis habitué vu que cela m’est arrivé dès le début ». La vérité, c’est qu’on n’a jamais le cuir assez dur, et que t’as beau en prendre plein la gueule, cela te fait toujours quelque chose. Mon premier article, c’était dans un hebdo, c’était Génération athée, il y avait une pleine page avec mon visage, et c’était une littérature de mots d’auteur, le comble du roman réactionnaire.

Oui.

C’était censé être un compliment, cela a été mal compris.

 

Dans Libération : « Cette surconsommation de tranquillisants explique sans doute pourquoi le roman de Nicolas Rey dégage une impression de torpeur ».

 

(Rire)

(Rires) Écoute, quand c’est bien troussé, c’est la règle du jeu ! Quand vous sortez un bouquin, personne ne vous oblige à le sortir ! Donc il faut accepter cela ! C’est le problème par exemple avec Naulleau dans On n’est pas couché. Les gens gueulent, mais attends, ils sortent un livre ! Personne n’oblige Mimi Mathy à écrire un bouquin pour enfants ! S’il est à chier, il faut le dire, point barre ! À partir du moment où tu acceptes d’être publié, après il faut accepter la critique !

J’ai tapé mon nom sur Google. Putain, cela ne donne pas envie de me rencontrer ! Quand je tape mon nom sur Google, je ne me rencontre pas, hein.

Là, ce serait trop long. Mais vraiment ce type-là que j’ai vu sur Google, une sorte de branchouille à deux balles, terrible ! Terrible ! Et dans les sentiments pareil. Franchement, je suis le pire des trucs qui puissent arriver à une nana. Ce n’est pas de l’autoflagellation, c’est de la lucidité. Vandel, je suis lucide, c’est tout.

Oui, je regrette cette phrase, elle est con.

C’est vrai, cela m’est arrivé ! (Rire)

C’est vrai. Rien d’autre à ajouter.

Oui, mais j’aime ça.

Pour moi, on est dans une société totalement proche de la prohibition. Liberticide. Si j’ai le choix entre sauver la planète et embrasser une fille entre les cuisses, je choisis d’embrasser une fille entre les cuisses. Si j’ai le choix entre être Nicolas Hulot ou Nicolas Rey, je préfère Nicolas Rey.

Comment vous savez ça ?

Non.

Parce que j’avais fait Paris-Vannes en voiture, je devais rester une semaine, et la première nuit, la fille que je suis allé retrouver, j’étais chez ses parents, m’a largué. Le lendemain, j’ai dit à sa mère que je repartais et elle m’a dit « attendez, je vous fais un sandwich aux rillettes »… Je n’aime pas les rillettes pourtant, mais du coup je l’ai mangé, et je suis parti, toujours sans permis, à Paris.

Vrai. C’est la même fille, c’est dingue, comment vous savez ça ?

Oui. Cela a été fait en une semaine…

Je vous explique. Après ça donc, elle me largue. Et je me dis, une fille te dit qu’elle ne t’aime plus, c’est le mépris, c’est Bardot qui dit à Piccoli « y a rien à comprendre, j’t’aime plus », et Piccoli qui lui demande pourquoi. Il y a une chance sur un milliard de récupérer une fille quand elle ne t’aime plus. Donc je me suis dit quitte à tenter cette chance, autant faire un livre. Je me suis débrouillé pour en éditer dix exemplaires. J’avais même inventé le nom de la maison d’édition. Comme je connaissais Le Dilettante, j’avais inventé Les Éditions Farniente. Je me souviens du titre qui était Je me souviens du jour où Cupidon s’en fout, c’est le titre d’une chanson de Brassens.

C’était un livre ! Un livre sur un mec qui fait une déclaration d’amour.

Si ! Je l’ai fait imprimer.

Non, je l’ai écrit en dix jours et après je me suis débrouillé. Pas à compte d’auteur. Je me suis débrouillé par un pote qui avait un truc de pub pour que cela devienne un livre.

Je crois que mon père en a un.

Je lui ai donné, mais cela n’a rien changé.

Je ne peux pas vous dire son nom, elle travaille à Radio France…

Si c’est vrai…

Ce qui est énorme, c’est que parfois elle faisait les infos le week-end sur France Inter. Vous êtes avec votre femme, et vous entendez « les informations », et là c’est bizarre d’avoir cette voix qui revient après tant d’années, après dix ans…

Oui.

Je suis un fan de Pantani par exemple.

J’aurais fait un très bon médecin sur le Tour de France, je pense.

Oui !

Mon coureur aurait gagné !

J’aime les cyclistes. Quand ils sont comme Hendrix, vous voyez ce que je veux dire ?

Si tout le monde se dope, Pantani gagne quand même l’étape.

J’ai testé les dopants, bien sûr. J’en suis revenu. Le problème, c’est qu’on meurt tôt, et que maintenant j’ai envie de mourir jeune le plus tard possible.