En raison de leurs propres définitions politiques et sociales, l’Algérie et le Maroc demeurèrent à l’écart des convulsions liées aux « printemps arabes », qui conduisirent à la chute du président tunisien Ben Ali au mois de janvier 2011, puis à celle du président égyptien Moubarak en février.
En 2010, au moment des « printemps arabes », tous les ingrédients d’un tsunami politique étaient réunis en Algérie : démographie suicidaire, moitié de la population ayant moins de 20 ans, 35 % de chômage chez les jeunes, misère sociale, société fermée incapable de se réformer, État policier, président moribond, vague d’immolations par le feu881, etc (Dris-Aït Hamadouche, 2012 ; Delaveau, 2012). Or, cette ébullition sociale et ces troubles ne débouchèrent pas sur un mouvement révolutionnaire. L’explication de cette situation paradoxale tient en cinq points :
1- Ces émeutes étaient habituelles en Algérie, ce qui fait que :
« Ceux qui ont cru à un effet boule de neige ont omis (leur) caractère redondant et finalement banal […], au point qu’elles sont comparées, non sans ironie, à un sport national : 30 wilayas touchées en 2002, les 48 que compte le pays en 2011. En 2010, la gendarmerie a reconnu 10 000 mouvements sociaux dans tout le pays […] Ces émeutes sont spectaculaires de prime abord, mais de courte durée, de faible intensité et géographiquement circonscrites. Elles peuvent aussi survenir au moindre prétexte, tel un match de football, une distribution de logements, une coupure d’électricité ou même un permis de conduire retiré » (Dris-Aït Hamadouche, 2012).
2- Nous avons vu plus haut que dans les années 1980 l’Algérie connut un « printemps », mais il fut berbère ; son échec, après l’espoir qu’il avait soulevé, démobilisa ses acteurs. Il s’en suivit un immense désenchantement et les militants berbères qui ne voulurent pas renoncer choisirent d’abandonner le terrain politique pour mener le combat culturel. Ils ne furent donc pas prêts à descendre dans la rue pour participer au « printemps arabe ».
3- Dans les années 1990, l’Algérie, et nous l’avons également vu, fit une tragique expérience de la démocratie puisque cette dernière y déboucha sur la guerre civile et les « années noires » avec, au bilan, entre 100 000 et 150 000 morts. Les Algériens n’étaient donc pas disposés à se mobiliser pour une nouvelle expérience démocratique pouvant déboucher sur l’anarchie882.
4- Grâce aux flots de devises provenant du pétrole et du gaz, l’Algérie eut les moyens d’acheter la paix sociale à grand renfort de subventions aux catégories les plus démunies883 ce qui évita la coagulation des nombreux mouvements de revendication dans un processus révolutionnaire. Rendus totalement dépendants, les Algériens ne voulurent donc pas renverser le régime, mais simplement faire pression sur lui pour obtenir encore plus d’assistance. Ils choisirent donc la stabilité, s’abstenant même de sanctionner l’ancien parti unique, le FLN, qui remporta une nette victoire lors des élections législatives du mois de mai 2012.
5- Sentant le danger qui la menaçait, la nomenklatura algérienne fit taire ses diiférends internes et demeura solidaire.
Après les émeutes du début de l’année 2011, le gouvernement, appuyé sur son épais matelas de devises, réussit donc à calmer les revendications en subventionnant les produits de première nécessité comme le blé, le lait, le sucre et l’huile, en augmentant les salaires des fonctionnaires et des agents du service public et en supprimant plusieurs taxes impopulaires. Ces mesures sociales furent reconduites en 2012.
Cependant, dès 2012-2013, se posa la question de la succession du président Bouteflika sur fond de baisse de la production des hydrocarbures et d’effondrement du prix du baril de pétrole.
L’Algérie a connu son pic pétrolier entre 2005 et 2007, avec 2 millions de barils/jour et la courbe décroissante commença en 2008. Or, cette baisse de production fut voilée par l’envolée des prix du baril.
Le 28 janvier 2013, interrogé par Maghreb Emergent, M. Tewfik Hasni, ancien vice-président de Sonatrach (Société nationale pour la recherche, la production, le transport, la transformation et la commercialisation des hydrocarbures) et ancien P.-D.G. de NEAL, la filiale commune de Sonelgaz (Société nationale de l’électricité et du gaz) et Sonatrach, déclara :
« Tous les experts sérieux savent que nos réserves, y compris le gaz de schiste, garantissent moins de vingt ans de consommation au rythme actuel de leur exploitation […] Il faut intégrer tous les paramètres. Si on tient compte par exemple de l’évolution de la consommation domestique au rythme actuel, pour ne prendre que ce seul exemple, Sonelgaz aura besoin de 85 milliards de mètres cubes de gaz en 2030 pour la seule génération électrique. Il ne restera plus rien pour l’exportation. »
Un mois plus tard, le 24 février 2013, M. Abdelhamid Zerguine, P.-D.G. de Sonatrach affirma à son tour que l’Algérie aura épuisé ses réserves de pétrole et de gaz conventionnel entre 2020 et 2025 en raison d’un double phénomène de baisse de production ajoutée à l’augmentation de la consommation intérieure. Cette dernière passera en effet de 35 milliards de mètres cubes gazeux en 2012 à 70 milliards en 2017, notamment en raison du doublement de la production d’électricité par les turbines à gaz ou au diesel.
Le 1er juin 2014, le Premier ministre algérien, M. Abdelmalek Sellal, déclara devant l’APN (Assemblée populaire nationale) :
« D’ici 2030, l’Algérie ne sera plus en mesure d’exporter les hydrocarbures, sinon en petites quantités seulement […]. D’ici 2030, nos réserves couvriront nos besoins internes seulement. »
Pour ce qui est du gaz, la tendance est en apparence meilleure que pour le pétrole puisque les chiffres officiels annoncent des réserves de 4 600 milliards de mètres cubes prouvés. Cependant, là encore, il importe d’examiner ces chiffres plus en détail. En effet, comme la production moyenne de gaz est de 140 milliards de mètres cubes par an, dont 40 % réinjectés pour les besoins de la production, le pays ne disposait en réalité que de 86 milliards de m3 de production commercialisée.
Or, ces projections sont établies à partir des chiffres officiels qui sont contestés par certains experts indépendants pour lesquels les réserves disponibles ne seraient pas de 4 600 milliards de mètres cubes, mais entre 2 200 et 2 500 milliards de mètres cubes. Selon Mohammed Saïd Beghoul, expert en énergie et interrogé par Algeria Watch, sans nouvelles découvertes, la production gazière algérienne cessera dans un peu plus de 20 ans, soit vers 2035884.
Le gaz de schiste peut-il être un recours ?
L’Algérie disposerait d’énormes réserves en ce domaine mais la rentabilité de la production est incertaine. Le gaz de schiste américain était en effet à 3 dollars le MBTu (Million British Thermal Unit) au mois de janvier 2015, un cours particulièrement bas qui remontera automatiquement tôt ou tard, mais qui ne permettra pas à l’Algérie de tirer son épingle du jeu avec un coût de production supérieur à 15 dollars le MBTu alors que le seuil de rentabilité est évalué à 10 dollars le MBTu. De plus, pour produire un milliard de mètres cubes gazeux, il faut un million de mètres cubes d’eau douce. Or l’Algérie manque cruellement d’eau
Le 24 janvier 2015, à Alger lors du Forum sur le développement énergétique, M. Abdelmadjid Attar, ancien P.-D.G. de Sonatrach, déclara qu’à partir de 2019, l’Algérie allait devoir diminuer ses exportations d’hydrocarbures, et que le gaz de schiste, si toutefois il était extrait, ne changerait pas la situation car il ne viendrait qu’en appoint pour simplement satisfaire les besoins du marché intérieur. En effet, alors que la production annuelle moyenne actuelle est d’environ 80 milliards de mètres cubes, dans dix ans, la consommation intérieure sera de 50 milliards de mètres cubes. Or, les prévisions les plus optimistes tablent sur une production annuelle de 20 milliards de m3 de gaz de schiste.
Le 21 janvier 2015, soit 8 mois après sa déclaration dévastatrice du 1er juin 2014, le Premier ministre, M. Abdelmalek Sellal, déclara et que grâce à de nouvelles découvertes, l’Algérie allait pouvoir produire du pétrole jusqu’en 2037 au lieu de 2025 Un maigre ballon d’oxygène qui ne remettait pas en cause la tendance à la baisse.
Dans le plus style de la « langue de bois », le ministre de l’Énergie et des Mines, M. Youcef Yousfi expliqua alors que la baisse actuelle ne serait due qu’au déclin naturel de vieux gisements en production depuis les années 1960 et que la production pétrolière allait bientôt recommencer à croître. Quant au gaz, il parla d’une augmentation de la production de 40 % d’ici à 2020 et d’un doublement d’ici à 2030. De plus, toujours selon le ministre, l’Algérie possède d’immenses bassins sédimentaires non explorés dans lesquels des découvertes ne manqueront pas de se faire.
Cet optimisme gouvernemental fut rapidement tempéré par la plupart des experts et cela, pour cinq principales raisons :
1- Si de nouvelles découvertes avaient lieu, elles ne seraient pas productives avant 10 ou 15 ans.
2- La plupart des « nouvelles » découvertes annoncées par le gouvernement ne concernent en réalité que des anciens gisements déjà connus qui ne sont pas exploitables avec la technologie actuelle.
3- Certaines découvertes ont effectivement été faites, mais elles sont mineures et donc non susceptibles de renverser la tendance ; d’autant plus que leur mise en production ne serait pas financièrement compétitive. Pour parler clair, la production ne trouverait pas de débouché en raison de son coût.
4- Les chiffres concernant les potentialités pétrolières de l’Algérie sont faux parce que les autorités politiques confondent réserves et ressources. Or, seulement 30 % environ des ressources peuvent être extraits.
5- Si nous nous basons sur les chiffres officiels qui donnent des réserves exploitables de 12 milliards de barils, et comme la production est d’un peu plus d’un million de barils jour, dans 30 ans, soit en 2045, le pétrole algérien cessera de couler. Or, les chiffres concernant les réserves datent de 2000 et comme, depuis cette date le pays a produit du pétrole sans limites, ces dernières ont spectaculairement baissé, ce qui fait que l’Algérie pourrait cesser de produire du pétrole bien avant 2045.
À défaut de relancer sa production d’hydrocarbures, pour l’Algérie, l’urgence est de la faire durer le plus longtemps possible, donc d’en rationaliser l’usage. Or, afin de préserver la paix sociale, le gouvernement a maintenu des tarifs artificiellement bas. Ce choix politique conduit à consacrer une proportion considérable et croissante des ressources en pétrole et en gaz à la consommation des ménages et non à l’exportation génératrice de devises ou à une transformation sur place qui allégerait la facture des importations.
La gravité de la crise algérienne peut être résumée à travers le rappel de huit données de base :
1- Le pétrole et le gaz assurent bon an mal an entre 95 et 97 % des exportations et environ 75 % des recettes budgétaires de l’Algérie.
2- Selon le FMI (mai 2015), dans l’état actuel de l’économie de l’Algérie, le prix d’équilibre budgétaire de son pétrole devrait être de 111 dollars le baril.
3- Après le choc des années 1986, les autorités algériennes avaient constitué des réserves avec le Fonds de régulation des recettes. Or, fin 2015, ce FRR s’épuisait puisque l’Algérie ne produisant rien, le gouvernement puisait dans cette réserve afin de continuer à nourrir, habiller, soigner et équiper sa population. Or, le FRR n’étant plus alimenté en raison de la baisse de la fiscalité pétrolière, l’Algérie pourrait être en faillite avec toutes les conséquences sociales et politiques qui en découleraient.
4- En dehors des hydrocarbures, l’Algérie ne fabrique rien et ses fleurons non pétroliers ne comptent pas dans l’économie nationale. Ainsi, les 40 millions de dollars rapportés par les exportations de dattes ont été « gommés » par les seules importations de mayonnaise et de moutarde885.
5- Avec 70 milliards de dollars par an, les subventions (essence, électricité, logement, transports, produits alimentaires de base, etc.) totalisent entre 25 % et 30 % du PIB. Pour mémoire, le litre de gazole est vendu à environ 0,10 euro le litre.
6- Les salaires de la pléthorique fonction publique ont été augmentés en 2011-2012, au moment du pic pétrolier afin de calmer la grogne et empêcher la contagion des « printemps arabes ». Avec un baril à moins de 40 dollars au mois de décembre 2015, ce fardeau n’était plus supportable.
7- Les rentiers de l’indépendance qui forment le noyau dur du régime prélèvent, à travers le ministère des Anciens combattants, 6 % du budget de l’État algérien, soit plus que les budgets des ministères de l’Agriculture (5 %) et de la Justice (2 %)886.
8- Gaspillage et incohérence caractérisent l’économie algérienne887. Un exemple : des investissements colossaux ont été faits à Arzew pour augmenter les capacités de liquéfaction du gaz alors que la baisse de production ne permet même plus aux anciennes installations de fonctionner à plein.
Face au double phénomène de baisse de la production et de baisse des cours, l’État-providence a été condamné à prendre des mesures afin de faire des économies : suspension des recrutements de fonctionnaires, abandon de projets sociaux indispensables, de projets transport comme de nouvelles lignes de tramway ou la réfection de voies ferrées.
Il a également été contraint de rétablir les licences d’importation afin de limiter les achats à l’étranger. Le coût des produits importés n’est en effet plus supportable ; d’autant que, même les productions traditionnelles (dattes, oranges, semoule pour le couscous) étant insuffisantes, leur volume d’importation est toujours en augmentation. Pour ce qui est des biens de consommation, la facture est ainsi passée de 10 milliards de dollars en 2000 à une prévision de plus de 65 milliards de dollars pour 2015. Quant aux subventions et aux transferts sociaux, ils atteignent 70 milliards de dollars par an, soit environ 30 % du PIB.
L’Algérie va donc devoir procéder à des choix économiquement vitaux mais politiquement explosifs. D'autant plus que se posait la question de la succession du président Bouteflika.
Tout comme l’Algérie, le Maroc échappa aux convulsions de l’année 2011 dites « printemps arabe », mais pour des raisons différentes.
Au Maroc où la situation sociale était dégradée et où le chômage des jeunes diplômés était dramatiquement élevé, quelques dizaines de milliers de manifestants se rassemblèrent à partir du 30 janvier 2011 dans un mouvement de protestation qui culmina le 20 février. Cependant, dès le 9 mars, il suffit que le roi annonce une réforme constitutionnelle pour que cette contestation s’étiole et finisse par ne plus rassembler que quelques poignées d’irréductibles contestataires. Décrédibilisés, les manifestants furent ensuite dispersés sans ménagement par la police. Le Maroc avait échappé à la contagion du « printemps arabe ».
À peine bousculée par le « Mouvement du 20 février », la monarchie précéda en quelque sorte le mouvement avec le référendum du 1er juillet 2011 portant sur une nouvelle Constitution, suivi le 25 novembre par des élections législatives anticipées.
Le roi ne se laissa donc pas déborder par une rue agitée par une opposition ni réformiste, ni démocratique, mais bel et bien radicale et révolutionnaire puisqu’elle contestait les bases mêmes du régime. Le « Mouvement du 20 février » était en effet un hétéroclite rassemblement des mécontents composé de deux grands courants, le premier, clairement révolutionnaire et laïc, le second islamiste fondamentaliste :
1- La gauche radicale essentiellement composée de groupuscules gauchistes étudiants, de l’Alliance de la gauche démocratique (AGD) et de la Confédération démocratique du travail (CDT) demandait l’instauration d’une assemblée constituante, donc la fin de la monarchie.
2- Les islamistes radicaux voulaient quant à eux abolir la notion de Commandeur des Croyants. Pour les islamistes d’Al Adl wal Ihsane (Association justice et bienfaisance), la monarchie marocaine est condamnable pour deux raisons :
- la première parce qu’elle est héréditaire ; or, pour ces fondamentalistes, sortes de néo-kharijites, le chef politique et religieux, le Khalife, doit être élu par tous les musulmans, la direction de la communauté, la Umma, devant être confiée par élection au « meilleur » des siens et non « confisquée » par une lignée.
- la seconde est qu’ils combattent l’État marocain, comme tous les autres États musulmans, car, selon eux, ce dernier participe à la fragmentation de l’umma qui empêche la création du khalifat transfrontalier qu’ils rêvent d’instaurer.
Cette double contestation des deux piliers du régime marocain n’avait donc rien d’une revendication pour plus de liberté et il ne s’agissait pas de lutter pour une démocratisation du régime, mais pour son renversement.
Le danger pour la stabilité de l’État marocain fut que, dans les manifestations, le « Mouvement du 20 février » soit progressivement pris en main, à la fois par les islamistes d’Al Adl wal Ihsane et par l’ultra gauche du mouvement Annahj Addimocrati (la voie démocratique). Les islamistes et les gauchistes montrèrent à cette occasion qu’en dépit de leurs très profondes différences, ils pouvaient en effet nouer une alliance de circonstance contre le pouvoir.
Le légitimisme islamique marocain
Tous les islamistes marocains ne partagent pas la vision révolutionnaire d’Al Adl wal Ihsane. C’est ainsi que le souverain est soutenu par la confrérie Tariqa qadiriya boudchichiya du cheikh Hamza.
Cette dernière prône un islam soufi et maraboutique dont la force populaire la plus visible s’exprime dans la tradition des moussem, ces immenses rassemblements annuels autour des tombeaux des saints que détestent les salafistes.
Le roi Mohammed VI s’est donc appuyé sur un légitimisme islamique profondément ancré dans la tradition marocaine pour combattre le salafisme d’importation orientale888.
Ne restant pas sans réaction face au mouvement, le roi Mohammed VI procéda à de profondes réformes. Avec celle de la Constitution de 2011, un véritable toilettage des institutions fut opéré, même si, en apparence, les changements peuvent paraître limités.
Le projet de réforme constitutionnelle présenté le 17 juin par le souverain et qui visait, selon ses propres paroles, à « consolider les piliers d’une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale » fut massivement adopté par référendum le 1er juillet par 98 % des votants avec un taux record de participation atteignant pratiquement 73 %. Pour mémoire, en 2007, lors des élections législatives, le taux d’abstention avait été de 67 % et en 2002 de 48,6 %. Avec 2 % de « non », les oppositions radicales qui s’étaient retrouvées dans le « mouvement du 20 février » se comptèrent alors.
Quelles sont les nouveautés introduites par cette réforme constitutionnelle ?
1- L’article 1er de la Constitution de 1992 stipulait que : « Le Maroc est une monarchie constitutionnelle, démocratique et sociale. » Désormais, « le Maroc est une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale ».
2- Dans la Constitution de 1992, la personne du roi concentrait en les fusionnant les pouvoirs temporel et spirituel qui, désormais sont scindés :
- comme Commandeur des Croyants (Amir al mouminime), il « veille au respect de l’islam et préside le Conseil supérieur des Oulemas »,
- en tant que chef de l’État il est « son représentant suprême, symbole de l’unité de la nation, garant de la pérennité et de la continuité de l’État et arbitre suprême entre ses institutions ».
3- Dans la Constitution de 1992, la personne du roi était « inviolable et sacrée ». Désormais, « la personne du roi est inviolable et respect lui est dû ».
4- La Constitution de 1992 prévoyait que « le roi nomme le Premier ministre ». Désormais « le roi nomme le chef du gouvernement au sein du parti politique arrivé en tête des élections des membres de la Chambre des représentants ». Fut donc entérinée et inscrite dans la Constitution une pratique politique déjà en vigueur, à savoir la nomination d’un Premier ministre issu du parti politique ayant remporté les élections législatives.
5- Une nouveauté de poids fut introduite dans la mesure où le Premier ministre a désormais la possibilité, tout comme le souverain, de dissoudre la chambre des représentants, ce qui, auparavant, relevait de la seule discrétion du monarque.
6- Afin d’éviter le « nomadisme » partisan et les « magouilles » parlementaires : « Tout membre de l’une des deux Chambres qui renonce à son appartenance politique au nom de laquelle il s’est porté candidat […] est déchu de son mandat. » La Constitution met ainsi fin à une pratique qui scandalisait l’opinion et qui voyait les députés changer de parti au gré des avantages qui leur étaient proposés.
7- L’officialisation de la langue tamazight (le berbère) comme deuxième langue nationale aux côtés de l’arabe est également inscrite dans la nouvelle constitution. Il s’agit d’une mesure visant à renforcer la cohésion nationale. L’Article 5 de la Constitution de 2011 stipule ainsi que :
« […] l’arabe demeure la langue officielle de l’État. L’État œuvre à la protection et au développement de la langue arabe, ainsi qu’à la promotion de son utilisation. De même, l’amazighe constitue une langue officielle de l’État, en tant que patrimoine commun à tous les Marocains sans exception889. »
Désormais, comme l’écrit Hamid Barrada :
« […] on est en présence d’une nouvelle monarchie. Le roi s’est délesté des pouvoirs exécutif et législatif et conserve des charges régaliennes par excellence » (Jeune Afrique, 21 juillet 2013).
La poussée des islamistes se confirma lors des élections locales du mois de septembre 2015 durant lesquelles les Marocains élurent pour la première fois au suffrge universel direct, les conseillers régionaux; Le parti islamiste PJD obtint 174 sièges sur 678 dans les conseils régionaux (25,6 %), le parti Authenticité et Modernité (PAM) 132 sièges et 19,4 %, l’Istiqlal 119 sièges et 17,5 %.
Le PJD arriva en tête dans trois des quatre régions les plus peuplées, dans lesquelles se situent les villes de Casablanca, Rabat et Fès.
Pour les élections communales, sur les 31 503 sièges à pourvoir, le PAM a obtenu 6 655 sièges avec 21,1 % des voix, le PJD 5 106 sièges avec 16,2 % et le PJD 5 021 sièges soit 15,9 %.
Depuis son accession au pouvoir jusqu’en 2016, le roi Mohammed VI eut quatre Premiers ministres. Abderrahman Youssoufi890 présida jusqu’en 2002 le « gouvernement d’alternance démocratique » qui avait été décidé par Hassan II. Au mois de septembre 2002, Driss Jettou le remplaça à la tête d’un gouvernement de large union à l’exception du PJD. Abbas El Fassi lui succéda en 2007 après les élections législatives remportées par l’Istiqlal avant d’être remplacé au mois de novembre 2011 par l'islamiste Abdelilah Benkira.
881. -Le 12 janvier 2011 dans l’enceinte de la sous-préfecture de Bordj Menaïel ;
- le 14 devant un commissariat de police de la ville de Jijel ;
- le 15 janvier devant la mairie de la ville minière de Boukhadra ;
- le 16 devant le siège de la sûreté de la wilaya de Mostaganem ;
- le 17 dans l’enceinte du siège de l’assemblée départementale dans la région d’El Oued ; le même jour une femme tenta de s’immoler en pleine Assemblée populaire communale (APC, mairie) de la localité de Sidi Ali Benyoub, à quelque 450 km au sud-ouest d’Alger.
882. D’autant plus que le terrorisme islamique n’était pas totalement éradiqué :
- Fin octobre 2011, trois humanitaires européens, deux espagnols et une italienne furent enlevés à Tindouf ;
- Le 3 mars 2012, un kamikaze fit exploser sa voiture devant la gendarmerie de Tamanrasset ;
- Le 29 juin 2012 le poste de commandement régional de la gendarmerie à Ouargla fut l’objet d’un attentat suicide ;
- Le 16 janvier 2013, un groupe armé s’empara du site gazier d’In Aménas et plusieurs dizaines d’otages trouvèrent la mort.
883. « L’État consacre annuellement 20 % de ses dépenses au soutien à l’habitat, aux familles, aux retraites, à la santé, aux anciens combattants, aux démunis et à d’autres catégories vulnérables » (Dris-Aït Hamadouche, 2012).
884. Pour le gaz, le pic de 90 milliards de mètres cubes fut atteint au milieu des années 2000, puis la production déclina. Or, parallèlement à la baisse de la production, la consommation interne ayant augmenté de 7 % par an, l’Algérie va donc avoir de moins en moins de quantités à mettre sur le marché et ses recettes extérieures vont donc baisser. De plus, Gazprom est en mesure de fournir à l’Europe le gaz russe entre 10 à 15 % moins cher que celui produit par l’Algérie. Et enfin, depuis 2014, devenu autonome grâce à ses gisements non conventionnels, le client américain qui représentait entre 30 et 35 % des recettes de la Sonatrach a disparu…
885. Amara Benyounès, ministre du Commerce, Le Soir d’Algérie, 18 juin 2015.
886. Selon l’ancien ministre Abdeslam Ali Rachidi, le budget des anciesn combattants (anciens moudjahidine atteint 248 milliards de dinars (2,1 milliards d’euros) alors que, selon ses dires « tout le monde sait que 90% sont de faux anciens combattants » (El Watan, 1er décembre 2015).
887. Sans parler de la corruption et des détournements de fonds publics comme l’a démontré le scandale de l’Autoroute trans-algérienne.
888. Nous avons vu pages 311 et suivantes, qu’au Maroc, au XVIIIe siècle, des prédicateurs venus d’Arabie condamnèrent le culte des ancêtres, des saints et les rituels extatiques, considérant ceux qui les pratiquaient comme des déviants hérétiques. Ils réussirent à convaincre le sultan Moulay Slimane (1792-1822), mais ses sujets se soulevèrent à l’appel des docteurs de Fès et des partisans des confréries qui considéraient pour leur part les wahhabites comme des arabisants déracinés et des intellectuels coupés du peuple.
889. Cette formulation fut le résultat d’une subtile négociation suivie d’un compromis historique. L’officialisation du tamazight fut en effet longtemps refusée à la fois par les nationalistes de l’Istiqlal, parti que l’on pourrait qualifier d’arabo-andalou, et par les islamistes du PJD (Parti de la Justice et du développement), tous deux partisans du panarabisme.
890. Longtemps opposant à Hassan II, A. Youssoufi qui fut un des fondateurs de l’UNFP et qui fut condamné à mort par contumace en 1963 se rapprocha du Palais à la faveur de la communion nationale née de la récupération du Sahara occidental.