A. L'ordre injuste

Le roman s'ouvre sur une image apocalyptique, celle des terres de l'Oklahoma ravagées par la sécheresse et par les tempêtes de poussière. La fatigue de la terre, cependant, n'est pas uniquement un phénomène naturel. Elle provient de la culture intensive, du regroupement des lopins, de la spécialisation. Si Steinbeck fait le choix d'encadrer son œuvre par deux phénomènes naturels (la sécheresse et le déluge), il n'impute cependant pas la situation des migrants à la nature. Au contraire, l'écrivain fait le portrait d'une société foncièrement injuste, d'un capitalisme qui coupe l'homme de ses racines et de sa terre, la rendant aride et sèche. L'ordre injuste est celui des banques, des investisseurs, des shérifs. C'est véritablement un monde sens dessus dessous qui est ainsi présenté au lecteur, un système contre-nature qui bafoue l'égalité et la dignité humaine, et pourtant semble impossible à vaincre, car il transforme chaque homme en engrenage dans une machine bien huilée : « C'est-il juste ? » demande un fermier à un conducteur de tracteur. « J'peux pas m'arrêter à penser à ça. Faut que je pense à mes gosses », répond l'autre (p. 55). La justice apparaît comme un luxe, que les plus modestes ne peuvent se permettre.

1. Une société divisée

Deux mondes s'opposent au sein du roman ; celui des migrants et celui des possédants. Le narrateur ne fait pas mystère de sa préférence, et le lecteur est invité à épouser la cause des « nôtres » (lorsque les Joad font halte au camp de Weedpatch, Man s'exclame avec soulagement : « Dieu soit loué […]. Nous avons enfin retrouvé les nôtres », p. 431) contre les « autres ». Les migrants sont victimes de l'injustice économique d'un système décrit par Steinbeck à plusieurs reprises dans le roman comme fondé sur l'exploitation et l'escroquerie. Dans les chapitres intercalaires, notamment, il souligne que l'achat de terres agricoles par des banques (chapitre V, p. 47), la transformation des fermiers en commerçants qui ne cultivent pas directement la terre (chapitre XIX, p. 326), l'excès de main-d'œuvre immigrée, qu'elle soit étrangère ou américaine (chapitre XIX, p. 326, chapitre XXI, p. 397), ou les avancées technologiques en matière d'agriculture (chapitre XXV, p. 489) créent une surproduction associée à une baisse des salaires, qui ne s'accompagne pas de la baisse des prix (« Les salaires baissaient sans faire tomber les prix », p. 398). Cette escroquerie à grande échelle est déclinée dans des situations particulières. Les migrants sont victimes de ceux qui profitent de leur situation, pour leur vendre des guimbardes à prix fort (« C'est pas des autos que nous vendons… de la ferraille […]. On revend ça cinquante, soixante-quinze dollars », p. 89), et pour leur acheter leurs biens pour quelques dollars (« ils n'avaient obtenu que dix-huit dollars pour tout le mobilier de la ferme », p. 137). Comme l'écrit Steinbeck au chapitre X : « ils avaient affronté un système qu'ils ne comprenaient pas et qui les avait vaincus » (p. 137). Les représentants de ce système sont corrompus et avides, et sont présentés de manière caricaturale tout au long de l'œuvre. L'injustice économique se traduit jusque dans le physique des personnages. Là où les migrants sont caractérisés par leur maigreur, les profiteurs sont gros ; le millionnaire qui possède des milliers d'arpents de terre est « un type gras et mou » (p. 288), les adjoints qui harcèlent les migrants sur ordre des propriétaires sont « gras, sanguins, fessus » (p. 332).

À l'injustice économique vient s'ajouter une injustice plus profonde, presque existentielle. L'égalité disparaît dans ce monde divisé en deux, et avec elle la dignité associée à la personne humaine. L'humiliation est incarnée par le qualificatif « Okies », appliqué par les Californiens aux migrants du Dust Bowl. Loin de signifier simplement une provenance géographique, il renferme tout le mépris dont sont victimes les familles de migrants, et les prive de leur humanité. Comme l'explique l'homme que les Joad rencontrent au chapitre XVIII, au bord du Colorado : « Être un Okie, c'est être ce qu'il y a de plus bas sur terre » (p. 287). Considérés comme des étrangers, des moins-que-rien, les Okies sont ballottés de lieu en lieu, au gré des violences (économiques, physiques) dont ils sont victimes. Leurs camps sont régulièrement brûlés par des shérifs ou des vigiles (« Un type m'a dit qu'il y en avait là-dedans qu'ont vu leurs affaires brûler plus de vingt fois », dit Al, p. 510), leurs enfants se font insulter, leurs hommes sont emprisonnés au moindre prétexte, quand ils ne sont pas simplement abattus (« On te trouvera dans un fossé, le nez et la bouche pleins de sang caillé », p. 347). Ils sont sans cesse rabaissés au rang d'animaux (comparés à des serpents, p. 332, à des rats, p. 510), comme si leur situation était voulue par eux, et non imposée par la société qui les entoure : « T'as qu'à voir comment ils vivent. Tu nous vois viv' comme ça, nous autres ? Ah foutre non, alors ! » (p. 331). Pour beaucoup, la seule solution semble être d'accepter cette injustice, de jouer le rôle qu'on leur attribue, de « faire l'abruti », comme le suggère Floyd Knowles à Tom : « Et si tu vois un flic, eh ben quoi… t'es pas aut' chose qu'un foutu Okie, t'as compris ? » (p. 348). Ce monde renversé, dans lequel la haine a remplacé la solidarité, dans lequel les institutions (notamment la police) contribuent à renforcer les inégalités plutôt qu'à les combattre, apparaît comme une fatalité. La division en deux camps semble indépassable, et les migrants sont enfermés dans une spirale de l'injustice qui ne leur laisse pas d'autre choix que de devenir ce que les autres veulent qu'ils soient, des « chiens couchants » (p. 392) qui renoncent à leur dignité et acceptent l'injustice comme quelque chose d'inévitable.

JUSTICE ET RÉVOLUTION SELON MARX

L'analyse de la notion de justice chez Marx suppose de s'intéresser aussi bien au contenu des œuvres du philosophe qu'à sa méthode. En effet, Marx construit son approche matérialiste de l'histoire – selon laquelle les événements historiques dépendent en dernier ressort des rapports sociaux entre les classes – contre l'idéalisme allemand, incarné notamment par Hegel, qui postule, lui, des idéaux invariants guidant la marche de l'histoire (voir les Thèses sur Feuerbach de Marx, 1845). Ainsi, selon Marx, des concepts tels que la justice ou la morale, loin d'être des absolus, sont intrinsèquement liés au contexte historique des sociétés dans lesquelles ils se développent. La « justice bourgeoise », en ce sens, n'est que la justice d'un moment de l'histoire, visant à perpétuer le rapport de domination d'une classe, possédant les moyens de production, sur une autre, le prolétariat, qui n'a que sa force de travail.

Comme Marx le théorise dans Le Capital (1867), le capitalisme repose en effet à ses yeux sur l'appropriation par les bourgeois de la plus-value dégagée par le travail, au détriment des ouvriers. Cette injustice est, pourrait-on dire, constitutive du système capitaliste et, pour Marx, elle ne saurait en aucun cas être résolue par un simple appel à une redistribution des profits. Dans sa Critique du programme de Gotha (1875), il reproche ainsi aux socialistes leurs revendications en faveur d'une justice plus distributive. Pour lui, la société bourgeoise ne peut ni ne doit être réformée : elle est inéluctablement destinée à être renversée.

L'avènement de la société communiste, ou société sans classes, n'est donc pas une revendication d'ordre moral. Il s'agit d'une nécessité historique : le système capitaliste est voué à sa perte ; il contient en lui-même les germes de sa destruction. Comme l'écrivent Marx et Engels dans le Manifeste du parti communiste (1848) : « Les armes dont la bourgeoisie s'est servie pour abattre la féodalité se retournent aujourd'hui contre la bourgeoisie elle-même. » La hausse de la mécanisation entraînant la baisse des salaires en même temps que l'augmentation du temps ou de la vitesse de travail, l'exploitation du prolétariat se fait, mécaniquement, de plus en plus intense. La destruction de l'artisan au profit de l'ouvrier non qualifié crée une classe surexploitée, esclave des machines, qui ne peut aspirer ni à l'indépendance ni à la liberté. Cette opposition grandissante entre une minorité possédante, de plus en plus réduite, et une classe exploitée, de plus en plus nombreuse, aboutit nécessairement à la révolution. Il suffit que le prolétariat prenne conscience de lui-même en tant que classe, ou, dans les termes de Steinbeck, que les raisins de la colère arrivent à maturation, pour que le système s'écroule. Ce processus est de l'ordre non pas de la morale, mais de la science ; il découle de l'analyse de l'évolution des conditions de production. C'est pourquoi Marx qualifie son approche de « matérialiste » : la justice n'est pas présentée comme un idéal , mais comme une nécessité.

Il n'en demeure pas moins que, comme dans toutes les idéologies révolutionnaires, la justice présente, pour les marxistes, est en définitive condamnée au nom de l'idée d'une justice supérieure. Et, sous le nom de « communisme », cette aspiration à la réalisation d'une société parfaitement juste a façonné le XXe siècle.

2. L'engrenage de l'injustice

L'exode des migrants, leurs conditions de vie misérables sont présentés, en particulier au début du roman, comme une fatalité. Steinbeck s'inscrit en cela dans la tradition du roman naturaliste américain, qui fait reposer le destin des personnages sur une forme de déterminisme, qu'il soit social ou naturel.

Dès l'ouverture de l'œuvre, la sécheresse qui s'abat sur les terres de l'Oklahoma apparaît comme un fléau, et le paysage qui est décrit a des allures de fin du monde : le jour disparaît au profit d'une nuit éternelle (« L'aube se leva, mais non le jour », p. 9) qui plonge les fermiers dans la perplexité. Cependant, le premier chapitre ne se termine pas sur un constat d'échec, mais d'espoir (« Femmes et enfants savaient au fond d'eux-mêmes que nulle infortune n'est trop lourde à supporter du moment que les hommes tiennent le coup », p. 11), et ce n'est qu'avec l'intervention des banques, au chapitre V (p. 47), que l'engrenage de l'injustice se met véritablement en place. Les banques et les compagnies sont présentées de manière allégorique (dimension renforcée en anglais par l'emploi de majuscules pour les désigner), comme des monstres sans âme qui exigent toujours plus de terre pour se nourrir et prospérer. L'expropriation des métayers est décrite, non comme le résultat de pressions exercées par un homme sur un autre, mais comme le fait d'une puissance supérieure, impossible à identifier. Le représentant de la banque dit ainsi : « La banque ce n'est pas la même chose que les hommes. Il se trouve que chaque homme dans une banque hait ce que la banque fait, et cependant la banque le fait. La banque est plus que les hommes, je vous le dis. C'est le monstre. C'est les hommes qui l'ont créé, mais ils sont incapables de le diriger » (p. 51). Cette inhumanité profonde de la banque est le fondement de l'ordre injuste. En effet, pour pouvoir rétablir la justice, il faut être en mesure de désigner des responsables, et de les sanctionner. Or, la caractéristique principale du système que Steinbeck décrit au début du roman, et qui pose les bases du destin des Joad, est que les responsables sont invisibles, et que par conséquent ceux qui en sont les victimes ne peuvent s'élever contre lui. Leur sort ne peut être imputé à aucun être humain, il est entre les mains de quelque chose qui les dépasse (« tous étaient pris dans quelque chose qui les dépassait », p. 47).

Cette dilution de la responsabilité se décline tout au long de l'œuvre. Tous ceux qui sont, à divers degrés, complices du système, se présentent comme de simples rouages, des maillons d'une chaîne à laquelle ils sont indissolublement liés sans pourtant l'avoir forgée. C'est le cas des conducteurs de tracteur, qui, quand ils sont pris à partie par les métayers qui en appellent à leur solidarité de classe, répliquent : « J'ai une femme et des gosses. Faut bien qu'on mange. Trois dollars par jour et ils rappliquent tous les jours » (p. 55). C'est le même argument qui est avancé par les jeunes gens qui tentent de perturber le bal du camp de Weedpatch (« Faut bien manger, bon Dieu ! », p. 485) dans l'espoir d'être payés par la police, et par le gérant du magasin de la ferme Hooper, lorsque Man lui reproche de pratiquer des prix excessifs (« Faut bien manger […]. Un homme a bien le droit de manger quand même ! », p. 528). Même ceux qui tentent de résister, comme Thomas, le fermier qui embauche Tom lorsque les Joad sont à Weedpatch, finissent par capituler : « Madame la Grosse Banque embauche trois mille ouvriers et moi j'en embauche trois. J'ai des échéances à payer. Maintenant, si vous voyez un autre moyen de nous en sortir, je demande pas mieux, bon Dieu ! Je suis coincé » (p. 413).

L'image de l'homme coincé, bloqué par l'engrenage, mis dans l'impossibilité de faire un choix, est récurrente dans l'œuvre, et crée une véritable chaîne de complicité qui fait participer tout le monde au maintien de l'injustice. Les petits fermiers sont obligés de baisser leurs prix, les migrants sont contraints d'accepter des salaires de misère, car ils sont beaucoup trop nombreux par rapport au nombre de places disponibles, et le fait qu'ils acceptent de travailler dans ces conditions contribue à renforcer leur exploitation. Tout repose sur l'impossibilité d'identifier un responsable, sur le fait que la réparation, la vengeance même sont inaccessibles. Au chapitre V, un métayer demande au conducteur de tracteur : « Qui pouvons-nous tuer ? », et celui-ci lui répond : « Peut-être bien qu'il n'y a personne à tuer. Il ne s'agit peut-être pas d'hommes » (p. 57-58).

Le piège est refermé : il semble impossible d'en sortir.

Cependant, si l'ordre injuste est présenté comme une fatalité, il n'est pas pour autant naturel, au contraire. Les banques sont un élément extérieur, perturbateur, et profitent de la sécheresse pour lancer les expropriations. L'injustice créée par l'homme n'est pas de même nature que les phénomènes naturels, et tout au long du roman elle est présentée comme fondamentalement contre-nature : le capitalisme financier et industriel apparaît comme un ordre mécanique, radicalement opposé à l'équilibre organique, au rapport à la terre qui est au cœur de l'éthique des migrants. « C'est pas comme le tonnerre ou les tremblements de terre. Y a là quelque chose de mauvais qu'a été fait par les hommes et faudra bien que ça change, nom de Dieu ! » (p. 58).

3. Un système contre-nature

Dans Les Raisins de la colère, l'injustice va de pair avec la déshumanisation. Les migrants font face à un système qui ne les considère pas comme des individus, mais comme du bétail, mené par des hommes transformés en machines. Le thème de la stérilité est omniprésent dans l'œuvre, à travers les images de la terre aride, desséchée par les vents, et de la terre en friche, laissée vacante par les riches propriétaires californiens ; les hommes aussi sont stériles, et les naissances sont sans cesse associées à la mort (l'enfant de Milly Jacobs est dévoré par un cochon, p. 61 ; celui de Rose de Saron est mort-né, p. 624).

La présentation allégorique de ce système contre-nature a lieu au chapitre V. Les tracteurs, êtres parasites (en anglais bugs), tracent leur route sans se soucier de ce qu'ils détruisent : « Ils ne roulaient pas sur le sol, mais sur leur chemin à eux. Ils ignoraient les côtes et les ravins, les cours d'eau, les haies, les maisons » (p. 53). Les hommes qui les conduisent se transforment eux aussi en machines (« il faisait partie du monstre, un robot sur son siège », p. 53), et violent la terre sans regrets car ils ne la connaissent pas (« La terre accouchait avec les fers et mourait peu à peu sous le fer », p. 54). Cette image forte d'une terre défigurée est récurrente dans le film de John Ford, où l'on voit, à intervalles réguliers, la trace des tracteurs imprimée comme une cicatrice sur le sol poudreux de l'Oklahoma (voir l'encadré « Les Raisins de la colère  : un roman, un film, une chanson », p. 140).

La terre est indissolublement liée à l'homme, en tant qu'être de chair et de sang, cet homme pour lequel les banques et leurs séides n'ont aucun respect. À plusieurs reprises dans le texte est évoqué le lien entre la terre et le sang, notamment lorsque Muley parle de la mort de son père, éventré par un taureau : « son sang est encore sur cette terre. Il doit y être. Personne ne l'a jamais lavé. Et j'ai posé ma main sur le sol là où que le sang de mon père s'y est mêlé » (p. 74). La communion entre l'homme et la terre est le fondement de la solidarité humaine, cette solidarité que détruit l'avènement de l'homme-machine.

Si le déterminisme naturel est bien présent dans le roman, à travers les catastrophes qui l'encadrent, il n'est cependant pas connoté négativement. Deux ordres s'opposent : la loi des hommes, telle qu'elle s'incarne dans le système capitaliste, et la loi de la nature, portée par les migrants. La nature, même si elle peut parfois sembler injuste, ne peut être remise en question, et, in fine, elle est du côté du peuple. L'image de la tortue, au chapitre II, qui malgré les obstacles et les agressions (elle est renversée par un camion, p. 27) parvient à poursuivre son chemin, fait écho à ce que Man dit du peuple à la fin du chapitre XX : « Nous sommes ceux qui vivront éternellement. On ne peut pas nous détruire. Nous sommes le peuple et le peuple vivra toujours » (p. 395).

À travers la description de l'ordre injuste qui entraîne les migrants dans l'engrenage de la pauvreté et de la faim, on voit ainsi se dessiner en creux des modèles alternatifs, qui rétablissent la justice en rapprochant l'homme de la terre. Ces modèles apparaissent à travers deux figures récurrentes : le pionnier et le fermier. Le pionnier, incarné notamment par le grand-père Joad, est cependant une figure qui appartient à un passé qui jamais ne pourra être reconquis. C'est pour cette raison que les deux grands-parents meurent avant l'arrivée en Californie. Comme le dit Tom : « Ils étaient trop vieux […]. Ils n'auraient rien vu de ce qu'il y a là. Grand-père aurait vu un pays sauvage avec des Indiens partout, comme quand il était jeune » (p. 322). L'autre image, celle du petit propriétaire fermier, persiste malgré les déconvenues dont souffrent les migrants. Le rêve jeffersonien d'une Amérique de fermiers indépendants, mis à mal par l'évolution du capitalisme, demeure à l'état de fantasme, et nourrit les minces espoirs qui permettent aux Joad et aux autres familles de continuer leur route.

Malgré la situation désespérée dans laquelle ils se trouvent, malgré le fait que leurs illusions peu à peu se délitent, les migrants poursuivent leur chemin, et tentent d'établir des modèles alternatifs, de rétablir la dignité et l'égalité au sein de l'ordre injuste auquel ils sont soumis. À travers le rêve, la solidarité, la famille, ils essaient de se faire une place, de sortir de leur statut de victimes pour se construire un monde à part, éphémère, certes, mais qui du moins leur permet de poursuivre leur route : « Chaque soir s'établissaient les relations qui font un monde et chaque matin le monde se disloquait à la façon d'un cirque ambulant » (p. 271).