XXXIV

Devant l'église, je restai à la considérer, à lui sourire, à l'aimer. Oui, pensai-je, une maison de bonté, cette église, et tous ôtaient leur méchanceté en entrant, ils la déposaient peut-être chez la dame du vestiaire de l'église, et la dame leur donnait un numéro, et en sortant ils lui rendaient le numéro et ils reprenaient leur méchanceté pour toute la semaine, et à peine sortis de l'église ils se dépêchaient de détester les juifs, et peut-être que la dame du vestiaire leur avait loué une bonté pour la durée de la messe et en sortant, oui, ils lui rendaient la bonté et ils reprenaient leur méchanceté.

 

Oui, pensai-je, quand ils étaient dans leur église, ils se sentaient gentils, ils croyaient qu'ils étaient gentils, parce qu'ils chantaient gentiment tous ensemble une chanson gentille, une chanson de grande gentillesse, et pendant ce temps ils étaient peut-être vraiment gentils, mais ensuite ils sortaient de l'église, et c'était fini, ils n'étaient plus gentils dehors, et même ils couraient vite écrire Mort aux juifs sur les murs.

 

Non, elles n'étaient pas vraies, toutes ces idées, elles étaient des petites bêtes dans le dedans de ma tête, des petites bêtes craquantes croquantes qui me faisaient mal, des petites bêtes menteuses qui tournaient en rond, et puis peut-être que c'étaient seulement ceux qui n'étaient pas vraiment catholiques qui détestaient les juifs, qui écrivaient sur les murs. Oui, les vrais catholiques étaient très bons, sûrement. Assez, assez, danser maintenant.

 

Danser encore, oui, danser pour Jésus qui était en face, dans l'église, Jésus qui était bon, lui, tellement bon, il aimait même les méchants. Moi aussi, je les aimais, mais un peu seulement. Oui, danser pour Jésus qui jamais ne m'aurait chassé, lui, danser longtemps en regardant le ciel d'où Jésus me verrait, Jésus qui jamais ne m'aurait chassé.