Chapitre I

Les révolutions de Tunisie et d’Égypte

En Tunisie et en Égypte, le mouvement qui aboutit au renversement des présidents Ben Ali et Moubarak eut sept caractéristiques communes :

1- Il fut largement déclenché par une jeunesse frustrée, souvent diplômée mais sans emploi et sans perspectives autres que l’émigration. En Tunisie, à la veille de la révolution, deux chômeurs sur trois avaient moins de 30 ans.

2- Les deux pays étaient gouvernés par des vieillards malades et au pouvoir depuis des décennies (Ben Ali 24 ans, Moubarak 30 ans).

3- En Tunisie comme en Égypte, des clans honnis gravitant autour des épouses des présidents avaient provoqué un phénomène de rejet.

4- Le pouvoir s’effondra sur lui-même en quelques semaines. En Tunisie où les troubles débutèrent le 17 décembre 2010, le président Ben Ali abandonna le pouvoir le 14 janvier 2011. En Égypte où tout débuta le 25 janvier 2011 et le départ du président Moubarak eut lieu le 11 février.

5- Le haut état-major se détacha du pouvoir, l’abandonna ou même le trahit.

6- En Tunisie comme en Égypte, ce furent d’abord des révolutions bourgeoises et citadines qui vinrent se greffer sur de profondes crises sociales provinciales jusque-là demeurées cantonnées à des foyers excentrés de misère et de contestation.

7- En Tunisie comme en Égypte, les islamistes qui n’étaient pas à son origine, coiffèrent ensuite le mouvement831.

I- La Tunisie entre laïcisme et islamisme

La révolution tunisienne de 2010-2014 eut quatre principales causes :

1- Un facteur générationnel. Les 42 % des Tunisiens ayant moins de 25 ans estimaient être les oubliés du développement ; c’est eux qui formèrent les gros bataillons de la contestation.

2- Une agitation sociale qui débuta en 2008 dans le bassin minier de Gafsa et qui dura pendant plus de six mois. Des centaines de Tunisiens furent alors arrêtées et emprisonnées, certains trouvant la mort dans les affrontements avec la police. Cette région défavorisée fut le levier de la révolution. Selon l’UGTT (Union générale des travailleurs tunisiens), le chômage y touchait à l’époque 44 % des femmes et 25 % des hommes diplômés de l’université de Sidi Bouzid, contre une moyenne nationale de 19 % pour les hommes et 13,4 % pour les femmes.

3- La détestation de la seconde épouse du général Ben Ali, Leïla Trabelsi et de son neveu Imed Trabelsi.

4- L’intention du président Ben Ali de briguer un cinquième mandat.

Le président Ben Ali fit de la Tunisie un pays moderne dont la crédibilité permit un accès au marché financier international. Attirant capitaux et industries, le pays progressa à ce point qu’en 2011, 80 % des Tunisiens étaient devenus propriétaires de leur logement. Ce pôle de stabilité et de tolérance dans un univers musulman souvent chaotique voyait venir à lui des millions de touristes recherchant un exotisme tempéré par une grande modernité. Des milliers de patients venaient s’y faire opérer à des coûts inférieurs et pour une même qualité de soins qu’en Europe. Dans ce pays qui consacrait plus de 8 % de son PIB à l’éducation, la jeunesse était scolarisée à 100 %, le taux d’alphabétisation était de plus de 75 %, les femmes étaient libres et ne portaient pas le voile ; quant à la démographie, avec un taux de croissance de 1,02 %, elle avait atteint un quasi-niveau européen. 20 % du PIB national était investi dans le social et plus de 90 % de la population bénéficiait d’une couverture médicale. Autant de réussites quasiment uniques dans le monde arabo-musulman, réussites d’autant plus remarquables qu’à la différence de l’Algérie et de la Libye, ses deux voisines, la Tunisie ne dispose que de faibles ressources naturelles.

Le facteur déclencheur de la révolution se produisit à Sidi Bouzid le 17 décembre 2010 quand, s’étant fait confisquer sa marchandise par la police, Mohammed Bouazizi, un vendeur de fruits et légumes ambulant âgé de 27 ans, alla protester au siège du gouvernorat où il fut insulté et molesté. Désespéré, il revint devant le bâtiment, s’aspergea d’essence et s’immola par le feu. Le jour même, des dizaines de manifestants se réunirent. Durant le week-end, le rassemblement grossit et la police tenta, en vain, de le disperser. La situation dégénéra et se transforma en émeute, puis en révolution, avec une revendication clairement politique, à savoir le départ du président Ben Ali. Elle fut résumée dans un slogan aussi bref que précis : « Dégage ».

La révolution tunisienne se fit en quatre étapes :

1- La première, ou « révolution du jasmin », dura quatre semaines, entre la fin du mois de décembre 2010 et la mi-janvier 2011 et elle eut pour résultat le départ du président Zine el-Abidine Ben Ali.

2- La deuxième qui débuta le 15 janvier 2011 pour s’achever au mois d’octobre de la même année, vit le pays sombrer dans l’anarchie. Ce fut la période de la révolution inachevée.

3- La troisième qui commença après le scrutin législatif du 23 octobre 2011 vit la tentative de confiscation de la révolution par les islamistes ; ce fut celle des interrogations concernant la définition constitutionnelle de la Tunisie avec un vif débat entre islamistes et laïcs.

4- La quatrième débuta le 9 janvier 2014 avec la démission du Premier ministre islamiste Ali Larayedh et son remplacement par un indépendant, Mehdi Jamaa. Elle s’acheva le 6 février 2015 quand, à l’issue des élections législatives et présidentielles de l’automne, le président Beji Caïd Essebsi nomma Habib Essid chef du gouvernement.

Un processus révolutionnaire rapide (décembre 2010-janvier 2011)

Le régime du président Ben Ali fut emporté en une vingtaine de jours, au terme de trois semaines de manifestations étendues à tout le pays et amplifiées par une grève générale. Le 14 janvier 2011, le président s’envola vers l’Arabie saoudite.

Partie de Sidi Bouzid le 24 décembre 2010, la révolte se propagea dans le centre du pays, notamment à Menzel Bouzaiane où un couvre-feu fut imposé. D’autres villes de province s’embrasèrent à leur tour dont Gafsa, Gabès, Kasserine et Sousse. Le 27 décembre, le mouvement atteignit Tunis.

Le 28 décembre, prenant conscience du danger, le président Ben Ali se rendit au chevet de Mohammed Bouazizi. Mais, le même jour, dans un discours diffusé en direct sur la chaîne nationale, il déclara que les manifestants n’étaient qu’« une minorité d’extrémistes et d’agitateurs ».

Le 29 décembre, le président fit un geste en remaniant le gouvernement, puis, le 30 décembre, il annonça la mutation des gouverneurs de Sidi Bouzid, Jendouba et Zaghouan. Au lieu de calmer la revendication, ces deux mesures l’amplifièrent car elles furent vues à la fois comme une manœuvre et une preuve de faiblesse du pouvoir.

Mohammed Bouazizi mourut de ses brûlures le 4 janvier. Le 5 janvier, des milliers de personnes assistèrent à ses obsèques et la région de Sidi Bouzid se souleva ; les villes voisines de Meknassy et de Menzel Bouzaiane furent touchées par le mouvement. Au même moment, à Tunis, les manifestations étaient continuelles.

Le 10 janvier, dans une intervention radiotélévisée, le président Ben Ali s’adressa aux Tunisiens pour dénoncer les « voyous cagoulés aux actes terroristes impardonnables […] à la solde de l’étranger, qui ont vendu leur âme à l’extrémisme et au terrorisme ». Puis il annonça la création de trois cent mille emplois en deux ans et la fermeture temporaire de tous les établissements scolaires et universitaires.

La rue réagit violemment à ce discours et des émeutes éclatèrent à Bizerte et à Gafsa.

Le 12 janvier, le Premier ministre Mohammed Ghannouchi annonça le limogeage du ministre de l’Intérieur Rafik Belhaj Kacem, ainsi que la libération de toutes les personnes arrêtées depuis le début du mouvement.

Le 13 janvier, le président Ben Ali abattit ses dernières cartes, déclarant qu’il ne se représenterait pas à l’élection présidentielle de 2014. Il donna également l’ordre à la police de ne plus tirer sur les manifestants, promit la liberté de la presse, la fin de la censure sur Internet et une baisse des prix de certains produits alimentaires de base. Mais il était trop tard car, sentant que le pouvoir était aux abois, la foule fut dès lors encouragée à amplifier le mouvement.

Le 14 janvier, le président Ben Ali limogea le gouvernement et il annonça des élections législatives anticipées dans les six mois. Ces mesures ne calmèrent pas la rue et la contestation prit encore de l’ampleur. Dans l’après-midi, l’état d’urgence fut décrété et le couvre-feu imposé, cependant que l’armée commençait à abandonner le chef de l’État et se posait en protectrice des manifestants contre la police.

À partir de ce moment, le sort du régime fut scellé. Dans la soirée, les officiers du haut commandement mirent le président Ben Ali dans un avion qui le déposa en Arabie saoudite.

La révolution inachevée (15 janvier-octobre 2011)

Après le départ du président Ben Ali, en vertu de l’article 57 de la Constitution, le Conseil constitutionnel désigna le président de la Chambre des députés, Fouad Mebazaa, comme président de la République par intérim. L’anarchie s’empara ensuite de la Tunisie832.

Le 16 janvier, dans la soirée, l’armée donna l’assaut au palais présidentiel de Carthage qui abritait des membres de la garde présidentielle restés fidèles au président Ben Ali. Ce même jour, Fouad Mebazaa fut chargé d’organiser l’élection présidentielle dans un délai de soixante jours comme le prévoyait la Constitution. Cependant, ce temps paraissant trop court, il fut décidé de reporter le scrutin.

Moncef Marzouki, président du Congrès pour la République alors en exil, déclara qu’il se portait candidat à l’élection présidentielle et il annonça son retour. De son côté, Rached Ghannouchi, leader d’Ennahda, la représentation tunisienne des Frères musulmans, indiqua que son mouvement ne comptait pas présenter de candidat à la future élection présidentielle, mais qu’il participerait aux législatives.

Le 17 janvier 2011, le pouvoir intérimaire annonça la constitution d’un gouvernement provisoire présidé par Mohammed Ghannouchi, dernier Premier ministre du président Ben Ali. Six anciens ministres de Ben Ali833 conservaient leurs maroquins, cependant que la cinéaste Moufida Tlatli, qui avait signé l’appel en faveur de la candidature du président pour un cinquième mandat, était nommée ministre de la Culture. Des personnalités d’opposition issues de la société civile complétaient le gouvernement834.

Une fois le gouvernement de transition constitué et rendu public, Mohammed Ghannouchi annonça la libération de tous les prisonniers d’opinion, la liberté totale de l’information et la suppression du ministère de la Communication.

Ce nouveau gouvernement fut rejeté par la rue qui le jugea trop lié au RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique), l’ancien parti présidentiel. Des manifestations suivies d’affrontements éclatèrent alors à Tunis et dans plusieurs villes, notamment à Sidi Bouzid et à Regueb.

Le 21 janvier, avec pour slogan « RCD dégage », l’UGTT organisa une grande manifestation. La foule réclama la dissolution du gouvernement de transition et la formation d’un vrai cabinet « de salut national, fermé aux personnalités de l’ancien régime, collégial, répondant aux exigences de la rue et des partis politiques ». Le même jour, cédant à la pression de la rue, le Premier ministre Mohammed Ghannouchi annonça qu’il quitterait la politique une fois la transition assurée et menée à son terme, c’est-à-dire après les élections législatives.

Le 27 janvier dans la soirée, après trois jours de négociations et de difficiles tractations, Mohammed Ghannouchi présenta un nouveau gouvernement sans la présence des dignitaires de l’ancien régime. Les violences continuèrent cependant, les manifestants exigeant toujours le départ du second gouvernement Ghannouchi.

Le 11 février, diverses organisations de gauche constituèrent le Conseil national pour la protection de la révolution (CNPR) regroupant des représentants de l’ordre des avocats, de la ligue tunisienne des droits de l’homme, du syndicat UGTT et du parti islamiste Ennahda. Sa revendication était la convocation d’une assemblée constituante, la dissolution de toutes les institutions héritées de l’ère de Ben Ali, la démission du Premier ministre Mohammed Ghannouchi, la création de commissions d’enquête sur la fortune des proches du président déchu, une épuration judiciaire et l’extradition du président Ben Ali.

À partir du 21 février, les manifestants occupèrent plusieurs quartiers de Tunis et de Sfax et le 27 février, à Tunis, une manifestation monstre poussa le Premier ministre à la démission. Il fut aussitôt remplacé par Béji Caïd Essebsi, qui avait été plusieurs fois ministre sous Bourguiba et qui fut donc le deuxième Premier ministre du gouvernement de transition.

Le 7 mars 2011, le ministre de l’Intérieur annonça la dissolution de la sûreté de l’État ainsi que de la police politique et le 20 juin, Zine el-Abidine Ben Ali fut condamné par contumace à 35 ans de prison pour détournement de fonds.

La date retenue pour l’élection d’une Assemblée constituante fut primitivement fixée au 24 juillet, mais, devant les difficultés de mise à jour des listes électorales, elle fut repoussée au 23 octobre.

Cette assemblée de 217 membres devait avoir pour fonction l’élection d’un nouveau président de la République et la rédaction de la nouvelle Constitution dans un délai de 12 mois. Dix-neuf sièges furent réservés aux Tunisiens de l’étranger, dont dix aux Tunisiens vivant en France ; 11 686 candidats furent enregistrés pour l’élection de cette Assemblée constituante qui se fit au scrutin proportionnel à un tour.

Alors que la révolution était une conséquence des problèmes économiques et sociaux que connaissait la Tunisie, la campagne fut axée sur les problèmes de société liés à la laïcité et à la place de l’islam dans la vie publique.

Partis nombre de sièges :

Ennahda (89)

Ces élections virent la victoire du parti Ennahda, façade politique des Frères musulmans qui obtint la majorité relative des sièges. Le secrétaire général du parti, Hamadi Jebali, fut nommé Premier ministre et il forma un gouvernement de coalition avec le Congrès pour la République et Ettakatol835.

Dans un second temps, les députés élurent le président de l’assemblée. Trois partis, Ettakatol, le Congrès pour la République et Ennahda conclurent un accord pour présenter Mustapha Ben Jaafar, secrétaire général du Forum démocratique Ettakatol. Quant à l’opposition, elle fut représentée par Maya Jribi du Parti démocratique progressiste.

L’élection du nouveau président de la République tunisienne par les députés eut lieu le 12 décembre 2011. Moncef Marzouki président du Congrès pour la République, fut élu avec 153 voix, trois contre, deux abstentions et 44 votes blancs, succédant ainsi à Fouad Mebazaa. Durant la campagne pour les législatives, il avait affirmé l’identité arabo-musulmane de la Tunisie et qualifié ses adversaires de « vieille garde laïcarde et francophone ».

Les islamistes voulurent ensuite faire adopter en force leurs principes théocratiques afin d’empêcher tout retour en arrière. Passés en quelques mois de la clandestinité au pouvoir, ils s’engagèrent alors dans une politique de fuite en avant. Face à eux, la seule force d’opposition cohérente et organisée était l’UGTT qui revendiquait 500 000 membres.

Les islamistes tentent de confisquer la révolution

Les islamistes au pouvoir, tout en étant minoritaires, avaient un objectif politique très clair : faire adopter une Constitution ayant la charia pour norme et comme source unique du droit, un conseil des Oulémas étant seul habilité à dire ce qui lui est conforme ou non ; tout ce qui lui serait contraire étant nul.

Or, il s’agissait là de la revendication des islamistes dits « modérés ». Il existait en effet un puissant courant fondamentaliste dont les membres exigeaient qu’à l’université il y ait séparation des sexes, les professeurs devant obligatoirement enseigner à des auditoires de même sexe ; en cas d’impossibilité, un paravent devrait être tendu entre un professeur femme et ses étudiants masculins. Des propositions encore plus « insolites » furent également débattues en public comme la question du rétablissement de la polygamie abolie en 1956, celle des unions avec des filles juste pubères ou encore celle des « bienfaits moraux » de l’excision clitoridienne. Les prêches radicaux visaient directement le Code de statut personnel (CSP), ce statut des femmes unique dans le monde musulman. Imposé par Bourguiba en 1956, puis renforcé par Ben Ali en 1993, il faisait des femmes tunisiennes les totales égales des hommes, ce qui était inacceptable pour les islamistes.

Les tensions entre les partisans d’un État islamique et les défenseurs de la laïcité furent alors très fortes, le basculement de la Tunisie se faisant à la fois de manière « douce » et violente, les milices salafistes, dont la Ligue de protection de la révolution836, multipliant les attaques contre les artistes et les journalistes.

Mardi 4 décembre 2012, cette milice dépendant du parti Ennahda, attaqua le siège national de l’UGTT au moment où ses adhérents commémoraient le 60e anniversaire de l’assassinat de leur leader charismatique, Farhat Hached (voir page 451). Cette action faisant suite à plusieurs autres, l’UGTT décida une grève générale pour toute la journée du 13 décembre. Les grévistes furent alors prévenus par les islamistes, Sadok Chourou, député du parti Ennahda allant jusqu’à déclarer :

« […] (qu’ils) soient punis de mort, par crucifixion, démembrement ou bannissement, car ils sont les ennemis de Dieu et de son Prophète. »

De son côté, Hocine Abassi, secrétaire général de l’UGTT précisa que :

« […] la porte des affrontements est ouverte, c’est eux (les islamistes) qui l’ont voulu. »

Le mot d’ordre de grève fut finalement levé afin d’éviter un bain de sang et une guerre civile, mais la crise continua à couver.

Le 6 février 2013 Chokri Belaïd837 fut abattu en pleine rue838. L’assassinat de cet homme politique et avocat provoqua des manifestations violentes et une grave crise gouvernementale car la victime avait fortement combattu Ennadha, l’accusant en termes très forts de complaisance à l’égard des fondamentalistes :

« La Tunisie est transformée en marché pour les criminels américano-sionistes manipulant nos jeunes pour les envoyer mourir en Syrie et défendre un projet qui n’est pas le leur […] 5 000 jeunes Tunisiens et d’autres nationalités suivent des entraînements (dans un camp de djihadistes situé dans la localité de Lewtiya à proximité de la frontière libyenne) pour qu’une partie d’entre eux soit envoyée en Syrie et une autre pour s’occuper de semer la violence en Tunisie. »

Ce meurtre déclencha de nombreuses manifestations dans tout le pays, des foules immenses exigeant la démission du gouvernement Hamadi Jebali. Les locaux d’Ennahda à Beja, Gafsa, Gabès, Monastir et Sfax furent pris d’assaut par la foule et incendiés. Perdant pied, Hamadi Jebali, annonça la dissolution de son gouvernement et la constitution d’un cabinet de technocrates, tout en annonçant la tenue prochaine de nouvelles élections ; mais il fut désavoué par son propre parti, Ennahda.

Le 7 février, l’UGTT annonça une grève générale pour le 8 février sur tout le territoire tunisien, mais le mot d’ordre fut une fois encore levé par crainte de troubles sanglants, les islamistes ayant annoncé qu’ils réagiraient.

Le 19 février, le Premier ministre Hamadi Jebali remit sa démission et celle de son gouvernement au président Marzouki qui fut aussitôt remplacé par Ali Larayedh, lui aussi membre d’Ennahda.

Le 26 février, le ministre de l’Intérieur annonça que le meurtrier présumé de Chokri Belaïd avait été identifié et que quatre de ses complices, appartenant comme lui à un groupe religieux fondamentaliste, avaient été arrêtés.

Le 1er juillet 2013, Rached Ghannouchi, chef du parti islamique Ennahda publia un communiqué de soutien au président Morsi et aux Frères Musulmans égyptiens, ce qui élargit encore un peu plus le fossé entre les deux blocs politiques tunisiens.

Le bilan de la révolution

Après le départ du président Ben Ali, la « démocratie » n’ayant résolu aucun des maux du pays, l’euphorie tunisienne née durant la « révolution du jasmin » fut de courte durée car la corruption n’avait pas disparu et les 490 000 chômeurs de 2010 étaient plus de 800 000 au début de l’année 2013. Le chômage des jeunes atteignait 42 % et un Tunisien sur cinq vivait dans la grande précarité. D’où des mouvements de colère qui débutèrent à la fin de l’année 2012. À Siliana, des affrontements de grande intensité opposèrent même manifestants et forces de l’ordre. Parallèlement, l’opposition entre islamistes et « laïcs » menaçait de couper la Tunisie en deux.

Pour les Tunisiens le réveil fut donc douloureux car la dégradation du climat social fut doublée d’une immense frustration. Dans la vie de tous les jours, tout semblait en effet s’être détérioré depuis la prise de contrôle du pays par les islamistes : les poubelles n’étaient plus ramassées, les coupures d’eau, d’électricité et de gaz étaient de plus en plus fréquentes. Quant à l’insécurité, elle avait explosé.

La Tunisie est donc sortie de l’épreuve affaiblie, à l’image du secteur touristique qui recevait annuellement plus de 7 millions de visiteurs. L’effondrement du tourisme s’est traduit par moins 36 % de visiteurs et moins 43 % de nuitées pour l’année 2011.

Cette déliquescence de l’économie fut mal ressentie dans un pays qui était avant la révolution une sorte de projection de l’Europe en terre d’Afrique. De fait, la Tunisie perdit le capital confiance laborieusement accumulé depuis plusieurs décennies.

Le climat social fut également empoisonné par les grèves sauvages. Au mois de décembre 2011, considérant qu’il ne lui était plus possible d’assurer une production fiable, l’équipementier japonais Yazaki ferma un de ses cinq sites de la région de Gafsa, puis, au mois de février 2012, ce fut le tour d’une usine automobile allemande employant 2 700 personnes à Mateur.

En 2011, la baisse des IED (Investissements étrangers directs) fut de 30 %, or, avant la révolution, ils permettaient de créer annuellement 25 % de tous les nouveaux emplois.

Fin 2015, soit cinq années après le début de la « révolution du jasmin », le bilan économique et social était catastrophique :

- Une croissance économique inférieure à 1 %

- Des grèves et des mouvements sociaux généralisés

- Un chômage qui continuait à augmenter

- Un secteur touristique gravement sinistré

Durant l’année 2013, la contestation fut reprise par un mouvement informel dit Tamarod (Rébellion). Né en Égypte, il revendiquait l’abandon du projet constitutionnel porté par les islamistes. Ces derniers ne furent cependant pas menacés par le même phénomène que celui qui avait abouti au renversement du président égyptien légitimement élu par l’armée car, en Tunisie, l’armée n’a pas le même rôle qu’en Égypte. De plus, le parti Ennahda y était influent à travers le corps des officiers subalternes majoritairement issus de la petite bourgeoisie semi-rurale et conservatrice839.

Finalement, la Tunisie échappa au chaos grâce à la constitution d’un gouvernement indépendant et consensuel qui mena le pays vers des élections législatives et présidentielles qui se tinrent au mois d’octobre 2014. Ces dernières virent la victoire des modérés de Nidaa Tounes qui remportèrent 86 sièges sur les 217 que compte l’assemblée, devant les islamistes d’Ennahda avec 69 sièges, une douzaine de petits partis se partageant le restant des sièges à pourvoir.

Les élections présidentielles du mois de décembre 2014 virent la victoire de Béji Caîd Essebsi, chef du parti Nidaa Tounès (55,68 % des voix) sur Moncef Marzouki soutenu par les islamistes d’Ennahda (44,32 % des voix). La coupure géopolitique de la Tunisie apparut alors très clairement, le nord et la région de Tunis ayant voté Essebsi, le centre et le sud ayant donné leurs voix à Marzouki, donc aux islamistes.

Avec une croissance économique nulle, une incapacité à lancer des réformes de fond, une majorité politique bancale car formée par la coalition entre réformistes et Ennahda, vitrine des Frères musulmans à connotation salafiste, le pays qui traverse une grave crise économique est menacé par la récession. Avec en toile de fond, un spectaculaire envol de la dette qui atteint 60 % du PIB et la paralysie du tourisme qui représentait environ 7 % du PIB national.

Quant aux attentats islamistes, l’année 2015 a vu leur multiplication840. De plus, les autorités estiment à plus de 5 000 le nombre de jeunes Tunisiens ayant rejoint les rangs de Daesh.

II- L’Égypte du général Hosni Moubarak au général Abdel Fattah al-Sissi

En Égypte, le président Moubarak fut chassé du pouvoir au bout de 17 jours de manifestations. Ces dernières débutèrent le 25 janvier 2011 pour s’achever le 11 février, date de son départ. Unies le temps de renverser le raïs841, les forces composites qui l’avaient vaincu se déchirèrent ensuite et la révolution changea de nature car les islamistes utilisèrent les institutions démocratiques pour arriver au pouvoir. L’ayant légalement conquis par les urnes et ayant fait élire Mohammed Morsi, ils voulurent imposer une constitution théocratique. Le pays fut alors dans une situation de pré-guerre civile et l’armée prit le pouvoir.

La révolution égyptienne éclata pour de multiples raisons : problèmes économiques, chômage, manque de logements, conditions de vie urbaines indécentes, augmentation du prix des biens de première nécessité, bas salaires, abus des forces de police, refus de la corruption, rejet de l’état d’urgence permanent et de ses procédures permettant de museler toute opinion dissidente, etc.

Ces revendications furent celles de toutes les catégories sociales, y compris les classes moyennes, à l’image des pharmaciens qui menèrent une grève dure en 2009. La diversité des griefs explique pourquoi les manifestations du début de l’année 2011 rassemblèrent des foules considérables.

Ces motifs de colère n’étaient pas nouveaux puisqu’ils sont récurrents en Égypte, la véritable nouveauté étant que le pacte liant le président Moubarak à l’armée avait été rompu. Depuis 1952, tous les présidents et les principaux ministres furent en effet des militaires. Or, l’armée avait depuis plusieurs années, pris ses distances avec Hosni Moubarak, pourtant un des siens, et cela pour deux grandes raisons :

- La première était que, sous la pression des Occidentaux desquels il dépendait financièrement, le président Moubarak voulut donner un habillage démocratique à son régime en renvoyant l’armée dans les casernes, ce que cette dernière n’accepta pas.

- La seconde raison du divorce entre l’armée et le président Moubarak fut que ce dernier voulut organiser sa succession au profit de son fils cadet Gamal Moubarak, oubliant cette constante historique égyptienne qui est que le pouvoir mamelouk n’est pas héréditaire. En 2009-2010, l’armée fit donc clairement savoir qu’elle n’accepterait pas la remise du pouvoir à Gamal Moubarak.

Le président Moubarak s’était donc attiré l’hostilité de l’institution militaire, véritable colonne vertébrale du pays ; c’est pourquoi, le 25 janvier 2011, quand débutèrent les manifestations populaires, l’armée ne vola pas à son secours.

Le renversement d’Hosni Moubarak (25 janvier-11 février 2011)

Le processus révolutionnaire qui s’engagea au mois de janvier 2011 connut plusieurs phases. La chronologie permet de comprendre l’enchaînement des événements.

Le 25 janvier 2011 eut lieu la première grande journée de revendication qui fut baptisée « journée de la colère » et qui se déroula lors d’une fête nationale842. Puis, dans les jours qui suivirent, le mouvement prit de l’ampleur.

Tout bascula le vendredi 28 janvier, jour de prière, quand les Frères musulmans rejoignirent les manifestants. Mieux organisés que les premiers protestataires, ils coiffèrent leur mouvement en lançant plusieurs cortèges forts de plusieurs dizaines de milliers de personnes à partir des principales mosquées de la capitale.

La coagulation des manifestants se produisit et la police se débanda. Des éléments de la garde présidentielle, proches du régime, furent alors déployés en remplacement d’une police dépassée.

En fin d’après-midi, le gouvernement annonça un couvre-feu de 18 heures jusqu’à 7 heures le lendemain matin dans les villes du Caire, d’Alexandrie et de Suez ; cette mesure fut peu après, étendue à tout le pays. Toute l’Égypte connut ce jour-là un climat insurrectionnel. Ainsi à Suez et à El Mansoura où plusieurs commissariats furent pris par la foule. Partout les permanences du PND (Parti national démocratique), le parti d’Hosni Moubarak, furent incendiées ou saccagées par les manifestants.

Vers minuit, alors que les manifestants bravaient le couvre-feu, le président Moubarak fit une intervention télévisée. Dressant le bilan de son action pour le pays, il affirma ne pas ignorer les souffrances du peuple et il assura qu’il avait l’intention de faire évoluer l’Égypte vers un régime démocratique, mais tout en la préservant des risques de chaos. Cette intervention n’ayant guère eu d’effet sur la foule, et comme il était désormais à la merci de la rue, le président fit appel à l’armée dont il fut à partir de ce moment le prisonnier.

Pour prix de leur « aide », les militaires exigèrent le renvoi du gouvernement d’Ahmed Nazif considéré comme le prête-nom de Gamal Moubarak. Le général Ahmed Chafik (Ahmad Shafiq) fut ensuite nommé Premier ministre et le général Omar Soliman, ancien responsable des services de renseignement devint vice-président, poste vacant depuis 1981, date de l’accession d’Hosni Moubarak à la présidence.

Voyant que le président n’avait plus de prise sur les événements, les leaders de l’opposition firent connaître leurs revendications. Les Frères musulmans exigèrent la formation d’un gouvernement de transition et l’organisation d’« élections honnêtes », affirmant que le départ du président était le seul moyen d’éviter une guerre civile. Quant à Mohammed El Baradei, président de l’Association nationale du changement, il appela à la poursuite des manifestations pacifiques jusqu’à ce que le régime tombe.

Le 31 janvier 2011, les manifestations étant toujours aussi importantes, l’armée fit savoir qu’elle jugeait « légitimes » les revendications de la population et qu’elle ne ferait donc pas usage de la force à son encontre.

Le président Moubarak annonça la formation d’un nouveau gouvernement et il nomma à l’Intérieur le général Mahmoud Wagdi, en remplacement d’Habib el-Adli, la « bête noire » des manifestants. Tous les ministres proches de Gamal Moubarak, le fils du président, furent remerciés et le ministre de la Défense, le maréchal Mohammed Hussein Tantawi fut promu vice-Premier ministre.

Le 2 février 2011, les partisans du président Moubarak organisèrent une contre-manifestation forte de plusieurs centaines de milliers de personnes. Au même moment, une attaque fut lancée contre les « campeurs » de la place Tahir843. Montés sur des chevaux et des dromadaires, armés de matraques, d’armes à feu, de pierres et de cocktails Molotov, quelques dizaines d’audacieux chargèrent les occupants de la place, mais ils furent vite encerclés et livrés à l’armée qui fut contrainte d’effectuer des tirs de sommation pour leur éviter le lynchage. Ces affrontements firent 11 morts et un millier de blessés.

La foule revint pour prêter main-forte aux Frères musulmans qui furent en quelque sorte légitimés et de gigantesques manifestations furent annoncées pour le vendredi 4 février. Désemparé, le président Moubarak déclara dans une interview radio diffusée dans la soirée qu’il était « fatigué du pouvoir » et désireux de partir, mais qu’il se devait de rester afin d’éviter le chaos.

Le 10 février, l’armée fit un coup d’État « discret » quand le maréchal Tantawi convoqua une réunion du CSFA (Conseil Supérieur des Forces Armées), instance suprême du pays, alors que seul le Président avait autorité pour le faire. Peu après, le CSFA fit savoir qu’il était désormais en charge des affaires.

Le maréchal Tantawi et le général Chafiq exigèrent ensuite que le président Moubarak remette ses pouvoirs au vice-président récemment nommé, le général Omar Soliman. Le président voulut résister et il demanda à la Garde présidentielle de prendre position autour de la place Tahir. Le maréchal Tantawi fit alors déplacer cette dernière pour l’empêcher d’intervenir et il la plaça sous le contrôle de l’état-major. Le président Moubarak fut alors totalement désarmé.

Le 11 février 2011, l’armée annonça qu’elle garantirait la tenue d’élections libres. Quant au président Moubarak, il tenta une dernière fois de redresser la situation en s’adressant directement à la population dans un discours télévisé, mais son intervention précipita le mouvement car, furieux de constater qu’il était encore en place, les manifestants marchèrent sur son palais. L’armée l’exfiltra alors et le contraignit à démissionner.

En fin d’après-midi, le vice-président Omar Soliman annonça officiellement dans une courte allocution de trente secondes que le président égyptien avait renoncé à l’exercice de ses fonctions et que le pouvoir avait été transféré à l’armée. La première phase de la révolution avait réussi844.

La seconde révolution et la victoire des Frères musulmans (12 février 2011-mars 2013)

Le président une fois chassé du pouvoir, débuta alors la seconde phase de la révolution durant laquelle l’armée eut face à elle les Frères musulmans. Comme ces derniers disposaient d’une influence considérable, il ne lui fut pas possible d’intervenir directement contre eux. Le risque aurait en effet été de déclencher une guerre civile dans des conditions qui lui auraient été défavorables. L’armée joua alors un jeu d’une grande habileté afin de demeurer maîtresse des événements.

Le 13 février 2011, soit deux jours après le départ d’Hosni Moubarak, le CSFA (Conseil suprême des forces armées) annonça la suspension de la Constitution et la dissolution du Parlement élu en novembre 2010, ouvrant ainsi une période transitoire fixée à six mois. Les pouvoirs législatif et exécutif furent entre les mains des militaires jusqu’aux élections législatives initialement prévues pour le mois de septembre, mais qui furent repoussées à la fin novembre 2011.

Le 15 février, une commission de réforme de la Constitution, en réalité un comité chargé des amendements constitutionnels fut créée par l’armée. Sa présidence fut confiée à Tarek al-Bichri, un ancien juge connu pour son intégrité et son indépendance, et elle fut composée de huit magistrats. Il était prévu qu’elle rende des propositions de réforme avant le 26 du mois, propositions qui seraient soumises à référendum.

L’armée ouvrit ensuite un couloir politique balisé aux Frères musulmans845, parti toujours interdit, les autorisant à participer aux élections législatives destinées à élire une assemblée constituante à la condition qu’ils ne présentent pas des candidats partout. L’armée ne voulait en effet pas qu’ils obtiennent la majorité dans la future assemblée, ce qui leur aurait permis de rédiger une Constitution islamiste. Adoptant un ton plus que mesuré, les Frères musulmans ne cessaient d’ailleurs d’affirmer qu’ils n’ambitionnaient que 30 % des sièges au parlement et qu’ils n’avaient aucune ambition présidentielle.

Le 22 février 2011, eut lieu un remaniement ministériel du dernier gouvernement Moubarak, le général Ahmed Chafik étant toujours Premier ministre. La journée du 25 février 2011 baptisée « vendredi de la purification », fut particulièrement agitée car le Comité de coordination du 25 janvier et les Frères musulmans appelèrent à manifester place Tahrir afin d’obtenir un gouvernement plus conforme à leurs aspirations, l’inculpation d’Hosni Moubarak, la libération des prisonniers politiques, la fin de l’état d’urgence et la réforme de la Sécurité d’État. L’armée réagit avec une grande vigueur contre les manifestants. Puis, le 3 mars 2011, elle fit une concession en renvoyant le gouvernement d’Ahmed Chafik. Le nouveau Premier ministre fut Essam Charaf, qui avait été plusieurs fois ministre d’Hosni Moubarak avant de rallier son opposition.

Le 19 mars 2011, un référendum constitutionnel auquel participèrent 41 % des électeurs, valida les propositions d’amendement remises fin février par la commission présidée par Tarek al-Bichri.

Le 10 avril 2011, le procureur Abdel Maguid Mahmoud ordonna l’arrestation de l’ancien président Moubarak jusque-là simplement assigné à résidence. En même temps, il décida d’ouvrir une enquête sur sa responsabilité dans la répression du mouvement ayant abouti à son renversement et aux morts qui en résultèrent. Plusieurs enquêtes pour corruption furent également ouvertes concernent l’ancien président, son épouse et ses deux fils Gamal Moubarak et Ala-ud-din Moubarak846.

Le 21 novembre 2011, Essam Charaf présenta la démission de son gouvernement au CSFA et le 24 novembre 2011, ce dernier chargea Kamal al-Ganzouri, ancien Premier ministre d’Hosni Moubarak de janvier 1996 à octobre 1999, d’en constituer un nouveau. Le 28 novembre, le CSFA lui octroya les pouvoirs présidentiels.

Un système électoral complexe

Les élections législatives égyptiennes se sont faites selon une procédure complexe.

Le vote du 28 novembre 2011 fut la première de trois élections destinées à élire la chambre basse du Parlement ou Assemblée du Peuple. Le vote pour la chambre haute ou Conseil de la Choura, se fit également en trois tours qui s’achevèrent en 2012.

Le scrutin pour les législatives, tant chambre haute que chambre basse, se fit en trois tours qui s’étendirent sur une période de trois mois. Le processus électoral de la chambre basse se fit les 28 novembre, les 5 au 6 décembre 2011 et le 3 janvier 2012. Les trois phases d’élection des représentants à la chambre haute se déroulèrent entre le 29 janvier et le 11 mars 2012.

La chambre basse compte 508 sièges dont 498 pourvus par élection et 10 par nomination. Sur les 498 sièges soumis à élection, les deux tiers furent élus à la proportionnelle et le tiers restant au scrutin uninominal majoritaire à un tour.

La chambre haute est composée de 270 représentants dont les deux tiers furent élus et le tiers restant nommé par le président de la République élu au suffrage universel. Comme cette dernière élection était prévue pour le mois de juillet 2012, un tiers des sièges demeura donc en attente.

Disposant alors d’une immense popularité, les Frères musulmans ne respectèrent pas leur parole et ils décidèrent finalement de présenter partout des candidats lors des élections législatives qui se déroulèrent entre le 28 novembre 2011 et le 3 janvier 2012.

Le Parti de la Liberté de la Justice (Frères musulmans), recueillit 44,6 % des suffrages et obtint 222 sièges, cependant que le Parti de la Lumière Al-Nour (Salafiste) réunit 22,5 % des votants et obtint 112 sièges.

Ces deux partis totalisèrent à eux deux 67 % des voix et ils remportèrent 334 sièges sur 508. Si nous ajoutons à ces scores ceux de plusieurs petits partis islamistes radicaux comme le Parti de la construction et du développement (2,6 % des voix et 13 sièges) et le Parti de la civilisation (0,4 % et 2 sièges), les candidats islamistes radicaux avaient donc obtenu 70 % des votes et 355 sièges.

Ce parlement ultra dominé par les islamistes allait donc tout naturellement pouvoir faire voter la Constitution qui allait permettre à ces derniers de transformer l’Égypte en une théocratie.

L’armée qui avait été bernée tenta alors de s’opposer à la rédaction d’une telle Constitution, mais les islamistes répliquèrent en lançant des masses vociférantes dans la rue. Devant ces démonstrations de force, les militaires choisirent de temporiser, attendant leur heure.

Cette dernière arriva rapidement en raison des erreurs commises par les Frères musulmans. Au moment du renversement du président Moubarak, ils avaient en effet annoncé qu’ils ne présenteraient pas de candidat lors des élections présidentielles, or, ils revinrent également sur cet engagement. Ils eurent donc un candidat en la personne de Mohamed Morsi, président du Parti Liberté et Justice, vitrine politique de la confrérie.

Le 24 mai 2012, lors du premier tour de scrutin, Mohamed Morsi recueillit 24,8 % des suffrages devant le général Ahmed Chafik, ancien Premier ministre d’Hosni Moubarak, qui réunit 23,7 % des électeurs sur son nom.

Le principal enseignement de ce premier tour était que les Frères musulmans ne représentaient plus que 25 % du corps électoral, quasiment autant que les partisans de l’ancien régime. Entre les législatives du mois de janvier 2012 et les présidentielles de mai 2012, donc en cinq mois, ils avaient donc perdu 50 % de leurs suffrages, passant de 10 à 5,7 millions de voix.

Puis la situation leur échappa quand, au mois de juin 2012, entre les deux tours de l’élection présidentielle, la Haute Cour constitutionnelle leur infligea deux sévères camouflets :

1- Elle annula les élections législatives qui avaient vu leur écrasante victoire847. L’Assemblée fut donc dissoute et il allait donc falloir procéder à de nouvelles élections.

2- Afin de mettre hors course le général Ahmed Chafik, qui se présentait contre Mohammed Morsi, l’assemblée islamiste avait voté la loi dite d’« isolement politique » qui interdisait à tous les anciens hauts responsables (président de la République, vice-président et Premier ministre) durant les dix années précédentes de se porter candidats à des élections. Or, cette loi qui visait clairement Ahmed Chafik fut également invalidée par la Haute Cour constitutionnelle. Le général Ahmed Chafik, dernier Premier ministre d’Hosni Moubarak put donc se présenter pour le second tour.

Le deuxième tour de l’élection présidentielle qui se déroula les 16 et 17 juin 2012 vit le Frère musulman Mohammed Morsi l’emporter avec un score « serré » de 51,6 % des voix sur le général Ahmed Chafik. L’Égypte était coupée en deux.

Le 8 juillet, alors qu’il venait juste d’être élu, Mohammed Morsi annula par décret la dissolution de l’Assemblée prononcée par la Haute cour constitutionnelle. En rétablissant ainsi l’Assemblée, le président Morsi fit un coup d’État tout en défiant l’armée.

D’énormes manifestations se produisirent alors et le 9 juillet le CSFA appela solennellement Mohammed Morsi au respect de la Constitution et de la loi848.

Le décret présidentiel prévoyait également, outre le rétablissement du Parlement, l’organisation d’élections anticipées, mais la Haute Cour constitutionnelle rejeta ce décret au motif que ses jugements sont « définitifs et contraignants ».

Le 22 novembre 2012, afin de se dégager des blocages juridiques dans lesquels son projet constitutionnel islamiste était enfermé, le président Morsi fit un second coup d’État « légal » en promulguant une déclaration constitutionnelle lui accordant la possibilité de légiférer par décret. Il suspendait ainsi tous les recours judiciaires afin d’être en mesure d’imposer une Loi fondamentale rédigée par un comité constitutionnel en totalité composé de Frères musulmans. Cette décision mit le feu aux poudres et des foules d’opposants descendirent dans la rue.

Le 4 décembre 2012, la Présidence étant sur le point d’être prise par les manifestants, l’armée sauva le président Morsi en l’exfiltrant. Elle le ramena ensuite au Caire après l’avoir placé sous sa « protection ».

Le 7 décembre, dans un communiqué particulièrement clair, l’armée égyptienne mit en garde les Frères musulmans, soulignant que les méthodes du président Morsi, à savoir les pleins pouvoirs qu’il venait de s’octroyer afin de faire adopter en force une constitution théocratique, allaient faire emprunter à l’Égypte « un sentier obscur qui déboucherait sur un désastre, ce que nous (l’armée) ne saurions permettre ».

Le 9 décembre le président Morsi recula, annonçant que le projet de Constitution serait soumis à référendum. L’armée ne poussa pas plus loin son avantage, sa stratégie étant de laisser le président Morsi et les Frères musulmans se discréditer en s’engluant dans les difficultés économiques et politiques. Elle attendit donc qu’ils soient laminés par les événements, tout en veillant à ce que l’hypothèque islamiste soit levée aux yeux de la population.

Lors du référendum constitutionnel qui eut lieu les 15 et 22 décembre 2012, les islamistes remportèrent une nouvelle victoire puisque le « oui » obtint 63,8 % des voix. Cependant, en raison des consignes d’abstention, le taux de participation fut particulièrement bas, seuls 32,9 % des inscrits s’étant rendus aux urnes. Cette nouvelle Constitution de facture islamiste adoptée par moins de 25 % des Égyptiens, entra en vigueur le 26 décembre 2012.

Des manifestations rassemblant des foules immenses se produisirent alors, regroupant tous ceux qui ne voulaient pas d’une Égypte théocratique. Les Frères musulmans qui ne s’attendaient pas à une telle réaction populaire virent leurs locaux pris d’assaut par la foule et incendiés.

Le 6 mars 2013, la justice administrative égyptienne infligea un nouveau camouflet au président Morsi en annulant le décret présidentiel prévoyant les élections législatives pour le 22 avril 2013 au motif qu’il avait été publié sans attendre l’avis de la Haute Cour constitutionnelle. À partir de ce moment, le processus de son éviction se mit en marche avec la 3e phase de la révolution.

L’armée reprend le pouvoir (avril- juillet 2013)

Arc-bouté sur sa légitimité démocratique acquise par les urnes849, le président Morsi fit preuve d’autisme politique850, ce qui causa sa perte. Alors qu’il avait fallu dix-huit jours pour renverser le président Moubarak, il n’en fallut que quatre pour l’évincer.

Le Qatar, la Turquie et la Libye au secours des Frères musulmans

La révolution égyptienne eut des conséquences économiques. Lors du premier trimestre 2011, le produit intérieur brut égyptien diminua de 4,2 %. Les secteurs les plus touchés furent le tourisme qui baissa de 80 % en février, de 60 % en mars, de 35 % en avril. L’industrie fut également frappée avec une baisse de 12 %, les transports avec 10 % et la construction qui recula pour sa part de 9 %.

Toute l’économie fut freinée par les grèves, les fermetures des ports, le couvre-feu, les hausses de salaires et des pensions de retraite dans la fonction publique qui creusèrent le déficit budgétaire.

L’Égypte fut alors menacée d’être en cessation de paiement mais, après l’élection du président Morsi, le Qatar, la Turquie et la Libye vinrent au secours des Frères musulmans.

Durant l’année de pouvoir du président Morsi, l’Égypte dont le déficit budgétaire était d’1 milliard de dollars par mois fut maintenue la « tête hors de l’eau » par ces trois pays qui lui donnèrent 13 milliards de dollars :

« […] tout d’abord le Qatar, avec 8 milliards de dollars – il distribue les milliards de dollars comme on change de chemise – et en donne à ceux qu’il a adoubés.»

Plus étonnant, parce que l’argent compte davantage pour elle, la Turquie. C’est son Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan qui a décidé qu’elle passerait à la caisse : il a ainsi donné la caution de son pays, réputé démocrate, à un régime dont il ne pouvait ignorer qu’il ne l’était pas du tout […]. Un troisième pays, la Libye, est venu compléter le financement politique prodigué à Mohamed Morsi […] » (Béchir Ben Yahmed, Jeune Afrique, 21 juillet 2013).

Le 22 avril 2013 vit le début du mouvement Tamarod (rébellion), coagulation composite engerbant libéraux, nassériens du Courant populaire de Hamdeen Sahabi, et divers partis de gauche. Tamarod réussit à récolter 22 millions de signatures d’Égyptiens réclamant le départ du président Morsi et une élection présidentielle anticipée. Le pays connut ensuite des manifestations quotidiennes.

Le 1er juillet 2013, par la voix de son chef d’état-major et ministre de la Défense, le général Abdel Fattah al-Sissi851, l’armée égyptienne fit un classique pronunciamento en retirant sa confiance au président Morsi tout en faisant sienne les revendications des millions de manifestants qui réclamaient son départ. L’ultimatum militaire donnait deux jours au président pour quitter le pouvoir. Ce dernier refusa et tenta une dernière manœuvre en proposant un dialogue à l’opposition.

Le 3 juillet, Mohammed Morsi fut renversé par l’armée852 et le 4 juillet, Adly Mansour, président de la Haute Cour constitutionnelle fut désigné président par interim et placé à la tête d’un gouvernement de technocrates en charge de la direction de l’Égypte jusqu’aux prochaines élections législatives et présidentielle.

Le 8 juillet, plus de 50 morts furent à déplorer lors d’une manifestation pro-Morsi quand l’armée ouvrit le feu sur les manifestants.

Le 9 juillet, Mohammed el-Baradei fut nommé vice-président et Hazem el-Beblawi, ancien ministre des Finances, devint Premier ministre désigné par l’armée et chargé de former un gouvernement devant assurer la transition jusqu’aux élections (législatives et présidentielle).

L’éviction du président Morsi ouvrit une période de troubles sécuritaires dans le Sinaï où des groupes jihadistes lancèrent des actions armées cependant que sur sa frontière ouest, l’armée égyptienne tentait d’éviter la contagion libyenne. Avec leurs attentats les jihadistes ruinèrent l’industrie touristique égyptienne qui représentait plus de 11 % du PIB avant 2011.

831. L’échec du panarabisme créa un vide dans lequel s’est engouffré l’islamisme politique dont la vision est universelle car elle ne se limite pas aux seuls Arabes. Pour un des principaux penseurs de l’Organisation des Frères musulmans nommé Sayyed Qutb que le colonel Nasser fit exécuter en 1965, la terre est divisée en deux, le monde musulman et le monde de l’ignorance de Dieu ou jahaliyya. Le but de la confrérie est l’instauration d’un État islamique mondial. Pour l’atteindre, il faut procéder par étapes, en unifiant préalablement le monde islamisé puis, ensuite, dans un second temps, la guerre devra être menée contre le monde de la jahaliyya afin de le détruire avant de le soumettre et pouvoir établir l’État islamique universel. Voilà pourquoi, la priorité est de renverser les régimes arabes nationalistes ou bien alliés de la jahaliyya, ce qui était le cas de la Tunisie sous Ben Ali et de l’Égypte sous Moubarak.

Après l’Égypte, c’est en Tunisie que ce courant s’est montré le plus actif avec pour leader Rached Gannouchi, chef du mouvement Ennahda qui avait été condamné à la prison à vie en 1981 et qui s’était réfugié en Grande Bretagne.

832. Le 15 janvier 2011, la révolte de prisonniers de la prison de Mahdia fut violemment réprimée par les gardiens, ce qui fit de nombreux morts. Incapable de maintenir l’ordre, le directeur de l’établissement décida de libérer les mille deux cents détenus. Quarante-deux prisonniers périrent le même jour dans l’incendie de la prison de Monastir et là encore, tous les détenus furent libérés. Au total, près de 12 000 prisonniers furent élargis ou bien s’échappèrent sur un total de 31 : 000 détenus dans les prisons, ce qui ne contribua pas à pacifier la rue tunisienne.

833. Parmi lesquels les ministres des Affaires étrangères, Kamel Morjane, de l’Intérieur, Ahmed Friaâ, des Finances, Mohamed Ridha Chalghoum, et de la Défense, Ridha Grira, tous membres du RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique), l’ancien parti présidentiel.

834. Dont Taïeb Baccouche, ancien secrétaire général de l’UGTT nommé ministre de l’Éducation ; l’ancien bâtonnier Lazhar Karoui Chebbi, nommé à la Justice ; l’ambassadeur Ahmed Ounaies obtint le secrétariat d’État aux affaires étrangères et le blogueur Slim Amamouse reçut le secrétariat d’État à la jeunesse et aux sports.

835. Ettakatol est l’acronyme du Forum démocratique pour le travail et les libertés, en arabe Takattul as-Dimuqrati min ajl il-‘Amal wal-Hurriyyat.

836. Rached Ghannouchi, chef d’Ennahda, les qualifia de « conscience de la révolution ».

837. Chokri Belaïd qui avait crée le Parti unifié des patriotes démocrates avait participé à la création d’une coalition de partis de gauche qui avait pris le nom de Front populaire. Au mois de mai 2012, il avait été l’avocat de la chaîne de télévision Nessma, accusée par les islamistes d’avoir diffusé le film Persepolis. Adversaire déterminé de ces derniers, Chokri Belaïd avait à plusieurs reprises critiqué publiquement la poussée de l’islam intégriste en Tunisie, n’hésitant pas à dénoncer un « projet salafiste servant un plan de déstabilisation américano-qatari-sioniste ».

838. Dahmani, F., « Mais qui a donc commandité l’assassinat de Chokri Belaïd ? », Jeune Afrique, 7 juillet 2013, pages 42-44.

839. À la fin du mois de juin 2013, le général Mohammed Salah Hamdi fut nommé chef d’état-major de l’armée de terre en remplacement du général Rachid Ammar parti à la retraite.

840.Notamment ceux du musée du Bardo le 18 mars 2015, de l’hôtel de Sousse le 26 juin et du bus de la garde présidentielle le 24 novembre.

841. Chef en arabe. En Égypte raïs est le titre porté par le chef de l’État.

842. Il s’agit du Jour de la police, en souvenir de l’insurrection de la police égyptienne en 1952 qui avait abouti au départ des garnisons britanniques encore présentes en Égypte.

843. Il s’agissait essentiellement de militants appartenant aux Frères musulmans.

844. Le ministère de la Santé égyptien publia le 16 février un premier bilan officiel des victimes dans les rangs des manifestants durant la période allant du 25 janvier au 11 février à savoir 365 morts et 5 500 blessés. Quant aux pertes des forces de l’ordre, elles s’élevaient à 32 policiers tués et 1 079 blessés. 99 commissariats, dont 17 au Caire, soit 60 % de tous les commissariats du pays, et 6 prisons avaient été incendiés et 23 000 prisonniers s’étaient évadés ou avaient été libérés. Un second bilan, publié au mois d’avril par la commission d’enquête sur les événements, porta ce bilan à 864 manifestants tués et 6 460 blessés pour la période allant du 25 janvier au 16 février (source Wikipedia).

845. « Jamais l’armée n’a perdu le contrôle des opérations et, à chaque étape, elle a imposé aux représentants de la société civile et aux partis politiques de composer avec elle » (Tariq Ramadan, Le Monde, 29 juin 2012).

846. Le premier procès d’Hosni Moubarak s’acheva au mois de juin 2012 par une condamnation à la réclusion à perpétuité. Ce procès ayant été cassé par la Cour de Cassation, un nouveau commença au mois de mai suivant. Le 10 juin 2013, la Cour criminelle du Caire ordonna la remise en liberté de Gamal Moubarak et Ala-ud-din Moubarak, la détention préventive des deux fils de l’ancien président ayant dépassé la durée maximale de deux années.

847. Au motif que tous les candidats élus appartenaient à des partis politiques alors que la Constitution prévoyait qu’un tiers des sièges auraient dû être réservés à des candidats hors partis.

848. Parallèlement, le régime islamiste chercha à museler la presse. Entre l’élection du président Morsi et son éviction, il y eut ainsi quatre fois plus de plaintes contre des journalistes que durant les trois décennies du régime Moubarak.

849. Les élections donnèrent toute légitimité démocratique aux islamistes. Ce fut en effet le plus légalement, par les urnes, que les Frères musulmans arrivèrent au pouvoir et cela, à travers plusieurs scrutins libres :

1- Entre novembre 2011 et janvier 2012, les élections à l’Assemblée constituante virent l’écrasante victoire des candidats islamistes puisque les Frères musulmans et les salafistes obtinrent les 2/3 des députés.

2- Au mois de juin 2012, à l’issue d’un scrutin au suffrage universel, le Frère musulman Mohamed Morsi fut élu au second tour avec 51,6% des voix contre Ahmed Chafik.

3- Étant majoritaires à l’Assemblée constituante, ce fut tout naturellement que les islamistes rédigèrent et firent voter une Constitution selon leurs vœux.

4- Samedi 15 décembre et samedi 22 décembre 2012, cette Constitution fut soumise à référendum et les islamistes remportèrent une nouvelle victoire puisque le « oui » obtint 63,8 % des voix.

Voir à ce sujet l’article de Tariq Ramadan : « Les élections législatives et présidentielle égyptiennes n’ont servi à rien », Le Monde, 29 juin 2012.

850. Le 15 juin 2013 le régime islamiste égyptien rompit ses relations diplomatiques avec la Syrie, deux jours après que la Maison Blanche eut annoncé qu’elle allait soutenir les rebelles syriens. Cet alignement sur la position américaine fut très mal ressenti par la fraction nationaliste et nassérienne de la population égyptienne qui, plus qu’une réelle sympathie pour le régime de Damas, soutenait celui qui avait à la fois pour ennemi les États-Unis, Israël, les Européens, la Turquie et les pétro-monarchies du Golfe.

851. Au mois d’août 2012, le président Morsi avait nommé un nouveau chef d’état-major et ministre de la Défense pour remplacer le maréchal Tantawi, l’homme qui, dans les années 1970, avait purgé l’armée de ses éléments islamistes, pour le remplacer par le général Abdel Fattah al-Sissi, ancien chef du renseignement militaire qui était réputé proche des Frères musulmans.

852. Le 16 mai 2015, Mohammed Morsi fut condamné à mort pour « avoir commis des actes de violence et avoir incité au meurtre et au pillage ».