Chapitre III

Le cas marocain

Il est légitime de parler de « cas marocain » car, dans l’Empire chérifien, la France intervint dans un authentique État-nation pluriséculaire, non pas pour y constituer une administration, mais pour l’aider à reconstruire la sienne et à la moderniser. Ce fut le Protectorat, œuvre du maréchal Lyautey qui s’y affirma comme le « premier serviteur du sultan ».

Cette expérience originale se termina avec son départ. Aux ordres du Cartel des gauches, le maréchal Pétain évinça en effet sans élégance ce « grand lord colonial » que la République détestait.

Les successeurs de Lyautey ne comprirent pas la subtile alchimie marocaine et ils pratiquèrent une politique contraire à celle qu’il avait suivie, provoquant bien des tensions et cristallisant les revendications nationalistes autour de mesures maladroites.

I- Le Protectorat

Avec le traité de Protectorat (ou Traité de Fès), le sultan du Maroc conservait tous les attributs de son prestige ; son pouvoir spirituel restait intact car il demeurait imam et calife, la prière étant dite en son nom le vendredi dans les mosquées. Il n’en était pas de même avec ses pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire car il devait se contenter de signer les dahîrs présentés par la Résidence ; pour nommer les fonctionnaires, il n’avait de choix que sur les listes que cette dernière lui soumettait. Quant au Makhzen, il fut réformé et il n’eut plus qu’un rôle de façade.

Le Résident de France au Maroc était nommé en Conseil des ministres et il dépendait du ministère des Affaires étrangères. Il était le représentant du Maroc sur la scène internationale, commandait l’armée, dirigeait l’administration, promulguait les décrets signés par le sultan après avoir décidé des lois et choisi les vizirs et les fonctionnaires. Responsable de la communauté française résidant sur le sol marocain, il était assisté par un secrétaire général chargé des affaires administratives et civiles qui contrôlait les services chérifiens.

Le protectorat espagnol

La zone de protectorat espagnol, c’est-à-dire la côte nord du Maroc fit l’objet d’un traité signé le 27 septembre 1912 par les Espagnols et les Français, sans que le sultan ait été consulté. Dans un premier temps, les Espagnols se contentèrent d’occuper les ports et ils ne cherchèrent pas à administrer l’arrière-pays.

L’Espagne exerça sa présence par le biais d’un Haut-Commissaire et le sultan marocain y fut représenté par un Khalifa nommé par lui. De 1912 à 1956, il n’y eut que deux Khalifa, à savoir Moulay el Mehdi, de 1912 à 1923, puis son fils Moulay el Hassan.

En 1912, les Espagnols rattachèrent administrativement leurs possessions sahariennes à leur Protectorat marocain.

En 1916, l’Espagne s’installa au cap Juby (Bojador ou Boujdour). Puis, en 1919, elle prit possession d’une partie du Cap Blanc, à l’extrémité sud du futur Rio de Oro où elle créa le comptoir de la Guera (La Gouira, Lagwira). Ifni que Madrid revendiquait depuis le XIXe siècle fut occupée en 1934 et Smara en 1936 (carte page LXVI).

En 1925 fut créée la Direction générale du Maroc et des Colonies et, en 1934, le haut-commissaire d’Espagne au Maroc devint également gouverneur général des territoires d’lfni, du Sahara Occidental et du Rio de Oro.

Le poids administratif du Protectorat fut moins sensible dans les zones rurales où la France se contenta de mieux contrôler les pachas et les caïds qui dirigeaient villes et tribus. Ces derniers furent choisis parmi les Marocains dévoués à la France, en particulier, après la Grande Guerre, parmi les officiers ayant servi en Europe. Ils furent en fait encadrés par les contrôleurs civils ou militaires des Affaires indigènes, les héritiers des Bureaux arabes de l’Algérie d’avant 1870, l’élite de l’administration coloniale française594.

Le Maroc fut divisé en sept régions, dont trois civiles (Casablanca, Rabat et Oujda), en trois régions militaires (Meknès, Fès et Agadir) et en une région mixte (Marrakech). Chacune fut dominée par un chef de région qui avait de grands pouvoirs, en quelque sorte un sous-résident.

Certaines assemblées locales, créées en 1917 dans les villes et désignées par le Résident, eurent un pouvoir consultatif, sauf celle de Casablanca qui pouvait intervenir sur le budget de la ville. En 1919, fut créé le Conseil du gouvernement, proche du Résident, qui se composait de deux parties : l’une marocaine, l’autre française. Il était, lui aussi, purement consultatif, ne votait pas et n’avait de compétence qu’économique.

Lyautey, lucide et iconoclaste

Dès son arrivée au Maroc en 1912, Hubert Lyautey (1854-1934) avait vu qu’il n’avait pas été nommé dans un territoire « quelconque » habité par des « indigènes », mais dans une authentique Nation au passé exceptionnellement riche. Il exprima clairement cette réalité en 1916 :

« Alors que nous nous sommes trouvés en Algérie en face d’une véritable poussière, d’un état de choses inorganique, où le seul pouvoir était celui du Dey turc effondré dès notre venue, au Maroc, au contraire, nous nous sommes trouvés en face d’un empire historique et indépendant, jaloux à l’extrême de son indépendance, rebelle à toute servitude, qui, jusqu’à ces dernières années, faisait encore figure d’État constitué, avec sa hiérarchie de fonctionnaires, sa représentation à l’étranger, ses organismes sociaux […] » (Discours de février 1916 devant la Chambre de commerce de Lyon).

Dans le contexte universaliste et assimilateur dans lequel baignait alors la colonisation française, Lyautey constitue une grande et profonde originalité. Son action procéda en effet d’une constante qu’il eut toujours à l’esprit et qui était que le Protectorat français sur le Maroc n’était qu’un état transitoire, provisoire, devant inéluctablement aboutir à l’indépendance du pays.

Lyautey refusa l’introduction au Maroc des principes sur lesquels reposait la colonisation de l’Algérie. Lucide et iconoclaste, il écrivit en 1920 un texte prophétique dans lequel il adoptait une attitude proprement révolutionnaire pour l’époque puisqu’il se prononçait clairement pour la décolonisation de toute l’Afrique du Nord, Algérie comprise :

« Je crois comme une vérité historique que dans un temps plus ou moins lointain, l’Afrique du Nord évoluée, civilisée, vivant de sa vie autonome, se détachera de la métropole. Il faut qu’à ce moment-là, et ce doit être le but suprême de notre politique, cette séparation se fasse sans douleur595. »

Lyautey veilla à la création d’une académie militaire prestigieuse, l’École de Dar el-Beida à Meknès (Zrhibi, 1999) qui ouvrit ses portes au mois d’octobre 1918. Il en sortit, comme il l’avait souhaité, une élite francophile, mais qui finit par rallier le mouvement nationaliste et qui forma les cadres des Forces armées royales marocaines en 1956596.

La modernisation du Maroc

Comme en Tunisie et en Algérie, la population de souche connut une forte croissance entre les deux guerres mondiales, passant de 5 millions d’habitants en 1921, à 7,6 millions en 1936 et à 8,4 millions en 1946.

Les Européens étaient 29 000 en 1913, 78 000 en 1921, 157 000 en 1931 et 236 000 en 1936. En 1931, sur 157 000 Européens, on comptait 22 000 Espagnols et 12 000 Italiens. La population européenne était citadine à 90 % et plus de 40 % de tous les Européens vivant au Maroc résidaient à Casablanca.

Lyautey était opposé à une colonisation de « petits blancs » ruraux. Il avait clairement défini sa politique élitiste à ce sujet au mois de janvier 1921, déclarant que « le Maroc n’est pas et ne sera jamais une colonie de petit peuplement agricole ».

En 1927 on ne recensait que 2 044 colons, dont 1 847 Français qui exploitaient 650 000 hectares. En 1935, leur nombre avait doublé, mais il était encore modeste par rapport à l’Algérie puisque 4 000 colons cultivaient 840 000 hectares, soit une moyenne de 210 hectares par exploitation.

Durant le Protectorat, le Maroc fut un vaste chantier avec construction de villes nouvelles, de ports, création de mines et de barrages597.

Les phosphates, découverts assez tard, furent exploités à partir de 1921 à Oulad Abdoun par l’Office chérifien des Phosphates. Après la Seconde Guerre mondiale, la production marocaine, avec cinq millions de tonnes par an, fut la deuxième dans le monde. Cette exploitation assura la rentabilité des chemins de fer marocains, le développement des ports comme Casablanca et Safi, la création de deux villes, Khouribga et Louis-Gentil (Youssoufia), et de nombreux villages miniers. Elle employait onze mille ouvriers.

Les autres ressources du sous-sol furent exploitées par des sociétés privées : le charbon de Jerada, à partir de 1928, le pétrole, après 1945, le fer surtout dans la zone espagnole. Le plomb et le zinc virent leur production multipliée par quatre entre 1938 et 1945.

Dès 1912, selon le système d’aménagement du territoire cher à Lyautey, de grands travaux furent entrepris, quelquefois par l’armée. Routes et voies ferrées indispensables à la pacification favorisèrent largement le développement économique. Les minerais étaient transportés jusqu’à la côte par chemin de fer. Quant aux fleuves et aux rivières, ils furent aménagés à la fois pour produire de l’électricité et pour l’irrigation.

Les capitaux nécessaires à cette mise en valeur étaient issus des finances publiques alimentées par les impôts directs et indirects, d’une part, et par des emprunts lancés sur le marché français. Les investissements industriels relevèrent plutôt de sources privées, sauf l’exploitation des phosphates avec l’Office chérifien des Phosphates, créé en 1920. Les autres industries étaient aux mains des grandes banques françaises qui avaient pris position avant le Protectorat sous forme de prêts au Makhzen. 90 % des capitaux étaient français, gérés, en particulier, par la Banque de Paris et des Pays-Bas, qui contrôlait la Banque d’État du Maroc et donc la monnaie, ainsi que deux sociétés holdings : la Compagnie générale du Maroc et l’Omnium nord-africain, dominant les sources d’énergie et les transports. Ces sociétés eurent une influence prépondérante sur la politique à tous les niveaux, à Paris et à Rabat.

II- Les résistances marocaines

Du guerrier marocain des plaines ou des montagnes qu’il connaissait bien pour avoir commandé les goums marocains durant la Campagne d’Italie, le général Augustin Guillaume (1895-1983) disait :

« II sait sacrifier délibérément ses biens, sa famille et plus facilement encore sa vie. Aucune tribu n’est venue à nous dans un mouvement spontané. Aucune ne s’est soumise sans combattre, et certaines sans avoir épuisé, jusqu’au dernier de leurs moyens de résistance » (Guillaume, 1946 : 80).

La « Pacification » entreprise par Lyautey fut d’abord une intervention par procuration destinée à briser la résistance des tribus berbères qui refusaient le pouvoir du sultan. En définitive et même si dans sa phase d’apogée le Protectorat marocain semble s’être appuyé sur les Berbères, le résultat de l’action française fut de favoriser l’État arabo-musulman puisqu’elle cassa la force de résistance des grands ensembles berbères. En 2000, les rédacteurs du Manifeste Berbère ont parfaitement bien exprimé cette idée :

« Merveilleusement symbolisé par la personne de Lyautey, le Protecteur en titre va s’avérer le meilleur allié des cercles makhzéniens, en lesquels il trouve lui-même ses meilleurs auxiliaires. Ne l’ont-ils précisément pas mandé d’urgence pour qu’il vienne à leur secours, eux qui n’en peuvent plus face à l’insoumission endémique des Imazighen ? Ils ne tardent guère d’ailleurs à découvrir qu’il peut être pour eux le meilleur garant contre toutes les irrévérencieuses attaques que n’hésite plus à leur livrer l’ensemble de leurs compatriotes […] Son statut et le leur au sein des masses marocaines font d’eux des alliés objectifs et presque naturels ; ils s’exhortent mutuellement à combattre la rébellion berbère, au point qu’un vrai pacte finit par lier leurs sorts de façon sacramentelle : un message ayant valeur de prêche est lu un vendredi des années vingt dans les mosquées du royaume, par des imams de premier plan, appelant les Marocains à un « jihad » destiné à soutenir… les armées (chrétiennes) d’occupation dans leur glorieux combat contre les insoumis (berbères). Les familles makhzéniennes en vue participent de façon ostentatoire aux festivités célébrant les victoires successives des troupes étrangères sur les tribus berbères » (Le Manifeste berbère : 2000).

Les Marocains parlent de « Résistance598» et les Français de « Pacification », cette dernière notion reposant sur l’idée selon laquelle une partie du pays refusant l’autorité du sultan, c’était pour son compte et en son nom que se faisaient les opérations militaires françaises.

La région de Marrakech constitua une exception car les campagnes militaires françaises y furent limitées en raison du soutien que Lyautey avait obtenu des grands caïds berbères régionaux (Glaoui, Mtouggui et Goundafi)599. L’originalité de cette politique consista, comme l’a bien définie El Qadéry « à laisser à certains caïds du Makhzen pré-colonial mener la « pacification » au nom du Makhzen colonial » (El Qadéry, 2007 : 8).

Dans un discours prononcé à Paris le 12 décembre 1912, quelques mois à peine après le début du Protectorat, le général Lyautey déclara : « La pacification du Maroc, restez-en bien convaincus, est une très grosse affaire, à très longue échéance. »

De fait, la résistance armée fut très importante et très longue, même si les Français et les Espagnols n’eurent jamais à faire face à un mouvement d’ensemble, y compris durant la guerre du Rif. Malgré le déséquilibre des forces, les tribus n’hésitèrent pas à prendre les armes. Dans certaines régions, elles résistèrent jusqu’en 1934, date à laquelle le Maroc fut considéré comme totalement pacifié. La prise de conscience politique se développa ensuite dans les centres urbains et le combat fut alors politique.

La résistance commença dès 1912 dans le sud marocain avec El-Hiba600. Depuis Tiznit où son père Ma el Aimin, s’était retiré, il souleva le Sous, l’oued Noun, la vallée du Draa, le nord du Sahara et une partie de l’actuelle Mauritanie.

En 1912, quand le sultan Moulay Hafid abdiqua et que Moulay Youssef fut proclamé à sa place, les tribus sahariennes étaient en plein soulèvement. El-Hiba prit alors Marrakech à la tête d’une armée de plusieurs dizaines de milliers d’hommes, essentiellement des Saharaouis, avant d’être écrasé à la bataille de Sidi Bou Othmane à une quarantaine de kilomètres au nord de Marrakech où :

« Fauchés par le tir des carabines et des mitrailleuses, écrasés sous les obus, puis taillés en pièces par la cavalerie, les hommes bleus et leurs alliés du Haouz, après plusieurs retours offensifs, avaient lâché pied, fuyant le champ de bataille jonché de blessés et de cadavres » (Weisgerber, 1947).

El-Hiba continua de résister jusqu’au moment de sa mort en 1919, puis son frère Merabbi Rebbu prit la relève. Au même moment, dans l’actuelle région du Saquia el Hamra, une colonne française venue de l’Adrar prit Smara mais, devant le soulèvement des Rguibat et de certains Tekna commandés par Mohammed Laghdaf, un autre fils de Ma el Aimin, elle se replia vers l’actuelle Mauritanie.

Ce fut dans la région du Moyen-Atlas, de l’Atlas central et du Tadla que les résistances furent les plus vives. À la limite des trois régions militaires de Meknès, Fès et Taza, les Français furent confrontés à de rudes adversaires, qu’il s’agisse des Beni Warain, des Marmoucha ou encore des Aït Seghrouchen avec Moulay Ahmed Seghrouchni auquel succéda son fils Sidi Akka, qui ne déposèrent les armes qu’en 1926601. Au mois de mai 1914, les troupes venues d’Algérie et commandées par le général Baumgarten, firent leur liaison à Taza (carte page LIX) avec celles du Maroc qui étaient sous les ordres du général Gouraud. Parlant de cette région qu’il comparait à un couloir, Lyautey disait :

« C’est un couloir ; dans une maison, le couloir n’est pas la pièce la plus riche ; mais c’est tout de même une pièce utile, intéressante, indispensable » (Cité par le capitaine Vial, 1938 : 94).

Le moyen Atlas fut le cœur de la résistance et les Berbères s’y lancèrent dans une guerre systématique. Comme le terrain leur était propice, ils y menèrent de vastes opérations de « guérilla ». Ici, leur principal chef fut Moha ou Hammou es Zaïani. Bien équipé et armé, il dut, malgré tout, quitter sa capitale Khenifra en 1914, lors de sa conquête par le général Henrys, mais il reforma ses troupes dans la montagne avant d’en organiser le blocus.

En novembre 1914, à El Herri, à quelques kilomètres de Kénifra (carte page LVI), il parvint à surprendre et à submerger une colonne française commandée par le colonel René Laverdure qui perdit 33 officiers et 580 soldats morts ou blessés, tandis que 8 canons et 10 mitrailleuses restèrent aux mains des Marocains. Cette victoire fut cependant sans lendemain car la contre-attaque obligea Moha ou Hammou à se replier à nouveau dans ses montagnes où il résista jusqu’au 2 juin 1920, date de sa soumission au général Poeymirau.

Mohammed N’Ifrouten combattit quant à lui dans le Tafilalet où, durant l’été de 1918, dans la région de Bou Denib, il attaqua les troupes françaises à la tête de plusieurs milliers d’hommes. Il fut battu à Gaouz, où six cents de ses hommes trouvèrent la mort en une matinée.

La première guerre mondiale terminée, Lyautey ne put obtenir les moyens qui lui auraient permis de prendre le contrôle du Moyen Atlas. Plus encore, une déflation s’opéra dans les effectifs qui furent ramenés de 87 000 hommes au mois d’août 1918 à 68 000 au début du mois de janvier 1918 (Rivet, 1999 : 58). Ne pouvant envisager une vaste opération, il concentra alors ses moyens contre la « tache de Taza » qui fut « effacée » en 1921. À partir de cette date, les communications avec l’Algérie furent sûres, mais le cœur du Moyen Atlas, notamment les territoires des Marmoucha et des Aït Seghrouchen résista encore.

III- La guerre du Rif (1921-1926)602

Cette guerre qui impliqua d’abord l’Espagne, puis l’Espagne et la France, fut initialement menée par le caïd des Béni Ouriaghel, la plus puissante tribu du Rif central, Abd el-Krim el Khettabi, puis par son fils, Mohammed Ben Abd el-Krim el Khettabi603.

Abd el-Krim avait collaboré au Telegrama del Rif, organe de la colonisation espagnole, avait été interprète à la Oficina de Asuntos Indigenas chargée d’organiser le renseignement dans le Maroc espagnol. La lutte qu’il engagea ne fut pas une résistance désespérée contre le rouleau compresseur colonial. Fondée sur un projet politique, elle fut soutenue par une volonté populaire, même si toutes les tribus du Rif ne le suivirent pas. Abd el-Krim se référait aux événements de Syrie, à ce qui s’était passé en Turquie après le premier conflit mondial, et aux idées qui agitaient le monde arabe.

Situé dans le nord du Maroc, le massif du Rif, long de plus de 250 kilomètres et large de plusieurs dizaines est une région d’accès difficile présentant un remarquable cloisonnement physique et humain.

« Le littoral rifain est pour l’essentiel un cul-de-sac pour les étrangers qui ignorent la réalité du lacis des gorges étroites, des lits de torrents qui permettent de s’aventurer à l’intérieur de l’antichambre convulsée du continent. Avec la minuscule anse de Badis, la baie d’Al-Hoceima (Alhucemas), demi-cercle d’un diamètre d’une douzaine de kilomètres ; constitue le seul accroc naturel dans ce maillage hermétique […] Ce rempart naturel du Maroc sur sa côte méditerranéenne est la citadelle imprenable de paysans-guerriers berbères au sentiment identitaire très fort, quasi insulaire, les Rifains ».

« Eloigné du Makhzen alaouite par les sommets qui le séparent de Fez, le Rif est une constellation de tribus privées de centre névralgique. À l’exception de l’Ouest Djabala, il faut faire sans ces grands caïds dont l’alliance, comme Lyautey va le démontrer, permet de tirer tous les bénéfices d’une paix acquise à peu de frais et d’autant plus solide qu’elle s’impose de l’intérieur. Campés sur une terre livrée sans mode d’emploi, les Espagnols vont tenter, au gré des circonstances, depuis leurs plates-formes militaires et commerciales de Ceuta et Melilla, de monter le parti des « amis de l’Espagne ». D’est en ouest du croissant rifain, terre d’élection de la révolte, l’ambition velléitaire de l’Espagne va s’éprouver au contact de deux puissants rebelles à l’autorité du sultan : Jilali Zerhouni, alias Bou Hamara, et Raissouni, le « chérif borgne », roi du kidnapping (Courcelle-Labrousse et Marmié, 2008 : 17 et 23).

Au nord du Maroc, dans la zone qui leur revint, les Espagnols eurent bien des difficultés avec les tribus et leur politique y fut constamment hésitante. Présents à Melilla, à l’est et dans l’Ouest atlantique, ils furent longtemps bloqués dans leur progression vers l’intérieur.

Dans l’arrière-pays de Melilla, le chérif Ameziane leur infligea deux terribles défaites, l’une au mois de juillet 1909 à Barranco del Lobo et l’autre, au mois de septembre, à Souk el-Khémis. N’étant pas en mesure de relier par voie de terre leurs deux points d’appui de Tétouan et de Melilla, la seule solution qui leur restait était de tenter un débarquement dans la baie d’Al-Hoceima. Ce projet étant très risqué, il fut plusieurs fois repoussé et les Espagnols se contentèrent d’occuper l’îlot de Nekkour dans la baie, de le fortifier et de nouer des contacts avec le puissant chef des Beni Ouriaghel, Abd elkrim el-Khettabi. Ce dernier qui considérait les Espagnols comme peu dangereux pour son indépendance choisit de se rapprocher d’eux pour triompher de ses rivaux rifains et il envoya son fils Mohammed se mettre à leur service604.

En 1911, les Espagnols demandèrent à Abd el Krim père de les aider à débarquer à Al-Hoceima afin de tenter un mouvement de prise à revers d’Ameziane mais, au dernier moment, ils renoncèrent à leur opération et Abd el-Krim qui se retrouva seul face à ses rivaux dut se réfugier à Nekkour, puis à Tétouan.

En 1912, après la mort d’Ameziane, il revint dans sa tribu et y attendit une nouvelle fois les Espagnols qui renoncèrent encore à débarquer. Durant la guerre de 1914, il joua la carte allemande et au mois d’août 1915 les Espagnols soupçonnèrent son fils de les trahir. Interrogé, ce dernier déclara qu’il n’avait rien contre l’Espagne si cette dernière se contentait de la zone qu’elle occupait et abandonnait l’idée de prendre le contrôle du Rif, mais qu’en revanche il s’opposerait à tout empiétement. Au mois de septembre 1915, les Espagnols le mirent en prison.

Abd el-Krim père se rapprocha alors de Madrid et, contre la libération de son fils, il accepta une nouvelle fois de soutenir un débarquement à Al Hoceima. Ce dernier fut programmé durant l’été 1916 mais, l’Espagne ayant une fois encore renoncé, Abd el-Krim considéra qu’il était dangereux de continuer à collaborer avec elle et il décida de rompre.

Le 12 février 1920, le général Manuel Fernandez Sylvestre fut nommé Commandant-général du secteur de Melilla et une opération combinée fut décidée afin de relier les deux parties du territoire espagnol, ce qui imposait de prendre le contrôle du coeur même du massif rifain.

La composante terrestre du corps expéditionnaire espagnol devait progresser à partir de Melilla, cependant qu’un débarquement à Al-Hoceima (Alhucemas) devait permettre de prendre les Rifains à revers605. Cependant, au mois de mars, le commandant en chef, le général Berenguer, renonça au débarquement et il ordonna une simple offensive terrestre à partir de Melilla vers la baie d’Al-Hoceima.

L’erreur du général Sylvestre fut que, au lieu de marcher vers l’ouest en direction du Monte Mauro défendu par les Beni Saïd, il décida de faire un détour par le sud et Monte Arruit (carte page LVIII). La manœuvre était risquée car elle allongeait considérablement la marche de sa troupe essentiellement composée de recrues peu entraînées, peu motivées et sous-équipées606.

Entre les mois d’avril 1920 et de juin 1921, le général lança une série d’opérations qui lui permirent d’avancer de plusieurs dizaines de kilomètres et d’édifier 46 postes ; plusieurs tribus se soumirent alors dont les Beni Saïd, les Beni Uliseq et les Temsaman.

Le 1er juin 1921, encouragé par ces victoires faciles, le général Sylvestre qui avait installé son centre de commandement à Anoual, donna l’ordre de progresser en direction de la baie d’Al-Hoceima, mais le jour même, le poste du mont Abarran, à cinq kilomètres à l’ouest d’Anoual fut enlevé.

Fort de ce succès, Abd el-Krim décida de couper les Espagnols de toute possibilité de ravitaillement par mer et il attaqua la position côtière de Sidi Driss. Considérant ces attaques comme des événements isolés, le général Sylvestre ne dévia pas de son plan initial ; cependant, afin de protéger Anoual, il installa plusieurs postes dont un à Igueriben, à six kilomètres à l’ouest d’Anoual et il y laissa une garnison de 350 hommes.

Le 17 juillet, Abd el-Krim lança une attaque générale et dès le 22 juillet, Igueriben fut prise. Le général Sylvestre ordonna alors l’abandon de toutes les positions avancées et un repli sur Anoual où 5 000 hommes dont 2 000 recrues rifaines, les Regulares607, furent assiégés par 18 000 Rifains. N’ayant que pour un jour de munitions et à peine pour quelques jours de vivres et d’eau, le général Sylvestre décida d’évacuer Anoual pour se replier sur le poste de Beni Taieb. Alourdis par un énorme train des équipages et par leur convoi de blessés, les Espagnols furent assaillis de toutes parts. Quand les policiers indigènes qui tenaient les hauteurs nord d’Anoual eurent massacré leurs officiers et retourné leurs armes contre les Espagnols, la retraite devint une déroute chaotique.

En plus du général Sylvestre608, les Espagnols perdirent 2 500 hommes, chiffre auquel il faut ajouter environ 1 500 morts lors de la prise de 14 postes par les Rifains, soit un total de 4 000 morts et de 492 prisonniers (Francisco, 2005).

Au bout de plusieurs jours de marche et d’embuscades, un peu plus de 3 000 survivants conduits par le général Felipe Navarro commandant en second, réussirent à se replier jusqu’à Monte Arruit où ils furent recueillis par le lieutenant-colonel Fernando Primo de Rivera609, frère du général Miguel Primo de Rivera.

Le 2 août, les Rifains entrèrent à Nador après capitulation de la garnison et le sort de Monte Arruit, fut scellé. Le général Berenguer autorisa alors la capitulation pour le 9 août, mais, alors que les Espagnols déposaient les armes et que les blessés étaient alignés à l’extérieur du poste, les Rifains lancèrent une nouvelle attaque. Sur 3 000 hommes, 600 furent faits prisonniers, dont le général Navarro, tous les autres furent massacrés et leurs cadavres se décomposèrent au soleil.

Selon un rapport fait au lendemain du désastre par le général Juan Picasso, les pertes espagnoles totales s’élevèrent à 13 363 morts dont 2 390 volontaires rifains engagés aux côtés de l’Espagne. Les études récentes (Poveda, 1984 et Moreno, 2001), ont ramené les pertes espagnoles entre 7 875 et 8 180 morts ou disparus. Les Espagnols abandonnèrent aux combattants rifains 20 000 fusils, 400 mitrailleuses, 129 canons et de grandes quantités de munitions. L’Espagne dut racheter les prisonniers faits à Anoual et à Monte Arruit.

Après les défaites d’Anoual et de Monte Arruit, Melilla située à 40 kilomètres de cette dernière position, fut à la portée d’Abd el-Krim, mais, réagissant rapidement, le général Berenguer rassembla ses unités d’élite, à savoir le Tercio et les Regulares610 qui furent transportés à Melilla par mer. La ville fut sauvée, puis l’état-major espagnol ordonna la contre-attaque ; Monte Arruit fut reprise au mois de novembre 1921.

Abd el-Krim, désormais bien armé grâce aux prises faites sur les Espagnols, réunit les chefs de tribus et leur fit élire une assemblée nationale qui rejeta le Protectorat. L’armée du Rif fut constituée sur le modèle européen, avec des réguliers et des contingents levés dans les tribus. Tous les hommes entre 16 et 50 ans étaient mobilisables. Le 1er février 1922 la « République confédérée des tribus du Rif » fut proclamée, avec pour capitale Ajdir. Elle demanda la reconnaissance internationale et l’établissement de relations diplomatiques et économiques avec tous les pays. Abd el-Krim fut désigné président de la République.

Les désastres militaires ayant provoqué l’anarchie en Espagne, le 13 septembre 1923, le général Primo de Rivera prit le pouvoir avec l’assentiment du roi Alphonse XIII611.

Pour l’état-major espagnol, la situation était d’autant plus grave qu’à l’ouest, il lui fallait également faire face une importante révolte. C’est pourquoi, au printemps, 1924, il fut décidé d’évacuer toute la partie montagneuse de la zone espagnole du protectorat, y compris la ville de Chefchaouen, afin de se retrancher à Ceuta et à Tétouan.

Abd el-Krim fut alors près de réaliser la jonction des deux fronts. Au mois de mai 1924, enhardi par ses succès, il tenta, mais en vain, de rallier à sa cause la tribu des Beni Zeroual qui était à cheval sur les zones espagnole et française. Son objectif était la ville de Fès, mais le maréchal Lyautey qui avait eu connaissance de ses projets et même de la date de l’attaque contre les positions françaises, à savoir le mois d’avril 1925, avait pris ses précautions. Dès le mois de juin 1924, lui qui, jusque-là, n’avait pas voulu intervenir dans ce qu’il appelait le « guêpier rifain »612 créa un cordon sanitaire au nord de l’Ouergha (carte page LIX) en y installant des petits postes destinés à assurer une présence parmi les tribus ; toutefois, sachant qu’il ne disposait pas d’effectifs suffisants pour contenir l’attaque annoncée, il demanda avec insistance des renforts à Paris.

Le 12 avril 1925, Abd el-Krim lança une attaque soudaine sur les Beni Zeroual qui le rejoignirent. Cette action fut le prélude à une offensive générale contre les positions françaises installées l’année précédente et qui débuta le 14 avril. La manœuvre d’Abd el Krim était de prendre Ouezzane, puis de se rabattre sur Kéléa des Sless afin de « cueillir » les postes français et s’ouvrir ainsi l’accès à Fès.

Pour faire face à cette offensive, le général de Chambrun, chargé du front nord ne disposait que de 16 bataillons mobiles. Lyautey réorganisa alors l’ensemble de son dispositif, repliant ses postes sur deux solides bastions à Taounat et à Tafrant et il confia cette partie du front au général Daugan.

Ayant échoué dans sa manœuvre initiale, Abd el-Krim tenta un double mouvement de débordement par Ouezzane à l’ouest avec toujours Fès pour objectif, et par Taza à l’est afin de joindre les insurgés de l’Atlas. Au début du mois de juillet 1925, il fut sur le point de réussir quand les Branès et les Tsoul l’ayant rallié, le front de Taza céda, menaçant de couper la route Algérie-Taza-Fès. Il fut alors envisagé d’abandonner Taza, mais le 6 juillet, Lyautey ordonna de tenir la ville coûte que coûte, ce qui sauva la situation.

Le 11 juillet 1925, la France et l’Espagne signèrent les Accords de Madrid par lesquels les deux pays affirmèrent une position commune face à Abd el-Krim. À cette date Lyautey avait redressé la situation car les troupes françaises avaient repris les positions perdues ou abandonnées au mois d’avril. À la fin du mois de juillet, un groupe mobile français avança même au contact du dispositif rifain qu’il fit reculer vers le nord. À partir de ce moment, Abd el-Krim ayant perdu l’initiative, Lyautey s’apprêta à reprendre sa fameuse stratégie de la « tache d’huile », quand il en fut empêché par le maréchal Pétain.

Les renforts demandés par Lyautey arrivèrent au mois de juillet 1925, une fois l’offensive rifaine bloquée. Ils étaient placés sous les ordres d’un commandant opérationnel, le général Stanislas Naulin, accompagné par le maréchal Philippe Pétain613 chargé d’une mission d’évaluation dont le rapport fut aussi critique qu’injuste. Pétain qui ne connaissait rien du Maroc ne se priva pourtant pas de pointer des erreurs militaires qui n’en étaient pas puisqu’elles constituaient au contraire la poursuite de cette politique si originale suivie par Lyautey et qui visait à éviter une confrontation généralisée en jouant sur les rapports personnels qu’il entretenait avec les chefs des tribus.

Le plan de Lyautey prévoyait un assaut puissant sur les seuls Beni Zeroual afin de les rallier et cela pour entraîner ensuite la défection des autres tribus. Lyautey faisait la guerre tout en préparant la paix, ménageant le long terme, sa stratégie étant d’occuper le pays Beni Zeroual pour couper le pays Djebala du bloc rifain. Pétain qui voulait au contraire une victoire militaire à l’européenne était partisan d’une offensive généralisée appuyée sur de gros moyens et sur une jonction avec l’Espagne. En définitive, Pétain voulait écraser Abd el-Krim quand Lyautey cherchait à l’étouffer. Au général Naulin qui s’était rallié au projet de Lyautey, Pétain déclara : « Vous faites de la politique, je fais de la stratégie614. »

Contre les avis de Lyautey, le gouvernement français chargea Pétain de régler la question du Rif et il enleva au Résident-général toute la responsabilité des opérations ; or, en séparant commandement politique et militaire, Paris tuait le « système Lyautey ».

Ayant désormais les mains libres, le maréchal Pétain qui avait obtenu les moyens qui avaient été refusés à Lyautey, à savoir des dizaines de milliers d’hommes, du matériel moderne et de l’aviation, mena alors une guerre totale. Le corps de bataille rifain fut cassé et le 8 septembre 1925, appuyés par la flotte française, les Espagnols réussirent un débarquement risqué à Alhucemas. Nommé commandant opérationnel du Tercio en 1923, Francisco Franco en fut le maître d’œuvre (La Calle et Rubio, 2001). Cette opération permit à l’armée espagnole de prendre pied au cœur même de la zone tenue par Abd el-Krim.

Ulcéré de voir sa politique réduite à néant, Lyautey attendit que la situation militaire soit définitivement rétablie, ce qui fut le cas à la fin du mois de septembre 1925, et le 24, il présenta sa démission (Lugan, 2010 : 281-285). Au mois d’octobre, il quitta le Maroc615 alors que la menace rifaine avait été contenue et qu’une manœuvre combinée franco-espagnole était en préparation pour l’été 1926 en application des accords Pétain-Primo de Rivera.

Au mois d’avril 1926, des pourparlers eurent lieu à Oujda avec les envoyés d’Abd el-Krim, mais ils échouèrent en raison de « l’énormité » des exigences de ce dernier qui demandait l’indépendance du Rif, ce que ni les Espagnols, ni les Français ne pouvaient accepter. Les premiers car une telle reconnaissance aurait signifié qu’ils avaient perdu la guerre. Les seconds parce que, garants de l’unité du Maroc aux termes du traité de protectorat, ils ne pouvaient donc pas accepter son démembrement.

La France et l’Espagne menèrent alors de concert une offensive totale avec emploi massif de l’aviation616. Le Rif fut soumis à un déluge de feu, la ville de Targuist prise et les survivants, après un an de guerre totale, se dispersèrent. Le maréchal Pétain était venu à bout de ce qu’il appelait les « hordes barbares ». L’échec militaire consommé, Abd el-Krim se rendit le 27 mai 1926 aux troupes françaises commandées par le colonel Corap (Lévy, 1984 : 121617).

L’épisode de la guerre du Rif laissa des souvenirs « mitigés » chez les nationalistes marocains. Pendant que le Berbère Abd el-Krim se battait contre les Français et contre les Espagnols, les habitants de Fès vécurent en effet dans la peur de voir les Rifains s’emparer de leur ville et la mettre au pillage. Grand fut donc leur soulagement quand Lyautey eut rétabli la situation. De plus, Abd el-Krim apparut comme un concurrent du sultan, comme un rival dangereux et ce fut d’ailleurs pourquoi le makhzen apporta son soutien officiel aux troupes françaises.

Après la guerre du Rif, les derniers résistants continuèrent la lutte contre la France, leurs ultimes bastions étant le Tafilalet (jusqu’en 1932), le haut Atlas central (jusqu’en 1933) et le Jbel Sagho618 (carte page LVI) où les Aït Atta commandés par Assou Oubasslam ne capitulèrent qu’en 1934.

III- Le « Dahir berbère » et l’essor du nationalisme

Lyautey avait donc regagné la France au mois d’octobre 1925 après avoir exercé la fonction de Résident général durant presque treize années, du mois d’avril 1912 au mois d’octobre 1925. Il fut remplacé par un civil, Théodore Steeg, qui lui succéda comme Résident général et qui fut en poste d’octobre 1925 à janvier 1929.

Le 18 novembre 1927 le sultan Mouley Youssef mourut et la France imposa comme successeur, son troisième fils, le jeune Sidi Mohammed ben Youssef (le futur Mohammed V), qui incarna le nationalisme marocain.

Le souverain comprit vite que l’urgence politique devait être, non pas l’indépendance, une utopie en 1927, mais la sauvegarde de l’unité et de l’identité marocaines. En d’autres termes, il devait, comme l’écrivit Ahmed Alaoui :

« […] contenir le Protectorat dans ses limites puisqu’il avait permis de sauvegarder l’essentiel, c’est-à-dire, la souveraineté nationale et la monarchie. Il fallait contraindre l’administration coloniale à respecter ce cadre juridique et préserver tout ce qui pouvait l’être. Et en particulier, il s’agissait de défendre les prérogatives royales affirmées par le traité de Fès et veiller à ce que rien ne vienne entamer l’autorité royale ainsi maintenue. II s’agissait donc de veiller à maintenir la personnalité internationale du Maroc, bref à tout faire pour que le Protectorat ne devienne pas une simple colonie » (Le Matin, 18 novembre 1991).

La pacification achevée ou en phase d’achèvement, la revendication nationaliste sortit de la confidentialité. Ses militants qui se recrutaient alors essentiellement dans les villes s’affirmèrent d’abord contre l’idée de la double composante marocaine, arabe et berbère qui était sous entendue dans le Dahir berbère signé par le sultan le 16 mai 1930.

L’origine de ce texte tenait au fait qu’au contact des tribus qu’ils venaient de combattre durant des années, certains Français en étaient arrivés à penser qu’il existait en réalité deux Maroc et qu’ils venaient de livrer le second au premier. Ils suivirent donc une politique qui était à l’opposé de celle qui avait été portée par Lyautey en cherchant à « autonomiser » les Berbères par rapport au droit d’État arabe. Au contraire, pour Lyautey :

« La source de toute autorité est chez le sultan. Son autorité religieuse et son pouvoir politique s’étendent sur toutes les villes et les tribus de l’Empire […] Je représente à ses côtés le gouvernement français qui, depuis cinq ans, a apporté à ce pays la force nécessaire pour mettre fin à l’anarchie […] » (Lyautey aux notables de l’Empire chérifien, 1917, cité par Péroncel-Hugoz, 2010 : 168-169).

Lyautey parti, les Résidents généraux qui lui succédèrent : Steeg, Saint, Ponsot étaient des diplomates n’ayant pas son envergure.

Lucien Saint était Résident Général quand, le 16 mai 1930 fut promulgué le Dahir berbère, ressenti par nombre de Marocains comme une volonté française de casser l’unité nationale en rehaussant le particularisme berbère619. C’est de ce moment que date la véritable rupture entre les milieux nationalistes et la France, le Dahir berbère étant le « catalyseur du nationalisme marocain » (Lafuente, 1984 : 1).

Cette nouvelle organisation judiciaire aurait en effet abouti à séparer les arabophones et les berbérophones, en application d’une idée alors en vogue dans certains milieux coloniaux français qui consistait à affirmer que les Berbères seraient parfaitement assimilables à condition de les « désarabiser ». C’est ainsi que, comme l’a bien résumé Arnaud Teyssier :

« Pour “tenir” le Maroc, pour le maintenir divisé, il suffisait donc de maintenir une sorte de cordon sanitaire entre la société arabe et islamisée des villes, et le monde féodal de la siba. Lyautey, instruit par son expérience du Sud oranais, s’est refusé à construire sa politique marocaine sur ce stéréotype – même s’il ne méconnaît pas sa part de vérité. Il sait que l’instabilité des tribus obéit à des considérations bien plus insaisissables, et qu’on ne saurait tabler sur une islamisation moins marquée des populations berbères et kabyles. Jouer avec l’autorité du sultan lui paraît une option dangereuse : sa carte, c’est au contraire l’unité de l’empire chérifien. C’est la raison pour laquelle il résistera toujours à la tentation, éprouvée par beaucoup, de créer un Berbéristan. » (Teyssier, 2004 : 276)

Pour la commission qui avait préparé le texte, le but officiel était, en le faisant codifier par Dahir, donc par la Loi, de préserver le domaine juridique coutumier berbère (Orf ou Izref) en le maintenant hors de la législation islamique (charia).

Certains administrateurs avaient probablement en tête l’idée de rompre l’uniformité de l’organisation judiciaire du Protectorat afin de pouvoir éventuellement prendre appui sur l’élément berbère vu comme un contrepoids politique aux revendications nationalistes alors essentiellement portées par la bourgeoisie « arabe » de Fès.

Quoi qu’il en soit de ses buts réels ou cachés, ce texte fut considéré comme une volonté de dissolution de la nation marocaine. Avec le Dahir berbère la France voulait en effet appliquer deux systèmes juridiques différents aux Marocains : ceux d’origine « arabe » seraient soumis au droit islamique, tandis que les Berbères seraient régis selon leurs coutumes traditionnelles.

Or, si les Berbères étaient soustraits au droit coranique, ils ne dépendraient donc plus du sultan Commandeur des Croyants ; et comme ils étaient majoritaires dans le pays, qu’allait-il rester comme pouvoir à ce dernier ? Les nationalistes considéraient également que la France cherchait à « désarabiser » les Berbères avant de les « désislamiser620». Dans la ligne exprimée par Charles de Foucauld621 qui voulait « donner le Maroc à Jésus et à la France », certains cercles catholiques avaient d’ailleurs clairement avancé cette idée622.

Le 20 juin 1930, les premières manifestations contre le Dahir berbère se déroulèrent à Salè, à Fès et dans les mosquées où les nationalistes firent dire le latif, c’est-à-dire la prière de détresse réservée aux calamités publiques.

Le sultan Mohammed ben Youssef considéra d’abord avec sympathie ce mouvement de protestation né en dehors du makhzen, puis, rapidement, il craignit qu’une légitimité populaire se dresse en parallèle de la sienne. Il négocia alors pas à pas avec la Résidence et il obtint gain de cause, le Dahir du 8 avril 1934 abrogeant l’article 6 du Dahir du 16 mai 1930 dit Dahir berbère. Ce nouveau Dahir uniformisait les juridictions marocaines, tout en donnant au Haut Tribunal Chérifien entière compétence pour juger les crimes commis dans les régions de coutume berbère.

En 1936, la nomination du général Charles Noguès comme Résident général623 détendit la situation car ce disciple de Lyautey sous les ordres duquel il avait servi, s’employa à rétablir des relations de confiance entre la France et le souverain. Néanmoins, le nationalisme marocain avait pris son essor et il s’affirma dans la période suivante durant laquelle le sultan Mohammed ben Youssef veilla à ne pas devenir l’otage de ses leaders, l’exemple des manifestations trop autonomes qui s’étaient déroulées à l’occasion du Dahir berbère lui ayant servi de leçon.

Au Maroc, la réaction populaire et nationaliste fut structurée par les intellectuels. En 1932, fut créée à Paris la revue Maghreb à laquelle collaborèrent Français et Marocains dénonçant la politique du Protectorat.

Le 4 août 1933, Mohammed Hassan Ouazzani fonda L’Action du Peuple qui parut à Fès, en français, car les journaux nationalistes en arabe étaient alors interdits624. Ces publications touchaient un petit nombre de Marocains car beaucoup ne savaient pas lire. La propagande se fit donc par d’autres moyens, comme les cours du soir dans les mosquées, les affiches, les représentations théâtrales. Les nationalistes réhabilitèrent le costume national, ce qui leur attira la sympathie des artisans car cette campagne prônait aussi le « boycott » des produits français. En 1933, ils créèrent la fête du Trône.

En 1934, Allal el Fassi, fils d’une grande famille de Fès fonda avec Mohammed Hassan Ouazzani, Omar ben Abdeljalil, Abdelaziz ben Driss, Ahmed Cherkaoui, Mohammed Diouri, Mohammed Ghazi, Boubeker Kadiri et Mohammed Mekki Naciri, le premier parti politique marocain, le Comité d’Action Marocain (CAM). En 1934 toujours, L’Action du Peuple fut saisi puis suspendu.

En 1936, en France, le Front populaire arriva au pouvoir. En février 1937, L’Action du Peuple fut autorisé à reparaître et au congrès de Rabat, le CAM demanda : l’égalité fiscale entre colons et fellahs, l’application du code français du travail pour les ouvriers marocains, et la protection des produits de l’artisanat.

En 1937, le CAM se scinda en deux courants animés l’un et l’autre par les deux personnalités les plus fortes du parti. C’est ainsi qu’Allal el Fassi, Ahmed Balafrej et Mohammed Lyazidi fondèrent le Parti national pour les réformes (Al Hizb al Watani li-Tahqiq al-Matalib) qui eut deux organes de presse, L’Action du Peuple en français et Al Difaa en arabe. Quant à Mohammed Hassan Ouazzani, il créa le Mouvement national doté lui aussi de deux organes de presse, L’Action populaire en français et Al Atlas, un hebdomadaire en langue arabe.

Au mois d’octobre 1937, des manifestations se déroulèrent à Fès et à Khémisset. Leur organisateur, Allal el Fassi, fut arrêté et le Parti national dissous. Les autorités françaises demandèrent alors à Mohammed Hassan Ouazzani de se désolidariser d’Allal el Fassi, ce qu’il refusa de faire. Tout au contraire, il se rendit à la Qaraouyine, la célèbre mosquée de Fès, où il prononça un discours dans lequel il exprima sa solidarité avec les militants nationalistes emprisonnés.

Mohammed Hassan Ouazzani fut alors arrêté à son tour, puis interné dans le sud marocain, cependant qu’Allal el Fassi était déporté au Gabon625.

La Seconde Guerre mondiale « gela » les revendications des nationalistes marocains et durant tout le conflit, le sultan Mohammed ben Youssef fit preuve d’une totale loyauté envers la France.

594. Au sujet des « officiers des Affaires indigènes », on lira dans Vincent Monteil (1962), le chapitre intitulé : « Un métier de seigneur ». Voir également Carrère (1973) et Méraud (1991). Pour l’organisation du corps on se reportera à Méraud (1990 : 57-70).

595. En 1931, six ans après le départ de Lyautey du Maroc, Chekib Arslane, le maître à penser du nationalisme arabe lui rendit involontairement hommage en écrivant : « Le Maréchal Lyautey, c’est un ennemi qui ne commet pas d’actes indignes […] Lyautey est au point de vue indigène le plus dangereux Français que le Nord de l’Afrique ait connu parce le plus sage. Il savait par sa sagesse, calmer les Arabes : il les attirait par tous les moyens vers la France ; il ménageait leur amour-propre […] Lyautey tua l’indépendance du Maroc, mais sans l’humilier » (La Nation arabe, mai juin 1931).

596. Dont un général, le général Kettani adjoint au commandant des troupes françaises en Allemagne. Vingt-deux officiers sortis de l’école entre sa fondation et 1956 furent promus généraux dans les FAR, d’autres furent ministres. Le 6 août 1956, l’école devint l’Académie Royale militaire.

597. Dans un livre essentiel Georges Hatton qui a dépouillé plusieurs fonds d’archives, notamment, celles de la Banque de Paris et des Pays Bas donne une approche nouvelle de l’histoire économique et bancaire du Maroc de la fin de la décennie 1930 à l’indépendance qui comble une lacune de l’historiographie (Hatton, 2009)

598. Résistance essentiellement berbère à cette époque.

599. Sur la méthode Lyautey, voir Hoisington (1995a) et Gillet (2010).

600. Pour la question des résistances dans le sud-est du Maroc, voir Ross (1977).

601. Sur les résistances des Aït Ndhir Beni M’Tir et des Aït Youssi du Moyen Atlas dans les années 1911-1920 ainsi que sur la biographie de Mohand N’Hammoucha qui participa au siège de Fès en 1911, voir Burke et Tauris (1993).

602. Voir les cartes pages LVIII et LIX. Pour tout approfondissement de cette question, il est indispensable de se reporter à la bibliographie dressée par Mustapha Allouh (2010). Voir également Woolman (1968), Charnay (1978), Ayache (1981 et 1996), Campos (2000), Gershovich (2000), Courcelle-Labrousse et Marmié (2008). Sur Abd el-Krim et la guerre du Rif, même si cette publication est datée et idéologiquement inscrite dans le contexte de la lutte anti impérialiste de la décennie 1970, il est indispensable de se reporter au colloque international d’études historiques et sociologiques tenu à Paris en 1973, dont le thème était Abd el-Krim et la République du Rif et dont les actes ont été publiés en 1976.

603. Nous parlerons de lui sous le nom d’Abd el-Krim.

604. Tous deux furent décorés de l’ordre d’Isabelle la Catholique, prestigieuse décoration espagnole. Abd el-Krim père mourut le 7 août 1921.

605. Pour tout ce qui a trait aux campagnes militaires espagnoles au Maroc, voir Madariaga (2005) ; pour ce qui concerne plus particulièrement les opérations espagnoles durant la guerre du Rif, voir Woolman (1968).

606. L’armée espagnole étant essentiellement composée de recrues, le lieutenant-colonel Millan Astray proposa de créer une troupe professionnelle composée de volontaires, à l’image de la Légion étrangère française, et destinée à opérer au Maroc. Le 2 septembre 1920, par décret royal signé par le roi Alphonse XIII, naquit le Tercio ou Légion étrangère espagnole dont le commandement fut donné au colonel Millan Astray et dont la première Bandera en formation fut confiée au commandant Francisco Franco alors à peine âgé de 28 ans. Grande figure de l’armée espagnole, le commandant Franco avait servi dans les Regulares où il avait gagné une réputation à la fois de chef au courage exemplaire et de meneur d’hommes.

607. Pour tenir leurs possessions marocaines, les Espagnols levèrent sur place des contingents de supplétifs à l’image de la Milicia Voluntaria de Ceuta, de la Compania de Moros de Melilla ou encore des Tiradores del Rif. En 1913, une fois le traité de protectorat signé, ces milices furent regroupées sous une seule organisation qui eut pour nom les Fuerzas Regulares Indigenas plus connue sous celui de Regulares (Benjelloun, 1988). En 1914, sous le commandement du Khalifa représentant le Sultan marocain, fut constituée une force uniquement marocaine avec encadrement espagnol, la Mehalla khalifiana qui atteignit l’effectif de 8 000 hommes en 1936.

608.Les circonstances de la mort du général Sylvestre ne sont pas clairement établies car son cadavre ne fut pas retrouvé. L’idée dominante est qu’il se serait suicidé, mais certains témoignages de survivants donnent une autre version, à savoir qu’encerclé avec son état-major, il aurait combattu jusqu’à la mort.

609. Blessé le 31 juillet et amputé sans anesthésie, il mourut de gangrène le 5 août.

610. La question se pose de savoir pourquoi la colonne du général Sylvestre était aux deux tiers composée de recrues métropolitaines non motivées et non entraînées alors que la force de frappe espagnole, à savoir l’armée d’Afrique était engagée au sud de Tétouan.

611. Durant toute la guerre, les Rifains furent soutenus par le Partido Comunista de Espana et par les partis catalans Accio Catalana et Estat Catala (Martin, 1973).

612. En 1924 Lyautey avait soixante-dix ans et il venait juste de rentrer au Maroc après une intervention chirurgicale qui l’avait éloigné de son poste durant plusieurs mois. Il était cependant en pleine forme physique et intellectuelle. En France, le Cartel des gauches était au pouvoir et Edouard Herriot avait succédé à Alexandre Millerand comme Président du Conseil.

613. Le maréchal Pétain était Inspecteur général de l’Armée depuis le mois de février 1922. Il inspecta le front marocain du 17 au 27 juillet 1925.

614. Le 20 janvier le général Stanislas Naulin fut remplacé comme commandant supérieur des troupes du Maroc par le général Edmont Boichut.

615. Celui qui avait régné sans partage sur le Maroc mourut neuf ans plus tard dans sa propriété de Thorey puis il fut inhumé à Rabat, en 1935, dans le tombeau dont il avait lui-même rédigé l’épitaphe : « Ici repose Louis Hubert Gonsalve Lyautey qui fut le premier résident général de France au Maroc, 1912-1925, décédé dans la religion catholique dont il reçut en pleine foi les derniers sacrements, profondément respectueux des traditions ancestrales et de la religion musulmane gardée et pratiquée par les habitants du Moghreb auprès desquels il a voulu reposer en cette terre qu’il a tant aimée. Dieu ait son âme dans sa paix éternelle. »

616. Pour ce qui concerne la collaboration franco-espagnole durant la guerre du Rif, voir Xavier Huetz de Lemps (1991) ; pour tout ce qui concerne le rôle de l’aviation militaire française durant cette même guerre du Rif, voir Jérôme Millet (1987).

617. Abd el Krim fut exilé sur l’île de la Réunion ; alors qu’il avait été autorisé à se rendre à Marseille, au mois de mai 1947, il profita d’une escale à Suez pour s’évader. Il finit ses jours en Égypte où il mourut le 6 février 1963. Le colonel Nasser lui organisa des funérailles nationales.

618. C’est au Jbel Sagho que le capitaine de Bournazel trouva la mort le 28 février 1933. On lira à ce sujet le témoignage du Médecin capitaine Jean Vial (1938), l’évocation de Germaine de Bournazel (1979), ainsi que la mise au point de Gérardin (1987).

619. Sur la question du Dahir berbère, voir Joseph Luccioni (1984) et Gilles Lafuente (1984). Sur la politique berbère imaginée, rêvée ou suivie par la France, il est indispensable de se référer à Ageron (1971) et au livre de Lafuente (1999) tiré de sa thèse exhaustive soutenue en 1997 devant l’Université de Provence.

620. Et pourquoi pas, au bout du processus, pour les christianiser ? Cette crainte fantasmée alimenta la revendication nationaliste : « Toute une intelligensia était prête à réagir pour peu qu’on lui en donnât le prétexte. Il fallait un événement exceptionnel, un catalyseur, pour faire la synthèse de tous ces sentiments refoulés, de toutes ces espèrances non exprimées, pour unifier tous ces clubs informels et encore embryonnaires. Le Dahir berbère […] fut ce catalyseur, mais encore fallait-il une idée-force qui pût rassembler autour d’elle tous ces mécontents, un dénominateur commun de toute jeunesse avide d’action. Une « atteinte » à la religion musulmane fut ce dénominateur » (Lafuente, 1984 : 5).

621. Pour un bilan des connaissances sur Charles de Foucauld et le Maroc, on se reportera à D. Nordman (1996e : 141-180).

622. Sur le mythe de la conversion massive des Berbères au catholicisme et sur l’échec de l’apostolat des Pères Blancs en Algérie, il est indispensable de se reporter à la thèse d’Abrous Dahbia (2007).

623. Au sujet du général Noguès et de la continuation de la politique de Lyautey, il sera indispensable de se reporter à Hoisington (1995).

624. Les premiers journaux nationalistes en arabe parurent dans la zone espagnole ; il s’agit du quotidien Al Hayat et de la revue As Salam.

625. En zone espagnole Abd al-Khaliq Torrès fonda au mois de décembre 1936 le PRN (Parti de la réforme nationale) et il fut nommé ministre des biens Habous dans le gouvernement du général Franco qui siégeait alors à Burgos. Pour tout ce qui concerne les Marocains engagés dans les rangs de l’armée nationaliste espagnole durant la guerre civile, voir Benjelloun (1994) et Roussillon (2012).