Voici pourquoi et comment Dieu décida de mettre un terme précipité aux souffrances des Juifs en Égypte :
Pour affliger ses esclaves, le Pharaon fit saisir leurs nourrissons mâles pour les emmurer vivants dans les pyramides. Et Dieu laissa faire. Désespérés, les parents se maudirent d’avoir donné la vie. Tous les hommes et toutes les femmes se mirent d’accord pour ne plus vivre ensemble. Et Dieu laissa faire. Puis, un jour, un ange s’empara d’un nouveau-né déjà torturé, déjà défiguré, et le présenta à Dieu qui, accablé, se souvint de sa promesse faite à Abraham, Isaac et Jacob. Et il déclencha les événements qui aboutirent à l’Exode : Dieu ne put tolérer la vue du cadavre mutilé d’un enfant juif.
Il fit de Moïse son messager. Et le consolateur de son peuple.
Prince, il visitait les esclaves du matin au soir et les incitait à ne pas perdre courage.
Il leur disait : Les nuages sont toujours suivis de soleil ; après la tempête vient le calme. D’autres temps viendront pour nous, ils seront meilleurs.
Et Dieu lui dit : Comme toi, tu as quitté ton palais pour t’occuper des enfants d’Israël, tes frères, je quitterai moi, mon trône céleste pour parler avec toi.
Au pays de Midian, Moïse menait l’existence paisible des bergers. Un jour, il vit un agneau s’échapper du troupeau ; il le poursuivit et le trouva s’abreuvant dans un ruisseau : Je ne savais pas que tu avais soif, lui dit Moïse avec douceur. Tu dois être fatigué après cette course ; tu n’as plus la force de revenir. Il le prit sur ses épaules et le ramena au troupeau.
Et Dieu lui dit : Puisque tu as une telle compassion envers ce troupeau qui appartient à un mortel, je te confierai le troupeau qui m’appartient, le peuple d’Israël.
Pourquoi Dieu choisit-il d’apparaître à Moïse dans un buisson ? Pour illustrer sa modestie : le buisson est le plus petit et le plus insignifiant des arbres.
Et aussi pour souligner l’aspect symbolique de l’événement : le buisson c’est Israël. De même que l’oiseau ne peut pénétrer le buisson sans s’accrocher aux épines, de même les ennemis d’Israël ne pourront lui nuire sans se blesser.
L’entrevue de Moïse avec le Pharaon fut orageuse, d’autant que le roi était en train de dicter son courrier à soixante-dix scribes qui rédigeaient ses missives en autant de langues.
A la vue de Moïse suivi de son frère, les scribes, saisis d’effroi, s’agenouillèrent, laissant tomber leurs plumes par terre. Et les deux frères d’interpeller le Pharaon : Au nom de Dieu d’Israël, nous te demandons de laisser partir notre peuple. — De quel Dieu parlez-vous ? fit le Pharaon avec colère. Quel est son nom ? En quoi consiste sa puissance ? Combien de cités, combien de provinces, combien de pays ses légions ont-elles investies ? Combien de guerres a-t-il gagnées ? Moïse et Aaron essayèrent d’expliquer l’inexplicable : La puissance divine n’a rien à voir avec les ambitions humaines ; elle emplit l’univers et domine les éléments : c’est Lui qui chaque jour décide qui vivra et qui mourra.
Le Pharaon se fit apporter les chroniques de toutes les nations et y chercha le nom du Dieu d’Israël ; il y trouva les noms des dieux de Moab, et ceux des dieux de Sidon, et ceux des dieux d’Ammon, mais non celui du Dieu d’Israël. Moïse et Aaron lui en fournirent la raison : Tu es fou de chercher le vivant dans les tombes des morts ! Tous ces noms de tous ces dieux sont des noms de morts, alors que notre Dieu est vivant ! Buté, le Pharaon répondit : Eh bien, moi, je ne le connais pas ; et je n’obéirai pas à qui je ne connais pas.
Aussi, Dieu se fit connaître à lui. En le punissant.
Au pied du Sinaï, les esclaves libérés acceptèrent la Loi et, au même instant, cent vingt myriades d’anges descendirent du ciel et posèrent sur la tête de chaque fils d’Israël une couronne. Celle-ci leur fut retirée plus tard, lorsque le peuple, dans un moment d’oubli et d’impatience, se mit à danser autour du Veau d’Or.
Sans cet égarement, Israël serait resté un peuple d’immortels ; maintenant, il n’est qu’un peuple immortel.
Ce jour leur fut néfaste à plus d’un titre. Dieu leur imposa comme châtiment de devoir étudier la Torah dans la souffrance et non seulement dans la joie, dans l’exil et non seulement dans la liberté.
Le retour des éclaireurs, découragés et décourageants, provoqua une telle détresse parmi les tribus que Moïse pensa utile de la commémorer tous les ans.
A chaque anniversaire, Moïse ordonna aux Juifs de se creuser des tombes et de s’y allonger pour la nuit. Le lendemain, des hérauts parcouraient le camp en proclamant : Que les vivants se séparent des morts, que les vivants se détachent des morts.
Au quarantième anniversaire, tous se levèrent, car tous appartenaient déjà à la nouvelle génération ; ils méritaient d’entrer en terre promise, car, pour eux, l’esclavage n’était plus une tentation.
Et le peuple d’Israël pleura la mort de Moïse, dans le désert.
Et parfois, la nuit, le pèlerin solitaire entend encore ses pleurs.