J’ai commencé par être mauvais

Hugues Aufray

28 août 2009

Je le pense vraiment. Je vous explique pourquoi. Je suis gaucher, et les gauchers font tout à l’envers. Donc j’ai commencé par être mauvais et je finirai par être bon.

Oui, je manque un peu de folie pour faire le métier d’artiste. Le public s’intéresse beaucoup aux gens qui sortent de l’ordinaire. Moi, d’une certaine manière, ce que j’ai d’extraordinaire, c’est que je suis presque parfait.

Je plaisante, bien sûr ! Je veux dire que je suis peut-être trop raisonnable.

Non, je n’ai pas été invité tout simplement (même si j’ai été invité par Michel Drucker une autre fois).

Il y a des oublis et il y a certainement des complots, des gens qui ne vous aiment pas.

Il faut leur demander. Le principal n’est pas de savoir si Aufray a chanté aux Enfoirés. C’est de savoir si, grâce aux Enfoirés, il y a des gens qui mangent. C’est ce qui compte. Le reste n’est pas important.

Bien sûr !

Parce que je ne vois pas pourquoi on attaque des gens qui font un travail. Presque tous les artistes que je connais sont issus d’un concours, que ce soit Françoise Hardy, Richard Anthony, Dalida jadis, etc.

Moi-même.

Serge Gainsbourg.

Non, il ne l’était pas. La vie est un concours, un concours de circonstances. Interrogez le spermatozoïde qui est à l’origine de votre existence, s’il ne s’est pas battu pour y arriver.

C’est un hommage. Bob Dylan a marqué cette fin du XXe siècle. Pour moi, le seul chanteur authentique d’avant-garde actuellement. Il est devant tous, par son modernisme, son honnêteté et sa force d’écriture. Je l’ai découvert en 1961, j’ai été un des tout premiers au monde. J’ai traduit ses chansons alors que je parlais à peine l’anglais, je ne comprenais même pas ce qu’il disait.

Parce que les jeunes ne le connaissent pas ! Ils connaissent le nom, mais pas lui ! Il faut savoir que Bob Dylan dans le monde est une énorme vedette. C’est l’homme qui fait le plus grand nombre de galas depuis vingt ans. Mais en France, il est complètement sous-produit, sous-estimé pour une raison très simple : il ne donne pas d’interview, et ça, les journalistes ne le lui pardonnent pas – les journalistes français, bien entendu.

Vous avez bien fait de la placer à part. Le jour où Ingrid Betancourt était reçue à l’Élysée, j’étais invité moi-même. Le président me demande ce que je préparais pour la rentrée, je réponds : un disque hommage à Bob Dylan en duos. À ce moment-là, Carla Bruni est arrivée. Elle a entendu « hommage », « Dylan » et « duos », et m’a dit « Hugues, je veux chanter avec toi (elle m’a tutoyé) Don’t Think Twice et It’s All Right en do majeur. J’ai dit « cochon qui s’en dédit », elle m’a tapé dans la main et elle est venue en studio.

Il est même venu à l’enregistrement. Il m’a dit : « Mon Dieu, comme elle est belle quand elle chante ! » Et il avait raison.

Oui, c’est le costume qui me convient le mieux. Il ne vous situe pas socialement. C’est un costume d’ouvrier à l’origine, il ne faut pas l’oublier. J’ai réussi à l’imposer parce que j’ai quand même été exclu du Fouquet’s et d’une émission de télévision au Canada parce que je portais des jeans.

En 1972, j’ai été viré du Fouquet’s parce que j’étais habillé avec blouson et pantalon de jeans.

J’ai fait du cinéma avec Brigitte Bardot, mais j’ai quitté le plateau au bout de trois jours parce que je ne supportais pas le comportement du metteur en scène (Clouzot) qui était d’une très grande brutalité verbale – pour ne pas dire d’une très grande vulgarité – avec moi. Je débutais. Il paraît que c’était sa méthode pour faire ressortir soi-disant le meilleur du comédien, cela n’a pas marché avec moi. Et grâce à lui, j’ai conçu une haine pour le métier de comédien. Je n’avais pas cette nature et je n’ai jamais fait de cinéma à cause de lui. Je suis rentré chez moi, j’ai dit à ma femme : « On arrête, je ne suis pas fait pour ce métier de comédien ». Trois jours après, Samy Frey, qui était à l’époque une sorte de beau-frère puisqu’il vivait avec ma petite sœur Pascale Audret, est allé tourner avec Bardot. Le lendemain il avait changé de lit…

Non ! C’est encore une légende. Je dis simplement que le sexe masculin est programmé d’une façon différente du sexe féminin, et le mâle a tendance à se disperser.

Comme tous les chanteurs en tournée, on se balade. Je dis tous les chanteurs, mais les hommes politiques, les hommes d’affaires, tout le monde.

Je suis très fidèle. Toutes vos questions sont tellement importantes qu’il faudrait encore beaucoup plus de temps pour y répondre sérieusement.