Pourquoi y a-t-il une statuette sur le capot des Rolls-Royce ?

Vous connaissez certainement la silhouette de la Flying Lady. Je viens d’ailleurs de vous mettre sur la voie deux lignes plus haut : c’est la statuette qui orne les bouchons de radiateur des Rolls-Royce, les bras en croix, rutilante et argentée.

On jurerait une miniature de la Victoire de Samothrace, la tête en plus, la majesté hellénique en moins. Sa frime surprend : une arrogance difficilement compatible avec la classe toute british de Rolls-Royce.

La firme fut fondée en 1906 en Angleterre par l’ingénieur Henry Royce et l’homme d’affaires Hon C.S. Rolls. Cette année-là, après plusieurs victoires en compétition de leurs prototypes, ils proposèrent aux acheteurs le modèle Rolls-Royce 40/50 HP, qui deviendra célèbre sous le nom de Silver Ghost. Un engin de plus d’une tonne et demie, pour 7 litres de cylindrée et une puissance de 48 chevaux, capable de flirter avec le 100 km/h.

Pour démontrer sa fiabilité, un associé de Hon C.S. Rolls, Claude Johnson réalisa un test d’endurance. Sa Silver Ghost accomplit 24 140 kilomètres, sans aucun incident sur la distance, si ce n’est que le robinet d’essence avait une fâcheuse tendance à se fermer tout seul au bout de 1 000 kilomètres, à cause des trépidations de la machine. Le coût total de la remise en état de la voiture à l’issue de cette randonnée se limita à 2 livres, 2 shillings, et 7 pence… Qui dirait mieux aujourd’hui ?

Le succès commercial ne se fit pas attendre. Rolls-Royce fabriqua la 40/50 HP jusqu’en 1925 dans ses ateliers de Derby.

Mais un détail chiffonnait Claude Johnson. Chaque propriétaire personnalisait son véhicule en fixant sa mascotte au sommet du bouchon de radiateur : qui une balle de golf évidée, qui une effigie de bouledogue, qui un poussin avec une demi-coquille d’œuf sur la tête…

Une hérésie ! Comment la plus chère et la meilleure voiture du monde pouvait-elle être à ce point défigurée par ses acquéreurs avec ces objets hétéroclites, bon marché et de si mauvais genre ? Il fut décidé d’installer sur tous les modèles Rolls-Royce d’origine un seul et même emblème, une statuette : la fameuse Flying Lady, création du sculpteur Sykes.

Quant à l’anguleux dessin du radiateur, il s’inspirait, lui, du Parthénon. On fait ce qu’on peut.

Jusqu’à preuve du contraire…