Hommage à Jacques Duval
PAR JULIEN AMADO
Photos: archives du Guide de l’auto, archives du Journal de Montréal, archives personnelles de la famille Duval, Lionel Birnbom, Ford du Canada. Photos des essais par Julien Amado.
Jacques Duval semble avoir vécu plusieurs vies en une seule tant sa carrière a été éclectique. Même les 704 pages du Guide de l’auto ne suffiraient probablement pas à tout raconter! Passionné par les médias, la musique, le sport et l’automobile, il a finalement choisi d’orienter sa carrière vers les quatre roues. Ce qui fait en sorte que, dans l’imaginaire collectif, son nom est très souvent associé au livre que vous tenez entre les mains. Suite à son décès, nous avons souhaité mettre en lumière certaines parties de sa carrière et vous raconter l’histoire de la naissance du Guide.
Né à Lévis le 21 juin 1934, Jacques Duval est un enfant plutôt réservé et discret. Moqué par ses camarades de classe pour sa «face de lune», il peinait à nouer de vraies relations amicales. Des traits de caractère qui ne laissaient pas présager une carrière sous les projecteurs, comme il le reconnaît lui-même dans son autobiographie* «J’ai toujours eu, hélas, très peu d’amis. Face à ce vide, je décidais inconsciemment de leur faire un pied de nez, de devenir quelqu’un de connu. Solitaire, timide et mal à l’aise en présence d’une foule, je devais être un peu masochiste pour vouloir devenir animateur de radio. Sans le savoir, c’était sans doute ma façon de sortir d’une certaine marginalité». En effet, le jeune Jacques Duval souhaite se lancer dans une carrière radiophonique. Adolescent, il «jouait à faire de la radio» chez lui grâce à des walkies-talkies offerts par ses parents. Cachant le récepteur derrière le vrai poste de radio, il lisait des journaux pour imiter un bulletin de nouvelles et passait même des chansons avec son tourne-disque. Selon lui, plusieurs invités chez sa mère auraient été dupés! À seulement 17 ans, il envoie sa candidature à toutes les radios qu’il connaît. C’est évidemment un échec, mais cela ne le décourage pas. Alors que sa mère souhaite qu’il devienne directeur de banque, il participe à un concours pour devenir annonceur à la radio CHRC de Québec. Il est sélectionné, puis obtient son premier poste permanent à CKVC. Il a dû se montrer très persuasif, car les recruteurs n’étaient pas vraiment portés sur le jeunisme dans les années 50. Alors qu’il n’a pas encore 20 ans, il obtient un emploi d’annonceur et de disc-jockey à CKVL à Montréal en 1953 et anime sa propre émission en 1954. Passionné par la musique, notamment la chanson française et québécoise, il rencontre de nombreux artistes et devient une référence du domaine. C’est à partir de ce moment que sa carrière prend réellement son envol. Avec un goût assumé pour la controverse, il travaille sans relâche à la radio, dans des journaux et même à la télévision naissante, avec son fameux Cimetière du disque, une rubrique aussi redoutée par les artistes qu’appréciée du public. Il s’essaie même au spectacle vivant en créant un numéro de voyance avec Pierre Fournier, un de ses collègues à CKVL. Jacques Duval a les yeux bandés, tandis que son compère lui demande de deviner les objets qu’il emprunte aux spectateurs. Il y avait évidemment un truc, mais qu’il n’a jamais révélé: «Il ne nous a jamais expliqué comment il faisait pour réussir son tour à chaque fois, aujourd’hui encore j’ignore comment il faisait», explique son fils François Duval. Et aussi curieux que cela puisse paraître, c’est grâce à «Pierre et Jac, les maîtres de la transmission de la pensée» que le fondateur du Guide de l’auto pourra assouvir sa passion pour la course automobile. S’il était payé 150 $ par semaine à la radio (1 500 $ aujourd’hui), il pouvait empocher jusqu’à 1 000 $ (10 000 $) pour 13 spectacles répartis en six soirées au cabaret! Une activité très lucrative, qui va lui permettre d’acheter des voitures de très haute performance.
*AUTObiographie Jacques Duval, de Gilbert Bécaud à Enzo Ferrari, Québec Amériques