Pourquoi au saut en hauteur les athlètes sautent-ils en arrière ?

Je commence par un rappel : le record du monde du saut en hauteur appartient depuis 1993 au Cubain Javier Sotomayor, avec un bond de 2,45 mètres. Pour vous faire une idée, la hauteur des buts au football est de 2,44 mètres. Si la barre des cages n’était épaisse que d’un seul centimètre, il pourrait passer les fesses par-dessus !

Oui, les fesses, car il saute avec la technique dite du « fosbury », du nom de son inventeur : Dick Fosbury. Ce fut la révolution des jeux de Mexico en 1968. Au lieu de sauter en ventral, avec la barre sous le ventre, l’Américain s’est élancé normalement, mais a fait volte-face au dernier moment, de façon à se positionner dos à l’obstacle. À l’entraînement, il améliorait ainsi ses performances de 15 centimètres. Le jour J, il a remporté la médaille d’or avec un bond de 2,24 mètres ! Après ce coup de tonnerre, quelques concurrents ont tenté de persister avec l’ancienne technique, mais tous désormais se sont mis au fosbury. Vous connaissez la suite, on en est maintenant à 2,45 mètres.

Mais, au fait, pourquoi franchit-on plus facilement la barre en arrière, alors que l’on court vers l’avant ? Comment expliquer l’efficacité d’un geste aussi peu naturel ?

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À cause du barycentre. C’est en quelque sorte le centre de gravité de tout objet. Quand vous êtes debout, votre barycentre se trouve au niveau du nombril. Mais certains objets ont leur barycentre à l’extérieur d’eux-mêmes, hors de leur propre matière. Par exemple, un cerceau. Ou un boomerang : son barycentre est le point immatériel autour duquel le boomerang tourne sur lui-même quand on le jette en l’air.

Quel rapport avec le saut en hauteur ? J’y viens.

Après son élan, l’athlète passe d’une position verticale à une position horizontale : son corps se courbe, tel un boomerang orienté vers le bas. Sa tête passe en premier, ses pieds en dernier. Son barycentre se trouve mécaniquement en dessous de la barre à franchir. À l’opposé, s’il saute en ventral, il passe d’abord le côté droit puis le côté gauche (ou l’inverse, cela ne change rien au raisonnement). Résultat : son barycentre passe au-dessus de la barre. Et cela demande davantage d’énergie. Inversement, le fosbury demande moins d’énergie, donc il permet de sauter beaucoup plus haut.

Pour ma part, je n’ai jamais dépassé 1,38 mètre. Peux pas faire mieux.

Jusqu’à preuve du contraire…