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— Çà alors ! s’exclama Nikki. Tu as un fils… et Kendall en est le père. Je comprends maintenant pourquoi tu me mettais en garde contre les hommes du Sud quand je suis venue m’installer à Sweetness.

Perdue dans ses pensées, Celia leva son verre et prit une gorgée. Il était plus de 1 heure du matin et elles étaient assises toutes les deux au coin de la cheminée de la grande salle, enfouies sous les quilts, à boire du vin en regardant mourir le feu.

— Ne t’inquiète pas, Nikki. Porter est un chic type.

— Kendall aussi.

— Oui, pour une femme qui veut vivre à Sweetness. Seulement moi, je ne l’ai pas voulu autrefois et je ne le veux pas plus aujourd’hui, martela-t-elle. Excuse-moi de te contredire.

Sur ce, elle but encore une gorgée, histoire de se réconforter.

— Je ne suis pas à ta place et ne sais pas ce que c’est que grandir à Sweetness. Je suis sûre que tu as tes raisons de ne pas vouloir vivre ici, répliqua Nikki en se rencognant au fond de son fauteuil. Mais comment as-tu fait pour garder ton secret ?

— Quand j’ai quitté Sweetness, ça ne se voyait pas encore. Et puis, je n’avais plus de famille et je n’ai gardé contact avec personne.

Nikki insista.

— Même moi je ne savais pas que tu avais un fils.

— A Broadway, je ne cachais pas Tony, dit Celia en riant. Mais quand nous avons fait connaissance au cours de yoga, il commençait à avoir des problèmes et je ne voulais pas que ça se sache.

— Alors Kendall ne savait pas du tout que tu avais un enfant ?

— Non. Il n’en savait rien. Et je ne voulais pas qu’il l’apprenne comme ça s’est passé.

— Comment l’a-t-il pris ?

— Pas bien. Il est furieux que je ne lui aie pas parlé de Tony. Et il me rend responsable de tout ce qui déraille dans la vie de notre fils.

Nikki lui caressa le bras en un geste de réconfort.

— Il est sous le choc. Donne-lui du temps pour digérer les choses. Il tient à toi, Celia. N’oublie pas qu’il vient de passer deux jours au lit avec toi, que diable !

— Oh ! pour ce qui est du sexe, tout va bien ! s’exclama Celia avec un rire amer. Ça n’a jamais posé problème. D’ailleurs, Tony en est la preuve vivante.

— Et lui, Tony ? Comment prend-il la chose ?

Bonne question.

— C’est difficile à dire. Il s’est enfui de l’école pour me rejoindre et voilà qu’en plus cette affaire lui tombe sur le dos.

— Lui aussi doit être sous le choc.

— Sans aucun doute. A peine avais-je éteint la lumière de sa chambre qu’il dormait déjà. J’en saurai plus demain.

— Crois-tu que Kendall et Tony pourront s’entendre tous les deux ?

Celia n’en avait pas la moindre idée. Et c’était d’ailleurs une des données du problème.

— Ils ont déjà commencé à se mesurer l’un à l’autre. C’est incroyable comme ils se ressemblent. Je pense que tout est possible. Ils peuvent s’adorer comme se détester.

— Et toi, dans un cas comme dans l’autre, tu seras entre les deux. Autrement dit, entre deux chaises, conclut Nikki en s’emparant de la bouteille. Donne-moi donc ton verre, il est vide.

Et tout en versant le vin, elle ajouta :

— Comment vois-tu l’avenir ?

L’avenir ? Celia eut un petit rire amer.

— Tout ce que je sais, c’est que Tony et moi, nous ne resterons pas vivre à Sweetness.

*  *  *

— Çà alors ! s’exclama Porter. Un fils… Et Celia est la mère.

— Et tu ne savais pas qu’elle était enceinte quand elle est partie ? renchérit Marcus.

Kendall leva sa bouteille pour boire une gorgée au goulot. Il était plus de 1 heure du matin et ils étaient assis tous les trois autour d’un brasero à boire de la bière.

— Je n’en avais pas la moindre idée, affirma-t-il.

— Tout s’explique. C’est pour cela qu’en partant, elle t’a demandé de ne pas chercher à reprendre contact avec elle, dit Porter.

— N’essaye pas de comprendre ! Tout ça, c’est des spéculations ! grommela Kendall, exaspéré. Ce que je vois, moi, c’est que pendant toutes ces années, j’avais un fils dont je ne soupçonnais même pas l’existence.

Il se tourna vers Marcus, le regard mauvais.

— Mais toi, tu savais, hein ?

— Seulement depuis peu de temps, répondit posément Marcus.

— Alors, c’est pour cela que tu as demandé à Celia de revenir et de reconstruire le pont ? s’écria Porter qui tombait des nues.

Marcus acquiesça d’un signe de tête et prit une gorgée de sa bière.

— Tu lui as fait du chantage pour la décider à revenir ? s’inquiéta Kendall.

— Non. Elle pouvait refuser. C’est d’ailleurs ce qu’elle a commencé par faire. Elle disait avoir un autre engagement en vue.

Kendall hocha la tête.

— Je me souviens qu’elle a évoqué un projet qui était tombé à l’eau.

Marcus chercha son regard.

— Je crois qu’elle est revenue pour te mettre au courant, Kendall. Elle attendait juste le bon moment.

Mais Kendall refusa de se laisser attendrir.

— Le bon moment, c’était il y a douze ans.

— Manifestement, elle n’était pas de cet avis, repartit Porter avec flegme. Celia est une chic fille, Kendall.

Il eut un sursaut de révolte. Pourquoi ses frères n’étaient-ils pas de son côté ?

— C’est une voleuse, oui ! Elle m’a volé mon fils. Et maintenant, c’est un délinquant.

— Il me fait surtout l’impression d’être un peu tête brûlée, temporisa Marcus. Sois un peu compréhensif avec cette pauvre Celia. Ce n’était pas le genre de scénario qu’elle prévoyait.

— Elle tient à toi, ça se voit, renchérit Porter. N’oublie pas qu’elle vient de passer deux jours au lit avec toi, que diable !

— Oh ! pour ce qui est du sexe, tout va bien ! s’exclama Kendall avec un rire amer. Ça n’a jamais posé de problème. D’ailleurs, Tony en est la preuve vivante.

— Et le gosse, comment prend-il la nouvelle ?

Kendall lâcha un petit rire ironique.

— Difficile à dire. Tu réagirais comment, toi, si tu t’enfuyais du pensionnat militaire pour découvrir que ton père est bien vivant ?

— Ne t’inquiète pas, il va s’en sortir, assura Porter. C’est un Armstrong.

— J’ai prévenu Celia que je voulais qu’il change de nom, mais elle m’a répondu que c’était à Tony de décider.

— En tout cas, c’est plutôt bien qu’elle lui ait donné le prénom de papa, répliqua Porter.

— Tu sais quel genre de relation ils ont tous les deux ? demanda Marcus.

— D’après ce que j’ai vu, elle est trop indulgente avec lui et il est trop gâté.

— Eh bien, désormais tu as ton mot à dire et tu vas rééquilibrer les choses, dit Porter en fouillant dans une glacière. Frérot, ça s’arrose.

Il sortit une bouteille, la décapsula et la tendit à Kendall.

— Qu’est-ce que tu vas faire maintenant ?

L’avenir ? Kendall réfléchit un instant.

— Tout ce que je veux, c’est que mon fils vive ici, à Sweetness.