Vous connaissez cette expression : « toutes voiles dehors », cela signifie qu’on va à fond. Les commentateurs ont si souvent baptisé les bateaux de course « les formule 1 des mers » que je peux me permettre cette comparaison : en F1, les pilotes essaient le plus souvent possible d’avoir le pied au plancher, à fond, c’est pourquoi ils escamotent les virages. Et une fois qu’ils sont en ligne droite, il ne leur viendrait pas à l’idée de faire autre chose que de donner toute la puissance. C’est même un des objectifs des motoristes et des ingénieurs chassis : « faire passer la puissance » aux roues. Pourquoi n’est-ce pas le cas en navigation à voile, que ce soit une régate ou une course au large ?
Paradoxalement, dans la plupart des conditions de mer, si vous rajoutez de la toile, donc de la puissance, vous ralentissez. Je sais, ça surprend. Pourquoi cette apparente bizarrerie ? Parce que le vent arrive très rarement de dos. Autrement dit : il arrive presque toujours de côté. Cet angle entre le vent et la direction du bateau, c’est ce qu’on appelle « l’allure ». Pour simplifier, je ne vais prendre que l’exemple des monocoques, mais le principe reste le même avec un catamaran ou un trimaran. Une partie de l’énergie du vent fait avancer le bateau, et une autre le fait pencher. En langage de marin, on dit qu’il gîte. Or, à cause de la forme de la quille, un bateau se met à ralentir s’il gîte au-delà d’une certaine limite. Quand le bateau gîte trop, l’écoulement de l’eau autour de la coque est perturbé : des remous apparaissent et le bateau est alors freiné.
Et voici donc pourquoi les marins sont toujours en train de monter ou de descendre les voiles sur un bateau : ils l’adaptent au vent. Pas assez de voile : vous perdez du temps, normal. Trop de voiles : vous perdez du temps aussi. Il y a donc un compromis à trouver à chaque instant. Et ça prend du temps !
De là vient peut-être la fameuse citation de Kessel : « C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme. »
Jusqu’à preuve du contraire…