Je regarde ces yeux tristes qui me regardent dans cette glace devant moi, tristes yeux qui savent, moroses et mécréants, et soudain ils sont les yeux d'autres juifs qui viendront après moi, lorsque je n'y serai plus, des juifs tristes, aimable floraison, des juifs sans God Save The King, sans Marseillaise, sans Brabançonne, des juifs qui connaîtront l'offense lorsqu'ils auront dix ans. Un jour, comme un que je connais, ils s'approcheront, sortant de leur école, ils s'approcheront du camelot qui, devant sa table, vend un détacheur universel. Et le camelot leur dira, comme il m'a dit, leur dira, tandis qu'ils seront tout emplis de crétine tendresse confiante, leur dira comme il m'a dit à moi le seizième jour du mois d'août de l'an mil neuf cent cinq, dixième jour anniversaire de ma naissance, car j'étais venu au monde, drôle d'idée, dix ans auparavant.