Thierry Lhermitte
28 janvier 2010
PV : Thierry Lhermitte, bonjour. Pour qui ne vous connaîtrait pas, vous avez joué dans Le Père Noël est une ordure, dans les trois Bronzés, dans Le Dîner de cons, dans Un Indien dans la ville, dans Les Ripoux, et vous êtes à l’affiche du Siffleur, dans lequel vous jouez un promoteur immobilier un peu véreux. Le film est tiré d’un roman de Laurent Chalumeau, qui s’appelle Maurice le Siffleur. Et Chalumeau avait décrit cet agent immobilier dans son bouquin comme « quelqu’un comme Thierry Lhermitte ». Et vous aviez lu le bouquin avant, sans savoir que cela allait être un film. Cela fait quoi quand on lit dans un bouquin « quelqu’un comme Thierry Lhermitte » ?
Cela m’a fait rigoler.
Surtout si le mec est un peu con, qu’il ne bande pas et qu’il est plutôt véreux et malhonnête.
Il ne m’a pas collé toutes ces charmantes qualités. Il a fait un mec extrêmement malhonnête, mais avec un fond – c’est ce qui est bon dans les romans de Chalumeau, c’est-à-dire que tous les personnages ont un rêve.
Est-il vrai que jamais vous ne lisez les critiques ?
Oui, c’est vrai. Je ne lis pas les trucs de cinéma en général.
Celles qui vous concernent ou aucune ?
Franchement, je lis quelques journaux, mais jamais les pages Culture.
Même pas les pages Cinéma ?
Non. En ce qui me concerne, c’est pour ne pas en être blessé, c’est sûr. En ce qui concerne les autres, cela ne m’intéresse pas… Enfin, en tout cas, je n’ai pas trouvé de journaliste dont l’opinion correspondait à celle que j’avais, voilà. Il y a une règle assez marrante. Pour les comédies populaires, si vous avez une bonne critique dans Le Monde, Télérama, Libé et Les Inrocks – je parle pour une comédie populaire –, c’est que le film ne marchera pas. Tout simplement parce qu’ils ont vu, avec sincérité et intelligence, que justement ce n’était pas populaire, et c’est ça qui leur a plu. Ils ont vu le truc qui était décalé, différent. Je ne parle pas de qualité, juste que ce ne sera pas populaire et cela ne marchera pas. C’est assez marrant.
Je me souviens d’un papier du Parisien je crois, le lendemain de la sortie des Bronzés 3. Le titre était « Un démarrage décevant », or jamais dans l’histoire du cinéma français un film n’avait fait autant d’entrées un premier jour…
Oui, absolument, c’était un record de mercredi.
Et je me souviens m’être demandé « si ça, c’est décevant, qu’est-ce qui n’est pas décevant ? »
Voilà pourquoi je ne lis pas la presse. Et surtout plus Le Parisien ni Aujourd’hui, depuis le film d’Alain Chabat, RRRrrrr !!! (avec les Robin des Bois) : ils avaient mis en énorme « C’EST NUL ». C’est dingue, parce qu’il n’y a rien d’autre dans le monde, donc l’information importante de ce jour-là est de dire que RRRrrrr !!!, c’est nul. Je ne sais pas si c’était nul ou pas, je n’ai pas vu le film – ma fille l’a vu et s’est vraiment marrée.
Je vais les défendre : il y a un petit jeu de mots avec Chabat/Les Nuls…
Ce qui me choquait, ce n’est pas l’opinion – on peut ne pas aimer, mais l’information importante, c’est d’aller dire du mal d’un film le premier jour. J’ai trouvé cela sidérant. Donc j’ai arrêté de lire ce journal.
Vous êtes très engagé (rien à voir avec le cinéma) dans la recherche scientifique et médicale, très engagé dans les œuvres caritatives comme le Téléthon. Comment aviez-vous jugé les déclarations de Pierre Bergé qui avait très sévèrement critiqué le Téléthon justement ? Il avait lâché « 100 millions d’euros pour le Téléthon, cela ne sert à rien ».
C’est horrible, j’espère que ses mots ont dépassé sa pensée. Je crois que c’est un monsieur qui aime bien la polémique, voilà. J’étais navré d’entendre cela, parce que ce que le Téléthon a fait, c’est absolument hallucinant. Effectivement, je suis parrain de la Fondation Recherche Médicale depuis cinq ans. C’est une fondation créée par les grands professeurs de l’après-guerre, Hamburger, Bernard, etc. C’est très important, elle distribue 30 millions d’euros par an. Puis, il y a un OVNI dans la recherche médicale, c’est le Téléthon. Le Téléthon a été fondé par l’AFM (Association française contre la myopathie), et Bernard Barateau, Pierre Birembaut, deux hommes dont les fils étaient atteints de myopathie. À l’époque, il n’y avait pas de traitement, pas de recherche. C’était une maladie dégénérative… Quel était l’avenir de leur enfant ? De se dégrader et de mourir. Maintenant le problème du Sidaction : il n’y a pas assez d’argent, j’en suis navré, je souhaiterais qu’il y ait beaucoup plus d’argent pour le Sidaction, bien sûr. Mais d’aller dire qu’il y a trop d’argent pour le Téléthon, ce n’est pas bien, c’est absurde. J’ai un petit parallèle qui me semble amusant. Pierre Bergé a dit : « Il y a trop d’argent, cela ne sert à rien, c’est populiste, et cela vampirise l’argent des dons ». Tout est faux. C’est comme si moi, producteur et acteur, je disais : « Il y a trop d’argent pour les Ch’tis, je trouve que c’est populiste, alors les gens qui sont allés le voir, c’est pas bien, parce qu’on les fait rire avec des trucs qui sont pas bien, alors les Ch’tis devraient me redistribuer de l’argent parce qu’ils en ont trop eu ». C’est aussi absurde que ça.
Je crois avoir découvert qu’on avait tous les deux un point commun, qui ne se remarque pas comme ça : est-il vrai que vous souffrez vous aussi de prosopagnosie ?
Absolument.
Je vais dire ce que c’est. Vous ne reconnaissez pas les visages.
J’ai du mal à reconnaître les visages, et vous aussi.
Oui mais c’est à vous de raconter.
C’est un réel problème !
Cela se manifeste comment ?
J’ai vraiment du mal à reconnaître un visage. Je sais que je l’ai déjà vu. Il y a un signe qui est assez clair, cela m’est arrivé dans la vie cinquante mille fois de me présenter plusieurs fois à la même personne dans une soirée : « Bonjour, Thierry Lhermitte »…
… parce que vous étiez bourré…
… pas du tout. Dix minutes plus tard (je n’avais pas le temps d’être bourré à cette vitesse…), « Bonjour, Thierry Lhermitte », « On s’est déjà vu », « Pardon ? » Et une troisième fois, c’est horrible, je mets ça sur le compte d’une blague, mais c’était sincère.
L’exemple le pire qui vous soit arrivé ?
C’est lors des travaux du deuxième Splendid, quand débarque une jeune femme, où je me dis que j’ai déjà vu ce visage. Quand soudain, je percute : « Ah oui ! C’est ma sœur ! » Je ne l’avais pas vue depuis un an parce qu’elle était aux États-Unis. Le temps qu’elle s’approche de moi, c’était revenu, mais c’est dingue que ce ne soit pas immédiat.
C’est quelque chose qui est très préjudiciable dans un métier comme le vôtre.
Oui.
Parce que ne pas reconnaître quelqu’un, cela peut être pris comme le fait d’avoir la grosse tête. Quand est-ce que cela vous a joué des tours ?
Je me souviens d’une soirée chez Christian Clavier. Il y avait François Leterrier qui est un metteur en scène, et je l’ai pris pour un agent, et donc je lui ai parlé toute la soirée en lui disant « vous n’avez qu’à demander à votre secrétaire ». Et quand on en a parlé après, il me disait « Mais de quoi il me parle Lhermitte ? Je n’ai pas de secrétaire ! » Il y a aussi deux personnes que je confonds régulièrement, deux producteurs qui se ressemblent un peu, c’est horrible. Je crois qu’une fois je me suis fait gauler, et le type est parti, il a tourné les talons parce que je ne le reconnaissais pas.
Est-il vrai que parfois, le dimanche, vous allez dans une ferme pour choisir un poulet ou un lapin ? Vous racontez que vous tuez vous-même le poulet ou le lapin.
J’ai dit à une journaliste que j’allais à vélo avec ma remorque à l’arrière du vélo, en Seine-et-Marne, une cinquantaine de kilomètres, que j’allais cueillir mes légumes bio, tuer le poulet ou le lapin, et que je ramenais tout ça dans ma remorque à Paris. Et elle me dit : « Ça doit être lourd pour rentrer ? », « Oui, mais ça descend ». (Rires)
Mais c’est vrai ou faux ?
C’est entièrement faux.
Thierry Lhermitte, vous aimez faire des farces. Est-il vrai qu’un jour vous avez loué un chippendale à un producteur que vous trouviez coincé ?
Oui, c’était une petite vengeance. Ce n’est pas méchant, ça, quand même. Petite vengeance…
Surtout s’il aime les chippendales, c’était un cadeau.
Il détestait les chippendales, mais j’étais assez fier de ma blague. C’était dans un festival, un dîner en smoking, avec cinq cents personnes, etc. Cela se passait aux États-Unis, j’étais en tournage. Et je dis au maquilleur que je voulais faire une blague. Il se renseigne dans cette petite ville des États-Unis où il y avait le choix entre une stripteaseuse, un chippendale et un nain avec des seins, c’est pointu comme truc… Alors, j’ai choisi le chippendale. Le type est venu, il a lancé la musique et il s’est désapé devant le producteur… c’était bien parce que tout le monde regardait en se disant « mais c’est quoi ce truc ? »
Devant tout le monde au restaurant ?
Oui, devant cinq cents personnes.
Et on pensait que c’est le producteur qui l’avait réclamé ?
Oui, ou alors que c’était le cadeau d’un très bon ami qui connaissait bien ses goûts !