Vous avez tous joué au ping-pong au collège, à la plage ou à l’apéro (on joue moins bien à l’apéro, mais on se marre plus). Et vous l’avez noté : les raquettes ont systématiquement un côté rouge, et l’autre noir. Pourquoi cette coquetterie ? Hommage à Stendhal ? À Jeanne Mas ? À une tradition bien établie ? Pas du tout.
Les couleurs sont importantes et très réglementées dans le tennis de table : la balle, les vêtements des joueurs et la table elle-même doivent respecter des normes afin que la balle soit visible des arbitres, des joueurs et du public. La couleur des raquettes n’a pas une fonction esthétique, mais se trouve rigoureusement encadrée.
L’article 2.4.6 du règlement sportif de la Fédération française de tennis de table stipule : « La surface du revêtement d’une face de la palette ainsi qu’une face de la palette laissée non recouverte doivent être mates, une face étant rouge vif et l’autre noire. » On notera que les pros appellent « palette » ce que tout le monde appelle une raquette, mais là n’est pas le plus important.
Dans le règlement de l’ITTF (la fédé internationale), il est précisé que le joueur a le droit d’utiliser une raquette à un seul côté muni d’un revêtement et laisser l’autre nu. Il doit cependant peindre son bois de la couleur opposée au revêtement et ne pas utiliser ce côté de la raquette au risque de perdre le point. Pourquoi ce dogmatisme chromatique ?
Un peu d’histoire. Le tennis de table est apparu à la fin du XIXe siècle en Angleterre, dérivé du jeu de paume. Il est favorisé par les grandes tables des salons bourgeois et le mauvais temps qui impose souvent de rester cloîtré. On jouait à l’époque avec des mini-raquettes de tennis cordées, ensuite tendues de cuir très fin.
1902 : le Britannique Gould invente le revêtement à picots de caoutchouc.
1952 : le Japonais Hiroji Satō utilise une raquette avec une mousse épaisse, qui déstabilise ses adversaires et lui permet de remporter le titre mondial.
1977 : lors des championnats du monde de Birmingham, les Chinois (qui dominent la discipline depuis les années 1960) développent une nouvelle tactique basée sur le service et sur une utilisation astucieuse des plaques de caoutchouc : ils utilisent des revêtements de nature différente sur chaque face. Résultat : en pivotant simplement leur raquette, ils peuvent surprendre l’adversaire qui ignore quelle surface est utilisée. Le comportement de la balle ne peut être prédit, le point est plus facilement gagné.
1980 : la fédération internationale impose une couleur différente pour chaque côté de la palette afin que le jeu soit plus lisible.
L’explication est là. Pensez-y au prochain match. Et si vous êtes à l’apéro, méditez cette savoureuse brève de comptoir : le tennis, c’est comme le ping-pong, sauf qu’on joue debout sur la table.
Jusqu’à preuve du contraire…