Testicules d’animaux

Claire Castillon

23 novembre 2010

Bonjour (voix basse)

Oui, c’était vraiment ça.

Non, je n’ai pas fait exprès. Le jeu de mots était totalement fortuit. En revanche, l’idée m’est venue parce qu’un jour une lectrice m’a dit « Vous écrivez comme on pousse des cris de langouste, et le cri de langouste, on ne l’entend pas, c’est le seul qu’on ne peut pas entendre et il paraît que c’est pourtant le plus fort de tous ».

Quand on la trempe dans l’eau, on imagine le hurlement ; quand elle est vivante et qu’on la met dans l’eau bouillante, c’est ce cri-là qu’on n’entend pas, mais qui est évidemment ignoble…

Mais je comprends quand même ce truc de décibels audibles seulement par ceux qui auraient l’oreille très fine ou l’oreille très sensible, ou l’oreille accrochée au cœur…

Il m’arrive d’en enlever un ou deux qui sont plus lourds encore…

Je n’ai pas fait l’école du rire, je n’essaie pas non plus d’en faire et parfois je me rends compte que…

Non ! (Rire)

Oui, c’est atroce. Vu comme ça, c’est terrible. J’arrête…

Oui, à fond. Mais alors, lu comme ça, on est mort de rire.

Non, je ne m’en fiche pas du tout. Je trouve cela assez inouï en fait.

J’ai eu la chance de ne pas en avoir beaucoup. J’en ai eu peut-être trois ou quatre dans ma vie d’écrivain. J’en ai eu une récemment qui m’a vraiment mise à plat parce que je me suis demandé ce que j’avais bien pu faire…

Oui ! J’ai eu l’impression d’avoir assassiné toute sa famille pour mériter cela.

D’ordinaire, je me relève dans l’heure qui suit, même dans les dix minutes. Comme je venais de perdre quelqu’un quand j’ai lu ce truc, le même jour, j’ai eu une espèce de vraie violence intérieure en me disant que c’était affreux.

… qui, lui, écrit bien, pour le coup…

Oui, mais je n’étais pas cachée. Je ne savais même pas que les postes étaient filmées. En fait, j’avais un bonnet puisque c’était l’hiver, et un manteau. Les lunettes, peut-être parce que je ne les avais pas enlevées.

Je ne vous le dirai jamais, je ne l’ai même pas dit à la police, alors je ne vais pas vous le dire à vous ! (Rires) En revanche, qu’est-ce qui s’est passé dans ma tête ? Cela rentrait dans une autre histoire. Il avait fait un papier certes très bien écrit sur ma vie, un peu privée à l’époque, donc cela m’avait énervée. Je lui avais répondu un courrier signé auquel il avait répondu de façon encore très ironique. Et un jour, j’étais avec un ami et on s’est dit « on envoie ça, c’est marrant »… Sauf qu’on m’a expliqué ensuite le problème juridique de la menace… En fait, si vous dites à quelqu’un « je vais te gifler » et que vous n’avez pas de bras, cela compte quand même, c’est une menace…

Exact. Mais il ne faut pas dire cela, paraît-il, quand on écrit des livres ou quand on fait des choix. Mais moi, je l’ai vraiment fait parce que j’avais besoin d’argent et que c’était vite gagné.

J’aurais préféré… l’état des routes… (Rires)

Pas maintenant, mais à l’époque cela m’avait bien arrangée et je m’étais dit comme je n’avais pas le câble, je pensais que personne ne le verrait.

Je ne raconte pas de trucs vraiment dingues, mais quand on reste deux ou trois heures avec un journaliste qui veut absolument qu’on lui sorte des choses pour son papier, mais qu’on ne boit pas un truc particulier en écrivant et qu’on ne se drogue pas et qu’on n’a rien à raconter de vraiment folichon, on cherche et on cherche, et au bout d’un moment, si on nous dit « Qu’est-ce qu’un homme a fait de fou pour vous ? », en effet j’ai dû raconter cela, mais c’est vraiment quand je suis à bout…

(Rires) Quand j’ai commencé à écrire, j’ai fait une première interview, on m’a posé toutes les questions qu’on me pose depuis : où est-ce que j’écris, si j’écris sur un ordinateur, ce que je mange, ce que je bois, et du coup, j’avais tellement pas d’idées que j’avais balancé que je ne pouvais pas travailler quand ma cuisine est sale – qui a été le titre de l’article… Depuis, quand je commence une interview, on me dit « Est-ce que vous pouvez travailler quand votre cuisine est sale ? »…

Je n’ai jamais été très douée en interview.