Nicolas Rey
8 octobre 2009
PV : Nicolas Rey, bonjour. On vous entend beaucoup à la radio, on vous voit beaucoup à la télévision, mais votre premier métier est d’être écrivain. Vous avez eu le prix de Flore en 2000. Votre dernier ouvrage paru, c’était Vallauris Plage.
Ne dites pas « le dernier » s’il vous plaît.
Pourquoi ?
Je ne suis pas superstitieux, mais cela me fout la poisse, « dernier », en fait.
Ah bon ? Mais il y a toujours un dernier.
Oui, mais non.
Il faut dire comment ?
Dites « le cinquième ».
Cinquième ouvrage paru, Vallauris Plage. Prochain roman ?
Vitamines, c’est le titre.
Beaucoup mieux !
On nous a raconté mille fois que la santé allait très mal, on nous a raconté mille fois vos cures de désintoxication, où est-ce que cela en est ?
Franchement, cela en est que le 7 janvier 2010 (pour une fois que je me souviens d’une date), je vais fêter mes deux ans.
Deux ans de quoi ?
D’abstinence.
Sans sexe ?
Ah non ! Heureusement qu’il me reste ça ! Enfoiré, vous allez vraiment me foutre la poisse…
Sans boire, sans drogue ?
Oui, tout ce qui va avec. L’alcool est une drogue. L’alcool est une drogue dure, on ne le dit pas assez. Il y a des lobbies, il y a des vignobles…
C’est l’alcool à haute dose qui est une drogue dure.
L’alcool est considéré comme une drogue dure au même titre que l’héroïne.
Ah oui ?
Oui. Un Français sur dix est alcoolique.
Et c’est dur de se sevrer ?
T’y penses tous les jours, oui. Tous les jours, tu te dis « je vais essayer de ne pas boire aujourd’hui ».
Vous avez tenu une chronique très longtemps dans VSD, Entre les lignes (le titre est bien choisi…), et pour la dernière vous avez apostrophé la rédaction de VSD : « Merci de m’avoir laissé écrire à jeun, en montée, en descente, en dix minutes, en cinq jours, en cure de désintoxication, et même à l’aube sur les marches d’une église à Limoges ».
Je les ai remerciés à ma façon. Ils ont été fair-play parce qu’ils n’ont jamais touché une virgule de ce que j’avais écrit. Pourtant je leur en ai fait voir.
Et vous avez vraiment écrit en dix minutes des fois ?
Oui. Quand il est 6 heures du mat et que tu rentres d’une fête, t’es « à la C », tu fais ta chronique en dix minutes…
Cela veut dire quoi « à la C » ?
À la Coke.
Donc dix minutes la chronique, et c’est parti.
Oui. C’est plus long maintenant pour moi d’écrire une chronique.
Dans vos romans, il y a une fascination pour la cigarette. Vous en parlez tout le temps, presque parfois comme un personnage. Qu’est-ce que l’interdiction de fumer dans les lieux publics a changé pour vous ?
Tout ! Cela me fait horriblement chier. Je boycotte les bars, les restaurants, tout. Je suis en guerre totale contre ça, et je ne lâcherai pas l’affaire, sachez-le.
Les journalistes ont parfois écrit beaucoup de choses méchantes sur vous. Cela vous fait mal ou pas du tout ? Ou vous êtes habitué ?
La version officielle, c’est « je suis habitué vu que cela m’est arrivé dès le début ». La vérité, c’est qu’on n’a jamais le cuir assez dur, et que t’as beau en prendre plein la gueule, cela te fait toujours quelque chose. Mon premier article, c’était dans un hebdo, c’était Génération athée, il y avait une pleine page avec mon visage, et c’était une littérature de mots d’auteur, le comble du roman réactionnaire.
Génération athée a aussi été un titre du JDD en 2006, et ils disent de vous : « Il appartient à cette génération d’écrivains aux cheveux longs à idées courtes ».
Oui.
J’en ai d’autres : « Le Fitzgerald des friseurs et des lotissements ».
C’était censé être un compliment, cela a été mal compris.
Dans Libération : « Cette surconsommation de tranquillisants explique sans doute pourquoi le roman de Nicolas Rey dégage une impression de torpeur ».
(Rire)
C’était le gars du Figaro qui s’était endormi sur Un début prometteur. Et le compliment mais qui fait mal, c’était dans Elle en 2006 pour la sortie de Vallauris Plage : « Est-ce le roman de la maturité comme Lorie quand elle a pondu son album de femme-femme ? »
(Rires) Écoute, quand c’est bien troussé, c’est la règle du jeu ! Quand vous sortez un bouquin, personne ne vous oblige à le sortir ! Donc il faut accepter cela ! C’est le problème par exemple avec Naulleau dans On n’est pas couché. Les gens gueulent, mais attends, ils sortent un livre ! Personne n’oblige Mimi Mathy à écrire un bouquin pour enfants ! S’il est à chier, il faut le dire, point barre ! À partir du moment où tu acceptes d’être publié, après il faut accepter la critique !
C’est hallucinant cette tendance à l’autoflagellation que vous avez, Nicolas Rey !
J’ai tapé mon nom sur Google. Putain, cela ne donne pas envie de me rencontrer ! Quand je tape mon nom sur Google, je ne me rencontre pas, hein.
Vous avez découvert quoi ?
Là, ce serait trop long. Mais vraiment ce type-là que j’ai vu sur Google, une sorte de branchouille à deux balles, terrible ! Terrible ! Et dans les sentiments pareil. Franchement, je suis le pire des trucs qui puissent arriver à une nana. Ce n’est pas de l’autoflagellation, c’est de la lucidité. Vandel, je suis lucide, c’est tout.
Vous avez dit sur votre métier d’écrivain : « Écrire est un métier aussi dégoûtant qu’un autre ».
Oui, je regrette cette phrase, elle est con.
C’était une phrase de jeunesse. C’était en 2000. Vous ajoutez : « Dans une fête, les quelques personnes valables préfèrent crever plutôt que d’être vues avec moi ».
C’est vrai, cela m’est arrivé ! (Rire)
Vous écrivez aussi des choses très positives, mais je n’ai jamais vu un écrivain commencer un article comme ça. Je cite les trois premières phrases d’un grand article de deux pages de Nicolas Rey, dans le Marianne de juillet 2008 : « Il y a des hommes qui détestent lécher les filles. Moi, c’est l’inverse. Je suis né comme ça, je suis né en aimant lécher les filles ».
C’est vrai. Rien d’autre à ajouter.
Certes, mais vous n’êtes pas obligé de le raconter ! Ce qui me frappe n’est pas que ce soit vrai, c’est que ce soit imprimé !
Oui, mais j’aime ça.
Mais pourquoi l’avez-vous raconté ?
Pour moi, on est dans une société totalement proche de la prohibition. Liberticide. Si j’ai le choix entre sauver la planète et embrasser une fille entre les cuisses, je choisis d’embrasser une fille entre les cuisses. Si j’ai le choix entre être Nicolas Hulot ou Nicolas Rey, je préfère Nicolas Rey.
Est-il vrai qu’un jour, pour rejoindre une amoureuse, vous avez conduit sans permis et mangé des sandwiches aux rillettes ?
Comment vous savez ça ?
Je l’ai lu ! Vous ne vous souvenez même pas de ce que vous racontez à la presse alors parfois ?
Non.
Parce que celle-ci, je n’ai pas pu l’inventer. Je l’ai trouvée au détour d’un article. Et pourquoi le sandwich aux rillettes ?
Parce que j’avais fait Paris-Vannes en voiture, je devais rester une semaine, et la première nuit, la fille que je suis allé retrouver, j’étais chez ses parents, m’a largué. Le lendemain, j’ai dit à sa mère que je repartais et elle m’a dit « attendez, je vous fais un sandwich aux rillettes »… Je n’aime pas les rillettes pourtant, mais du coup je l’ai mangé, et je suis parti, toujours sans permis, à Paris.
Pour séduire une fille, est-il vrai qu’une autre fois vous avez édité un faux livre, mais avec un look de vrai livre ?
Vrai. C’est la même fille, c’est dingue, comment vous savez ça ?
Oui. Cela a été fait en une semaine…
… mais comment on édite un faux livre ?
Je vous explique. Après ça donc, elle me largue. Et je me dis, une fille te dit qu’elle ne t’aime plus, c’est le mépris, c’est Bardot qui dit à Piccoli « y a rien à comprendre, j’t’aime plus », et Piccoli qui lui demande pourquoi. Il y a une chance sur un milliard de récupérer une fille quand elle ne t’aime plus. Donc je me suis dit quitte à tenter cette chance, autant faire un livre. Je me suis débrouillé pour en éditer dix exemplaires. J’avais même inventé le nom de la maison d’édition. Comme je connaissais Le Dilettante, j’avais inventé Les Éditions Farniente. Je me souviens du titre qui était Je me souviens du jour où Cupidon s’en fout, c’est le titre d’une chanson de Brassens.
Mais les pages, c’était quoi à l’intérieur ?
C’était un livre ! Un livre sur un mec qui fait une déclaration d’amour.
Mais il y avait écrit quoi dans le livre ? Vous ne l’avez pas imprimé ?
Si ! Je l’ai fait imprimer.
À compte d’auteur en dix jours !
Non, je l’ai écrit en dix jours et après je me suis débrouillé. Pas à compte d’auteur. Je me suis débrouillé par un pote qui avait un truc de pub pour que cela devienne un livre.
Wow ! Il en reste ?
Je crois que mon père en a un.
Et la fille ?
Je lui ai donné, mais cela n’a rien changé.
Comment s’appelle-t-elle ? Elle va peut-être vous l’envoyer, le livre ?
Je ne peux pas vous dire son nom, elle travaille à Radio France…
Ah ! Ah ! (Rires) C’est pas vrai !
Si c’est vrai…
C’est énorme !
Ce qui est énorme, c’est que parfois elle faisait les infos le week-end sur France Inter. Vous êtes avec votre femme, et vous entendez « les informations », et là c’est bizarre d’avoir cette voix qui revient après tant d’années, après dix ans…
La page « sport » maintenant. Est-il vrai que vous êtes pour le dopage ?
Oui.
Pour quelle raison ?
Je suis un fan de Pantani par exemple.
Le grimpeur cocaïnomane. Cela vous ressemble bien…
J’aurais fait un très bon médecin sur le Tour de France, je pense.
Ah bon ? Vous auriez tout autorisé ?
Oui !
Mais sérieusement ?
Mon coureur aurait gagné !
Mais non, parce que si tout le monde se dope, cela revient exactement au même. Pour l’éthique sportive, comment peut-on être pour le dopage ?
J’aime les cyclistes. Quand ils sont comme Hendrix, vous voyez ce que je veux dire ?
Non, si tout le monde se dope, il n’y a plus de rebelle, plus de pirate, plus de hors-la-loi…
Si tout le monde se dope, Pantani gagne quand même l’étape.
Vous avez déjà testé les dopants ?
J’ai testé les dopants, bien sûr. J’en suis revenu. Le problème, c’est qu’on meurt tôt, et que maintenant j’ai envie de mourir jeune le plus tard possible.