Sanseverino
23 février 2010
PV : Vous êtes auteur, compositeur, chanteur. Vous avez obtenu une Victoire de la Musique en 2003. Vous vous êtes fait connaître avec le tube Les embouteillages. Et vous sortez votre quatrième album Les faux talbins. Vous aviez été un des premiers à relancer la musique manouche, et maintenant elle a la cote (voir Thomas Dutronc). C’est pour ça que vous avez arrêté ?
Oui, cela fait partie des raisons. Comme il y a beaucoup de gens qui font ça. Le truc continue à me plaire, mais ressortir un autre disque de swing, je trouvais que c’était une perte de temps. C’est un style de musique que j’utilise tout le temps, même hors tournée, dès qu’il y a l’occasion de faire un peu de musique comme ça, j’y suis.
C’est bizarre le verbe que vous employez pour parler de musique, vous dites « utiliser » ?
Oui.
Ce n’est pas moi qui ai inventé ça. J’utilise les rythmiques, je prends tout le temps ce verbe.
Pourquoi ?
Ce n’est pas moi l’inventeur, je n’ai pas inventé le swing, la pompe manouche s’est inventée toute seule avec Django, etc. J’écris les paroles mais j’utilise des rythmiques et des musiques. Dans mon album, il y a des passages country, des trucs rock. J’appelle ce genre « country-rock yougoslave ». C’est de la musique qui existait déjà avant. Je l’ai étudiée le plus possible pour la jouer au mieux, mais ce n’est pas de la vraie création, c’est de l’utilisation de musique existante.
Votre dernier CD s’appelle Les faux talbins – en argot, les faux billets. Pourquoi ce côté voyou ? Qu’est-ce qui vous plaît dans ces histoires de malfrats ?
Ce n’est pas le côté voyou qui me plaît, c’est certains trucs classe. Je trouve que les bandits et les gangsters dans les scénarios d’Audiard ont un côté classe élégant. Ils truandent pour l’urgence de vivre et non pour la réussite sociale ; c’est toujours des maquereaux pour la plupart, donc évidemment il y a un côté souteneur pas sympa. C’était un peu avant la came et avant que la mafia ne devienne atroce. Après la prohibition et avant la came, les gangsters piquent des banques, dévalisent des trucs, ils ont des deals d’alcool dans des cafés, mais ils ne sont pas complètement méchants.
Vous employez un oxymoron à ce sujet : « C’est des délinquants sympas ».
Oui. Tous les personnages des films d’Audiard à mon sens sont sympas, même s’ils fusillent des mecs à bout portant.
Mais le son est sympa. Ils tuent paisiblement, cela fait « touh ! » Ce n’est pas comme dans les films où Vin Diesel s’énerve et descend tout le monde à coups de kalachnikov.
Sur scène, vous chantez « Mort aux vaches, mort aux condés ».
Oui.
Est-ce que vous avez déjà été inquiété par la police ?
J’ai été inquiété par la police…
Je voulais faire un parallèle avec le groupe de rap qui appelait au meurtre de policiers et qui a eu la visite gendarmes à 6 heures du matin.
Non. Moi, je chante une vieille chanson traditionnelle qui s’appelle Cayenne, et je n’ai jamais eu de souci perso avec les flics, ni de problème de censure potentielle. Je fais ça avec le sourire.
Ce n’est pas un véritable appel au meurtre.
Non, absolument pas.
Disons que c’est un appel au meurtre sympa…
Voilà ! Avec le silencieux… Mais j’ai le droit d’avoir des contradictions quand même ! Mais c’est vrai que là, je ne suis pas pour le meurtre d’un flic, bien qu’il y ait des sales cons dans la bande, mais pas tous.
Sanseverino, vous êtes vu comme une sorte de rebelle un peu libertaire, cool avec ses tatouages. Comment se fait-il que ce soit vous qui ayez fait la voix d’un spot radio pour l’interdiction de fumer dans les lieux publics ?
Chacun fait ce qu’il veut…
D’une certaine manière, j’ai trouvé pas mal qu’on arrête de fumer dans les lieux publics.
D’abord, j’explique pour ceux qui ne savent pas, vous aviez écrit une chanson antitabac.
Une chanson qui parlait simplement des produits et des mensonges autour de la cigarette. Un paquet de clopes qui vaut 4 ou 5 euros, il y avait quand même écrit dessus « Fumer tue ». Et ma chanson parle de l’hypocrisie qu’il y a de vendre un truc très cher, avec plein de produits dégueulasses dedans, en ayant l’esprit tranquille parce qu’on a prévenu les gens. C’est devenu un peu une chanson antitabac, et du coup, quand ils m’ont proposé cela, je me suis dit « cela me fait marrer, cela va en faire chier deux ou trois ». Effectivement, cela a fait chier deux ou trois personnes, deux ou trois copains… Oui, c’est vrai, j’ai fait deux trucs pas trop glorieux, comme quand j’ai soutenu la loi Hadopi avec du courage, c’est tout ce que j’ai pu faire. J’ai regretté, j’ai reçu des mails d’injures, etc.
Vous regrettez le soutien à la loi Hadopi1 ?
Non, je ne regrette pas, mais j’ai reçu pour la première fois des mails d’injures, des gens qui me disaient « t’es complice de Sarko », cela fait bizarre.
Vous leur répondiez ? Parce qu’on peut répondre à un mail…
Oui, le plus possible.
Je répondais pourquoi je l’ai fait. En argumentant du mieux que je pouvais.
Vous auriez pu répondre « casse-toi pauv’ con » ?
Ah oui, ça aurait été drôle. Mais il y a des gens que je ne connaissais pas.
Ah, vous ne dites ça qu’à vos potes ?
Oui, bien sûr !
Est-il vrai qu’un jour on ne vous a pas laissé entrer au Martinez, le fameux palace de Cannes, alors que vous étiez pourtant client de l’hôtel ?
Oui. Je n’étais pas tout à fait un client de l’hôtel, j’étais dans l’équipe technique de Michel Fugain, donc on donnait le concert au Martinez, et on avait des chambres, très loin en haut derrière au fond. On a été se balader sur la Croisette, et en revenant on n’a pas pu rentrer, on a dû rentrer par la porte des loufiats.
Pourquoi ne vous ont-ils pas laissés rentrer ?
Parce qu’on avait des dégaines de rockers. Je devais être en short, avec des grosses boucles d’oreille, la tête rasée.
Tatouages ?
Non, à l’époque, je n’étais pas encore piqué, j’en avais zéro. Mais une dégaine qui ne va pas avec le hall de l’hôtel, que je n’ai jamais vu d’ailleurs, je ne suis jamais rentré dans le vrai hall, je ne connais que la porte de côté, l’entrée de service.
Est-il vrai que dans une manifestation un CRS est venu vous demander un autographe ?
Oui. Dans les premières manifs des intermittents. J’étais parti avec un groupe faire une action dans une télé, dont j’ai oublié le nom, je crois que c’est TV5. On est donc arrivé pour bloquer l’antenne et passer nous-mêmes à l’antenne. Donc on est rentré dans le lobby, et là le service de sécurité a fermé derrière nous. Ensuite, les CRS ont déboulé, et on ne pouvait plus sortir. Donc on attendait comme ça. Et un CRS est venu m’alpaguer « Dis donc, est-ce que c’est bien toi ? Mon père t’adore, tu peux me signer un autographe pour mon père ? » Je lui ai signé.
Loi visant à lutter contre le téléchargement pirate sur internet.