XLII

A un tournant de rue, je m'arrêtai devant la glace d'un magasin et je fus effrayé par cet enfant effrayé qui me regardait, tête basse et yeux levés, antipathique de malheur, repoussant de malheur, et je le détestai, l'aimant de pitié, et je le regardai avec une rage de rancune. Tu es un sale youpin, hein ? lui dis-je, je vois ça à ta gueule, tu peux filer, c'est pas ton pays ici. Je filai pour ne plus me voir dans la glace, ne plus voir ces yeux trop grands aux longs cils recourbés, yeux étoilés, fastueux compagnons venus du fond des âges, pauvres maudits.

 

Mort aux juifs, me hurla un mur, et je m'échappai, mauvais comme la gale et sangsue du pauvre monde, tout transpirant, remuant les lèvres, et soudain, les paumes en appel vers le ciel, ridiculement demandant à Dieu de leur ordonner d'être bons, de n'écrire plus, de n'écrire plus sur les murs. S'il vous plaît, Dieu, suppliai-je.