Maxime Gremetz
15 décembre 2009
PV : Maxime Gremetz, bonjour. Vous êtes député de la Somme, vous êtes membre du conseil régional de Picardie. Tout d’abord, comment ça va ?
Ça va très très bien. Formidablement bien.
Vous m’avez laissé un message, vous m’avez dit : « Je ne veux pas qu’on imagine que je boive autre chose que de l’eau ».
Absolument, je ne bois que de l’eau. Tout le monde le sait, et tous les électeurs, j’ai 60 % d’électrices et d’électeurs qui me disent et qui le savent.
Et ceux qui vont dans les bistrots dans votre circonscription…
Oui ! Et à l’Assemblée ! Et à la buvette ! N’importe où.
Même pas un p’tit coup de vodka avec votre grand frère soviétique ?
Non ! Non !
Aux dernières nouvelles, vous aviez voulu forcer la porte d’un studio de télé de France 3 Picardie, vous avez fait un petit malaise, puis été transporté à l’hôpital, tout va bien ?
Est-ce qu’ils ont porté plainte contre vous ?
Qui ?
Les gens de France 3. Ils ont dit qu’ils allaient porter plainte.
Entre ce qu’on dit et ce qu’on fait… C’est la différence entre moi et beaucoup de gens. Moi, quand je dis que je vais porter plainte, je porte plainte.
Porter plainte sous quel motif ?
D’une part, interdiction à un député de la République d’aller dans une télé publique. Deuxièmement, lui broyer la moitié du pied dans une porte en poussant à six, c’est anormal. Mais j’ai eu la rédactrice en chef de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, qui s’est excusée. J’ai eu un droit de réponse.
Vous êtes député de la Somme, vous êtes ancien membre du Parti communiste…
Non, je suis membre du Parti communiste.
Cela tombe très bien, cela aide ma question. Vous êtes dedans ou vous êtes en dehors du PC ? Dans certains articles, vous êtes apparenté, et dans d’autres, vous êtes communiste.
La seule question, c’est qu’ils ont voulu m’exclure et ils ont été mis en minorité, et donc j’ai posé la question à Marie-George Buffet : « Je suis exclu ou pas ? ». « Non t’es pas exclu ». « Alors je suis quoi ? » « Tu es un communiste sans carte ». Effectivement, on ne me fait pas payer mes cotisations, comme ça, je ne peux participer à aucun débat, à aucun congrès, etc. Je ne l’embête pas, quoi…
Donc vous êtes membre sans carte tout en étant…
Je suis membre du Parti communiste depuis 1956.
Depuis que vous avez 15 ans.
J’ai vu arriver Marie-George Buffet, Robert Hue, et tant d’autres.
Vous avez connu Georges Marchais.
J’ai été dirigeant avec lui pendant quinze ans.
Le PC a présenté un candidat contre vous aux législatives en 2007.
Oui, tout à fait.
Vous avez été élu.
Oui, il ne suffit pas que Marie-George Buffet descende trois fois à Amiens pour soutenir son candidat pour que les gens le suivent. Les gens savent en Picardie que Maxime Gremetz, c’est le communiste.
Mais avant d’être communiste, vous êtes Maxime Gremetz. Il n’y a pas que des communistes qui votent pour vous, sinon vous seriez loin d’être élu. Aux présidentielles, combien a fait le PC dans votre circonscription ?
Marie-George Buffet a fait 3,5 %.
Et vous ?
Moi, j’ai été réélu avec 60 % des voix.
Maxime Gremetz, vous avez déposé plusieurs propositions de loi pour la Nation, pour le bien de la France. Certaines sont judicieuses. Toutes le sont, vous allez me dire, mais certaines quand même ont vraiment surpris. Par exemple, vous voudriez nationaliser toutes les grandes banques capitalistes françaises.
Les grandes banques capitalistes à qui on donne plein de fric sans contrepartie et qui aujourd’hui n’aident pas les entreprises. J’avais une réunion avec des entrepreneurs ce matin, c’est toujours pareil, ils n’ont pas de crédit.
C’est un regret que cela n’ait pas été fait quand il y avait quatre communistes au gouvernement ?
Absolument ! J’étais à la discussion du programme commun, Mitterrand nous disait : « Combien vous voulez de nationalisations de banques ? Celle-là ? Celle-là ? OK. Combien de nationalisations de grands groupes ? La sidérurgie, la métallurgie ? D’accord. » Il y avait tout dans le programme commun. Seulement, il a nationalisé pour mieux privatiser après.
Vous demandez également à ce que les parlementaires donnent 20 % de leurs revenus pour les mal-logés et vous dites : « J’ai remarqué que les parlementaires sont avec les stars de tous horizons, ils vont pleurer devant les campements de SDF, mais seulement quand les caméras sont là ». Là vous allez plus loin, quelle est la mesure que vous préconisez ?
Oui, puisqu’ils sont tellement charitables, il faut le démontrer. Par l’action. Ils ont deux ou trois villas chacun. Ils ouvrent une de leurs villas, et la mettent à la disposition des SDF.
Donc après, ils peuvent aller dans la maison de vacances.
Oui !
N’est-ce pas irréaliste ? Pensez-vous que Carole Bouquet par exemple va aller ouvrir sa villa en Toscane pour les SDF ?
Je ne sais pas combien de maisons elle a, mais elle en a plusieurs. Si elle en donne déjà une, sur cinq ou six, j’en sais rien (qu’elle ne me fasse pas un procès, je ne sais pas combien elle en a, et ce n’est pas un crime d’avoir des logements), si elle en met une à la disposition des SDF, cela sera très bien. Et comme beaucoup ont plein de logements à Paris, bien situés, etc., si chacun fait ça, je crois qu’on ne verrait plus de SDF à Paris.
Vous proposez la retraite à 60 ans et la retraite à 65 pour les députés. Vous avez 69 ans, et vous êtes toujours député…
Oui, absolument.
Alors, que ne commencez-vous pas par vous-même ?
Pourquoi vais-je commencer par moi, alors que les UMP et les autres vont rester ? Je suis pour la justice, je vous l’ai dit.
Oui, mais à 69 ans, vous avez la patate. Pourquoi voudriez-vous être à la retraite ?
Parce que j’aimerais bien être à la retraite. S’il y avait la proportionnelle, je ne serais plus député. J’ai perdu un fils, j’ai perdu mon épouse, vous croyez que… bon.
Vous voulez dire que si le mode électif des députés était à la proportionnelle, le Parti communiste ne ferait pas assez de voix pour que vous soyez député ?
Non, ce n’est pas ça. Je dis simplement que moi, j’aurais changé, j’aurais présenté quelqu’un à ma place. Et j’aurais pu être élu sur une liste à la proportionnelle. Tandis que là, comme c’est le scrutin majoritaire, si ce n’est pas moi qui me présente, évidemment, mon candidat ne serait pas élu.
Je vous vois comme un passionné, et je me dis « même pas payé, il le ferait ».
Bien sûr !
Absolument. Et n’en ai plus l’occasion parce qu’il sait qu’il ne doit plus me la serrer.
Pourquoi ?
Je respecte tous les chefs d’État, je respecte tous les ministres, je respecte tous les hommes politiques. Mais quand un président de la République, qui à l’époque n’était pas président de la République, précisons-le de suite, il était ministre de l’Intérieur, vous fait un donnant-donnant entre…
Que s’est-il passé ?
Un couple de cheminots de Longo est venu me voir en disant « On a adopté une petite Marocaine abandonnée au Maroc, tous les papiers sont réglés, j’ai la préfecture, etc. » et au dernier moment, l’ambassade lui dit : « Nous au Maroc, l’adoption, on ne sait pas ce que c’est ». Donc j’interviens à Marrakech, mais ça ne bouge pas. Je rencontre le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy. À l’époque, je lui dis : « Écoute, c’est un geste humain que je te demande, tu prends ton téléphone, et cela se règle ».
Et cela débloque la situation.
Il me répond : « T’inquiète pas, je vais te régler ça dans les 48 heures ». Malheureusement, la canicule arrive. Et nous avons un drame immense où le gouvernement était absent de tout ! Donc on crée une commission d’enquête parlementaire sur les causes, les conséquences et les responsabilités sur cette canicule où personne n’a bougé.
Vous en faites partie, et parmi les personnes interrogées…
… On auditionne M. Sarkozy, ministre de l’Intérieur, et je lui demande devant toutes les caméras, devant les radios et tous les journalistes : « Monsieur le ministre, comment se fait-il, vous qu’on appelle Lucky Luke, vous qui tirez plus vite que votre ombre, que je ne vous aie pas vu ? Où étiez-vous ? »
Pendant la canicule…
Oui. « Vous avez l’air tout bronzé, mais je ne vous ai pas vu à ce moment-là, vous étiez absent comme tout le monde. Premièrement, où étiez-vous ? Deuxièmement, on ne vous a pas vu, le gouvernement non plus, il n’y avait plus personne, c’est une responsabilité collective. Mais vous avez une responsabilité particulière, vous êtes ministre de l’Intérieur, nous avons auditionné le préfet de police de Paris qui nous a expliqué qu’il faisait un rapport chaque jour et qu’il allait vous le porter au ministère de l’Intérieur. Qu’est-ce que vous avez fait de ces rapports ? »
Quel lien avec la petite Marocaine ?
J’y viens. Quelque temps après, je suis à la buvette de l’Assemblée. Sarkozy arrive avec ses dix personnes, son grand entourage. Je lui balance : « Dis donc, ma petite Marocaine, ce n’est toujours pas réglé ». Et là (je le verrai toujours, j’en rêve parfois) il me dit : « Toi, comme les autres, tu dois savoir qu’avec moi c’est toujours donnant-donnant ». J’ai dit : « Quoi ? Tu veux te venger sur moi à travers une petite fille abandonnée ? Si on n’était pas à l’Assemblée nationale, je te foutrais mon poing dans la figure. Alors premièrement, tu dis à tes dix mecs d’aller se faire voir ailleurs, ils n’ont rien à faire ici, à la buvette de l’Assemblée parlementaire. Deuxièmement, toi, tu vas sortir aussi. »
Vous avez dit ça à Sarkozy, ministre de l’Intérieur ?
Évidemment ! « Tu vas sortir, et si tu ne sors pas, moi je vais te sortir, avec mon pied aux fesses ». Voilà, c’est tout simple. Alors il a bredouillé « ouais, ouais ». Il est sorti. Et je lui ai dit : « Maintenant, quand tu me vois sur un trottoir, change de trottoir, et jamais plus je ne te serrerai la main, parce que je considère que c’est indigne vraiment de vouloir se venger sur quelqu’un, t’as pas le courage de te venger sur moi, c’est sur la petite abandonnée que tu te venges ».