Ayant recouvré son indépendance, le Maroc eut deux grands problèmes à régler, le premier était politique, le second territorial.
Politiquement, l’Istiqlal qui constituait un quasi-État dans l’État, entra en conflit avec le souverain. Le danger pour la monarchie venait à la fois de cette position hégémonique qui risquait de placer le sultan sous la tutelle d’un parti, et du fait que l’Istiqlal comportait une puissante aile gauchiste. Très critique à l’égard de l’institution monarchique, cette dernière revendiquait clairement un pouvoir populaire. L’aile droite et monarchiste du parti était dirigée par Ahmed Balafrej, l’aile gauche révolutionnaire par Mehdi Ben Barka.
La question des frontières résultait quant à elle des amputations territoriales subies par le Maroc à l’époque coloniale. Ces pertes de territoires s’étaient faites au profit de l’Algérie à l’est et de l’Espagne au sud.
Au mois d’août 1957, le sultan Mohammed ben Youssef devint le roi Mohammed V. Cette même année, éclata l’insurrection du Rif qui dura jusqu’en 1959, avant d’être écrasée par les FAR (Forces armées royales) commandées par le général Oufkir761. Or, ce mouvement contenait la plupart des fractures internes de l’Istiqlal qui allaient empoisonner la vie politique marocaine.
Cette révolte ne fut en effet pas tant dirigée contre la monarchie que contre les arabo-citadins de l’Istiqlal, souvent originaires de Fès et que certains Rifains accusaient d’avoir fait assassiner Abbas Messadi, le chef de l’AL (Armée de Libération) pour le Rif.
Abbas Messadi s’était opposé à la fraction gauchiste de l’Istiqlal dirigée par Ben Barka dont le but aurait été de prendre le contrôle de l’AL afin de disposer d’un outil militaire susceptible de contrebalancer les FAR (Forces armées royales)762.
Selon la déclaration d’Abdelkrim El Khattib faite à Aujourd’hui le Maroc le 30 novembre 2005, en ligne, Mehdi Ben Barka aurait « commandité l’assassinat » d’Abbas Messadi (Abbès Msaâdi) qui fut enlevé à Fès le 27 juin 1956. MM. Aherdane et El Khattib auraient ensuite déterré sa dépouille pour la réinhumer à Ajdir en présence de plusieurs milliers de Berbères rifains763. Tous deux furent arrêtés et de nombreux Rifains prirent alors le maquis contre le « pouvoir arabo-fassi » de l’Istiqlal764. Cette version a été confirmée par Sillem Ameziane (en ligne) qui fut membre de la résistance rifaine.
Au mois d’avril 1958, le chef du gouvernement, Mbarek Bekkai et tous les ministres n’appartenant pas l’Istiqlal démissionnèrent. Au mois de mai 1958, le roi Mohammed V nomma Ahmed Balafrej qui constitua un gouvernement Istiqlal composé de membres appartenant aux deux courants.
Au mois de janvier 1959, la scission du parti qui couvait se produisit, provoquée par MM. Bouabib et Ben Barka qui créèrent l’UNFP (Union nationale des forces populaires). Au mois de décembre, accusés de complot, Fgih Mohamed Basri et Abderramane Youssoufi furent arrêtés, quant à Ben Barka, il s’enfuit en France.
Toujours durant l’année 1959, afin de concurrencer l’Istiqlal, le Palais soutint la création du Mouvement Populaire (MP) par deux anciens hauts responsables de l’AL, Abdelkrim Khatib et Mahjoubi Aherdane. Dès lors, l’Istiqlal qui n’eut donc plus le monopole du nationalisme ne fut plus en mesure de se poser comme l’héritier exclusif du combat pour l’indépendance. Le multipartisme fut alors un atout pour la monarchie qui se plaça résolument en dehors et au-dessus des partis en s’imposant comme arbitre.
Les élections communales du mois de mai 1960 furent remportées par l’Istiqlal avec 40 % des suffrages contre 25 % à l’UNFP.
Le lundi 29 février 1960, à minuit, un violent séisme raya la ville d’Agadir de la carte et un an après cette tragédie, le 26 février 1961, le roi Mohammed V, mourut durant une opération chirurgicale. Son successeur fut son fils Moulay Hassan, né le 9 juillet 1929, et qui fut intronisé le 3 mars 1961 sous le nom d’Hassan II.
Le nouveau roi avait été formé et préparé par son père Mohammed V (Mohammed ben Youssef) qui l’avait associé très tôt au pouvoir765. Il avait ainsi fait ses premières armes politiques au mois de janvier 1943 – il n’avait pas quatorze ans –, lors de la conférence d’Anfa dans la banlieue résidentielle de Casablanca766. Prince héritier le jour de son 28° anniversaire, le 9 juillet 1957, en 1960 il devint vice-Premier ministre et ministre de la défense. Dès le début de son règne, il dut faire face à des crises internes et à l’hostilité de l’Algérie.
Hassan II entreprit de moderniser les institutions du royaume. C’est ainsi que le souverain marocain est à la fois Malik (roi), Chérif (car descendant du prophète), Sultan (car il détient l’autorité), Émir (car il est chef des armées), Imam (car il est le chef de la communauté religieuse nationale), Khalife (car il est à la fois lieutenant et glaive de Dieu) et enfin Amir al-Mouminin (Commandeur des Croyants).
Hassan II joua habilement de ces divers éléments pour contrôler ses opposants, notamment les fondamentalistes. Il était en effet difficile à ces derniers de l’attaquer sur son orthodoxie religieuse, lui dont la personne était sacrée et qui régnait sur un authentique État islamique. Ces définitions expliquent également les difficultés qu’eurent les juristes quand il leur fallut faire encadrer les pouvoirs du souverain par les principes occidentaux du droit public exprimés dans les Constitutions.
Le 7 décembre 1962, la première Constitution ayant été adoptée par référendum, la monarchie marocaine devint donc constitutionnelle avec pour corollaires le suffrage universel et le régime des partis. Mais, très vite, deux légitimités s’affrontèrent, celle du souverain, « Commandeur des Croyants », et celle du « peuple électeur » revendiquée par la gauche qui qualifia la Constitution d’« absolutiste ».
L’anarchie qui découla de cette opposition menaça d’emporter le trône écartelé entre le parti Istiqlal d’une part et les gauchistes de l’UNFP (Union nationale des forces populaires) menés par Mehdi Ben Barka et Abderrahim Bouabid d’autre part. Maîtres de la rue, prompts à soulever les masses populaires et ayant placé leurs hommes dans tous les rouages de l’État, ces partis firent courir de graves dangers à la monarchie, donc à l’État marocain.
En 1962, pour tenter d’échapper au dualisme Istiqlal-UNFP, fut créé à l’initiative d’Ahmed Guédira un rassemblement des monarchistes venus de tous horizons et qui refusaient à la fois l’hégémonisme de l’Istiqlal et la politique de déstabilisation menée par l’UNFP. C’est ainsi que fut fondé le FDIC (Front démocratique des institutions constitutionnelles) qui subit plusieurs échecs lors des élections législatives du mois de mai 1963, lors des élections communales et lors de divers autres scrutins qui se tinrent durant l’été 1963.
Au mois de juillet 1963, la police déjoua un attentat contre le roi et la réaction du souverain, appuyé sur le colonel Mohammed Oufkir (Smith, 1999), chef de la Sûreté nationale, fut d’une très grande fermeté. C’est ainsi que de nombreux militants et syndicalistes de gauche furent arrêtés et certains de leurs responsables condamnés à mort767.
Les 23, 24 et 25 mars 1965, de violentes émeutes populaires déclenchées à la suite d’un mouvement lycéen secouèrent Casablanca et elles s’étendirent aux principales villes du pays avant d’être sévèrement réprimées par le général Oufkir, devenu ministre de l’Intérieur en 1964.
La vie politique continuant à être paralysée par l’opposition systématique de l’Istiqlal et de l’UNFP, le trône sembla alors vaciller et le 7 juin, l’état d’exception fut proclamé. Hassan II qui avait décidé de contre-attaquer procéda à la dissolution du Parlement et prit tous les pouvoirs, utilisant pour cela l’article 35 de la Constitution768 afin de permettre un fonctionnement minimal de l’État jusqu’à l’adoption de réformes constitutionnelles. La première expérience démocratique avait vécu. C’était un échec et le pays en sortit traumatisé.
Au mois d’octobre 1965 les relations entre le Maroc d’Hassan II et la France du général De Gaulle se tendirent à la suite de l’enlèvement en plein Paris, du chef de l’UNFP, Mehdi Ben Barka. Le général Oufkir fut alors soupçonné et inculpé par la justice française avant d’être condamné par contumace. Ce fut la rupture avec Paris769 (Buttin, 2010).
Le trône d’Hassan II fut ensuite menacé d’être emporté par un faisceau d’oppositions et de revendications contradictoires, mais le souverain fit preuve tout à la fois de fermeté et de sens politique, ce qui lui permit de les vaincre, appuyé sur les Forces armées royales (FAR) et sur la Sûreté nationale. Hassan II eut alors la main lourde, mais ce fut à ce prix que le pays échappa au chaos770.
En 1970, Hassan II pensa qu’il avait consolidé son pouvoir et le 7 juillet, l’état d’exception fut levé. Il décida ensuite de tenter une seconde expérience démocratique et le 31 juillet 1970, il soumit une nouvelle Constitution à référendum ; elle fut approuvée par près de 94 % des votants. De nouvelles élections furent organisées à la fin du mois d’août, mais elles furent boycottées par le Koutla Wataniya, alliance de circonstance unissant l’Istiqlal et l’UNFP. Le scrutin mit en évidence la coupure du pays en deux puisque les campagnes, le bled, se rendirent massivement aux urnes tandis que dans les villes, le taux d’abstention fut important avec un record de 50 % à Fès. Ces élections furent remportées par le Mouvement populaire, parti politique monarchiste modéré.
Le Maroc entra ensuite dans une période de complots sanglants. Le 10 juillet 1971, le coup d’État de Skhirat fit ainsi vaciller le trône. Les élèves sous-officiers de l’Académie militaire d’Ahermoumou, auxquels les conjurés avaient fait croire que le roi avait été fait prisonnier et qu’il convenait d’aller à son secours, pénétrèrent à l’intérieur du palais royal où se donnait une réception offerte par le souverain pour son quarante-deuxième anniversaire, et ils ouvrirent le feu. Plus de deux cents morts furent à déplorer tandis que le roi Hassan II échappait par miracle à la tuerie.
Le complot avait été ourdi par le général Mohammed Medbou, chef de la maison royale et par le colonel Hamed Ababou771, commandant de l’école d’Ahermoumou, qui furent exécutés. L’armée marocaine fut ensuite décapitée par la purge que mena le général Oufkir.
Après ces tragiques événements, Hassan II suspendit le Parlement et il forma un nouveau gouvernement dont la charge fut confiée à Karim Lamrani. L’homme fort de ce gouvernement était le général Oufkir, ministre de la Défense et chef d’état-major des FAR. Au mois de juin 1971, tirant la leçon des événements de Skhirat, le roi procéda à la dissolution de la Chambre, mais il ne renonça pas pour autant à moderniser les institutions du Maroc. Cependant, il était devenu prudent.
Le 30 mars 1972, une troisième Constitution fut approuvée par référendum. Elle donnait naissance à une démocratie encadrée et étroitement liée au Palais royal dans la mesure où le souverain nommait et contrôlait l’exécutif qui était responsable devant lui. De plus, les députés n’étaient pas tous élus au suffrage universel, certains étant nommés par le pouvoir ou désignés par les autorités coutumières. Il fut impossible d’organiser de nouvelles élections législatives, l’opposition, toujours unie dans la Koutla Watania bloquant tout consensus.
Selon Stephen Smith (1999) c’est parce que la situation était bloquée et qu’il considérait que la monarchie était incapable de régler la question que le général Oufkir aurait ourdi un nouveau coup d’État. Le 16 août 1972, des chasseurs de l’armée de l’air marocaine mitraillérent en plein ciel l’avion royal qui rentrait d’un voyage à l’étranger, mais son pilote parvint à se poser à Rabat772. Quant au général Oufkir, selon la version officielle, il se suicida773.
Le Maroc n’en n’avait cependant pas fini avec les troubles car, le 3 mars 1973, deux à trois cents hommes armés venus d’Algérie s’infiltrèrent en territoire marocain, mais ils furent interceptés et au même moment, une série d’attentats secoua Rabat et Casablanca. La situation fut rapidement sous le contrôle du successeur du général Oufkir, à savoir son ancien adjoint, le colonel Ahmed Dlimi774. À la suite de ces divers événements, plusieurs condamnations à mort furent prononcées et exécutées.
Le Maroc entra ensuite dans une phase d’apaisement. Le 3 mars 1977, un gouvernement d’union nationale fut constitué afin de préparer le scrutin des législatives qui se tint le 2 juin et qui vit la victoire des partis proches du palais royal775 cependant que l’Istiqlal maintenait ses positions et que l’USFP776 subissait une déroute, son chef, Abderrahim Bouabid étant battu chez lui, à Agadir.
À l’issue de ce scrutin, l’USFP entama une longue traversée du désert, tandis que l’Istiqlal se ralliait à la majorité victorieuse et entrait dans le nouveau gouvernement777 présidé par Ahmed Osman, beau-frère du roi778 et leader du RNI (Rassemblement national des indépendants).
La Constitution de 1972 resta en vigueur jusqu’à la réforme constitutionnelle de 1992 qui opéra une véritable mutation du pouvoir, le souverain nommant les ministres sur proposition du Premier ministre779.
En 1994 Hassan II reconnut le double caractère arabe et berbère du Maroc. Jusque-là, la doctrine officielle avait été celle que l’Istiqlal avait réussi à imposer selon laquelle l’idée même d’une diversité culturelle était considérée comme une menace pour l’unité nationale. Tout devait donc être fait pour imposer une culture homogène reposant sur les deux piliers que sont l’islam et l’arabité.
Au mois d’août 1994 des attentats islamistes furent perpétrés à Marrakech et la frontière avec l’Algérie fut fermée cependant que plusieurs centaines de milliers d’Algériens étaient expulsés.
En 1996, une seconde réforme dota le pays d’un Parlement à deux chambres dont l’une élue au suffrage universel.
Le 14 novembre 1997 fut élu un Parlement d’« alternance consensuelle » dans lequel se retrouvèrent tous les partis historiques plus des députés islamistes appartenant au PJD (Parti de la justice et du développement). Au début du mois de février 1998, le roi Hassan II nomma comme Premier ministre le vieil opposant et leader de l’USFP, Abderramane Youssoufi.
Après la question constitutionnelle, le problème des frontières fut l’autre grand dossier qu’eut à traiter le Maroc indépendant (Lamouri, 1979). À la suite des partages coloniaux, le royaume avait en effet été amputé sur trois d’entre elles et menacé sur la quatrième : à l’est, les autorités françaises d’Algérie avaient empiété sur son territoire au profit de l’Algérie. Au nord, il avait été coupé de la Méditerranée par la zone espagnole. À l’ouest, sa façade océanique était en partie aux mains des Espagnols (Sidi Ifni, Tarfaya, Rio de Oro) et au sud, il fut privé de toute sa profondeur en direction de la vallée du fleuve Sénégal par la création du territoire de Mauritanie780.
Avec l’indépendance de 1956, la souveraineté marocaine ne fut en réalité rétablie que sur les deux anciennes zones des protectorats français et espagnol781 ; plusieurs provinces et parties de l’empire chérifien étaient donc encore à récupérer.
M. Allal el Fassi, l’un des principaux dirigeants de l’Istiqlal, avait d’ailleurs été très clair à ce sujet en déclarant le 27 mars 1956 que :
« Tant que Tanger ne sera pas dégagé de son statut international, tant que les territoires espagnols du sud, tant que le Sahara de Tindouf à Atar, tant que les confins algéro-marocains ne seront pas dégagés de leur tutelle, notre indépendance demeurera boiteuse et notre premier devoir sera de poursuivre l’action pour libérer la patrie et l’unifier. Car notre indépendance ne sera complète qu’avec le Sahara ! »
La question mauritanienne
En 1900, un traité franco-espagnol attribua à la France toute la région comprise entre le Rio de Oro et le Sénégal.
Pour Xavier Coppolani qui fut le premier commissaire du gouvernement français dans la région :
« […] la Mauritanie [était] le prolongement naturel et politique de l’Empire chérifien du Maroc ». C’est la France qui baptisa ces étendues désertiques du nom de Mauritanie alors que, pour les Marocains, il s’agit des « provinces de Chenguit », région qui a toujours gravité dans l’orbite du Maroc. »
Le Maroc contesta ensuite la volonté française de créer une Mauritanie souveraine car, pour Rabat, la Mauritanie, création coloniale, était historiquement marocaine.
En 1960, en dépit des protestations du Maroc, Paris décida de faire du territoire de la Mauritanie un État indépendant qui prit le nom de « République islamique de Mauritanie » avec une capitale, Nouakchott, créée en plein désert. Le 31 octobre 1961, l’Assemblée générale des Nations unies vota l’admission de la République islamique de Mauritanie. Rabat protesta auprès de l’ONU et ne reconnut pas le nouvel État.
La Mauritanie indépendante vécut plusieurs années dans la hantise des revendications marocaines. C’est pourquoi elle considéra l’éventuelle création d’un « État » saharaoui comme le moyen de créer un « tampon » avec le puissant voisin du nord.
Rabat qui avait compris le danger décida de « faire la part du feu » et huit années plus tard, en 1969, reconnut l’indépendance de la Mauritanie. Il s’agissait là d’une concession faite au réalisme politique. La normalisation des relations avec Nouakchott avait en effet pour but d’obtenir le soutien mauritanien durant la phase de récupération du Sahara occidental alors sous souveraineté espagnole.
Le 5 septembre 1961, lors d’une conférence de presse, le général De Gaulle parla pour la première fois du « caractère algérien du Sahara ». Cette déclaration créa de vives tensions car, pour le Maroc, il était clair que l’indépendance à venir de l’Algérie devait permettre de régler les problèmes frontaliers entre « pays frères », contentieux résultant de décisions coloniales782. D’autant plus qu’avant l’indépendance de l’Algérie, la France avait proposé au sultan Mohammed V de régler les problèmes territoriaux en suspens entre elle et le Maroc, à la condition que Rabat se décide à adhérer à l’OCRS (Organisation commune des régions sahariennes) créée par Paris le 10 janvier 1957.
En 1956, la question du contentieux frontalier franco-marocain fut étudiée par une commission mixte d’experts. Les positions des deux pays étaient cependant inconciliables dans la mesure où la France n’était disposée à consentir qu’à des rectifications de détail alors que le Maroc revendiquait une grande partie de l’ouest algérien, notamment les régions des oasis du Touat, du Tidikelt, du Gourara, (cartes LXVI, LXVII et LXVIII) etc., ainsi que la totalité de la Mauritanie
À cette proposition française, Mohammed V avait répondu de la manière la plus nette :
« Toute négociation qui s’engagerait avec le gouvernement français actuellement en ce qui concerne les prétentions et les droits du Maroc sera considérée comme un coup de poignard dans le dos de nos amis algériens qui combattent, et je préfère attendre l’indépendance de l’Algérie pour poser à mes frères algériens le contentieux frontalier. »
Le 6 juillet 1961, le Maroc signa avec le GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) un accord stipulant que les problèmes frontaliers existant entre les deux pays seraient résolus par la négociation dès que l’Algérie aurait acquis son indépendance.
Protocole d’accord entre le gouvernement de Sa Majesté le Roi du Maroc et le G.P.R.A. (6 juillet 1961) Gouvernement Provisoire de la République Algérienne.
Le Gouvernement de Sa Majesté le Roi du Maroc et le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne, animés par les sentiments de solidarité et de fraternité maghrébines, conscients de leur destin africain et désireux de concrétiser les aspirations communes de leurs peuples, ont convenu ce qui suit :
Fidèles à l’esprit de la Conférence de Tanger du mois d’avril 1958 et fermement attachés à la charte et aux résolutions adoptées par la Conférence de Casablanca, les deux gouvernements décident d’entreprendre l’édification du Maghreb Arabe sur la base d’une fraternelle association notamment dans le domaine politique et économique.
Le Gouvernement de Sa Majesté le Roi du Maroc réaffirme son soutien inconditionnel au peuple algérien dans sa lutte pour son indépendance et son unité nationales. Il proclame son appui sans réserve au gouvernement provisoire de la République Algérienne dans ses négociations avec la France sur la base du respect de l’intégrité du territoire algérien. Le Gouvernement de Sa Majesté le Roi du Maroc s’opposera par tous les moyens à toute tentative de partage ou d’amputation du territoire algérien.
Le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne reconnaît pour sa part que le problème territorial posé par la délimitation imposée arbitrairement par la France entre les deux pays trouvera sa résolution dans les négociations entre le Gouvernement du royaume du Maroc et le Gouvernement de l’Algérie indépendante.
À cette fin, les deux gouvernements décident la création d’une commission algéro-marocaine qui se réunira dans les meilleurs délais pour procéder à l’étude et à la solution de ce problème dans un esprit de fraternité et d’unité maghrébines.
De ce fait, le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne réaffirme que les accords qui pourront intervenir à la suite des négociations franco-algériennes ne sauraient être opposables au Maroc quant aux délimitations territoriales algéro-marocaines.
Sa Majesté Hassan II | Son Excellence Ferhat Abbas |
Roi du Maroc | Président du G.P.R.A. |
Rabat, le 6 juillet 1961 |
Le souverain marocain avait fait un geste de bonne volonté particulièrement significatif en direction de l’Algérie car :
« En soutenant le GPRA pour rester fidèle à son idéal de fraternité arabe et d’unité maghrebine, et en acceptant de s’en remettre au bon vouloir de l’Algérie, l’indépendance venue, sans demander de gage, le Maroc faisait donc preuve de générosité et même d’abnégation si l’on tient compte des graves inconvénients que présentait pour lui la forme insolite du territoire algérien au Sud du Draa. Celle-ci résultait de la pénétration française à partir de bases algériennes et du désir des autorités françaises de placer le maximum de territoires sous la souveraineté de la France. Les frontières administratives fixées par la France avaient permis à l’Algérie de lancer vers l’océan atlantique une véritable pseudopose. Elles aboutissaient à faire du Maroc un territoire encerclé par l’Algérie […] » (Méric, 1965 : 747).
Après l’indépendance, l’Algérie refusa d’appliquer l’accord du 6 juillet 1961. Aussi, le roi Hassan II demanda-t-il à plusieurs reprises que les commissions marocaine et algérienne chargées de la mise en application de cet accord se réunissent afin qu’il soit possible d’entrer dans une phase concrète de négociation.
Fehrat Abbas ayant été évincé du pouvoir le 15 septembre 1963, son successeur, Ahmed Ben Bella ne s’estima pas lié par les engagements pris par le GPRA. Le 5 octobre 1962, les ministres des Affaires étrangères marocain et algérien se rencontrèrent à Oujda et ils convinrent d’un sommet entre le roi Hassan II et le président Ben Bella, mais la rencontre fut annulée.
Le 8 octobre 1963, dans la région de Figuig, l’armée algérienne lança une attaque surprise anéantissant plusieurs petites garnisons marocaines à Hassi-Beida, Tinjoub et Tinfouchy, puis elle tenta de s’emparer de Figuig. La « guerre des sables » venait d’éclater (carte page LXVII).
Le 14 octobre les FAR reprirent Hassi-Beida et Tinjoub, puis elles avancèrent vers la piste Béchar-Tindouf à la hauteur d’Igli, cependant que les Algériens s’emparaient d’Ich. Le 15 octobre, l’Algérie décida la mobilisation générale des anciens combattants de la guerre d’indépendance et le 18, les forces algériennes furent en vue de Figuig.
Le 25 octobre les FAR marocaines remportèrent deux importantes victoires, l’une à Hassi Beida et l’autre à Tinjoub. Le 28 elles furent à portée de Tindouf qu’elles n’investirent pas, demeurant en position à proximité de la ville. Le général Kettani783 proposa alors à Hassan II une offensive à travers le Sahara visant la reconquête des régions marocaines que la France avait rattachées à l’Algérie. Le souverain lui fit la réponse suivante :
« […] ça ne servira à rien, moi je pars du principe, peut-être cynique, que lorsqu’on fait la guerre à quelqu’un c’est pour avoir la paix pendant au moins une génération. Si on n’est pas assuré de la tranquillité pendant trente ans après avoir mis au tapis son adversaire, il vaut mieux éviter de lancer une opération militaire, parce qu’on défigure le présent, on compromet l’avenir, on tue des hommes, on dépense de l’argent, pour recommencer quatre ou cinq années après » (Hassan II, 1993 : 86).
Le Maroc qui avait l’avantage militaire se trouva diplomatiquement isolé alors que l’Algérie bénéficiait au contraire du soutien du bloc de l’Est784, de la Ligue arabe et de l’OUA (Organisation de l’unité africaine).
Plusieurs tentatives de règlement échouèrent ; puis, sous la pression de l’OUA, le roi Hassan II accepta un cessez-le-feu. Une médiation fut ensuite menée par le président Modibo Keita du Mali et par l’Empereur d’Éthiopie Haïlé Sélassié. Les 29 et 30 octobre, à Bamako, fut négocié un cessez-le-feu entre le roi Hassan II et Ben Bella ; il devait entrer en vigueur le 2 novembre, mais il ne fut effectif que le 5 novembre785.
Le 1er novembre 1963, les troupes marocaines se retirèrent sur les lignes qu’elles occupaient à la veille du conflit et l’OUA mit en place une zone démilitarisée sur la frontière entre Figuig et Tindouf sur 1 000 kilomètres de long, surveillée par des observateurs éthiopiens et maliens786.
La marocanité de Tindouf787
C’est au XVIe siècle que la première agglomération de Tindouf (tama-n-Douf en tamazight), semble avoir été construite, il s’agit de Tendefès que nous connaissons par El Bekri et le Tarikh-el-Fettach. Pillée, ravagée et enfin détruite par les rezzous successifs des Touareg, des Beraber et des Rguibat, elle disparut durant deux siècles, mais ses points d’eau continuèrent à être fréquentés par les caravanes transsahariennes.
Avant le Protectorat, l’administration marocaine s’exerçait sur la vallée de Tindouf qui dépendait du khalifa du Tafilalet et ses caïds étaient nommés par Dahir du sultan du Maroc. Les archives marocaines conservent de nombreux documents administratifs confirmant cette réalité788.
En 1934, la France occupa Tindouf, ville nouvelle fondée en 1852 ou en 1857 par Mrabet Ould Belamech, chef de la tribu des Tadjakant qui avait fait allégeance au sultan du Maroc. Dans un premier temps, elle fut englobée dans la zone militaire dépendant du commandement français du Maroc, puis elle fut placée sous l’autorité du Gouverneur général de l’Algérie. À aucun moment, la marocanité de la région ne fut remise en cause, même quand la question de la souveraineté sur le Touat, territoire situé à l’est de Tindouf, opposa l’administration marocaine aux fonctionnaires français.
En 1956, au moment de l’indépendance du Maroc, Tindouf était administrativement rattachée à la région marocaine d’Agadir, comme Fort-Trinquet (l’actuelle Bir Oum-Grayn) en Mauritanie. Au mois de juillet 1962, quand elle accorda l’indépendance à l’Algérie, la France était militairement présente à Tindouf dont elle se retira au mois d’octobre, laissant ainsi l’ALN (Armée de libération nationale) algérienne s’y installer ; c’est ainsi que Tindouf devint une ville d’Algérie. Pourtant, au mois de juillet, les tribus de la région, essentiellement les Tajakant et les Rguibat avaient fait allégeance au roi du Maroc. Au début du mois d’octobre, quand l’armée algérienne occupa Tindouf, elle en chassa par la force les représentants du Maroc qui avaient refusé de se retirer. Ces événements firent de nombreuses victimes.
Véritable pomme de discorde entre le Maroc et l’Algérie, la question du Sahara occidental est, depuis plusieurs décennies, le principal obstacle au projet d’union du « Maghreb arabe ».
Géographiquement, le Sahara occidental est composé de deux ensembles géographiques différents :
- Au nord, la Saquia el Hamra qui prolonge la région de Tarfaya et qui est comprise entre l’oued Drâa et le cap Boujdour (cap Bojador) est la partie la moins aride du Sahara occidental. C’est la zone de contact entre celle du dromadaire et celle du cheval. Deux voies caravanières traditionnelles la mettaient en relation, l’une avec le fleuve Sénégal et l’autre avec Tombouctou. Les habitants de la région sont Tekna, Arabes ou Sanhaja.
- Au sud de cette région, l’Oued ed Dahab, l’ancien Rio de Oro espagnol, s’étend jusqu’à l’actuelle Mauritanie. Avant le démembrement colonial, les Marocains parlaient indifféremment d’Oued ed Dahab ou de « Souss extrême Ad-DakhIa ». La population de cette dernière région est essentiellement composée d’Arabes et de Rguibat.
Au mois de mars 1956, le sultan Mohammed ben Youssef (Mohammed V), avait donné son appui à la tenue du congrès de la Saquia el Hamra à l’occasion duquel plusieurs milliers de représentants des tribus Rguibat, Ouled Delim, Ait Lahcen, Izarguiyine, Ahl-Cheich, Laroussiyine, Ma el Aimin, Filali, Ouled Tidrarine, Tubalte, Bouihat, Mejjat, Lemnasser et Yagoute, proclamèrent leur marocanité et leur attachement au trône alaouite.
Au mois de juin 1956, les Rguibat prirent les armes et en 1957, des éléments de l’Armée de libération marocaine opérèrent un mouvement tournant et prenant à revers les garnisons espagnoles du Sahara occidental, ils parvinrent jusque dans l’Adrar mauritanien. Smara fut évacuée par le détachement espagnol qui défendait la ville et au mois de novembre 1957, une grande partie du Sahara espagnol fut sous contrôle de l’ALN, à l’exception de trois forts blocs de résistance autour de Villa Cisneros (Dakhla), d’El Ayoun (Laâyoune) et de cap Juby (Tarfaya). Au même moment, une véritable guerre éclata dans l’enclave espagnole de Sidi Ifni (carte page LXVI).
Cette évolution de la situation sur les confins de l’Algérie où l’armée française combattait le FLN, inquiéta l’état-major français et c’est pourquoi une opération conjointe franco-espagnole fut décidée. Baptisée « Ouragan », elle coiffa en réalité deux actions, l’une, sous la responsabilité espagnole, qui eut pour nom « Teide », et l’autre, française, mais conduite en totalité en territoire espagnol, connue sous le nom d’opération Écouvillon.
Cette dernière fut menée en deux étapes. La première, rapidement conclue eut pour cadre la Saquia el Hamra puis, l’autorité espagnole rétablie dans la zone, les troupes françaises obliquèrent vers le sud, c’est-à-dire vers le Rio de Oro ou Oued ed Dahab. Cette seconde phase qui dura quatre jours, du 20 au 24 février 1958, eut pour but de prendre en tenaille les éléments marocains et ceux du FLN algérien entre les unités françaises progressant d’est en ouest et les troupes espagnoles parties du littoral et avançant vers l’intérieur du Sahara occidental.
Les résultats de cette opération franco-espagnole furent à la fois militaires et politiques. Sur le plan militaire, la situation de l’Espagne fut rétablie et les postes abandonnés quelques mois plus tôt réoccupés. Afin d’éviter d’être encerclées, les unités marocaines de l’ALN se replièrent vers le Maroc, suivies par des milliers de réfugiés.
Pour le Maroc, le seul résultat positif de l’opération Écouvillon fut l’ouverture avec l’Espagne de pourparlers qui aboutirent le 1er avril 1958 à l’accord de Cintra, aux termes duquel la région de Tarfaya lui fut restituée (carte page LXVI)
Aux origines du conflit
Les ressources halieutiques du Sahara occidental attirent les pêcheurs venus du monde entier. Du nord du cap Bojador jusqu’à la baie d’Arguin, la côte saharienne est en effet extrêmement poissonneuse et c’est pourquoi, dès le XVe siècle, les pêcheurs de toutes les nations maritimes européennes la fréquentèrent.
Historiquement, les pêcheurs espagnols canariens se taillèrent un quasi-monopole régional grâce aux salines de l’archipel qui permettaient la conservation et l’exportation du produit de ces pêches. Ce fut d’ailleurs pour défendre ce monopole que l’Espagne voulut contrôler le littoral saharien faisant face aux îles Canaries, cherchant à s’y installer afin d’en écarter ses éventuels concurrents flamands, basques, anglais, italiens ou français.
Le premier établissement espagnol sur cette partie du littoral saharien date de 1476 quand le seigneur de Lanzarote, Don Diego de Herrera, prit possession d’une petite portion de côte sur laquelle il édifia un fortin qu’il baptisa du nom de Santa Cruz de Mar Pequena. En 1527, le sultan du Maroc Ahmed al-Wattassi le fit détruire par ses troupes.
En 1962, devant le refus espagnol d’envisager une remise du Sahara occidental789 au Maroc, le roi Hassan II décida de demander au Comité de décolonisation des Nations unies de mettre Ifni et le Sahara occidental sur la liste des territoires à décoloniser. Le roi Hassan II fit de la « récupération » du Sahara occidental, l’ancien « Sahara espagnol », une cause non négociable790 et la trêve politique intérieure se fit sur cette cause devenue sacrée791.
Le 17 décembre 1965, par la résolution n° 2072, l’Assemblée générale des Nations unies demanda pour la première fois à l’Espagne d’engager le processus de décolonisation du territoire ; un an plus tard, le 20 décembre 1966, elle demanda à Madrid de restituer la zone de Sidi Ifni au Maroc et d’organiser, sous les auspices de l’ONU, un référendum au Sahara occidental.
L’Espagne rétrocéda Ifni en 1969, mais l’épineuse question du Sahara occidental demeura en suspens.
Le 23 juillet 1973, les présidents Boumedienne d’Algérie, Ould Daddah de Mauritanie ainsi que le roi Hassan II, se réunirent à Agadir afin de définir un plan d’action commun sur la question du Sahara occidental. Lors de ce sommet, les positions contraires du Maroc et de l’Algérie furent exprimées au grand jour :
- Le Maroc acceptait I’autodétermination à la seule condition que le scrutin porte, soit sur le retour de la région au Maroc, soit sur le maintien du statu quo espagnol.
- L’Algérie qui voulait au contraire un « État saharaoui » indépendant voyait dans l’autodétermination un moyen d’obtenir cette indépendance officielle792. Pour Alger, il n’était en effet pas question de laisser le Maroc s’étendre le long du littoral atlantique et de fermer ainsi tous les débouchés du Sahara algérien vers l’océan. Sa politique fut donc de contester par tous les moyens la marocanité du Sahara occidental et de soutenir la fiction de l’existence d’un peuple saharaoui ayant le droit de s’autodéterminer afin que soit créé un mini-État sur lequel elle pourrait exercer une sorte de protectorat.
Face au blocage de la situation, les possibilités de solution étaient au nombre de quatre :
1- Le rattachement et l’intégration au Maroc.
2- Le partage du territoire entre le Maroc et la Mauritanie.
3- La constitution d’une entité à définir sous triple influence du Maroc, de l’Algérie et de la Mauritanie.
4- La constitution d’un État saharaoui indépendant.
Le 20 août 1974, le roi Hassan II s’opposa officiellement au référendum prévu par l’Espagne et le 13 décembre 1974, I’Assemblée générale des Nations unies décida de demander à la Cour internationale de justice un avis consultatif sur les deux questions suivantes :
« I- Le Sahara occidental (Rio de Oro et Saquia et Hamra) était-il, au moment de la colonisation par l’Espagne, un territoire sans maître (terra nullius) ?
II- Quels étaient les liens juridiques de ce territoire avec le royaume du Maroc et l’ensemble mauritanien ? »
Le premier mouvement de libération du Sahara espagnol fut le FLU (Front de Libération et de l’Unité). Fondé en 1968, il avait pour objectif le rattachement au Maroc. C’est en partie ce mouvement qui, changeant d’appellation, devint ensuite le Morehob, (Mouvement révolutionnaire des Hommes bleus), fondé en 1969 par Édouard Moha.
En 1972, le Morehob s’installa à Alger jusqu’au moment où :
« […] le fondateur et président de ce mouvement se rendit compte des manœuvres du Gouvernement algérien qui voulait l’utiliser dans le but de créer des difficultés au Maroc en s’opposant à ses revendications et en réclamant l’indépendance du Sahara occidental, il quitta Alger, s’installa quelque temps à Bruxelles et à Paris avant de rejoindre Rabat en 1975. Il opta, alors, définitivement pour le retour du Sahara sous la souveraineté marocaine » (Kabbaj, 1980 : 472).
Ses espoirs dans le Morehob étant ruinés, Alger soutint ensuite le Polisario (Front populaire pour la libération de la Saquia el Hamra et du Rio de Oro), organisation créée en Mauritanie le 20 juillet 1973 par un Rguibat, El Ouali Mustapha Sayed. Ses cadres étaient des Marocains et des Mauritaniens se rattachant le plus souvent à la mouvance révolutionnaire marxiste ou socialo-tiers-mondiste.
En 1974, afin de préparer le scrutin, Madrid recensa 73 487 habitants, dont 38 336 hommes et 35 151 femmes. Or, il était clair que nombre de « Saharaoui », notamment ceux qui avaient participé au soulèvement qui avait provoqué l’opération Écouvillon, avaient fui au Maroc pour échapper à la répression qui avait suivi la reprise de contrôle par l’Espagne.
Rabat refusa donc qu’un référendum consacrant la perte définitive de ses provinces sahariennes soit organisé sur la base de listes électorales tronquées puisqu’elles écartaient plusieurs dizaines de milliers de personnes qui n’avaient pas été recensées sur le territoire793. D’autant plus que ces réfugiés étaient particulièrement attachés à la cause de la « marocanité » du territoire. Selon Rabat, 65 000 personnes appartenant à plusieurs tribus qui s’étaient réfugiées dans le sud du royaume après les événements de 1958 avaient ainsi été délibérément écartées des listes électorales, ce qui allait totalement changer le sens du scrutin794.
L’Espagne étant toujours présente au Sahara, le Polisario en profita pour s’y installer afin de mettre le Maroc devant le fait accompli. L’armée algérienne l’encadra tout en lui fournissant la logistique nécessaire. La situation se tendit donc et l’on fut au bord de la rupture quand, le 16 septembre 1975, la Cour Internationale de Justice fit connaître son avis :
« 1 – Le Sahara occidental n’était pas uneterra nullius au moment de sa colonisation par l’Espagne puisque le territoire du :
“Sahara occidental était habité par des populations, qui, bien que nomades, étaient socialement et politiquement organisées en tribus et placées sous l’autorité de chefs compétents pour les représenter”.
2 – Au point de vue des liens politiques, la Cour reconnut :
“[…] l’existence, au moment de la colonisation espagnole, de liens juridiques d’allégeance entre le sultan du Maroc et certaines tribus vivant sur le territoire du Sahara occidental”.
“[…] la Cour a admis que les particularités de l’État marocain découlaient d’abord des fondements mêmes du pouvoir au Maroc dont le lien religieux de l’Islam et celui de l’allégeance constituaient, plus que la notion de territoire, les deux éléments fondamentaux. Partant de cette constatation, elle a reconnu que « les liens politiques d’allégeance à un Souverain ont souvent été un élément essentiel de la texture de l’État”(Kabbaj Taoufîk, 1980 : 119). »
Fort de cet arrêt de la Cour internationale de justice, devant les hésitations espagnoles et inquiet des manœuvres algériennes, le roi Hassan II décida de forcer le destin. Il eut alors l’idée d’envoyer des centaines de milliers d’hommes et de femmes prendre pacifiquement possession de cette partie du territoire national perdue lors des partages coloniaux. Ce fut la « Marche verte ».
La situation était cependant explosive car l’Espagne avait annoncé qu’elle défendrait le Sahara occidental contre toutes les menaces. De fait, l’élite de son armée attendait, l’arme au pied, dont 5 000 légionnaires du Tercio commandés par le général Salazar y Nieto. Finalement, le gouvernement espagnol donna l’ordre à ses troupes de se replier devant la Marche verte qui débuta le jeudi 6 novembre 1975795. Au total, en deux jours, plus de 200 000 marcheurs venus de toutes les provinces, régions et villes du Maroc franchirent la frontière, Coran à la main et dans un foisonnement de drapeaux marocains.
Le 14 novembre, à Madrid, l’Accord tripartite Maroc-Mauritanie-Espagne fut signé, prévoyant la mise en place d’une administration commune par les trois pays signataires, administration transitoire devant durer jusqu’au départ définitif des Espagnols fixé à la fin du mois de février 1976, et prévoyant le partage de l’ancienne colonie espagnole entre le Maroc et la Mauritanie. Au Maroc la partie nord, c’est-à-dire la Saquia el Hamra, et à la Mauritanie la partie sud ou Oued ad Dahab (carte page LXVIII)
Petit à petit, et en application de l’accord tripartite du 14 novembre 1975, l’armée espagnole se retira796, laissant la place aux unités de l’armée marocaine797.
Au mois de décembre, l’armée marocaine entra à El Aioun et les unités espagnoles quittèrent alors le territoire798. Dans le sud, c’est-à-dire dans la zone rattachée à la Mauritanie, l’armée mauritanienne occupa avec difficulté La Guera où le Polisario se retrancha. L’armée marocaine entra à Villa Cisneros (Dakhla) le 8 janvier car les Mauritaniens n’étaient pas en mesure de le faire.
Dans l’est du Sahara occidental, soutenu par l’Algérie, le Polisario tenta de s’opposer à l’installation marocaine et des combats violents se déroulèrent à Amgala entre le 29 janvier et le 15 février 1976. La RASD (République arabe saharaouie démocratique) fut proclamée au début du mois de février 1976 et portée sur les fonts baptismaux par l’Algérie dont l’intérêt régional était triple : politique, économique799 et stratégique800.
Le 25 octobre 1977 une spectaculaire action du Polisario aboutit à l’enlèvement d’otages européens à Zouérate en Mauritanie et le Maroc se vit placé dans l’obligation d’intervenir afin d’éviter un effondrement de l’armée mauritanienne. Plus de 6 000 soldats marocains furent alors répartis le long de la frontière Mauritanie-Algérie mais, en dépit de cette présence, la guerre continua et la Mauritanie ne put en supporter le coût en hommes et en moyens.
Dans un souci de règlement global de la question saharienne et parce qu’il était isolé, le Maroc avait abandonné à la Mauritanie la partie méridionale du Sahara occidental, à savoir l’Oued ed Dahab ; cependant, la concession marocaine ne s’entendait que parce que la Mauritanie était devenue une alliée. Or, le 10 juillet 1979, un coup d’État renversa le président mauritanien Mokhtar Ould Daddah qui fut remplacé par le colonel Ould Mohamed Salek. Avec la nouvelle équipe au pouvoir à Nouakchott, le désengagement mauritanien fut programmé. Le renversement d’alliances qui suivit le coup d’État fut précédé le 23 avril 1979 par la signature d’un protocole mauritano-libyen prévoyant la remise de la partie mauritanienne du Sahara occidental au Front Polisario et reconnaissant l’existence d’un « peuple saharaoui » ainsi que son droit à I’autodétermination.
Au mois de juillet 1979, lors du 16e sommet de l’OUA tenu à Monrovia, la Mauritanie fit savoir qu’elle se désolidarisait de son allié marocain et elle vota une résolution demandant la tenue d’un référendum au Sahara. Puis, le 5 août 1979, à Alger, en présence de quatre ministres algériens, un accord de paix fut signé aux termes duquel la Mauritanie abandonnait officiellement la partie du Sahara qu’elle occupait, à savoir l’Oued ed Dahab rebaptisé Tiris El Gharbia.
Devant ce qu’il considérait comme un risque de déshérence, le Maroc fit alors savoir que le territoire abandonné par la Mauritanie faisait historiquement partie du royaume marocain et, le 11 août, l’armée marocaine en prit possession. Le 14 août, les représentants des tribus d’Oued ed Dahab vinrent à Rabat pour y prêter allégeance au roi Hassan II.
Le Sahara occidental était en totalité redevenu marocain, mais les tensions ne cessèrent à aucun moment avec l’Algérie, base arrière du Polisario. Aussi, en 1980, le Maroc décida-t-il de construire un mur long de 2 700 kilomètres protégeant le territoire des raids motorisés lancés par le Polisario depuis l’Algérie, ce qui permit à l’armée marocaine de reprendre l’initiative sur le terrain.
Au mois de février 1982, l’admission de la RASD (République arabe saharaouie démocratique) comme 51° membre de l’OUA entraîna le boycott par le Maroc du sommet de Tripoli.
En 1984, le colonel Kadhafi abandonna le Polisario et se retourna vers le Maroc avec lequel il signa les accords d’Oujda. En réaction, le président algérien Chadli Benjedid laissa la délégation de la RASD participer au sommet d’Addis Abeba. Aussi, le 12 novembre 1984, le Maroc quitta-t-il l’OUA.
En 1986, l’ONU tenta de débloquer la situation et de longs pourparlers débutèrent. Au mois d’août 1988 le plan de paix de l’ONU fut présenté aux deux parties (Maroc et RASD) mais sans résultat.
Le 19 avril 1991, par la résolution 690, le Conseil de sécurité créa la Minurso (Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental) et le 6 septembre, un cessez-le-feu entra en vigueur. Militairement vaincu et en plein désarroi, le Polisario vit ensuite ses effectifs fondre comme neige au soleil. Entre 1992 et 1999, le mouvement connut une accélération avec de véritables vagues de reddition ou de ralliement auprès des garnisons marocaines de Figuig et de Zagora.
En 1992, un important changement de situation politique se produisit en Algérie à la suite de la volonté d’ouverture alors manifestée par le président Mohammed Boudiaf qui sembla disposé à régler au plus vite le contentieux algéro-marocain. Le Maroc demanda alors que le référendum devant en principe être organisé sous le contrôle de l’ONU se fasse au plus vite, faute de quoi, Rabat pourrait considérer qu’il n’y aurait pas lieu de soumettre à un vote le retour à la mère-patrie d’une portion de son territoire national801.
Après l’assassinat du président Boudiaf le 29 juin 1992, la position algérienne redevint intransigeante sur le dossier du Sahara occidental.
À partir du mois de janvier 1997, date de l’élection de M. Koffi Annam au Secrétariat général des Nations Unies, le processus en vue du règlement de la question du Sahara occidental fut relancé et M. James Baker, ancien Secrétaire d’État américain fut nommé comme envoyé personnel du Secrétaire général pour le Sahara occidental. James Baker réussit à réunir Marocains et Polisario à Houston du 14 au 16 septembre. Des accords y furent signés prévoyant la tenue d’un référendum pour l’année 1998, mais le problème de la composition du corps électoral n’étant pas réglé, le référendum fut repoussé.
L’extrême gauche mise au pas, les partis politiques « domptés », le Sahara récupéré, Hassan II avait réussi à pacifier la société marocaine quand, le 23 juillet 1999, il mourut. Son fils Mohammed ben al-Hassan, né le 21 août 1963, lui succéda sous le nom de Mohammed VI.
Le nouveau souverain ouvrit rapidement un nouveau chapitre de l’histoire du Maroc car, dès la fin du mois d’août 1999 fut mise en place une Commission royale d’indemnisation des anciens prisonniers politiques802. Puis, à l’automne 1999, deux mesures symboliques furent prises :
- au mois de septembre le vieil opposant Abraham Serfaty fut autorisé à rentrer d’exil,
- le 8 novembre, le ministre de l’Intérieur Driss Basri fut révoqué. Et le même jour Fouad Ali el-Himma, fut nommé ministre délégué à l’Intérieur.
Lors des élections législatives du 27 septembre 2002, les socialistes de l’USFP (Union socialiste des forces populaires) remportèrent 50 sièges sur 325, le parti nationaliste Istiqlal 48, les islamistes du PJD (Parti de la justice et du développement)803 42 alors qu’il ne pouvait se présenter que dans 60 % des circonscriptions, et le RNI (Rassemblement des indépendants) 41. Ces élections virent la victoire de trois « blocs loyalistes » (Vermeren, 2009 : 18), ce qui permit de reconduire de la coalition en place regroupant l’Istiqlal, l’USFP804 et les Berbères du Mouvement populaire.
Les élections législatives du 7 septembre 2007 furent marquées par un fort taux d’abstention puisque, selon les chiffres officiels, seuls 37 % des électeurs se rendirent aux urnes. Avant le scrutin, la grande interrogation portait sur le score des islamistes. Or, le PJD (Parti de la justice et du développement) connut un échec relatif avec 46 sièges contre 42 dans l’assemblée sortante et il s’inclina devant l’Istiqlal qui obtint 52 sièges. Le PJD fut néanmoins dominant dans cinq grandes villes, à savoir Casablanca, Rabat, Salé, Meknès et Tanger où il remporta 23 de ses 42 sièges. À l’évidence, l’islamisme marocain était urbain car les campagnes ne donnèrent que peu de voix à ses candidats.
Les socialistes de l’USFP connurent une défaite historique. Eux qui avaient remporté les élections législatives de 2002 enregistrèrent un sévère désaveu, le parti ne contrôlant plus de région et ayant perdu toutes les grandes villes, sauf Agadir. Avec 11 % des voix et 33 sièges de députés, l’USFP se trouva même dépassée par deux autres partis, le MP (Mouvement populaire) berbériste qui obtint 36 sièges et le RNI, parti pro-Makhzen qui obtint 34 sièges de députés805.
À l’issue du scrutin, le leader de l’Istiqlal, M. Abbas El Fassi fut tout naturellement nommé Premier ministre.
En 2009, l’USFP paraissait débordée à droite par l’Istiqlal, et dépassée à gauche par les islamistes qui lui avaient pris son discours social, tout en étant concurrencée dans son discours progressiste par le PAM (Parti authenticité et modernité), fondé par Fouad Ali El Himma ancien ministre délégué à l’Intérieur et proche du souverain. Le PAM remporta les élections communales du 12 juin 2009, avec 21,7 % des voix, devançant l’Istiqlal qui obtint 19,1 % des suffrages. En ville, le vainqueur de ce scrutin fut une nouvelle fois le PJD.
Les élections législatives du 25 novembre 2011 qui connurent un taux de participation de 45,5 % furent remportées par le PJD. Avec 27,08 % des suffrages, le parti islamiste obtint 107 sièges sur 395 alors qu’il en avait 46 dans l’assemblée sortante. L’Istiqlal progressa également en nombre de sièges, passant de 52 à 60, cependant que l’USFP ne parvenait pas à atteindre les 10 %. Après la victoire élctorale du PJD, le souverain marocain appela aux affaires l’islamiste Abdelilah Benkira.
Dès le début du règne de Mohammed VI, la question du Sahara occidental connut d’importantes évolutions.
En 2000, James Baker, envoyé personnel du secrétaire général de l'ONU pour le Sahara, proposa un plan connu sous le nom de plan Baker I qui était une tentative de solution transitoire en deux temps, prévoyant une autonomie dans un cadre marocain puis, au bout de cinq ans, une consultation des populations saharaouies. Le Maroc accepta le plan mais le Polisario et l’Algérie le refusèrent.
En 2003, James Baker proposa le plan Baker II qui prévoyait l’établissement d’une Autorité du Sahara occidental pour une durée de cinq ans, puis la tenue du référendum. Ce plan fut approuvé par le Conseil de sécurité sous la condition qu’il fasse l’unanimité des parties concernées ; or, comme il considérait que son intégrité territoriale était menacée, le Maroc le repoussa, ce qui entraîna la démission de M. Baker et le bloquage de la situation.
Au mois de mars 2005, le roi Mohammed VI se rendit à Alger pour le sommet de la Ligue arabe et des entretiens qu’il eut avec le président Bouteflika, il ressortit que l’Algérie continuait à s’aligner sur les positions du Polisario.
Le Maroc tira alors les conséquences de l’attitude algérienne et considéra qu’il n’était donc plus nécessaire de discuter car la marocanité du Sahara n’était pas négociable ; des députés élus au Sahara siégeaient d’ailleurs au Parlement national806.
Au mois de février 2007, l’ONU fit volte-face et se rangea à l’option marocaine en proposant un plan prévoyant l’autonomie sans référendum et dans le cadre marocain.
Des rencontres directes se tinrent ensuite dans la région de New York, à Manhasset entre les mois de juin 2007 et de mars 2008 et elles réunirent Marocains et émissaires du Polisario ; ce fut un échec.
Le 21 avril 2008, le nouvel envoyé spécial du Secrétaire Général de l’ONU, M. Peter van Walsum déclara que l’indépendance du Sahara occidental n’était pas une proposition réaliste et le 30 avril 2008, le Conseil de sécurité des Nations unies adopta la Résolution 1813 par laquelle le mandat de la Minurso (Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un Référendum au Sahara occidental) était renouvelé jusqu’au 30 avril 2009.
Fin 2015, aucune solution internationale n’était en vue car, pour l’ONU, le Sahara occidental est un territoire décolonisé dont le devenir n’est pas réglé et pour l’UA, il s’agit d’une ancienne possession coloniale dont les frontières doivent être respectées. La situation était donc bloquée.
L’évolution du dossier était cependant rapide car le Polisario, en plus de ses cadres et de ses militants qui avaient rallié le camp du Maroc, perdait peu à peu ses derniers appuis. Reconnue par 70 États à la fin du XXe siècle, la RASD ne l’était ainsi plus que par une trentaine en 2014 et sur le continent africain, elle ne l’était plus que par huit pays dont l’Algérie et la RSA.
761. Sur Oufkir, voir Stephen Smith (1999).
762. Mehdi Ben Barka, élu en 1956 à la tête de l’Assemblée nationale consultative(ANC), tenta de mobiliser la jeunesse en s’inspirant des méthodes chinoises de Mao Tsé Toung et de la Yougoslavie de Tito. Pour une vision hagiogaphique de Ben Barka, voir Zakya Daoud et Monjib Maâti (2000).
763. Cette version fut confirmée par Hamid Chabat alors membre du comité exécutif de l’Istiqlal dans un entretien donné à MarocHebdo le 1er mai 2009 sous le titre : « J’assume pleinement ce que je dis ». Une autre grande figure de la résistance fut également assassinée, l’aviatrice Touria Chaoui, militante de l’Istiqlal.
764. Pour une vision exonérant Mehdi Ben Barka, voir le livre de Maurice Buttin (2010).
765. Sur la jeunesse du prince Moulay Hassan et sur son règne jusqu’en 1968, le livre d’A. Benmansour, « Hassan II, sa vie, sa lutte et ses réalisations », publié en langue arabe à Rabat en 1969 est irremplaçable par les préçisions et les détails qu’il contient. Il s’agit d’une véritable chronique du règne, contenant naturellement une part d’hagiographie, trop peu utilisée par les historiens.
766. À l’issue de la Conférence, les Alliés avaient décidé que l’objectif final de la guerre était la capitulation sans conditions de l’Allemagne et du Japon.
767. Mohammed Basri (dit Fqih), Moumen Diouri et Abderrahlmane Youssoufi. Mehdi ben Barka exilé en Algérie fut condamné à mort par contumace. Ces peines furent commuées en prison à vie.
768. L’équivalent de « l’article 16 » dans la Constitution française de 1958.
769. « Il y a toujours eu un malentendu concernant Ben Barka : il se dit encore que c’est Hassan II qui avait ordonné sa liquidation, ce qui est faux. Hassan II avait les meilleures relations possibles avec Mehdi Ben Barka au moment où ce dernier a été tué. Ils étaient certes opposés aussi bien sur le plan idéologique que concernant les choix politiques du pays, mais le défunt Roi avait changé de position vis-à-vis de Ben Barka et avait même décidé de le convoquer et de l’impliquer dans des responsabilités […] Je pense (que ceux qui l’ont enlevé) étaient des personnes qui étaient contre la réconciliation entre Ben Barka et le Roi, certainement Oufkir et son entourage. » Entretien donné par Ahmed Osman, ami d’enfance et beau-frère de Hassan II, fondateur du RNI et ancien premier ministre à La Vie Eco, 20 avril 2007.
770. Nombre de révolutionnaires trouvèrent alors refuge à Paris où ils furent accueillis par l’ultra-gauche française qui haïssait la monarchie marocaine parce qu’elle adulait au contraire l’Algérie socialiste. Ce fut à cette époque que se constituèrent les réseaux qui ne cessèrent de mener campagne contre le roi Hassan II, et dont l’action culmina sous les septennats de François Mitterrand avec notamment la publication du pamphlet de Gilles Perraut (1992).
771. Le colonel Ababou réussit à prendre le contrôle de la radio nationale et il y annonça la proclamation de la République.
772. Selon Vermeren (2006 : 105) les mitrailleuses auraient été chargées par erreur avec des balles d’entraînement. Une nouvelle fois, le roi échappa miraculeusement à la mort.
773. Sur la réalité de ce suicide, nous ne disposons que de la déclaration officielle du docteur Mohammed ben Hima, alors ministre marocain de l’Intérieur. Selon Gilles Perrault (1992), le général Oufkir fut liquidé à l’extérieur du Palais.
774. Il trouva la mort en 1983 dans un accident de la circulation, un « camion fou » ayant percuté sa voiture.
775. RNI (Rassemblement national des indépendants), MP (Mouvement populaire) et MPDC (Mouvement populaire démocratique constitutionnel).
776. En 1975 l’UNFP était devenue l’USFP (Union socialiste des forces populaires).
777. Mohammed Boucetta fut nommé ministre des Affaires étrangères et Azzedine Laraki ministre de l’Éducation nationale.
778. Il avait épousé Lalla Nezha, la soeur du roi.
779. Article 1er de la Constitution : « Le Maroc est une monarchie constitutionnelle, démocratique et sociale. »
780. Le 4 décembre 1920, le président de la République française, Alexandre Millerand signa un décret faisant de la Mauritanie une colonie et la rattachant à l’Afrique occidentale française. Puis la région des « confins algéro-marocains » devint une « région militaire autonome » rattachée à Alger et non à Rabat et cela en dépit des protestations de Lyautey.
781. Dans le nord, Sebta (Ceuta), Melilla, les îles Jaafarines et, dans le sud, Ifni, Tarfaya, Saquia el Hamra et Oued ad Dahab, demeurèrent sous souveraineté espagnole. Pour ce qui est de la décolonisation espagnole en général, voir Pélissier (2005) et pour tout ce qui concerne la question du Sahara occidental, voir Lugan (1998b ; 2000 : 307-344).
782. Pour ce qui est des origines coloniales du contentieux maroco-algérien, voir Heggoy (1970).
783. Ancien général de l’armée française.
784. Cuba envoya des troupes et du matériel. Le 31 octobre le Maroc rompit ses relations diplomatiques avec Cuba et rappela son ambassadeur en Égypte.
785. Le cessez-le-feu définitif intervint le 20 février 1964.
786. Le 15 janvier 1969, à Ifrane, un traité de paix fut conclu entre les deux pays.
787. Au sujet de Tindouf, voir Edouard Méric (1965) et Olivier Vergniot (1986)
788. Voir à ce sujet le livre d’Alfred Georges Paul Martin (1908) et notamment tout ce qui concerne les rapports entre sultans marocains et les oasis durant la période 1504 à 1795.
789. Pour ce qui est de la décolonisation espagnole en général, voir Pélissier (2005) et pour tout ce qui concerne la question du Sahara occidental, voir Lugan (1998b ; 2000 : 307-344).
790. Selon Hassan II : « Le Maroc ressemble à un arbre dont les racines nourricières plongent profondément dans la terre d’Afrique, et qui respire grâce à son feuillage bruissant aux vents de l’Europe […] en récupérant leur Sahara, les Marocains ne font que renouer avec les hauts lieux qui furent, par le passé, le creuset de leurs dynasties, le point de départ de leur rayonnement au-delà de leurs frontières et les racines nourricières de l’arbre qui constitue leur communauté. »
791. Seul, l’Ila Al-Amam, mouvement d’extrême gauche dirigé par Abraham Serfaty, proposa l’autodétermination des populations saharaouies. Une telle prise de position fut assimilée à de la haute trahison et les principaux cadres et militants du mouvement furent arrêtés au mois de novembre 1974. À l’issue d’un procès qui se tint en 1977, ils furent condamnés à la prison à vie pour atteinte à la sûreté de l’État. Au mois de septembre 1991 Abraham Serfaty sortit de prison et fut expulsé vers la France.
792. Sur les implications géopolitiques de la question du Sahara occidental, on se reportera à Mohsen-Finan (1997) et Lugan (2011).
793. La position marocaine fut, depuis confortée par les déclarations du colonel Emilio Cuevas Puente qui fut sur place, en 1974, l’organisateur du recensement espagnol. Dans une importante déclaration au journal Le Monde, rapportée le 1er avril 1999, il indiqua que le comptage des Saharaouis fut incomplet : « Pressés par les Nations unies, nous n’avons pu travailler que pendant un mois. C’était trop court pour faire le décompte d’une population éparpillée sur un territoire très vaste et qui ne coopérait pas toujours avec nous […] On savait aussi que des nomades saharaouis avaient quitté le Sahara occidental pour aller se réfugier dans les pays limitrophes, mais nous n’avions aucun mandat pour aller les dénombrer. »
794. Parmi les tribus ou des fractions de tribus écartées des listes électorales, on compte plusieurs sous fractions tekna qui ont toujours occupé la région.
795. Le Polisario lança alors des actions provocatrices afin de pousser les Espagnols à intervenir contre la Marche verte. C’est ainsi que le 3 novembre, à Tifariti (carte page LXVIII), une section de la 1re compagnie de la VIIe Bandera fut attaquée par un fort parti composé d’Algériens et de membres du Polisario. Les Espagnols perdirent 23 tués et les assaillants 45 tués.
796. Le 27 novembre, la VIIe Bandera du Tercio évacua Smara et se replia sur El Aioun. Du 15 décembre 1975 au 2 février 1976, la Légion espagnole eut la responsabilité de l’aéroport de la ville et deux compagnies assurèrent la sécurité des mines de phosphates de Bou Crâa en attendant d’être relevées par l’armée marocaine.
797. Tout ne se passa pas tout à fait comme prévu avec certaines unités régionales démobilisées par les Espagnols. C’est ainsi que le 3e régiment de Tropas Nomadas, unité méhariste recrutée régionalement, rejoignit en partie le Polisario auquel il apporta un renfort inespéré.
798. Le 2 février, ce fut le tour des derniers détachements des VIIe et VIIIe Banderas et, à la fin du mois, du Grupo Ligero de Cavaleria del Tercio Don Alejandro Farnese.
799. Le sous-sol saharien est riche. Dans la région de Tindouf, les gisements de fer de Gara-Jbilet produisent un minerai de bonne qualité, quant à Bou Crâa dans l’ex-Sahara espagnol, ce sont d’immenses réserves de phosphates qui y sont en exploitation depuis 1966 (carte page LXVIII)
800. Sur les implications géopolitiques de la question du Sahara occidental, on se reportera à Khadija Mohsen-Finan (1997).
801. Le cœur du problème est, comme l’a dit Hubert Védrine, ancien chef de la diplomatie française que « […] l’affaire du Sahara est une affaire nationale pour le Maroc et une affaire identitaire pour l’armée algérienne ».
802. En 2003 fut créée l’IER (Instance équité et réconciliation).
803. L’islamisme radical était en grande partie incarné par le cheick Abdessalam Yassine et par le PJD Parti de la Justice et du développement. Le cheick Abdessalam Yassine s’opposait intrinsèquement au souverain car il combattait la notion même de Commandeur des Croyants. Sur le PJD, voir Mohsen-Finan et Zegahl (2006).
804. La Koutla El Ouataniya (Bloc national) associait l’USFP et l’Istiqlal.
805. À l’issue de ce scrutin, la réalité politique marocaine était l’émiettement car, sur les 35 partis s’étant présentés au suffrage, 23 avaient obtenu des députés. Cependant, aucun parti ne disposait de plus de 15 % des élus, soit plus de 52 députés, et 17 partis avaient moins de 10 députés.
806. Le Corcas (Conseil consultatif des affaires sahariennes) fut créé au mois de mars 2006 par Dahir royal.