La protohistoire de l’Égypte débuta il y a environ 8000 ans (± 6000 av. J.-C.). Des populations d’éleveurs berbères chassées du Sahara oriental par la péjoration climatique vinrent alors chercher refuge dans la vallée du Nil redevenue accueillante après la phase de Répulsion nilotique (± 13 000/ ± 6000 av. J.-C.).
L’histoire de l’Égypte dynastique commença cinq millénaires plus tard, vers 3200 av. J.-C. avec les règnes de Ménès et de Narmer les deux premiers pharaons (non véritablement attestés), pour s’achever en 332 av. J.-C. avec l’occupation de l’Égypte par Alexandre le Grand27.
Chronologies de la vallée du Nil et du Sahara oriental
± 8 050 / ± 3 450 av. J.-C. = Époque néolithique
Néolithique saharien ancien : | ± 8 050-5 950 av. J.-C. (Nabta Playa I et II.) |
Néolithique saharien récent : | ± 5 750-3 450 av. J.-C. (Nabta Playa III) |
Néolithique égyptien : | ± 5 700-4 700 av. J.-C. (Fayoum A) |
Néolithique nubien : | ± 5 700-5 200 av. J.-C. |
± 5 500/ ± 3 500 av. J.-C. en Égypte = Prédynastique
Badarien (Badari) : | ± 5 500-3 800 av. J.-C. |
Amratien (Nagada 1) : | ± 4 500-3 900 av. J.-C. |
Mérimdé : | ± 4 600-3 500 av. J.-C. |
El-Omari : | ± 4 200-4 000 av. J.-C. |
± 3 500 / ± 3 200 av. J.-C. en Égypte = Protodynastique
Gerzéen (Nagada II) : | ± 3 500-3 200 av. J.-C. |
(Nagada III) : | ± 3 200-3 100 av. J.-C. |
L’Égypte est triple car elle associe le Nil, le Delta et le désert. La crue du Nil dure quatre mois et elle inonde toute la vallée. C’est sur elle qu’était fondé le calendrier égyptien. Au nord, vers la Méditerranée, le Delta est aujourd’hui la grande zone agricole du pays alors qu’à l’époque dynastique, c’était un monde hostile, marécageux et infesté de crocodiles.
L’Égypte s’est trouvée au centre de deux influences, l’une, venue du Sahara28 et l’autre du monde oriental. C’est d’ailleurs à Badari (carte page XI), dans la partie de la vallée la plus ouverte à la fois sur l’est et sur l’ouest, que se constitua la première culture égyptienne (Midant-Reynes, 2000 : 164-16). De la même manière, plus tard, c’est à Nagada, au point de rencontre des pistes sahariennes et de celles de la mer Rouge qu’apparut la matrice culturelle d’où découle la civilisation égyptienne.
La naissance des entités ou proto-États qui précédèrent l’État pharaonique se fit dans un contexte de péjoration climatique, la sécheresse ayant repris après le bref épisode « humide » du Badarien. L’Égypte de cette époque était cependant différente de celle que nous connaissons aujourd’hui car elle était moins sèche. De part et d’autre du fleuve et de sa vallée, subsistait en effet un biotope encore partiellement favorable au pastoralisme parcouru par une faune typique de savane africaine comme les autruches, les antilopes, les gazelles diverses, les girafes ou encore les lions, etc. (Midant-Reynes, 1992).
Puis, à partir de ± 3500 av. J.-C. les hommes furent peu à peu contraints d’abandonner les régions limitrophes du Nil pour se concentrer sur son cordon vert où ils furent progressivement mis dans l’obligation de se sédentariser, abandonnant donc petit à petit au profit de l’agriculture un élevage devenu difficile sur des espaces de plus en plus restreints.
Aux origines de l’Égypte : le Prédynastique (± 5500 - ± 3500 av. J.-C.) et le Protodynastique (± 3500- ± 3200 av. J.-C.)
Le Prédynastique et le Protodynastique s’inscrivent dans une succession d’épisodes climatiques secs et humides.
Nous avons vu que durant l’Aride mi-holocène qui débuta vers ± 6 000 av. J.-C., se produisit un exode en direction de la plaine alluviale du Nil qui apparut une nouvelle fois comme le refuge naturel pour les populations pastorales de ses périphéries. Comme ces dernières s’y concentrèrent avec leurs troupeaux, le nomadisme disparut peu à peu et l’économie évolua vers la sédentarisation avec habitat groupé et pratiques agricoles. Cette nouveauté est le Néolithique, mouvement qui débuta avec le village de Fayoum A (Fayum) (carte page XI), dont les habitants cultivaient l’orge, les lentilles, les oignons, les pois chiches, le lin, vers ± 5700 ± 4700 av. J.-C. (Vercoutter, 1992 : 120-121). Jusque-là, le milieu naturel avait permis aux hommes la poursuite d’une économie de cueillette.
Vers ± 5500 av. J.-C., les débuts du Prédynastique sont attestés avec les grandes cultures classiques que sont le Badarien (du village de Badari) et l’Amratien (du village d’el Amra, carte page XI). Puis, avec le Nagadien (du village de Nagada), une véritable révolution se produisit quand la densité humaine devint plus forte dans un milieu où l’espace à conquérir avait disparu. Les habitants de la vallée du Nil furent alors contraints d’entreprendre des travaux collectifs communautaires destinés à augmenter les productions par l’utilisation efficace de l’inondation, donc de la circulation de l’eau et des limons alluviaux (Midant-Reynes, 1998 : 260).
Un tel système impliquant une rigoureuse organisation de l’espace et des hommes fut ensuite généralisé à l’ensemble de la vallée, Delta compris, durant le Protodynastique (± 3500/± 3200 av. J.-C.) ou phase dite de Nagada II. Cette période qui précède l’unification pharaonique vit l’habitat se concentrer.
Depuis ± 3800 av. J.-C., la vallée de la Haute Égypte était d’ailleurs comme parsemée de villages parmi lesquels Nagada et Hiérakonpolis paraissent alors dominer. Le processus d’unification qui avait débuté durant la période dite de Nagada III (± 3200 – 3100 av. J.-C.) s’était opéré de façon progressive. Vers ± 3500-3000 av. J.-C., trois entités paraissent exister : Hiérakonpolis, Nagada et Abydos, qui constituèrent trois confédérations ou proto-royaumes (Nekhen, Noubt et Thinis) (carte page VII) en compétition pour la domination de la Haute Égypte.
Toute la région du Delta au nord, jusqu’à la Nubie (Djebel Silsileh-Kom Ombo), avait une unité culturelle et économique précédant et préparant l’unité politique du début de la période pharaonique ou période archaïque, qui débuta vers ± 3200 av. J.-C.
La Première dynastie apparut vers 3200 av. J.-C., avant les règnes légendaires des pharaons Ménès et Narmer. L’histoire de l’Égypte dynastique commença ensuite avec la conquête de la Basse Égypte par la Haute Égypte, phénomène qui déboucha sur l’unification du royaume et l’installation de la capitale à Memphis, au point de digitation du Delta.
Dès cette époque, le pharaon fut le socle de la civilisation égyptienne dont il constituait le cœur du système politico-religieux. Sans lui, le monde se serait écroulé puisqu’il était le responsable de sa bonne marche, ses offrandes aux dieux, qu’il était seul habilité à faire, attiraient en effet leurs bonnes grâces sur l’Égypte.
L’Ancien Empire (± 2700 - ± 2200 av. J.-C.)
L’Ancien Empire fut longtemps désigné sous le nom d’Empire memphite (capitale Memphis). Cette période de consolidation de l’union entre la Haute et la Basse Égypte, du Delta à la Ire Cataracte, réserve encore bien des zones d’ombre.
Chronologie de l’Égypte dynastique
- 3200-3100 / ± 2700 av. J.-C. en Égypte = Période Thinite (capitale This) ou Période archaïque
Ire dynastie : | ± 3200/± 2890 av. J.-C. |
IIe dynastie : | ± 2890/± 2700 av. J.-C. |
± 2700 /± 2200 av. J.-C. en Égypte = Ancien Empire (du Delta à la Ire Cataracte), capitale Memphis.
IIIe dynastie : | ± 2700/± 2 620 |
IVe dynastie : | ± 2620/± 2500 |
Ve dynastie : | ± 2500/± 2350 |
VIe dynastie : | ± 2350/± 2200 |
± 2500 /± 1500 av. J.-C. en haute Nubie : royaume de Kerma
± 2300 /± 1600 av. J.-C. en basse Nubie : Groupe C
± 2200 /± 2050 av. J.-C. en Égypte = Première Période Intermédiaire
VIIe dynastie (Memphis)
VIIIe dynastie (Memphis)
IXe dynastie (Hérakléopolis)
Xe dynastie (Hérakléopolis) et début de la XIe dynastie
± 2050 /± 1800 av. J.-C. en Égypte = Moyen Empire (capitale Thèbes)
XIe dynastie
XIIe dynastie
± 1800 /± 1580 av. J.-C. en Égypte = Seconde Période Intermédiaire
XIIIe et XIVe dynasties
XVe dynastie (Hyksos)
XVIe dynastie (Hyksos)
XVIIe dynastie (Thèbes)
± 1580 /± 1078 av. J.-C. en Égypte = Nouvel Empire
XVIIIe dynastie
XIXe dynastie
XXe dynastie (?).
L’Ancien Empire29 (Vercoutter, 1992) est composé de quatre dynasties : les IIIe (± 2700/± 2630 av. J.-C.), IVe (± 2630/± 2510 av. J.-C.), Ve (± 2510/± 2350 av. J.-C.) et VIe (± 2350/±2200 av. J.-C.).
Il n’y eut pas de césure entre le IIe et la IIIe dynastie puisque le premier pharaon de la IIIe dynastie, Necherophes (ou Nebka) était apparenté au dernier souverain de la IIe dynastie, Khasekhmouy, dont il aurait été soit le fils, soit le petit-fils. Quant à Djeser, le second pharaon de la IIIe dynastie, c’était un petit-fils de Khasekhmouy.
La IVe dynastie qui a notamment bâti les trois pyramides d’El Gisa (ou Giseh), n’est pas mieux connue. Nous ne savons ni combien de pharaons doivent lui être rattachés ni leurs dates de règnes. Snéfrou (± 2575-2550 av. J.-C.) est célèbre pour les nombreuses expéditions qu’il mena contre les Bédouins du désert oriental et du Sinaï, contre les Nubiens et contre les Berbères sahariens. Son fils et successeur fut Khoufou (le Khéops des Grecs), le bâtisseur de la grande pyramide de Gizeh. Son successeur fut Khafré, un de ses fils, le Chéphren des Grecs, auquel succéda son fils Menkaouré, (le Mycérinus des Grecs), petit-fils de Chéops. Ces trois pharaons sont parmi les plus connus en raison de l’existence de leurs pyramides respectives. Il semblerait que le dernier souverain de cette dynastie soit Shepseskaf, fils du précédent, qui ne régna que quatre années.
La Ve dynastie qui accéda au pouvoir vers 2510 av. J.-C. est composée de neuf souverains. Elle est apparentée à la précédente puisque ses pharaons descendaient de Chéops. Le premier d’entre eux est Ouserkaf (± 2510-2500). Son successeur Sahouré (± 2500-2490), eut un règne marqué par de nombreuses expéditions, certaines, pacifiques et maritimes à destination du Liban et du pays de Pount, l’actuelle Somalie (voir la carte page XIV). D’autres furent guerrières et menées contre les Berbères de l’ouest ou contre les nomades sémites vivant dans le Sinaï.
Son frère Neferirkarê (± 2490-2480) lui succéda sans lustre particulier avant de laisser le trône à Shepseskarê (± 2480-2470), puis à Neferefré (± 2470-2460) et ensuite à Niouserré (± 2460-2430). Ce dernier, roi guerrier, élargit les limites des territoires contrôlés par l’Égypte. Ses successeurs n’eurent pas son relief, qu’il s’agisse de Menkaouhor (± 2430-2420) et de Djekaré-Isesi (± 2420-2380) qui semble avoir régné au moins quarante ans.
Le dernier pharaon de la Ve dynastie fut Ounas (2380-2350), roi guerrier vainqueur des ennemis traditionnels de l’Égypte et qui est parfois considéré comme le premier pharaon de la VIe dynastie.
La VIe dynastie qui succéda sans à-coups à la précédente30 pourrait avoir été composée de six souverains dont l’histoire comporte bien des zones d’ombre.
Le premier fut Teti (± 2350-2330) qui eut pour successeur Ouserkaré dont nous ne savons pas grand-chose. Le règne de Pépy I ou Pépi (± 2330-2280) qui dura cinquante ans est en revanche bien documenté par les sources. Durant ce demi-siècle, l’Égypte atteignit un sommet politique et culturel. À l’intérieur, l’administration fut réorganisée et en partie décentralisée ; à l’extérieur, le pharaon réaffirma la puissance de son pouvoir sur les nomades du Sinaï.
À la mort de Pepy I, vers ± 2280 av. J.-C., son fils Mérenré (± 2280-2270) lui succéda. Durant un règne de moins de dix années, il soumit la basse Nubie, c’est-à-dire les régions comprises entre la 1re et 2e cataracte qui s’étaient dégagées de leurs liens de dépendance vis-à-vis de l’Égypte à la fin de la Ve dynastie.
Son demi-frère Neterkhaou ou Pepy II (± 2270-2200) prit sa suite dans un règne qui marqua la transition entre l’Ancien Empire et la Première Période Intermédiaire. Monté enfant sur le trône, il mourut peut-être centenaire et eut donc un règne exceptionnellement long. Sa première partie fut particulièrement brillante car l’Égypte rayonna loin de ses limites historiques, jusque dans le pays de Ouaouat (carte page VIII), au sud de la 1re cataracte et même jusqu’au pays de Yam situé au sud de la IIIe cataracte.
Les armées de Pepy II razzièrent la Nubie, y faisant de nombreux prisonniers, capturant même les chefs de ces régions qui furent ramenés en Égypte avec leurs familles. Durant la seconde partie du règne, le pouvoir central s’affaiblit et, localement, des forces de déségrégation apparurent. Écrasés par les impôts et par les corvées, notamment celles concernant certains grands travaux, les paysans se révoltèrent et un début de famine se produisit. Profitant du climat d’anarchie qui se développait, les Berbères sahariens s’enhardirent et lancèrent des raids le long de la vallée du Nil. La mort de Pepy II mit un terme à la VIe dynastie.
La Première période intermédiaire31 sépare l’Ancien Empire du Moyen Empire. Elle est caractérisée par la dislocation du pouvoir central, son émiettement au profit des nomarques (provinces) et elle marque donc la fin de l’unité égyptienne. Durant cent cinquante ans, les frontières de l’Égypte furent menacées à l’ouest et au nord. À l’ouest, les populations berbères vivant dans l’est saharien et dont certaines étaient déjà plus ou moins égyptianisées, furent contraintes de fuir un Sahara oriental de plus en plus sec et elles vinrent encore davantage battre les limites de la vallée du Nil (Muzzolini, 1981 : 51). Au nord, le Delta fut occupé par des populations venues d’Asie et la Basse Égypte se divisa en plusieurs entités en lutte les unes contre les autres.
Les souverains ayant régné durant cette période peu connue de l’histoire de l’Égypte appartenaient à quatre dynasties, la VIIe et la VIIIe (capitale Memphis), la IXe et la Xe dynastie avec pour capitale Henesou, l’Hérakléopolis des Grecs, située dans la région d’Assiout. Les premiers pharaons de la XIe dynastie sont régulièrement rattachés à cette période généralement divisée en deux séquences. La première recouvre les VIIe et VIIIe dynasties durant lesquelles l’État égyptien continua à exister, même d’une manière symbolique ; quant à la seconde, elle est composée des règnes des souverains des IXe et Xe dynasties durant lesquels se produisit le morcellement territorial32. La XIe dynastie est à la jonction entre la Première période intermédiaire et le Nouvel Empire33.
La Première période intermédiaire s’acheva sous le règne de Mentouhotep II, pharaon de la XIe dynastie, qui réussit à rétablir l’autorité étatique sur l’ensemble de l’Égypte et dont nous ne connaissons pas les dates du règne.
Qui étaient les anciens Égyptiens ?
Cette question est régulièrement posée depuis que Cheikh Anta Diop a jadis affirmé avec une grande radicalité que l’Égypte était « Nègre ». Ses postulats34 sont aujourd’hui abandonnés pour plusieurs raisons :
- L’une, et non des moindres, est linguistique car l’ancien égyptien n’a pas de parenté avec les langues parlées en Nubie. Le nubien ancien appartient en effet au groupe linguistique nilo-saharien alors que l’égyptien se rattache au groupe afrasien (ou afro-asiatique). Il s’agit donc de deux familles différentes.
- Au point de vue physique, les Égyptiens anciens étaient des « Blancs » de type « méditerranéen », l’étude des momies permettant d’affirmer que les mélanodermes étaient très rares dans l’ancienne Égypte. Dans leur immense majorité, les momies égyptiennes sont en effet celles d’individus leucodermes ayant des cheveux lisses ou ondulés et non crépus (Hrdy, 1978 ; Rabino-Massa et Chiarelli, 1978)35. Quant aux squelettes, ils ne présentent pas de caractères négroïdes.
À partir du Ier siècle de l’ère chrétienne, les portraits peints à la détrempe sur panneaux d’acacia mis au jour au Fayoum reproduisent fidèlement les traits des défunts, l’usage étant apparu de recouvrir le visage d’une planche de bois avec leur portrait. Nous disposons ainsi d’une vaste documentation permettant d’affirmer que les habitants du Fayoum étaient à cette époque des « Blancs ». Rien ne permet de penser que ces « Blancs » auraient pu ethnocider des prédécesseurs noirs dont ils auraient pris la place (Walker, 1997 : 19-23).
- Grâce à l’étude des représentations artistiques, nous savons que les Égyptiens anciens avaient des codes bien établis lorsqu’ils se représentaient, les hommes en rouge et les femmes en teinte plus claire, parfois même blanche.
Chaque population étrangère était peinte selon des traits particuliers et selon sa « couleur ». Ainsi, quand les Égyptiens figuraient des populations comme les Syriens ou les Peuples de la mer, ils leur donnaient des teintes plus claires que la leur. Les Syro-Palestiniens étaient représentés avec un bandeau dans les cheveux et une barbe. Les Libyco-berbères vivant dans le désert et les oasis de l’ouest étaient quant à eux peints d’une teinte claire avec une curieuse coiffure de plumes, une mèche tombant sur le devant de l’oreille et un vêtement leur recouvrant le corps (voir l’illustration page II). Quand ils voulaient représenter des populations au teint plus foncé, comme les Nubiens, les Égyptiens utilisaient le cuivré (Vercoutter, 1996 ; Wildung, 1997). Les Soudanais étaient quant à eux toujours représentés en noir ou en cuivré foncé avec un profil négroïde, des cheveux courts et crépus et portant une boucle d’oreille et une plume. Sur toutes les autres peintures représentant des Égyptiens, le noir n’apparaît que pour la chevelure, jamais pour la peau.
- L’analyse des haplotypes36 du chromosome Y portant sur le polymorphisme de l’allèle37 p-49 a, Taq I des actuels habitants de l’Égypte démontre enfin que le fond ancien de peuplement de la vallée égyptienne du Nil n’était pas « nègre 38».
Trois haplotypes Y principaux se retrouvent dans la vallée du Nil. Dans l’ordre d’importance, le premier, à savoir le V est berbère ; il se retrouve chez 40 % des sujets étudiés avec des proportions allant de 52 % dans le Delta et la basse Égypte à 17 % en basse Nubie39. Le second, le XI, est d’origine orientale et (ou) éthiopienne et se retrouve chez 19 % des sujets. Le troisième, le IV, est d’origine sub-saharienne40. Marqueur des populations « Nègres », il ne se retrouve que chez 14 % des sujets étudiés. Inexistant dans le delta du Nil et la basse Égypte où seuls 1,2 % des sujets étudiés le présentent, il se retrouve en revanche à 39 % en Nubie entre Abou Simbel et la seconde cataracte (Lucotte et Mercier, 2003 : 63-66) (cartes pages IX et X).
La population de l’ancienne Égypte n’était cependant pas homogène au point de vue « racial » ou « morphotypique ». Du nord vers le sud de la vallée du Nil, c’est-à-dire vers la Nubie, le teint des Égyptiens était de plus en plus « cuivré », comme c’est d’ailleurs le cas aujourd’hui encore (John H. Taylor, Egypt and Nubia, 1991)41. Cependant, si les Nubiens qui vivaient entre les 1er et 4e cataractes, avaient bien le teint cuivré, ils n’étaient pas pour autant « Nègres ». Ce n’est que lorsque les Égyptiens du Nouvel Empire atteignirent la région de Napata, c’est-à-dire la 4e cataracte, qu’ils entrèrent en contact avec les « Nègres » et c’est d’ailleurs à partir de cette époque que les représentations de ces derniers deviennent courantes sur les peintures.
L’Égypte ancienne était donc le pays des « Blancs » et la Nubie celui des « Noirs ».
Enfin, et une fois encore, contrairement à ce que soutenait Cheikh Anta Diop, l’Égypte n’est pas à l’Afrique ce que l’antiquité gréco-romaine est à l’Europe car elle n’a pas transmis sa culture au reste du continent.
Le Moyen Empire (± 2064/ ± 1800 av. J.-C.)42
Le Moyen Empire qui dura moins de trois siècles englobe une partie de la XIe dynastie ainsi que la totalité de la XIIe. Il débuta avec les derniers souverains de la XIe dynastie (± 2137/± 1994 av. J.-C.).
Sous le long règne de Mentouhotep43 II (± 2064/ ± 2013 av. J.-C.), pharaon de la XIe dynastie, l’Égypte fut réunifiée44. L’administration fut ensuite réorganisée avec le début d’un mouvement de lutte contre la patrimonialité des charges des fonctionnaires provinciaux. L’expansion reprit ensuite en direction de la Nubie.
Mentouhotep III (± 2013 /-2001 av. J.-C.) succéda à son père pour un règne marqué par la consolidation de l’unité et par plusieurs expéditions militaires ou commerciales, dont une vers le pays de Pount (voir carte page XIV), vers 2005 av. J.-C. Dernier souverain de la XIe dynastie, Mentouhotep IV (± 2001/± 1994 av. J.-C.), eut semble-t-il, un règne pacifique.
La XIIe dynastie (± 1994/± 1797 av. J.-C.) est composée de six pharaons dont certains comptent parmi les plus illustres de l’histoire de l’Égypte dynastique.
Le premier d’entre eux est Amenemhat Ier (± 1994/± 1964 av. J.-C.)45 dont la priorité fut de protéger l’Égypte des Berbères sahariens, des Nubiens et des nomades du Sinaï qui, tous, cherchaient à s’infiltrer dans la vallée du Nil. Il lança plusieurs expéditions militaires, notamment en Nubie et en dirigea personnellement une. Ces expéditions sont bien documentées par les sources.
Amenemhat Ier mourut assassiné46. Son successeur fut son fils Sésostris Ier (± 1964/ ± 1919 av. J.-C.) qui avait été associé au pouvoir comme corégent et qui, au moment de la mort de son père, se trouvait en Libye où il combattait les Berbères. Son règne qui constitue l’âge d’or du Moyen Empire fut une période de prospérité, d’essor artistique, littéraire et architectural (Lorand, 2011).
Sous Sésostris Ier, la frontière avec la Nubie fut établie dans les environs de la 2e cataracte. Les chroniques du règne ont conservé l’écho de nombreuses missions commerciales vers le pays de Pount, le Sinaï, le littoral de la Mer Rouge et les oasis situées à l’ouest de la vallée du Nil.
Le règne de son successeur Amenemhat II (± 1919/ ± 1881 av. J.-C.) est moins connu en raison d’une documentation fragmentaire. Les expéditions commerciales lointaines paraissent cependant s’être poursuivies et la prospérité semble avoir toujours régné sur l’Égypte.
Nous ne sommes guère plus renseignés sur le règne de Sésostris II (± 1881/ ± 1873 av. J.-C.), probablement en raison de sa brièveté. Tel n’est pas le cas avec son successeur Sésostris III (± 1873 / ± 1854 av. J.-C.) qui fut un roi bâtisseur et guerrier. Les expéditions mentionnées sous son règne se firent en Palestine et en Nubie, au-delà de Semna et de Koumna, (voir cartes pages VIII, XI et XII). À l’intérieur, le souverain renforça le pouvoir central aux dépens des nomarques47 et il laissa à son fils Amenemhat III (± 1853/ ± 1809 av. J.-C.) une Égypte prospère et respectée de ses voisins (Vandersleyen, 1995 : 92-95).
Un brutal effondrement se produisit sous Amenemhat IV (± 1809 / ± 1800 av. J.-C.) et Néférousébek (ou Sébeknéférou) (± 1800 /± 1797 av. J.-C.), ce qui provoqua la fin de la dynastie. L’Égypte connut alors une nouvelle fragmentation territoriale ouvrant une seconde grande période de décadence connue sous le nom de Deuxième Période Intermédiaire, qui dura de ± 1800 à ± 1543 av. J.-C.
Durant cette Deuxième période intermédiaire, le morcellement territorial et la dislocation se firent tant au nord qu’au sud. Cette période recouvre cinq dynasties qui sont les XIIIe à XVIIe incluses. La XVe et la XVIe sont deux dynasties Hyksos, tandis que la XVIIe est une dynastie thébaine48.
Au nord, à la suite de l’invasion des Hyksos, peuples indo-européens et asiatiques mélangés et équipés de chars de guerre attelés de chevaux, l’autorité royale ne s’exerça plus dans le Delta qui se divisa en plusieurs cités-états. À partir de 1750 av. J.-C., les Hyksos en furent les maîtres ; vers ± 1675 av. J.-C., un de leurs chefs, Salitis, fonda la XVe dynastie et il installa sa capitale à Avaris (Pi-Ramsès, voir la carte page XI). Durant environ un siècle, les Hyksos furent la puissance régionale dominante, étendant leur autorité sur la Moyenne-Égypte et faisant payer tribut aux souverains de Thèbes49.
La dislocation fut alors générale et les Nubiens empiétèrent largement sur le territoire égyptien. Le royaume de Koush50 annexa ainsi la ville de Buhen (carte page VIII), au nord de la 2e cataracte, puis il s’allia aux Hyksos. Les rois de Thèbes durent donc lutter sur deux fronts, mais ils parvinrent néanmoins à reconquérir le Delta, puis à refaire l’unité de la Basse et de la Haute-Égypte. Cette renaissance déboucha sur le Nouvel Empire.
Le Nouvel Empire (± 1543 / ± 1078 av. J.-C.)
Le Nouvel Empire51 qui a connu trois dynasties (XVIIIe, XIXe et XXe) fut une période d’unité et d’expansion territoriale, notamment en direction de la Nubie et de la Palestine.
Les débuts de la XVIIIe dynastie (± 1543/ ± 1292 av. J.-C.) et donc du Nouvel Empire ne sont pas clairement marqués. Une discussion subsiste même au sujet de son fondateur, le pharaon Amosis ou Ahmosis (± 1543/ ± 1518 av. J.-C.)52 qui expulsa les Hyksos durant le dernier tiers de son règne (Vandersleyen, 1995 : 216-217). Cette « guerre de libération » qui permit la renaissance de l’Égypte débuta avec la prise de Memphis, suivie de celle d’Avaris, puis de Sharouben, capitale des Hyksos située dans le sud de l’actuelle Bande de Gaza, en Palestine (carte page XII). Les Hyksos définitivement vaincus et chassés de Palestine et de Syrie, Amosis se tourna vers la Nubie. Partant de Buhen, il s’enfonça au sud de la 2e cataracte, vers le cœur du royaume de Koush (carte page VIII). À l’issue de ces campagnes, la puissance territoriale de l’Égypte avait été restaurée.
Amosis légua à son successeur et fils Amenhotep Ier (± 1518/± 1497 av. J.-C.) une Égypte réunifiée et pacifiée. Ce dernier n’ayant pas d’héritier, la couronne passa à Thoutmosis53 Ier (± 1497 / ± 1483 av. J.-C.)54 qui était peut-être à un noble thébain. Sous son règne l’Égypte s’étendit en Nubie au-delà de la IVe cataracte. Le mouvement fut également sensible en Asie car il semblerait que les armées égyptiennes aient poussé vers l’Euphrate. Thoutmosis Ier fut également un souverain bâtisseur, laissant sa marque architecturale, notamment à Thèbes.
Thoutmosis II (± 1483-1480 av. J.-C.), l’un des fils d’Amenhotep Ier, était l’époux de sa propre demi-sœur Hatchepsout et son bref règne ne connut pas de faits marquants. À sa mort, l’un de ses fils, Thoutmosis III (± 1480/ ± 1424 av. J.-C.) monta sur le trône. Comme il était encore très jeune, une corégence fut assurée par sa tante Hatchepsout (± 1480/ ± 1457 av. J.-C.), fille de Thoutmosis Ier et épouse de Thoutmosis II :
«Cette corégence d’une durée et d’une nature exceptionnelles dans toute l’histoire d’Égypte détermine les trois étapes du règne de Thoutmosis III : une période où le roi-enfant est sous la tutelle de la reine-régente ; la seconde quand la reine est devenue roi, période pendant laquelle deux souverains à part entière règnent simultanément, c’est une vraie corégence ; enfin, après la disparition de la reine, une période où Thoutmosis III règne seul. » (Vandersleyen, 1995 : 273)
Du « règne » d’Hatchepsout, l’on peut retenir plusieurs expéditions marchandes en direction du pays de Pount (voir p XIV) ; l’une d’entre elles est représentée sur les bas-reliefs du temple de Deir el-Bahari à Thèbes, important legs architectural de la souveraine.
À partir du moment où Thoutmosis III régna seul (± 1457 av. J.-C.), l’Égypte se lança dans une ambitieuse politique d’expansion territoriale en Asie55, essentiellement en Palestine et exceptionnellement au Liban. Thoutmosis III écrasa le royaume de Mitanni56. Au terme de nombreuses campagnes, il soumit une partie de la région, les villes de Phénicie et de Palestine payant tribut tandis que les royaumes d’Assyrie et de Babylonie (Mésopotamie) se montraient prudents à l’égard de l’Égypte. Quelques expéditions secondaires sont également signalées en Nubie qui paraît à l’époque avoir été bien contrôlée et intégrée au monde politique et économique égyptien, du moins jusqu’au-delà de la 4e cataracte.
Sous Amenhotep II57 (± 1424/ ± 1398 av. J.-C.), fils de Thoutmosis III, le Mitanni (carte page XII), menacé par ses voisins se rapprocha de l’Égypte. Ce règne vit une nouvelle forme d’art et de mode vestimentaire éclore en Égypte. L’on a même pu parler, en termes de représentations artistiques, d’une sorte de « point de rupture » (Vandersleyen, 1995 : 335) quant à la représentation des formes car, sur les peintures, les représentations des visages changent, les yeux s’allongent, les formes s’amincissent, les grandes perruques dominent et chez les femmes, les fourreaux sont remplacés par des robes moins moulantes laissant apparaître une épaule nue.
Durant le bref règne de Thoutmosis IV (± 1397/ ± 1387 av. J.-C.), l’Égypte fut en paix, notamment en Asie, où une quasi-alliance fut conclue avec le Mitanni, le pharaon ayant épousé Sourtarna, la fille du roi Artama Ier.
Amenhotep III (ou Aménophis III) (± 1387/± 1348 av. J.-C.), fils de Thoutmosis IV et de son épouse mitanienne Sourtarna monta sur le trône alors qu’il n’était qu’un enfant. L’alliance avec le Mitanni fut retrempée par les mariages successifs du pharaon avec Giluheba, sœur de Tusratta, le nouveau roi de Mitanni, puis avec Taduheba, une de ses filles. Après la mort d’Amenhotep III, cette dernière devint l’épouse de son fils et successeur, Amenhotep IV (ou Aménophis IV) Akhénaton58 (± 1348/ ± 1331 av. J.-C.)
Le règne de ce dernier débuta peut-être par une corégence avec son père Amenhotep III. Amenhotep IV-Akhénaton était laid et chétif, avec un regard triste, une tête énorme et disproportionnée, des lèvres épaisses et affaissées, un ventre mou et ballonné. Était-il un grand malade souffrant de crises d’épilepsie ? Était-il sujet aux visions hallucinatoires ? Rien n’a été véritablement établi à ce sujet.
Quand il monta sur le trône, l’Égypte était, de fait, gouvernée par le clergé d’Amon qui cherchait à s’imposer comme un second pouvoir face à celui de pharaon (Redford, 1987). Le jeune souverain tenta alors une révolution religieuse destinée à abaisser la puissance politique des prêtres en faisant évoluer la religion traditionnelle vers une forme de monothéisme, le soleil Aton devenant dieu unique et universel. Il remplaça alors le dieu de Thèbes, Amon, par Aton, le disque solaire, jusque-là divinité de la seule ville d’Héliopolis et il l’éleva au rang de divinité suprême.
En supprimant le panthéon égyptien au profit d’Aton, dieu unique, le souverain, soutenu par son épouse Néfertiti déclencha une véritable révolution59. Il ferma les temples de Karnak, dispersa le clergé d’Amon et abandonna Thèbes pour une nouvelle capitale, Akhétaton (Amarna60) (carte page XI), où le culte du soleil pouvait être célébré en dehors de « tout environnement rappelant le passé » (Vandersleyen, 1995 : 425). Il fit également marteler le nom d’Amon sur les inscriptions et prit le nom d’Akhénaton (celui qui est agréable à Aton).
Cette révolution religieuse et politique fut naturellement vigoureusement combattue par le clergé d’Amon qui y voyait la fin de ses privilèges et qui dénonça une menace sur l’identité égyptienne. Amenhotep IV-Akhénaton échoua car les Égyptiens étaient attachés à leur foi en Osiris et croyaient en la survie après la mort61.
Sous le règne d’Akhénaton, l’Égypte s’étendit dans l’actuelle région de Gaza en Palestine, mais le contexte régional changea après que le prince Artatama du Mitanni eut fait appel aux Hittites du roi Suppiluliumas (1380-1346 av. J.-C.) durant une guerre civile ayant éclaté dans le royaume. Voulant écarter la tutelle hittite, Artatama demanda ensuite l’aide de l’Égypte, mais Akhénaton demeura neutre et les Hittites en profitèrent pour s’emparer de la Syrie. Le royaume de Mitanni entra alors en décadence et se divisa en deux, une partie passant sous contrôle hittite et l’autre sous autorité assyrienne.
Akhénaton mort sans héritier mâle, l’avenir de la dynastie fut confié à son gendre Toutankhaton62 qui régna sous le nom de Toutankhamon (+- 1339/+- 1329 av. J.-C.). Après un règne sans lustre particulier, il mourut, également sans descendance mâle. La XVIIIe dynastie s’éteignit alors.
La mort de Toutankhamon ouvrit une période confuse durant laquelle deux pharaons qui n’étaient pas de « sang royal » se succédèrent. Le premier fut Ay (± 1329/ ± 1318 ou 1314 av. J.-C.). On ignore qui était ce personnage et comment il arriva à se hisser au pouvoir. À sa mort, le chef de l’armée, Horemheb, s’empara du trône et il régna jusqu’en ± 1292 av. J.-C. N’ayant pas de descendance mâle, il désigna son successeur en la personne de Paramsès. Ce dernier prit comme nom de règne Ramsès Ier (± 1292/ ± 1291 av. J.-C.) et c’est avec lui que débuta la XIXe dynastie (± 1292/ ± 1186 av. J.-C.).
À l’issue de son bref règne, son fils Séti Ier (ou Séthy Ier) (± 1291/ ± 1279 av. J.-C.) qui lui succéda reprit la politique d’expansion en Asie abandonnée depuis le règne de Thoutmosis III, un siècle et demi auparavant. Il conquit la Palestine et la Syrie63 et eut à combattre à la fois en Asie, contre les Hittites, en Nubie et sur les franges sahariennes de l’Égypte.
Ramsès II (± 1279/ ± 1212 av. J.-C.)64, fils du précédent, développa l’héritage de son père. Ce fut un bâtisseur auquel nous devons Abou Simbel et plusieurs autres temples nubiens, mais ce fut également un administrateur et un guerrier. Ses campagnes militaires en firent le plus grand souverain de l’histoire de l’Égypte. Il intervint au sud, en Nubie, et à l’ouest contre les Libyco-berbères sahariens. Mais c’est surtout contre les Hittites qu’il remporta ses plus grandes victoires dont la plus célèbre est celle de Qadesh65 (carte page XII).
Mérenptah (ou Minephtah) (± 1212/ ± 1202 av. J.-C.) succéda à son père alors qu’il avait une soixantaine d’années. Loin dans l’ordre de succession puisqu’il était le 13e fils de Ramsès II, il n’avait dû son élévation au trône qu’à l’énorme mortalité infantile de l’époque. Les faits saillants de son règne sont trois campagnes militaires menées contre divers envahisseurs qui tentèrent de pénétrer en Égypte. Il s’agissait une fois de plus des Berbères sahariens, des Nubiens, mais aussi de nouveaux venus, les Peuples de la mer66. À cette époque, ce furent les Berbères qui firent peser la plus forte menace sur l’Égypte en raison d’une nouvelle accentuation de la sécheresse qui les poussait à se rapprocher de la vallée du Nil. Les premières zones touchées furent naturellement celles des grandes oasis situées à l’ouest du Nil (Farafra, Kharga etc. (voir la carte page XI).
Après Mérenptah, quatre pharaons se succédèrent dans un climat de plus en plus troublé annonçant une inexorable décadence.
Le premier d’entre eux fut Séti II (± 1201/ ± 1196 av. J.-C.), fils de Mérenptah dont le pouvoir fut militairement contesté par un anti-roi nommé Amenmès67. Le souverain finit par l’emporter mais le prestige royal sortit affaibli de la crise. Les trois autres souverains furent Siptah (± 1196/ ± 1189 av. J.-C.) qui eut pour successeur sa propre épouse, la reine Taousert (± 1189/ ± 1186 av. J.-C.), puis Sethnakht (± 1186 ou 1188/± 1185 av. J.-C.), dont nous ignorons quasiment tout. Ce dernier fut le fondateur de la XXe dynastie (± 1186 ou 1188 ?/ ± 1078 av. J.-C.) avec laquelle s’acheva le Nouvel Empire. Débuta alors la Basse Époque.
Cette XXe dynastie est composée de neuf souverains qui portent tous le nom de Ramsès, raison pour laquelle elle est désignée sous le nom de dynastie ramesside. Le seul grand règne fut celui de Ramsès III (± 1185/ ± 1153 av. J.-C.). Ce fils de Setnakht régna trente ans durant lesquels il livra bataille à tous les voisins de l’Égypte qui sentaient la riche vallée enfin à leur portée. Les plus dangereux furent alors les Peuples de la mer. Leur invasion est représentée sur le mur extérieur du temple de Medinet Habou à Thèbes, grande réalisation architecturale du souverain, et une des dernières de cette ampleur pour la fin de l’époque dynastique.
Les huit autres Ramsès (IV, V, VI, VII, VIII, IX, X et XI) qui se succédèrent de ± 1153 à ± 1078 av. J.-C. n’eurent plus guère de prise sur les événements et leurs règnes respectifs furent marqués par une augmentation de l’insécurité, par les famines, par les séditions et par la détérioration du tissu social. Les tombeaux royaux furent pillés, les momies profanées et l’État fut incapable de rétablir l’ordre. Pour ne rien arranger, Ramsès VII n’ayant pas eu d’héritier, le trône fut conquis par un usurpateur qui se proclama pharaon sous le nom de Ramsès VIII. Le Nouvel Empire s’acheva dans la désolation et l’Égypte passa sous domination étrangère.
De par sa situation géographique, l’Égypte est en contact avec trois grandes régions : le Sahara à l’ouest, le Sinaï et le Moyen-Orient au nord-est, la mer Rouge et la Nubie à l’est et au sud. À l’époque classique, certains des peuples vivant dans ces zones faisaient partie de ceux que les Égyptiens désignaient sous le nom des « Neuf Arcs » (Valbelle, 1990) ou ennemis traditionnels de l’Égypte.
Nous avons vu dans le chapitre précédent que durant les derniers millénaires av. J.-C., le peuplement de la vallée du Nil s’était largement fait depuis l’actuelle Libye. Ce mouvement de migration de longue durée partant depuis les terres arides saharo-libyennes en direction du cordon fertile de la vallée du Nil se poursuivit à l’époque dynastique égyptienne68. Les sources montrent qu’il s’est amplifié à partir du 2e millénaire av. J.-C., à tel point qu’un millénaire plus tard, l’Égypte fut dirigée par une dynastie berbère.
Plus à l’ouest, au premier millénaire av. J.-C., une partie du littoral de l’actuelle Tripolitaine passa sous contrôle carthaginois cependant que dans l’actuelle Cyrénaïque, des colons grecs fondaient de riches cités. Dès cette époque, l’écartèlement libyen que nous observons aujourd’hui était donc une réalité, l’ouest regardant vers Carthage et l’est vers la Crête et la vallée du Nil.
Pour les Égyptiens, le Sahara libyen constituait un danger primordial car les populations qui y nomadisaient menaçaient périodiquement la vallée du Nil. Certaines étaient en relation commerciale avec l’Égypte, lui fournissant du bétail et une essence aromatique qu’elles échangeaient contre du grain.
Parmi ces peuples, quatre sont particulièrement cités dans les sources égyptiennes. Il s’agit des Lebou69, des Meshwesh, des Tjéhénou et des Tjéméhou. Les Égyptiens les ont représentés sur leurs peintures ou leurs sculptures avec une tresse sur la tempe et un manteau attaché sur l’épaule droite (voir l’illustration de la page II).
La poussée berbéro-libyenne vers la vallée du Nil semble avoir connu une accélération au IIe millénaire av. J.-C en raison de la péjoration climatique saharienne. Durant le Moyen Empire, la XIIe dynastie (± 1994/± 1797 av. J.-C.) qui, comme nous l’avons vu, débuta avec Amenemhat Ier (± 1994/± 1964 av. J.-C.)70 eut ainsi pour priorité de protéger l’Égypte des populations sahariennes qui cherchaient à s’infiltrer dans la vallée du Nil.
Puis, durant le demi-millénaire d’existence du Nouvel Empire (± 1580/± 1085 av. J.-C.), l’Égypte dut faire face à d’incessantes menaces surgies du désert libyen dont les populations, chassées par l’assèchement des points d’eau et la disparition des pâturages, tentaient de s’infiltrer dans la vallée du Nil.
Organisés et structurés en groupes guerriers redoutables, ces Berbères posèrent bien des problèmes à l’armée égyptienne, notamment durant les règnes de Séti Ier (± 1290 /± 1279 av. J.-C.) et de Ramsès II (± 1279 /± 1212 av. J.-C.). Ce dernier fut même contraint d’ériger une ligne de fortifications à l’ouest du Delta, le long du littoral méditerranéen, dans la région de l’actuelle ville de Marsa Matrouh, afin de bloquer la voie d’invasion la plus septentrionale. Pour tenter de lutter contre cette poussée, il noua des alliances avec des tribus de l’actuelle Cyrénaïque dont il intégra des membres à son armée.
Sous le règne de Merènptah ou Mineptah (± 1212/± 1202 av. J.-C.), successeur de Ramsès II, les Libyens, fuyant un Sahara oriental de plus en plus sec tentèrent une véritable invasion de la vallée du Nil. Leur progression est bien connue : après avoir pris les oasis de Kharga et de Farafra, ils se dirigèrent vers la vallée du Nil, menaçant à la fois le Delta et la région de Memphis dans un mouvement de fond concerté et coordonné. L’armée égyptienne réussit cependant à les contenir, puis à les repousser.
Sous la XXe dynastie (± 1188/± 1078 av. J.-C.) durant les règnes de Ramsès III (± 1185/± 1153 av. J.-C.), de Ramsès VI (± 1143/ ± 1136 av. J.-C.), de Ramsès IX (± 1126/± 1108 av. J.-C.) et Ramsès XI (± 1105/± 1078 av. J.-C.) les Libyens percèrent les défenses égyptiennes et certains réussirent à s’implanter dans plusieurs zones de la vallée du Nil.
Sous le règne de Ramsès III (± 1185/± 1153 av. J.-C.), les Lebou et les Meshwesh, unis sous le commandement d’un chef nommé Mesher, fils de Kaper, reprirent leur mouvement de poussée en direction du Nil. En 1177 av. J.-C., et comme nous l’avons vu plus haut, de nouvelles menaces surgirent depuis le nord cette fois avec les invasions attribuées aux Peuples de la mer. Il semblerait que des Libyens y aient été associés ou aient profité de l’occasion pour attaquer l’Égypte sous le commandement d’un Lebou nommé Meghiev, fils de Ded.
Pour les Égyptiens, la Nubie était le « misérable pays de Koush », région réputée barbare, tout à la fois repoussoir et négatif de la civilisation pharaonique. Ce terme qui ne recouvrait pas une réalité géographique clairement définie désignait les régions situées au sud d’Abou Simbel, au-delà des 1res et 2es cataractes71.
Comme l’Égypte, la Nubie est une vallée encastrée entre le désert oriental et le Sahara. Cependant, à la différence de l’Égypte, elle connaît des élargissements favorables aux activités des hommes et notamment au pastoralisme.
Deux sous-régions peuvent y être distinguées :
1-la Basse-Nubie située entre la 1re et la 2e cataracte était largement égyptianisée ; il s’agissait du pays dit de Ouaouat (carte page VIII).
2-La Haute-Nubie ou Nubie proprement dite, commençait en amont de la 2e cataracte et s’étendait jusqu’à la confluence du Nil Blanc et du Nil Bleu, au-delà de la 6e cataracte. La région était connue des Égyptiens sous le nom de pays de Koush.
L’expansion égyptienne en direction de la Nubie s’est étendue sur deux millénaires. Dans un premier temps, il ne s’est agi que de contacts commerciaux ou d’influences culturelles ; puis, avec le développement de la puissance égyptienne, cette politique se transforma en volonté de conquête.
Durant l’Ancien Empire, les pharaons de la VIe dynastie prirent le contrôle de toute la région située en amont d’Assouan, donc de la 1re cataracte. Des voyages d’explorations permirent également de découvrir les régions plus méridionales.
Durant le Moyen Empire, l’Égypte s’intéressa plus étroitement à la Nubie car elle était productrice d’or. Durant la XIIe dynastie, cette politique fut poursuivie et accentuée. Sésostris Ier (± 1964/± 1919 av. J.-C.) dont le règne marque l’apogée du Moyen Empire, eut une politique extérieure expansionniste et il tenta de prendre le contrôle de la région de la 2e cataracte et de tout le pays de Ouaouat où il édifia un réseau de citadelles.
Sésostris III (± 872/± 1854 av. J.-C.) repoussa encore plus au sud la frontière méridionale de l’Égypte, l’établissant à Semna et à Koumma (carte page VIII).
Durant la Deuxième Période Intermédiaire (± 1800/± 1543 av. J.-C.) et comme nous l’avons vu, le Delta et la Basse Égypte passèrent sous le contrôle des Hyksos. Quant à la Haute-Égypte, elle se divisa en plusieurs principautés incapables d’assurer la défense des citadelles édifiées dans la région de la 2e cataracte. Au même moment, entre ± 1750 et ± 1500 av. J.-C., en Nubie, le royaume de Kerma fut à son apogée. Les armées nubiennes poussèrent vers le nord de la vallée, arrivant jusque dans la région d’Assouan. À la fin de la Deuxième Période Intermédiaire, l’Égypte s’était repliée jusqu’à la 1re cataracte.
Au Nouvel Empire, sous la XVIIIe dynastie, l’Égypte reprit son impérialisme vers la Nubie qui, entre-temps, s’était très largement égyptianisée. Le mouvement qui se fit par grandes étapes fut initié par Amosis (± 1543/± 1518 av J.-C.), premier souverain de la dynastie (± 1543/± 1292 av. J.-C.). L’expansion égyptienne s’exerça alors une nouvelle fois à partir de la 2e cataracte, limite géographique et historique entre la Nubie et l’Égypte ; elle eut pour résultat l’affaiblissement du royaume de Koush et la fin de la civilisation de Kerma. Le mouvement s’amplifia sous le règne d’Amenhotep Ier (± 1517/± 1497 av. J.-C.) qui reconquit le pays de Ouaouat et poussa jusqu’à la 4e cataracte, mettant ainsi en contact l’Égypte avec le grand carrefour caravanier reliant la région à l’Afrique tropicale profonde.
Thoutmosis Ier, son successeur (± 1497/± 1483 av. J.-C.), s’empara de la ville de Kerma qu’il détruisit. Il progressa ensuite loin vers le sud, en amont de la 4e cataracte où il fonda un poste militaire à proximité de Napata. Quand il rentra en Égypte, il fit pendre le roi koushite à la proue de son bateau, la tête en bas. La civilisation de Kerma était détruite.
Cette campagne militaire n’avait cependant pas brisé la volonté de résistance de la Nubie puisque, sous Thoutmosis II (± 1483/± 1480 av. J.-C.), une violente révolte anti-égyptienne se produisit dans tout le pays de Ouaouat. Elle fut réduite avec férocité, mais la pacification de la Nubie ne fut effective que sous la corégence de Thoutmosis III (son règne : ± 1479/± 1424 av. J.-C.) et d’Hatshepsout (son règne : ± 1479/± 1457 av. J.-C.). La frontière de l’Égypte étant établie à la hauteur de la 4e cataracte, la Nubie fut alors une dépendance de l’Égypte.
Cette situation demeura inchangée sous les pharaons de la XIXe dynastie avec un intérêt particulier pour la Nubie marqué par Ramsès II (± 1279/± 1212 av. J.-C.). Nous avons vu qu’il y entreprit de grands travaux, y faisant édifier des temples majestueux, dont ceux d’Abou Simbel.
Un nouveau retournement de situation se produisit ensuite durant la 3e période Intermédiaire avec un nouvel effacement du pouvoir central égyptien et une revanche de la Nubie, la XXVe dynastie étant une dynastie nubienne comme nous le verrons plus loin.
La troisième zone de contact entre l’Égypte et l’extérieur est la mer Rouge72 que les navires égyptiens empruntaient pour se rendre dans le pays de Pount. Si les sources disent clairement qu’il fallait la longer pour atteindre ce dernier, nous ignorons en revanche si le cap Gardafui était la limite méridionale des navigations égyptiennes.
Il est admis que le pays de Pount était situé en Afrique et non en Arabie comme sa faune (babouins et girafes) et sa flore (palmier doum) permettent de l’affirmer. De plus, sa localisation sur le littoral de l’actuelle Érythrée ne semblait pas poser de problème particulier aux Égyptiens qui pouvaient l’atteindre par voie de terre – difficilement – ou plus facilement par voie maritime73.
La construction navale égyptienne était diversifiée et, à côté des navires destinés à la navigation sur le Nil, d’autres pouvaient naviguer en haute mer. Tous étaient construits en bois, les barques de papyrus étant réservées aux marais ou aux bras morts du fleuve. Ils leur permettaient de naviguer en mer Rouge et en Méditerranée.
En mer Rouge, à partir du IIe millénaire av. J.-C., les rames de gouvernail furent remplacées par un véritable gouvernail. Quant au mât, d’une seule pièce, il était plus court et donc plus stable. La voile était moins haute mais plus large et le navire devait ainsi gagner en maniabilité.
Durant l’Ancien Empire, sous les règnes de Pépy Ier (± 2330-2280), de Merenré Ier(± 2280-2270) et de Pépy II (± 2270-2700), pharaons de la VIe dynastie, nous avons les preuves de plusieurs expéditions rapportant depuis le pays de Pount peaux, ivoire, or, ébène, parfums et même un Pygmée. Le produit le plus recherché était l’encens, résine blanche solidifiée produite par le grattage de l’écorce de l’arbre à encens ou Boswellia Carterii74. Même si ces expéditions étaient occasionnelles, sous l’Ancien Empire, un homme originaire d’Assouan a néanmoins pu faire écrire sur son tombeau : « Étant parti avec mes maîtres, les princes et scelleurs du Dieu Teti et Khuri à Byblos et Pount, onze fois j’ai visité ces pays » (Zayed, 1980).
Ces voyages semblent avoir cessé durant la Seconde Période Intermédiaire.
Durant le Nouvel Empire, la reine Hatchepsout (+- 1480-1457) renoua le contact maritime avec Pount en y envoyant une expédition. Les détails qui apparaissent comme nous l’avons dit sur les bas-reliefs des murs du temple de Deir el-Bahari dans la Vallée des Rois contiennent de très précieux renseignements à son sujet : frises de poissons de mer et non du Nil, navires le long du rivage, village composé de cases sur pilotis ombragées de palmiers-doum. Les habitants de Pount représentés ne sont pas des Noirs tels que les Égyptiens les figurent habituellement, ils ont des traits fins, à l’image des Somaliens actuels, avec parfois des barbichettes. Les marchandises qui sont chargées à bord des navires égyptiens sont clairement identifiables : morfil, bétail, peaux de léopards, bois, œufs et plumes d’autruches, une girafe, peut-être des guépards et bien sûr, les fameux arbres à encens destinés à être transplantés en Égypte.
L’intérêt des Égyptiens pour le pays de Pount se poursuivit durant toute l’époque dynastique.
La Troisième Période Intermédiaire (± 1078/-664 av. J.-C.), épisode de décadence, de repli et de dislocation débuta avec la XXIe dynastie (± 1078/± 950 av. J.-C.), fondée par Smendès vers ± 1078 av. J.-C., qui prit le pouvoir à la mort de Ramsès XI. Sa capitale était située dans le Delta, à Tanis, d’où le nom de « Pharaons de Tanis » donné aux sept souverains de cette dynastie.
Ces derniers tentèrent de reconstituer l’unité de l’Égypte, mais pour cela il leur fallut réduire le pouvoir des Grands prêtres d’Amon qui s’étaient rendus quasiment indépendants. Comme ils n’avaient pas les moyens de les soumettre par la force, ils leur donnèrent leurs filles en mariage, ce qui ne suffit pas ; le morcellement de l’Égypte se poursuivit donc avec l’accession au pouvoir de dynasties étrangères : berbères, nubiennes, assyriennes et perses.
± 1078/± 664 av. J.-C. en Égypte = Troisième Période Intermédiaire
XXIe dynastie : dynastie de Tanis (± 1078/± 950 av. J.-C.)
XIIe dynastie : dynastie berbère (± 950/± 730)
XIIIe dynastie : dynastie berbère (± 730/ ± 720)
XIVe dynastie : première dynastie saïte (± 730-720/± 715)
XVe dynastie : dynastie nubienne (± 715/± 664)
± 664/332 av. J.-C. en Égypte = Basse Époque
XVIe dynastie : seconde dynastie saïte (± 663/± 525 av. J.-C.)
XVIIe dynastie : première dynastie perse (525/404)
XVIIIe dynastie : troisième dynastie saïte (404/398)
XIXe dynastie : dynastie de Mendès (398/378)
XXXe dynastie : dynastie sébennytique (378/341)
XXXIe dynastie : seconde dynastie perse (341/333)
La poussée libyenne vers l’Égypte se traduisit de deux manières. D’une part, des groupes de migrants réussirent à s’installer dans la vallée, notamment dans la région du Delta où ils constituèrent des noyaux de peuplement dont le rôle politique fut déterminant dans la période que nous allons maintenant évoquer. D’autre part, constamment enrôlés dans l’armée égyptienne, ils finirent par former une caste militaire qui s’empara du pouvoir et donna trois dynasties à l’Égypte.
Les souverains des XXIIe, XXIIIe et XXIVe dynasties berbères dites « libyennes » régnèrent de ± 950 à ± 712 av. J.-C. Ces dynasties qui se chevauchèrent ne contrôlèrent jamais toute l’Égypte. Leur accession au pouvoir illustre la permanence des contacts, tantôt pacifiques, tantôt conflictuels entre les Égyptiens et leurs voisins libyens.
À l’origine de la XXIIe dynastie se trouve Nemart, également connu sous le nom de Sheshonq l’Ancien, chef de la tribu des Meshwesh76, qui s’imposa dans la région de Bubastis dans le Delta. Seshonq Ier (± 950/± 924 av. J.-C.)77, fils de Nemart, fut le véritable fondateur de cette première dynastie berbère en succédant à Psousennès II, dernier pharaon de la XXIe dynastie dont il épousa la fille, la princesse Makare (Maâtka Rê).
La XXIIe dynastie compta dix souverains qui se placèrent sous la protection du dieu Amon tout en favorisant parallèlement l’essor du culte des idoles78. En 929 av. J.-C., Seshonq s’empara de Jérusalem qu’il pilla avant de rapporter en Égypte les trésors du roi Salomon ; il fit représenter sa victoire sur les royaumes juifs de Juda et d’Israël dans le temple d’Amon Rê de Karnak. En dépit de cette démonstration de force, les souverains berbères ne furent à aucun moment en mesure de réunifier l’Égypte ; quant à leur propre fief du Delta, il fut émietté en raison de leur coutume de partage territorial entre les héritiers des souverains défunts.
Le successeur de Seshonq Ie fut son fils Osorkon Ie Sekhemkheperre (924- 889 av. J.-C.) qui eut un long règne illustré par la construction de nombreux temples. Son fils Séshonq II ne régna que quelques mois, puis son propre fils, Takelot Ier (889-874) lui succéda. Le successeur de ce dernier fut son fils Osorkon II (874-850) qui eut des démêlés avec ses frères (ou cousins ?) investis Grands prêtres d’Amon.
En 850, son fils Takelot II (850-825) hérita du royaume. Le règne de son propre fils et successeur, Seshonq III (825-773), fut agité car une guerre civile de quinze ans éclata qui l’opposa à l’un de ses cousins.
Pimay (773-767) monta ensuite sur le trône, puis Seshonq V (767- 730) qui eut un long règne de 37 ans, mais dont l’autorité fut réduite au Delta. Son fils, Osorkon IV (730-715) qui fut le dernier souverain de la XXIIe dynastie ne contrôla que les villes de Tanis et de Bubastis.
En l’an 8 du règne de Seshonq III, soit en 818 av. J.-C. (?), un autre membre de la tribu Meshwesh, Padibastet (Pétoubastis Ier) (818-793), fonda la XXIIIe dynastie (818-715) et installa sa capitale à Taremou (Leontopolis) dans le Delta (carte page XIII). Cette dynastie compta au total huit souverains79.
Toujours durant le règne de Seshonq III, une autre tribu berbère, celle des Lebou (Lebu), s’installa à l’ouest du Delta. Quelques décennies plus tard, conduite par Tefnakht, elle fonda la XXIVe dynastie (± 730/± 715 av. J.-C.) ou Ire dynastie saïte. En 728 av. J.-C., Tefnakht réussit à rassembler sous son autorité toutes les principautés berbères du Delta avant d’entrer en guerre contre les Nubiens qui, à l’époque, occupaient la région de Thèbes. Vaincu, il se replia après avoir accepté la tutelle nubienne. Son fils Bak In Rann If, plus connu sous son nom grec de Bocchoris lui succéda, mais en 715, les Nubiens commandés par Shabataqa (± 702/± 690) attaquèrent Bubastis et Bocchoris fut vaincu80. L’Égypte passa alors sous contrôle nubien.
S’opposant aux pharaons berbères des dynasties dites « libyennes », une partie du clergé d’Amon quitta Thèbes pour s’exiler volontairement en Nubie, dans le royaume de Napata (carte page XI). Ils s’y réfugièrent auprès de souverains, largement égyptianisés, qui se faisaient représenter comme les pharaons et qui étaient fidèles au culte d’Amon.
Les connaissances concernant le royaume de Napata sont fragmentaires jusqu’à l’époque d’Alara qui aurait régné de ± 785 à 760 av. J.-C. Son successeur, Kachta (760-747 av. J.-C.) intervint directement en Égypte en obligeant l’Adoratrice d’Amon, fille du roi berbère Osorkon IV, à adopter sa propre fille vers 730 av. J.-C. Déjà maître de la région de Thèbes, Piankhi, fils de Kachta, s’empara de Memphis. Il fonda la XXVe dynastie (± 715/ ± 633 av. J.-C.), connue sous le nom de « dynastie nubienne », qui exerça son autorité théorique de la Méditerranée jusqu’à la 6e cataracte et pourrait avoir compté quatre ou cinq pharaons.
Sous Taharqa (± 690/± 664 av. J.-C.), par trois fois (en 669, en 666 et en 663), les Assyriens envahirent l’Égypte. La première campagne fut dirigée par le roi Assarhadon qui prit Memphis en 675 av. J.-C. Taharqa fut alors contraint d’abandonner sa résidence de Tanis dans le Delta. Après la mort de son père Assarhadon, Assurbanipal (668-627 av. J.-C.)81, s’installa sur le trône de Ninive tandis que l’un de ses frères devenait une sorte de vice-roi résidant à Babylone.
Assurbanipal porta à son sommet la puissance assyrienne, élargissant les conquêtes depuis Suse, en Iran, jusqu’à la Méditerranée et de l’Arménie jusqu’au golfe Persique. Il lui fallut deux campagnes pour achever la conquête de l’Égypte que son père n’avait pu terminer avant de mourir. En 664 av. J.-C., ses armées prirent tout le Delta. Taharqa fut alors contraint de se réfugier à Thèbes d’où il lança une contre-offensive qui lui permit de reprendre Memphis. Le répit ne fut cependant que de courte durée puisqu’en 663, l’Égypte subit une nouvelle invasion assyrienne. Memphis, puis Thèbes, furent prises et Taharqa se replia en Nubie où il remit le pouvoir à son neveu Tanoutamon (± 663/± 656 av. J.-C.).
La date de 663 av. J.-C. marque la fin de la domination nubienne sur l’Égypte et le retour d’une dynastie égyptienne, la XXVIe. Ce fut avec cette dernière que débuta la Basse Époque (664-332 av. J.-C.).
Durant presque cent quarante ans, de 663 à 525 avant J.-C., une partie de l’Égypte fut gouvernée par la XXVIe dynastie. Fondée par Psammétique Ier (663-609 av. J.-C.), lui-même en partie Berbère puisqu’il descendait de Tefnakht, le fondateur de la XXIVe dynastie (voir plus haut), sa capitale fut Saïs dans le Delta (cartes pages XI et XIII), d’où le nom de dynastie saïte83 qui lui est donné. D’abord protégé des Assyriens, Psammétique Ier finit par se retourner contre ces derniers et il acheva de libérer l’Égypte de leur domination.
Ce fut avec cette dynastie que débuta l’hellénisation de l’Égypte. Elle fut culturelle, architecturale et militaire avec le recours aux mercenaires grecs qui furent les piliers de la dynastie. L’Égypte réunifiée joua alors à nouveau un rôle régional et sa culture connut un nouvel essor marqué à la fois par de nouvelles constructions et par le retour à la tradition artistique classique. On parle de cette époque comme de la « Renaissance saïte ».
Le successeur de Psammétique Ier fut son fils Néchao II (609-594). Ce dernier s’empara de la Palestine en profitant de l’affaiblissement de l’empire assyrien en lutte à la fois contre Babylone et contre les Mèdes. En 605, lors de la bataille de Karkemisch (carte page XII), Nabuchodonosor84, chef des armées de son père, le roi Nabopolassar (626-605), brisa cette expansion. Les Égyptiens abandonnèrent alors leurs conquêtes à l’exception de la partie sud de la Palestine, autour de Gaza.
Psammétique II (594-588) qui succéda à Néchao II se tourna vers le sud et décida de conquérir la Nubie. En 591 av. J.-C., une armée égyptienne largement composée de mercenaires grecs écrasa Aspelta roi de Napata. Après cette défaite, les Nubiens déplacèrent leur capitale de Napata à Méroé (carte page XI) afin de la mettre hors d’atteinte d’éventuelles expéditions égyptiennes.
Incapable de contenir la poussée perse, Apriès (588-568 av. J.-C.), fils de Psammétique II, fut assassiné par un chef berbère nommé Amasis (568-525 av. J.-C.) qui prit le pouvoir.
En 525 av. J.-C., Psammétique III succéda à son père Amasis mais Cambyse, le futur Cambyse II roi des Perses (530-522 av. J.-C.), successeur de Cyrus II, écrasa les troupes égyptiennes et grecques à Péluse, l’actuelle Port-Saïd, puis il conquit le Delta. Devant l’étendue du désastre, Psammétique III se suicida et Cambyse se proclama pharaon.
Débuta alors la première période perse (525-404 av. J.-C.) durant laquelle l’Égypte devint une satrapie. La XXVIIe dynastie, ou première dynastie perse, qui régna alors sur l’Égypte fut celle des empereurs perses.
Cambyse II mourut en 522 et son successeur à la tête de l’empire perse, donc de l’Égypte, fut Darius Ier (522-486 av. J.-C.) qui regroupa l’Égypte, la Basse Nubie et la Libye pour en faire un vaste ensemble qui devint la VIe satrapie.
En 460 av. J.-C., sous le règne d’Artaxerxès Ier (465-424 av. J.-C.), quatrième souverain de la dynastie perse, Inaros, chef berbère originaire de la région de Cyrène (carte page XV) soutenu par Athènes, écrasa l’armée perse dont le chef, le satrape Achaemenes, propre frère d’Artaxerxès fut tué. Sa tête fut envoyée au souverain. Les Perses se replièrent alors à Memphis et Inaros se proclama roi en 459 avant J.-C.
En 456, une nouvelle armée perse pénétra en Égypte. Grecs, Berbères et Égyptiens furent vaincus et en 454, Inaros fut fait prisonnier. Envoyé à Suze, il y fut crucifié ou peut-être empalé85.
En 404 av. J.-C., à la mort de Darius II, les Perses se divisèrent et une guerre civile opposa Cyrus II à Artaxerxès II. Dans le Delta, profitant de l’affaiblissement de l’autorité perse, Amyrtée, un chef originaire de Saïs prit le pouvoir. En 404 av. J.-C., il se proclama pharaon et fonda la XXVIIIe dynastie dont il fut l’unique représentant. Il mourut en 398.
Son successeur fut Nepherites Ier (398-393 av. J.-C.) qui fonda la XXIXe dynastie (398-378 av. J.-C.), ou dynastie de Mendès, du nom de la ville éponyme du Delta. Aidée par Sparte, l’Égypte se libéra alors des derniers éléments perses.
Nectanebo Ier (378-360 av. J.-C.) fonda la XXXe dynastie (378-340 av. J.-C.) dite dynastie Sebennytique, du nom de la ville de Sebennytos (carte page XIII) où il installa sa capitale. Cette dynastie compte trois pharaons. En 373 av. J.-C., Nectanebo Ier réussit à repousser une armée perse qui s’apprêtait à attaquer Memphis.
Teos (360-359), fils de Nectanebo I, reconstitua l’armée égyptienne, puis il entra en guerre contre les Perses. Dans un premier temps, il fut victorieux, réussissant même à atteindre la Phénicie mais, en 359, le régent qui n’était autre que son frère Tjahépimou profita de son absence pour faire proclamer Nectanébo II (359-340 av. J.-C.), petit-fils de Nectabo Ier qui fut le dernier souverain égyptien « indigène ».
En 351 av J.-C., Nectanebo II réussit à arrêter une offensive perse mais, en 348, Artaxerxès III (358- 338 av. J.-C.) décida de s’emparer de l’Égypte. Après une vaine résistance, Nectanebo II s’enfuit en Haute-Égypte où il résista jusqu’en 341 ou 340. Artaxerxès III réussit à conquérir tout le pays qui passa sous autorité perse. Avec ce souverain débuta la XXXIe dynastie (341-332 av. J.-C.) ou seconde dynastie perse, composée de trois souverains, Artaxerxès III, Arsis et Darius III. L’Égypte redevint alors une satrapie.
Les défaites du roi des Perses Darius III (336-330 av. J.-C.) face à Alexandre en 334 et en 333 av. J.-C. furent accueillies avec joie en Égypte et en 333 ou en 332, quand le jeune général macédonien arriva sur les bords du Nil, il y fut accueilli en libérateur.
À la fin du VIIe siècle, avant J.-C., certaines cités grecques commencèrent à se lancer dans une entreprise coloniale dans le nord de l’Afrique où elles avaient été précédées par les Phéniciens86, puis par les Carthaginois. La Cyrénaïque fut leur principal centre87.
Vers 630 av. J.-C., suivant les conseils de l’oracle d’Apollon à Delphes, des colons venus de l’île de Santorin (Théra), débarquèrent dans la partie orientale de l’actuelle Libye, sur le territoire des Giliganes. Installés sur la petite île de Platéa, entre Tobrouk et Dernah, ils tentèrent d’y survivre durant deux années. Puis ils abandonnèrent cet îlot inhospitalier88 pour fonder un établissement sur le littoral, à Aziris, peut-être à l’embouchure de l’oued wadi el-Khalij dans le golfe de Bamba (?) (carte page XV).
En 632 ou en 631, au bout de six années, les colons partirent s’installer à l’intérieur des terres, dans une région d’altitude située à un peu plus de dix kilomètres de la mer, là où, selon Hérodote, le « ciel est troué », image traduisant la réalité d’une pluviométrie exceptionnelle dans ces contrées. Située sur le territoire des Berbères Absystes, une cité fut bâtie sur un plateau arrosé et fertile au pied du point culminant du Djebel Akhdar. C’est là que fut fondée la colonie de Cyrène qui se développa à partir de ± 570 av. J.-C., donnant son nom à la région qui fut dès lors désignée sous le nom de Cyrénaïque.
Le lieu était particulièrement bien choisi car, en plus de précipitations relativement abondantes89, une source jaillissait de la montagne et le climat y était sain90. La colonie fut donc en mesure de développer ses activités pastorales et agricoles. Autre avantage, elle n’était pas isolée de la Grèce puisqu’un mouillage était possible à une vingtaine de kilomètres de la cité, là où fut aménagé le port d’Apollonia. Enfin, comme les Absystes étaient bien disposés à l’égard des nouveaux venus, il ne fut donc pas nécessaire d’entreprendre de lourds et coûteux travaux de fortification. Les Absystes aidèrent même les Grecs à s’installer et des mariages eurent lieu entre eux et des femmes berbères, ce qui permit de renforcer encore davantage les liens entre les deux populations91.
Bientôt, la richesse et la réputation de la colonie attirèrent de nouveaux colons et il fut nécessaire de fonder de nouvelles cités. Vers l’ouest, quasiment sur le site de l’actuelle ville de Benghazi92, fut ainsi établi le comptoir d’Euhespéridès, ultérieurement rebaptisé Béréniké. Plusieurs autres colonies furent fondées à Taucheira-Arsinoé93, Barca (Barqa, l’actuelle Al Merj), Balagrai (Al-Baîda) ou encore Antipyrgos (Tobrouk).
Grecs et Carthaginois
Au VIe siècle av. J.-C., les Carthaginois prirent pied en Libye où ils fondèrent Lpqi, Sabrt et Uiat. Pour les Romains, il s’agit de Lepcis Magna94, de Sabratha et d’Oea95.
L’ opposition entre Carthage et Cyrène96 devint réelle à partir du moment où les Grecs voulurent prendre pied dans le golfe des Syrtes97, façade maritime du royaume berbère saharien des Garamantes.
La crise qui menaça alors de dégénérer en conflit connut un règlement original car les deux cités décidèrent de s’en remettre à des coureurs à pied qui partirent au même moment de Carthage et de Cyrène en longeant la côte et dont le point de rencontre devait matérialiser la frontière.
Cette légende, dite des « Frères Philènes » a été rapportée par Salluste et elle fut ensuite différemment interprétée, faisant des Philènes, tantôt des Carthaginois, tantôt des Grecs de Cyrène. Quoi qu’il en soit, les Grecs furent battus puisque le contact se produisit au fond du golfe des Syrtes, à 1 500 kilomètres à l’est de Carthage et à seulement 500 à l’ouest de Cyrène.
Dans la version grecque, accusés d’avoir été achetés, les « Frères philènes », champions de la ville de Cyrène, se suicidèrent pour prouver leur bonne foi et leurs tombes furent désignées sous le nom d’ « autels des Philènes98».
Dans la plus ancienne version, celle de Salluste étudiée par Olivier Devillers (2000 : en ligne), les deux frères étaient des Carthaginois qui allèrent plus vite que les champions désignés par Cyrène et il s’en suivit une contestation. Ne voulant pas de guerre, les Carthaginois s’en remirent alors à la décision des Cyrénéens à la seule condition qu’elle soit équitable. Cyrène aurait alors proposé aux deux frères vainqueurs d’être enterrés vivants au lieu qu’ils avaient atteint et qui marquerait la frontière entre les deux cités. Les frères acceptèrent de se sacrifier pour la gloire de leur cité et c’est ainsi que, selon la tradition, fut fixée la frontière entre les zones d’influence de Carthage et de Cyrène.
Les Égyptiens virent avec inquiétude le développement des colonies grecques de Cyrénaïque. Aussi, vers 570 av. J.-C., sous la XXVIe dynastie, le pharaon Apriès (588,-568 ?) lança-t-il une expédition contre elles, mais, à la bataille d’Irasa, à l’est du Djebel Akhdar, il fut battu par les troupes du roi de Cyrène Battos II (583-565 av. J.-C.)99. Quelques années plus tard, à une date indéterminée, mais durant le règne d’Arcésilas II (565-555 av. J.-C.), les Cyrénéens furent à leur tour vaincus par les Égyptiens, ce qui ne freina pas la colonisation.
La conquête de l’Égypte par le roi perse Cambyse en 525 av. J.-C. plaça les Cyrénéens dans une situation difficile dont ils semblent s’être sortis en reconnaissant son autorité. Les Perses soutinrent Battos IV (± 515/470) dont le pouvoir était contesté en en faisant leur interface avec les autres cités grecques de Cyrénaïque ainsi qu’avec les tribus berbères (Mitchell, 1966 : 107). Cyrène devint ainsi en quelque sorte la marche occidentale de l’empire perse100.
Les Grecs eurent des relations conflictuelles avec certaines tribus berbères et amicales avec d’autres. Le clivage interne aux Berbères entre « sédentaires » et « nomades » permet peut-être d’expliquer ce fait car, menacés par les tribus nomades, dont les Nasamons du désert tripolitain, les Berbères sédentaires vivant dans le Djebel Akhdar eurent peut-être intérêt à s’allier aux Grecs dont la force militaire était à l’époque redoutable.
Selon Hérodote, ce serait vers 570 av. J.-C., qu’éclata la première guerre entre les Grecs de Cyrène et certaines tribus berbères en raison des tentatives d’élargissement de la colonie. Un second conflit se déroula ensuite à l’occasion d’une guerre de succession pour le trône de Cyrène, entre Arcésilas II et ses frères. Vaincus, ces derniers trouvèrent refuge chez certains Berbères de l’intérieur qui les aidèrent à reprendre le combat101. Dans sa thèse en cours de rédaction, Victor Colonge voit dans la guerre entre Arcésilas II et ses frères, la force de la tradition berbère de partage du royaume entre les fils du souverain défunt, confrontée à la coutume grecque de primogéniture mâle. Ainsi, en appuyant les frères d’Arcésilas, les Berbères de l’intérieur soutenaient-ils ceux qu’ils considéraient être dans leur droit.
À l’image d’Athènes, la monarchie de Cyrène céda la place à un régime démocratique. L’évolution vers la démocratie fut précédée de plusieurs guerres civiles opposant les monarques, l’aristocratie des cités composée des premiers colons et les nouveaux arrivants. Pour échapper à ces querelles, les souverains cyrénéens prirent tous les pouvoirs et devinrent des tyrans.
Arcésilas IV fut renversé par le parti aristocratique et il s’enfuit à Euhespéridès où, en 440 avant J.-C., il fut assassiné. Cyrène, devenue une république en 440 av. J.-C., conserva son indépendance jusqu’en 321 av J.-C., date de son annexion par Ptolémée Ier, le roi d’Égypte.
La Cyrénaïque vécut dans l’orbite du monde grec pendant treize siècles. Durant cette plage de temps aussi longue que celle de l’arabo-islamisme, elle fut un pôle de rayonnement de la littérature grecque (Laronde, 2010).
À la richesse des cités grecques de Cyrénaïque correspondit en effet un éclat culturel et artistique. Cyrène donna ainsi naissance au mathématicien Théodoros, au poète Callimaque et au philosophe Aristippe, élève de Socrate, fondateur de l’École de Cyrénaïque. Cyrène qui fut un phare au sein des courants de pensée hellénistiques reçut la visite de Platon en 399 et Hérodote y rédigea son Enquête. Pindare y fut invité par le roi Arcésilas IV et, dans deux de ses odes, il chanta les hauts faits hippiques du souverain. Cyrène était également réputée par ses médecins (Maffre, 2002).
Durant l’époque hellénistique102 (323 à 30 av. J.-C.), la Cyrénaïque connut encore une grande prospérité doublée d’un rayonnement intellectuel illustré notamment par la personnalité d’Eratosthène de Cyrène (± 276-± 194 av. J.-C.), l’inventeur de la géographie mathématique. L’hellénisation culturelle de la région semble avoir été importante car, en 331, quand Alexandre se rendit à Siwa, le prêtre qui l’accueillit s’adressa à lui en grec.
Dans l’arrière-pays et autour de Cyrène, les colons grecs développèrent une agriculture florissante profitant des conditions favorables offertes par le Djebel Akhdar :
« Sur le premier gradin dominaient les champs complantés d’arbres fruitiers, la vigne et les fleurs. Le haut plateau, plus sec, était une zone de culture extensive des céréales et d’élevage. Très tôt, l’ensemble de ces hautes terres se trouva sous le contrôle des Grecs des cités de la Pentapole, qui en dirigèrent la mise en valeur. Il ne semble pas, cependant, que ceux-ci s’approprièrent la totalité du second gradin. Cette région présente en effet une densité de sites antiques assez modeste, qui conduit à supposer qu’elle resta en partie peuplée de Berbères agriculteurs et pasteurs » (Modèran, 2003, p. 257103).
27. Dates et périodes sont conventionnelles car nous ne disposons pas de chronologies absolues. De plus, les « périodes intermédiaires » ont des limites floues et tous les auteurs ne leur accordent pas les mêmes plages de temps. Certaines sont même contestées. C’est ainsi que l’on discute encore au sujet de l’existence d’une 3e Période intermédiaire qui pourrait englober l’histoire des cinq dynasties dites « Libyennes »(XXIe à XXIVe) et de la dynastie « Nubienne » (XXVe).Ces problèmes et ces incertitudes font que le point de repère le plus commode est celui qui est donné par les chronologies dynastiques, même si les dates ne sont pas toutes acceptées par les spécialistes.
28. Les plus anciennes gravures de l’art rupestre saharo-nord-africain qui apparaissent vers 8 000 av. J.-C. affirment une parenté culturelle très nette entre les parties centres orientales du désert et l’ensemble de la vallée du Nil. Les premières peintures qui sont datées entre +- 8 000 et +- 5 000 av. J.-C. ont des styles de représentations qui se retrouvent dans certaines cultures de l’Égypte pré dynastique (Huard, Leclant et Allard-Huard, 1980 ; Lugan, 2002 : 20-27).
29. Même si la césure entre la Période Thinite ou archaïque et l’Ancien Empire peut sembler arbitraire ou même artificielle, il est très majoritairement admis de faire débuter ce dernier avec la IIIe dynastie.
30. « […] les hauts fonctionnaires en poste à la fin du règne d’Ounas [continuant] à servir Teti, premier pharaon de la VIe dynastie » (Vercoutter, 1992 : 315, 318-319).
31. Les « périodes intermédiaires » sont celles qui voient le relâchement du pouvoir royal, donc de l’unité, vitale pour la survie de l’Égypte. L’ouvrage de référence pour la première période intermédiaire ainsi que pour les périodes ultérieures jusqu’au Nouvel empire inclus est celui de Vandersleyen (1995). Nous adopterons les chronologies de l’auteur.
32. L’Égypte devait alors être divisée en trois zones, l’une, le Delta aux mains des Asiatiques, la seconde, ou Moyenne Égypte était gouvernée par les nomarques d’Hérakléopolis, quant à la Haute-Égypte, elle était sous le contrôle des rois de Thèbes.
33. Il serait fastidieux de citer ici les dizaines de souverains réels, attestés ou légendaires, qui se succédèrent durant cette période.
34. Les postulats de C. A. Diop ont été énoncés à partir de 1952 dans le n°1 de La Voix de l’Afrique, organe des étudiants du RDA (Rassemblement Démocratique Africain). Cet article était intitulé « Vers une idéologie politique africaine », février 1952. Ils furent repris et développés en 1954 dans Nations nègres et Culture : de l’antiquité nègre égyptienne aux problèmes actuels de l’Afrique noire aujourd’hui, Paris, 1954 (nouvelles éditions en 1964, 1979 etc.,) ; dans Les fondements culturels techniques et industriels d’un futur État fédéral d’Afrique noire, Paris, 1960 ; dans Antériorité des civilisations nègres. Mythe ou vérité historique ?, Paris, 1967 ; dans Civilisation ou Barbarie, Paris 1981. Pour une critique en profondeur des thèses de C. A. Diop, voir Froment, 1991 : 29-64) ; Fauvelle-Aymar (1996) ; Fauvelle-Aymar, Chrétien et Perrot (2000) ; Lugan (2003 : 157-180).
35. C.A Diop écrit que les Égyptiennes avaient les cheveux crépus, ce qui, selon lui, s’observerait sur toutes les représentations et permettrait d’affirmer que les Égyptiens appartenaient à la « race » noire (Diop, 1967 : 40-41). Or, ce que Diop voit comme un « souci constant de la femme noire pour adapter les cheveux crépus à la grâce féminine » n’est en réalité que le port généralisé de la perruque, les femmes sur leurs cheveux naturels et les hommes sur le crâne rasé.
36. Caractéristique particulière inhérente au chromosome et qui signe son identité d’une manière unique.
37. L’allèle est une fraction de chromosome.
38. 6% seulement de la population égyptienne actuelle serait d’origine arabe (Garcin, 1977 : 17)
39. Cet haplotype se retrouve à 58 % au Maroc, à 57 % en Algérie, à 53 % en Tunisie et à 45 % en Libye.
40. On le retrouve chez 80 % des sujets en République démocratique du Congo (RDC) et à 84 % en République Centre africaine (RCA).
41. « […] la majorité de la population actuelle de l’Égypte peut être qualifiée de basanée […], mais dire que les basanés sont des nègres n’est pas exact ». (Froment, 1992 : 53).
42. L’année 2064 av. J.-C. marque le début du règne de Mentouhotep II et celle de 2033 av. J.-C. l’achèvement de la réunification de l’Égypte par le même Mentouhotep II.
43. Mentouhotep signifie « le dieu Montou est satisfait ». Montou était un dieu guerrier.
44. Antef III, dernier souverain de la XIe dynastie, pourrait être à l’origine de la réunification et non Mentouhotep II.
45. C’était un vizir de Mentouhotep III qui prit probablement le pouvoir à la suite d’un coup de force à la mort du pharaon.
46. Il mourut à la suite d’une intrigue de cour qui a donné naissance au Conte de Sinouhé.
47. Les nomarques étaient des chefs territoriaux. À l’origine il s’agissait de fonctionnaires chargés d’administrer une division territoriale administrative, le nome. Chaque nome avait sa capitale et son emblème. Sous l’Ancien Empire, l’Égypte était divisée en 38 nomes. Durant les périodes de faiblesse de l’État, les nomarques avaient tendance à s’affranchir du pouvoir central.
48. Il serait fastidieux d’en énumérer les différents souverains, d’autant plus que la XIVe dynastie pourrait en avoir compté 76.
49. « […] la période Hyksos a vu toute frontière disparaître entre l’Égypte et l’Asie, et une sorte d’État s’organiser englobant la Palestine et la vallée du Nil, on admet (donc) habituellement que c’est à ce moment que les influences asiatiques se sont introduites massivement en Égypte. » (Vandersleyen, 1995 : 204)
50.En Nubie, c’est sous la XIIIe dynastie égyptienne (± 1797/± 1634 av. J.-C.) que les chefs locaux avaient commencé à secouer le joug égyptien. Ils s’unirent ensuite sous l’autorité d’un roi qui s’installa à Kerma.
51. Il est encore parfois désigné sous le nom de Second Empire thébain car Thèbes, ville du Dieu Amon en fut sa métropole religieuse et sa capitale politique, sauf durant la brève parenthèse d’Akhénaton.
52. Faut-il en effet la faire commencer avec ce pharaon alors que son père Séqénenré Taa et son oncle (?) Kamosis font partie de la XVIIe dynastie?
53. Ou Touthmosis.
54. De l’un de ses mariages, Thoutmosis I eut deux filles, dont l’aînée fut Hatchepsout.
55. Il y eu au moins quatorze campagnes. L’état de la question est fait par Vandersleyen (1995 : 294-307).
56. Après de longues controverses, l’on pense aujourd’hui que le royaume de Mitanni qui semble apparaître au XVIe siècle av. J.-C. était d’origine « indo-aryenne », une « aristocratie » indo-aryenne prenant le commandement de populations hourrites. Ce royaume se serait développé au moment du premier affaiblissement de l’empire hittite. Il avait vaincu l’Assyrie et pris sa capitale, Assur. (Nikiprowetzky, 1998 : 252)
57. Ou Amenophis.
58. Il eut Néfertiti pour première épouse. Cette femme superbe était probablement égyptienne et non une « princesse mitanienne ». Elle donna six filles à son époux.
59. De plus, Aton était un dieu sans visage.
60. D’où le nom d’amarnien pour désigner le nouveau style artistique et architectural du règne. Il se caractérise entre autres, par un abandon des canons et des conventions traditionnels. Les corps sont ainsi souvent représentés en mouvement et non plus figés comme auparavant.
61. Après la mort d’Akhenaton, la vengeance du clergé d’Amon fut à la hauteur des persécutions qu’il avait subies et tout ce qui pouvait rappeler le règne du pharaon fut supprimé, martelé et sa capitale rasée.
62. Thoutankhaton décida de changer de nom en prenant celui de Toutankhamon pour bien marquer la fin de la révolution religieuse.
63. Ses campagnes militaires sont représentées sur les bas-reliefs de Karnak.
64. La discussion subsiste au sujet de la véritable date du début de son règne.
65. Il s’agit d’une demi-victoire car, mal engagée face aux chars hittites, l’armée égyptienne ne fut sauvée du désastre que par l’intervention personnelle du souverain au cœur de la mêlée. De plus, Qadesh resta aux mains des Hittites. L’armée égyptienne disposait de chevaux et de chars de combat depuis le début de la XVIIIe dynastie.
66. Non identifiés et hétérogènes, leur origine a donné lieu à d’inépuisables controverses (Grecs, Crétois etc. ?) dont le seul exposé ferait la matière d’un livre et nous entraînerait loin de notre propos.
67. Qui était-il ? Un prince de lignée royale ? Un petit-fils de Ramsès II ou encore un fils rebelle de Séthy II ? Nous l’ignorons.
68. Pour tout ce qui concerne les relations entre la Libye antique et l’Égypte, voir Gostynski (1975).
69. Voir à ce sujet la publication de Robert Ritner (2009).
70. C’était un vizir de Mentouhotep III qui prit probablement le pouvoir à la suite d’un coup de force à la mort du pharaon.
71. Pour les Grecs puis pour les Romains, la Nubie était l’« Aithiops » ou Éthiopie, littéralement, le « pays des visages brûlés ». Cette remarque faisait référence à la couleur de la peau de ses habitants et ne permettait pas d’établir une distinction entre la Nubie, aujourd’hui le Soudan, et l’Éthiopie proprement dite. C’est ainsi que, lorsque régnant en Égypte, les souverains nubiens de la XXVe dynastie sont qualifiés d’ « Éthiopiens », c’est l’usage linguistique gréco-romain qui prévaut et non les définitions géographiques car cette dynastie était nubienne et non éthiopienne au sens moderne de l’adjectif.
72. Pour la discussion se rapportant à la réalité des rapports maritimes entre l’Égypte et la Méditerranée orientale, nous renvoyons à Vandersleyen (1995 : 27-30).
73. Vandersleyen (1995 : 282-283) pense ainsi que la navigation vers Pount se faisait par le Nil et non par la mer Rouge.
74. L’encens pousse en Somalie et au Yémen. Il s’agit d’un petit arbuste, le baumier, dont on incise le tronc pour en recueillir la sève qui en se solidifiant donne de petites boules de couleur jaunâtre. Traditionnellement, l’encens était fourni aux Égyptiens par des marins arabes sabéens originaires de l’Hadramaout qui remontaient la mer Rouge avec la mousson du sud-ouest en novembre ou en décembre. Avant d’arriver en Égypte, cette précieuse marchandise passait entre les mains de nombreux intermédiaires, ce qui augmentait son prix et qui donna aux Égyptiens l’envie d’aller l’acheter directement dans les zones africaines de production. La myrrhe était également très recherchée par les Égyptiens. Elle est naturellement exsudée par un arbuste et elle était utilisée dans la pharmacopée, pour la fabrication des parfums et pour embaumer les corps.
75. Pour tout ce qui concerne la période libyenne en Égypte, il est indispensable de se reporter à Broekman et alii (2009) qui constitue la publication d’un colloque de 2007 tenu à Leide et dont le thème était “The Libyan Period in Egypt”.
76. Ou Mazices. « Il s’agit en fait du nom que les Berbères se donnent eux-mêmes Imazighen (au singulier Amazigh). Ce nom a été transcrit par les étrangers sous des formes variées : Meshwesh par les Égyptiens, Mazyes et Maxyes par les Grecs, Mazices et Madices par les Latins. Au XIVe siècle, le grand historien Ibn Khaldoun explique qu’une branche des Berbères, les Branès, descend de Mazigh. Que certains habitants de l’Afrique antique aient déjà placé quelque ancêtre Mazigh ou Madigh en tête de leur généalogie ne saurait étonner puisqu’ils se sont, de tous temps, donné ce nom » (Camps, 1981).
77. Ou Chéchanq. C’est le Chichaq de la Bible.
78. Sous cette dynastie, la déesse chatte Bastêt associée à la déesse lionne Sekhmet eut un temple à Thèbes.
79. Padibastet (Pétoubastis Ier) (818-793) ; Loupout Ier (804-803) ; Seshonq IV (793-787) ; Osorkon III (787-759) ; Takélot III (764-757) ; Roudamon (757-754) ; Loupout II (754-715) et Seshonq VI (715).
80. Peut-être fut-il brûlé vif, mais rien ne permet cependant de l’affirmer.
81. Le Sardanapale des Grecs.
82. Voir le numéro 28, février 2003 de la revue Égypte Afrique et Orient qui est consacré à l’époque saïte et A. B. Llyod, 1983.
83. Saïs qui étaient la capitale du 5e nome de Basse Égypte, fut la capitale de l’Égypte durant les XXIVe (727-715) et XXVIIIe (404-399) dynasties.
84. Il régna à Babylone à partir de l’année suivante sous le nom de Nabuchodonosor II 604-562 av. J.-C.).
85. Sur Inaros, voir Bigwood (1976).
86. Sur les Phéniciens et Cyrène, voir Laronde (1990).
87. Sur la Libye grecque, romaine et byzantine, voir Jean-Marie Blas de Roblès (2005).
88. Selon la « stèle des Fondateurs » et certaines traditions, une sécheresse aurait frappé Théra, île surpeuplée. Il s’en suivit des tensions politiques et une tentative de prise du pouvoir par Battos. Ayant échoué, il fut expulsé avec ses partisans et c’est alors qu’ils seraient partis pour la Libye. Hérodote qui visita Cyrène vers 440 av. J.-C. consacra la moitié de son livre IV à la ville et à sa région. Il donne deux versions de la fondation de Cyrène. La première est entourée de mystères alors que la seconde rapporte que le roi de Théra s’étant rendu à Delphes afin consulter la Pythie au sujet d’une sécheresse qui frappait l’île, cette dernière lui ordonna de fonder une colonie en Libye. Trop vieux, le souverain confia cette mission à Battos qui fonda un établissement sur un îlot proche du littoral, à Platéa.
89. À un peu plus de 600 mètres au-dessus du niveau de la mer, la ville de Cyrène bénéficiait de la condensation de l’humidité littorale.
90. « Ainsi tu t’étonnes que le brûlant séjour de Phykpis (cité littorale de Cyrénaïque) te donne des frissons et te vicie le sang? Tu devrais au contraire t’étonner que ton corps triomphât encore de la chaleur qui règne là-bas. Mais tu peux venir auprès de nous (à Cyrène) et, avec l’aide de Dieu, y reprendre tes aises : fini cet air corrompu par les exhalaisons de la lagune, finie cette eau saumâtre, tiède, totalement stagnante, autant dire morte ! Quel plaisir y a-t-il même à s’affaler sur le sable de la plage, seul passe-temps que vous ayez » (Lettre de Synésios de Cyrène à son frère, 405 apr. J.-C. Citée par Laronde, 2010 : 30).
91. Dans son « Hymne à Apollon » qui date du IIIe siècle avant l’ère chrétienne, le poète hellénistique Callimaque de Cyrène évoque ainsi les colons doriens dansant avec des femmes berbères blondes à l’occasion des premières fêtes des Carnea célébrées à Cyrène juste après la fondation de la colonie.
92. Le nom actuel de Benghazi vient de Sidi ben Ghazi, un saint du XVe siècle.
93. L’actuelle ville de Tukrah ou Tocra, à 160 km à l’ouest de Cyrène.
94. Il est correct de parler de Lepcis et non de Leptis car ce nom est punique LPQY (Daguet-Gagey, 2000 : 20,439).
95. La réunion de ces trois comptoirs donna naissance à Tripoli, du grec treis polis, les trois cités.
96. Sur les relations entre les Phéniciens et la Cyrénaïque, voir André Laronde, « Les Phéniciens et la Cyrénaïque jusqu’au IVe siècle av. J.-C. », 1990.
97. Les Syrtes sont les bancs de sable.
98. Cet autel marqua ensuite la frontière orientale de la province d’Afrique proconsulaire. Durant la période italienne, un arc de triomphe fut érigé sur leur emplacement. Il fut rasé en 1973 par les nouvelles autorités libyennes.
99. La dynastie des Battiades qui régna à Cyrène de ± 630 à 440 av. J.-C., fut fondée par Battos Ier. Ses souverains portèrent deux noms exclusivement et alternativement, à savoir Battos et Arcésilas. Il y eut quatre Battos et quatre Arcésilas. Sur les Battiades, l’ouvrage de François Chamoux (1953) demeure indispensable.
100. Pour tout ce qui concerne les rapports entre Cyrène et la Perse, voir Mitchell (1966 : 99-113).
101. Hérodote rapporte néanmoins la mort de sept mille hoplites cyrénéens face à une coalition berbère, probablement au milieu du Ve siècle av. J.-C. Puis en 510, le spartiate Dorieus qui voulut fonder une colonie à proximité de la ville carthaginoise de Lepcis, fut chassé par une coalition berbéro-punique.
102. Sur la Libye hellénistique, voir André Laronde (1997) ainsi qu’André Laronde et Gérard Degeorge (2005).
103. Sur la vie agricole avant la conquête arabe, voir André Laronde (1989).