« Je veux partir avec toi.
— Je suis désolé, Akainu. Je te laisserai un peu d’argent.
— Emmène-moi.
— Écoute. Les hommes que tu as vus, hier, c’étaient des yakuzas. Ce sont des hommes très dangereux, je ne peux pas t’emmener. Ici tu trouveras vite un autre arbaito, tu t’en sortiras. Il y a plein de petits boulots pour un garçon débrouillard comme toi.
— Mais je veux venir.
— Non. Tu ne comprends pas, Akainu. Je suis parti de chez moi pour que ma femme soit en sécurité, ce n’est pas pour te mettre en danger maintenant. Je pars seul.
— Ces hommes dont tu parles, je les connais.
— Qu’est-ce que tu racontes ?
— Ils ont tué mon ancien patron, le vieux Kobayashi, et j’étais là. C’est après moi qu’ils en ont.
— Ce n’est pas possible.
— Le Vieux ne pouvait pas payer pour la protection de son commerce. Ils tiennent tout le quartier.
— Tu dois te tromper, ce n’est pas possible.
— Ils m’ont vu mais j’ai réussi à m’enfuir. J’étais témoin du meurtre, c’est pour cela qu’ils me cherchent. »
Kaze revoit le corps de l’avocat s’effondrer. Il a encore, au fond de la gorge, l’odeur de la poudre qui est devenue un goût un peu âcre. Tout est toujours trop tard.
« Tu dois aller à la police.
— Pour qu’ils me mettent dans un centre ou qu’ils m’accusent du meurtre de mon patron ?
— Tu n’es qu’un enfant. Ils te protégeront.
— Parce que toi, tu es sûr qu’un enfant des rues comme moi ne peut pas tuer un vieillard sans défense pour lui voler son argent, en lui enfonçant un couteau dans le ventre, comme ça ? »
Il mime le geste qu’il a vu faire à l’homme au col roulé dans la gargote du vieux Koba. Il a un regard dur. Il est en face de Kaze, garde le bras tendu à hauteur de son ventre.
« Alors c’est toi qu’ils cherchaient. Pourquoi tu ne me l’as pas dit, Akainu ?
— Je ne sais pas ce que tu aurais pensé. Tu ne veux plus partir, c’est ça ?
— Maintenant, j’y suis obligé quand même.
— Où va-t-on ?
— Dans le Nord. »
Akainu écarquille les yeux.
Le Nord. Furusato. Même si quatorze ans c’est trop tôt pour avoir de la nostalgie. Le Nord, c’est de là qu’il vient. Le Nord, c’est avant le tsunami.