Pourquoi, à la télé,
a-t-on l’impression que les roues des motos de course tournent à l’envers ?

Pardonnez-moi d’être un brin personnel. Bambin, quand on m’emmenait voir un western au Cinévog 2000, ça me faisait le coup à chaque fois : je voyais les roues des charrettes des pionniers tourner à l’envers. C’était catastrophique, j’avais l’impression que les gentils n’allaient jamais réussir à rattraper les méchants ! Le suspense n’en était que plus insoutenable. Cela m’a fait le même coup l’autre jour, en regardant le Bol d’Or à la télé.

Pourquoi les roues tournent-elles à l’envers quand elles sont filmées ? C’est fait exprès ? C’est une défaillance technique ?

Non, c’est l’effet stroboscopique.

(Par souci de clarification, et en hommage à John Ford, nous ferons porter la démonstration sur le cinématographe. Mais l’explication reste la même lorsqu’on passe du cinéma à la télévision, du film à la vidéo.)

Attention… Moteur !

Plus personne n’ignore que la caméra, qui enregistre apparemment le mouvement, emmagasine en fait une succession d’images fixes.

Comptons-en 24 par seconde. Et imaginons que nous devions filmer un chariot qui passe.

Première hypothèse : le cheval va à la même vitesse que la caméra. Ou plutôt, imaginons que le nombre de tours par seconde que fait la roue du chariot est égal au nombre d’images enregistrées chaque seconde. Soit 24 tours par seconde pour 24 images par seconde. Résultat : à chaque fois que la caméra saisira une nouvelle image, la roue aura décrit un tour complet. À l’écran, on aura l’impression que les roues ne tournent pas, puisque ses rayons restent à la même place.

Deuxième hypothèse : le chariot accélère. Entre deux images fixes, la roue fait plus d’un tour. Si la roue était une horloge, et que le rayon du haut était l’aiguille des heures, à la première image, il sera sur midi, à la deuxième il sera sur 1 heure, à la troisième il sera sur 2 heures, etc.

En repassant le film à la cadence normale, le rayon du haut décrira successivement « midi », puis « 1 heure », puis « 2 heures », ainsi de suite jusqu’à « onze heures » puis à nouveau « midi » pour un tour complet. On aura l’impression que les roues de la voiture tournent dans le bon sens, le sens de la marche.

Troisième hypothèse : le chariot ralentit. Le nombre de tours que fait la roue chaque seconde est inférieur au nombre d’images enregistrées dans le même laps de temps. Entre deux images fixes, la roue accomplit donc moins d’un tour. Reprenons l’allégorie de l’horloge. À la première image, la roue sera sur midi, à la deuxième elle sera sur 11 heures, à la troisième elle sera sur 10 heures, etc.

En repassant le film à la cadence normale, le rayon du haut décrira successivement midi, puis 11 heures, puis 10 heures, puis 9 heures, ainsi de suite dans un ordre décroissant jusqu’à 1 heure puis à nouveau midi pour un tour complet. On aura l’impression que ses roues tournent dans le mauvais sens, donc contraire à la marche.

Vingt-quatre tours par seconde ? Fichtre, quel bolide ! Soit notre chariot a des roulettes ridiculement petites, soit le cheval est un crack bionique, éventuellement dopé.

Là n’est pas le problème. Pour compliquer l’affaire, si les roues de chariot tournent effectivement moins vite dans la réalité que dans notre hypothèse d’école, elles possèdent en revanche plusieurs rayons. Ce qui revient au même. Car dans le mouvement, quand un rayon prend exactement la place d’un autre, le film montrera là encore la roue immobile.

Et en cas de ralentissement de la carriole, vous verrez une fois de plus les roues repartir dans le sens inverse. Avec les branches des roues de moto, le raisonnement est le même.

Jusqu’à preuve de l’inverse…