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Installé derrière le volant de la voiture de luxe de Nadia, Gigi fumait à la chaîne. Il utilisait le mégot encore fumant de sa cigarette pour allumer la nouvelle et les grillait les unes à la suite des autres. D’une chiquenaude, il balançait par la fenêtre le bout de cigarette sur le pavé, sans prendre la peine de l’éteindre.
Garé à quelques mètres de la gendarmerie, il surveillait la porte d’entrée, tout en écoutant de la musique rock qui jouait à plein volume à la radio. Dès qu’il aperçut Nadia, il klaxonna pour signaler sa présence. Le repérant, elle lui fit signe de la main. Il démarra la voiture et fit de nouveau un geste qui traduisait son impatience. Au pas de course, elle vint le rejoindre. Il se pencha pour lui ouvrir la portière.
— Tu en as mis du temps ! Qu’est-ce que les flics cherchaient à savoir ? demanda Guerra.
— Tu plaisantes ? dit-elle.
— Ils t’ont questionnée à mon sujet ?
— Qu’est-ce qui te laisse croire qu’ils s’intéressent à toi ? C’est de ma mère et de mon père qu’il s’agit.
Guerra lui tapota gauchement l’épaule et l’embrassa.
— Tu as raison, je suis bête. Écoute, que dirais-tu de partir en voyage pour te remettre de ce choc ? Yann nous offre deux billets ouverts pour Tahiti. Ça te plairait d’y aller ? Nous pourrions partir une fois que les choses se seront tassées un peu. Je sais qu’il te faudra du temps pour accepter la perte de ta mère, mais quinze jours au bord de la mer nous feraient du bien à tous les deux.
— Elle n’est plus, je le sais, dit Nadia qui s’était mise à pleurer. On dirait que je vis un mauvais rêve et que je vais bientôt me réveiller. Ma mère est partie pour toujours. Il faudra que je m’y fasse. Tu sais, en revisitant mes souvenirs avec la commissaire Renard, je me suis rendu compte que la relation avec ma mère n’était pas toujours simple. J’éprouve de la culpabilité et je me reproche de ne pas en avoir assez fait. Mais tu sais, elle est vachement sympa, ce flic. Elle m’a dit que j’avais été une enfant mêlée à des histoires d’adulte. Il n’y avait rien que je pouvais faire et que je ne devais plus me culpabiliser.
— Tu sais, Nadia, elle a raison.
— Parfaitement raison, affirma Nadia. C’est pourquoi je dois continuer à vivre ma vie et c’est ce que je vais faire. Je crois qu’on devrait faire ce voyage.
* * *
À peine quelques jours après l’enterrement de sa mère, Nadia témoigna avec beaucoup d’aplomb à l’ouverture du procès de son père contre lequel pesait une accusation de meurtre. Le frère de Nadia avait refusé de comparaître. Il se disait orphelin depuis la mort de sa mère et se faisait maintenant appeler Serge Madry en sa mémoire. Georges Menskoï avoua sa culpabilité, se doutant qu’il n’échapperait pas à la justice. Il fut condamné pour homicide volontaire avec préméditation. Le juge prononça la sentence prescrite selon l’article de la loi et lui imposa une condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité.