CHAPITRE SIX

Le lendemain matin, je suis réveillée par le vrombissement léger d’un rasoir électrique. Tobias est devant le miroir, la tête penchée de manière à voir l’angle de sa mâchoire.

Je m’assieds pour le regarder, les bras autour de mes genoux.

– Salut, me dit-il. Bien dormi ?

– Ça va.

Je me lève, et avant qu’il ne reprenne son rasage, je glisse les bras autour de sa taille en posant le front sur son dos, là où le tatouage des Audacieux dépasse de son tee-shirt.

Il pose le rasoir et replie ses mains sur les miennes. On ne parle pas. J’écoute sa respiration et il caresse mes doigts machinalement, ayant oublié ce qu’il était en train de faire.

– Il faut que je m’habille, murmuré-je au bout d’un moment.

Je n’ai pas envie de partir. Mais je dois travailler à la buanderie et je ne voudrais pas que les Fraternels puissent me reprocher de ne pas remplir ma part du marché que nous avons passé.

– Je vais te trouver des vêtements, me dit Tobias.

Quelques minutes plus tard, je suis pieds nus dans le couloir, vêtue du tee-shirt dans lequel j’ai dormi et d’un short emprunté par Tobias aux Fraternels. Dans ma chambre, je tombe sur Peter, debout près de mon lit.

D’instinct, je me raidis en cherchant des yeux un objet contondant.

– Sors, ordonné-je le plus calmement possible.

Mais j’ai du mal à empêcher ma voix de trembler. Je ne peux pas oublier son regard tandis qu’il me maintenait suspendue par la gorge au-dessus du gouffre, ou quand il m’a projetée contre le mur dans l’enceinte des Audacieux.

Il se tourne vers moi. Ces derniers temps, quand il me regarde, c’est sans sa méchanceté habituelle. Il a juste l’air épuisé, le dos voûté avec son bras en écharpe. Mais je ne me laisserai pas avoir.

– Qu’est-ce que tu fais dans ma chambre ?

Il s’approche de moi.

– Qu’est-ce que tu trafiques à épier Marcus ? Je t’ai vue hier après le petit-déjeuner.

Je soutiens son regard.

– Ce ne sont pas tes affaires. Sors d’ici.

– Je suis là parce que je ne comprends pas pourquoi c’est à toi qu’on a confié ce disque dur. On ne peut pas dire que tu sois particulièrement stable en ce moment.

Je ricane.

– Moi, je suis instable ? C’est assez drôle, venant de toi.

Peter se mord les lèvres sans répondre. Je plisse les yeux.

– Qu’est-ce qui t’intéresse tellement dans ce disque dur ?

– Je ne suis pas idiot. Je sais qu’il contient autre chose que les données de la simulation.

– Bien sûr, tu n’es pas idiot. Tu t’es dit que si tu le livrais aux Érudits, ils te pardonneraient ta lâcheté et tu rentrerais dans leurs bonnes grâces.

– Je ne cherche pas à rentrer dans leurs bonnes grâces, répond-il en faisant un pas de plus vers moi. Si c’était le cas, je ne vous aurais pas aidés dans l’enceinte des Audacieux.

J’enfonce l’index dans sa poitrine.

– Tu nous as aidés parce que je t’avais tiré dessus et que tu ne voulais pas que je recommence.

– C’est vrai que moi, je ne suis pas un traître à la solde des Altruistes, réplique-t-il en saisissant mon doigt. Ça ne fait pas de moi un robot télécommandé par les Érudits.

Je retire vivement ma main toute moite, et l’essuie sur mon tee-shirt.

– Je ne te demande pas de comprendre, riposté-je en me rapprochant de la commode. Je ne doute pas que s’ils s’en étaient pris aux Sincères au lieu des Altruistes, tu aurais laissé ta famille se faire massacrer sans lever le petit doigt. Désolée de ne pas être comme ça.

– Fais gaffe quand tu parles de ma famille, Pète-sec.

Il s’est rapproché de la commode en même temps que moi, mais je me positionne de manière à m’interposer entre lui et les tiroirs. Je ne vais pas lui révéler la cachette du disque dur en le prenant devant lui, mais je ne veux pas non plus lui laisser la voie libre.

Ses yeux se posent sur la commode derrière moi, vers la gauche. Je le regarde en fronçant les sourcils, avant de remarquer un détail qui m’avait échappé : une bosse rectangulaire dans l’une de ses poches.

– Rends-le-moi, dis-je. Maintenant.

– Non.

– Rends-le-moi, ou je te jure que je te tue dans ton sommeil.

Il prend un air narquois.

– Si tu voyais comme tu es ridicule quand tu essaies de faire peur aux gens ! On croirait une petite fille qui menace de m’étrangler avec sa corde à sauter.

Je m’approche de lui et il recule en franchissant la porte de ma chambre.

– Ne m’appelle pas « petite fille ».

– Je t’appelle comme je veux.

En une fraction de seconde, je passe à l’action, visant du poing gauche l’endroit qui fera le plus mal : celui de sa blessure au bras. Il esquive, mais au lieu de répéter ma tentative, je lui agrippe le bras pour le tordre de toutes mes forces. Il pousse un cri de douleur et j’en profite pour le faire tomber d’un coup de pied dans le genou.

Des gens affluent dans le couloir, vêtus de gris, de noir, de jaune et de rouge. Peter se relève à demi, se jette sur moi et me frappe à l’estomac. La douleur me plie en deux, mais je me ressaisis aussitôt. En poussant un cri à mi-chemin entre la plainte et le hurlement, je charge, le coude gauche replié au niveau de ma bouche pour lui percuter le visage.

Un Fraternel aux cheveux gris m’attrape par les bras et m’éloigne de Peter en me soulevant de terre. Mon épaule me lance, mais je la sens à peine, poussée par l’adrénaline. Je me débats pour me libérer en essayant de ne pas voir les expressions stupéfaites des Fraternels et des Altruistes – et de Tobias – autour de moi. Une femme s’agenouille près de Peter et lui murmure des paroles de réconfort. J’essaie d’ignorer ses gémissements de douleur et le sentiment de culpabilité qui me poignarde le ventre. Je le hais. Je m’en fiche. Je le hais.

– Tris, calme-toi ! m’intime Tobias.

– Il a le disque dur ! crié-je. Il me l’a volé ! Il l’a pris !

Tobias se dirige vers Peter. Sans s’occuper de la femme à genoux à côté de lui, il l’immobilise d’un pied sur sa cage thoracique, plonge la main dans sa poche et en ressort le disque dur.

– On ne sera pas toujours dans un refuge, lui dit-il à voix sourde. Ce n’était pas très malin de ta part.

Il ajoute en se tournant vers moi :

– Et de la tienne non plus. Tu tiens vraiment à ce qu’on se fasse renvoyer d’ici ?

Je fulmine. Le Fraternel qui me tient par le bras commence à me tirer dans le couloir. J’essaie de m’arracher à sa prise.

– Qu’est-ce que vous faites ? Lâchez-moi !

– Tu as violé les termes de notre accord de paix, me dit-il doucement. Nous devons appliquer le protocole.

– Vas-y, me dit Tobias. Tu as besoin de te calmer.

Je scrute les visages de la foule qui s’est formée. Personne ne discute avec Tobias, et les regards évitent le mien. Alors, je laisse deux Fraternels m’escorter dans le couloir.

– Attention où tu marches, m’avertit l’un d’eux. Les planches sont disjointes ici.

Ma tête bourdonne, signe que je suis en train de me calmer. Le Fraternel aux cheveux gris ouvre une porte sur la gauche, sur laquelle je lis : « Salle des conflits ».

– Vous me mettez à l’isolement, c’est ça ? grogné-je.

Ce serait typique des Fraternels : m’isoler, avant de me montrer la technique des respirations purifiantes ou des pensées positives.

La pièce est si lumineuse que je dois plisser les yeux. Le mur d’en face est percé de larges fenêtres donnant sur le verger. Malgré cela, elle paraît confinée, sans doute parce que le plafond, comme le sol et les murs, est tapissé de lambris.

– Assieds-toi, s’il te plaît, m’enjoint l’homme aux cheveux gris en me désignant un tabouret au milieu de la pièce.

Comme tout le mobilier de l’enceinte, il est en bois brut, massif, et donne l’impression d’être enraciné dans le sol. Je reste debout.

– La bagarre est terminée, dis-je. Je ne le ferai plus. En tout cas, pas ici.

– Nous devons appliquer le protocole, insiste le plus jeune. Assieds-toi, s’il te plaît ; on va discuter de ce qui s’est passé. Ensuite, on te laissera partir.

C’est fou comme ils parlent doucement. Pas avec des voix étouffées, comme les Altruistes qui chuchotent toujours comme s’ils étaient dans une église, de peur de gêner les autres. Leurs voix sont douces, graves, apaisantes… Je me demande tout à coup si ça fait partie de la formation de leurs novices. Si on leur apprend à parler, à bouger, à sourire de la manière la plus propice à favoriser la paix.

Je m’assieds à contrecœur, les fesses au bord du tabouret, pour pouvoir me relever rapidement si nécessaire. Le plus jeune reste debout devant moi. Le parquet craque dans mon dos et je regarde par-dessus mon épaule. Le plus âgé bricole quelque chose sur une tablette.

– Qu’est-ce que vous faites ?

– Je prépare du thé.

– Je ne pense pas qu’on règle le problème avec du thé.

– Alors, explique-nous, intervient le plus jeune en ramenant mon attention vers lui. Quelle est la solution, à ton avis ?

Il me sourit.

– Renvoyer Peter de cette enceinte.

– Il me semble, dit-il doucement, que c’est toi qui l’as attaqué. Et même, que c’est toi qui lui as tiré dans le bras.

– Vous n’imaginez pas ce qu’il a fait pour mériter ça.

Mes joues me brûlent et mon cœur s’emballe.

– Il a essayé de me tuer. Et… et il a poignardé quelqu’un dans l’œil… avec un couteau à beurre. Il est capable de tout. Je n’ai fait que me défendre en…

Je sens une piqûre aiguë dans mon cou. Des points noirs obscurcissent l’image de l’homme et me masquent son visage.

– Je suis désolé, dit-il, nous ne faisons qu’appliquer le protocole.

Le plus âgé tient une seringue, contenant encore quelques gouttes du produit qu’il vient de m’injecter. Il est vert pré, couleur d’herbe. Je bats rapidement des paupières et les taches sombres disparaissent ; mais tout oscille devant moi, comme si je me balançais dans un rocking-chair.

– Comment te sens-tu ? s’enquiert le plus jeune.

– Je me sens…

J’allais dire « en colère ». En colère contre Peter, contre les Fraternels. Mais c’est faux, non ? Je souris.

– Je me sens bien. Un peu… un peu comme si je flottais. Ou comme si je tanguais. Et vous, vous vous sentez comment ?

– Le vertige est un effet secondaire du sérum, me répond-il. Tu auras peut-être besoin de te reposer cet après-midi. Et je me sens très bien, merci. Tu peux partir, maintenant, si tu veux.

– Vous pouvez m’indiquer où se trouve Tobias ? demandé-je.

Dès que j’imagine son visage, une vague d’affection monte en moi en bouillonnant et je n’ai qu’une envie : l’embrasser.

– Quatre, je veux dire. Il est beau, non ? En fait, je ne vois pas ce qu’il me trouve. Je ne suis pas très sympa, hein ?

– La plupart du temps, non, confirme l’homme. Mais je pense que tu pourrais l’être, si tu essayais.

– Merci. C’est gentil.

– Tu devrais le trouver dans le verger. Je l’ai vu sortir après la bagarre.

Je ris doucement.

– La bagarre, quelle absurdité…

Et ça me paraît vraiment complètement stupide de coller son poing dans la figure de quelqu’un. C’est comme une caresse, mais trop forte. Une caresse, c’est bien plus gentil. J’aurais peut-être mieux fait de laisser ma main glisser sur le bras de Peter. Ç’aurait été plus agréable pour nous deux. Et je n’aurais pas mal aux doigts.

Je me lève et titube vers la porte. Je dois m’appuyer au mur pour garder l’équilibre, mais comme il est solide, ça n’est pas un problème. J’avance d’un pas incertain dans le couloir, en gloussant de mon incapacité à me tenir droite. Je suis redevenue aussi godiche que quand j’étais petite. Ma mère me disait souvent en souriant : « Fais attention où tu poses les pieds, Beatrice. Je ne voudrais pas que tu te fasses mal. »

Je sors. Dehors, le vert des arbres me paraît plus intense, j’en sentirais presque le goût. D’ailleurs, je crois bien que je le sens ; il a le même goût que l’herbe. J’en ai mâché une fois quand j’étais petite, pour voir comment c’était. Je manque de tomber des marches à cause du tangage et j’éclate de rire lorsque les brins d’herbe chatouillent mes pieds nus.

– Quatre ! crié-je.

Qu’est-ce que j’ai à appeler un chiffre ? Ah oui, c’est son nom.

Je recommence :

– Quatre !

– Tris ? dit une voix depuis les arbres sur ma droite.

On dirait presque que c’est l’arbre qui a parlé. Je glousse, mais bien sûr, ce n’est que Tobias, qui se penche pour passer sous une branche.

Je cours vers lui et le sol penche brusquement sur le côté. Je vacille et sa main se pose sur ma taille, me redresse. Ce contact envoie une décharge dans tout mon corps, qui s’enflamme comme si ses doigts avaient allumé un feu à l’intérieur. Je m’approche, me blottis contre lui et lève la tête pour l’embrasser.

– Qu’est-ce qu’ils t’ont… commence-t-il.

Je le fais taire avec ma bouche. Il m’embrasse à son tour, mais à la hâte. Je soupire lourdement.

– Ça, c’était raté, dis-je. Bon, pas raté, mais…

Je me hisse sur la pointe des pieds pour l’embrasser de nouveau. Il m’arrête en posant ses doigts sur mes lèvres.

– Tris, qu’est-ce qu’ils t’ont fait ? Tu te comportes comme une dingue.

– C’est pas très gentil de dire ça, protesté-je. Ils m’ont mise de bonne humeur, c’est tout. Et maintenant, j’ai super envie de t’embrasser. Si tu pouvais te détendre un peu…

– Plus tard. D’abord, je veux comprendre ce qui se passe.

Je fais la moue comme une gamine, quand soudain toutes les pièces se mettent en place dans ma tête, et je lui souris jusqu’aux oreilles.

– C’est pour ça que tu m’aimes bien ! m’exclamé-je. Parce que toi non plus, tu n’es pas très sympa. Maintenant, je trouve ça bien plus clair.

– Viens, on va voir Johanna.

– Moi aussi, je t’aime bien.

– Tu m’en vois ravi, réplique-t-il d’un ton neutre. Allez, viens ! Oh, bon sang. Il va falloir que je te porte.

Il me soulève, un bras sous mes genoux et l’autre dans mon dos. Je passe les miens autour de son cou et je l’embrasse sur la joue. Puis je découvre que la sensation de l’air sur mes pieds est très agréable, alors je fais des petits battements, tandis qu’il me transporte vers le bâtiment où travaille Johanna.

Quand on arrive dans son bureau, elle est assise devant une pile de papiers, en train de mâchonner une gomme. Elle lève les yeux vers nous et entrouvre la bouche dans une expression de surprise. Une lourde mèche de cheveux bruns couvre la moitié de son visage.

– Vous avez tort de cacher votre cicatrice, lui dis-je. Vous êtes plus jolie avec le visage dégagé.

Tobias me pose par terre un peu lourdement et l’impact provoque un élancement dans mon épaule, mais j’aime bien le bruit qu’ont fait mes pieds en touchant le sol. Je ris, mais ni Johanna ni Tobias ne se joignent à moi. Bizarre.

– Qu’est-ce que vous lui avez fait ? demande Tobias d’un ton brusque. Bon Dieu, qu’est-ce que vous lui avez fait ?

Johanna fronce les sourcils.

– Je… Ils ont dû lui injecter une dose trop forte. Elle est très menue ; ils n’ont pas dû prendre en compte sa taille et son poids.

– Une dose trop forte de quoi ?

– Vous avez une jolie voix, coupé-je.

– Tris, dit-il, s’il te plaît, tais-toi.

– De sérum de paix, explique Johanna. À petites doses, il a une action légèrement apaisante qui améliore l’humeur. Les seuls effets secondaires sont de légers vertiges. On l’administre aux membres de la communauté qui ont du mal à rester sereins.

Tobias ricane.

– Ne me prenez pas pour un crétin. Tous les membres de votre communauté ont du mal à rester sereins pour la bonne raison qu’ils sont humains. J’imagine que vous devez en mettre dans l’eau.

Johanna ne répond pas tout de suite et croise les mains devant elle.

– Tu sais parfaitement que c’est faux, ou cette altercation n’aurait jamais eu lieu, réplique-t-elle enfin. Mais une fois que nous nous sommes mis d’accord sur l’attitude à adopter, nous avançons tous ensemble, unis au sein de notre faction. Et si je pouvais administrer ce sérum à tous les habitants de la ville, je n’hésiterais pas. Si je l’avais fait, vous n’en seriez certainement pas là où vous en êtes aujourd’hui.

– Oh, c’est sûr. Droguer toute une population est la meilleure solution à notre problème. Génial, comme projet.

– Ce n’est pas bien d’ironiser, Quatre, remarque-t-elle doucement. Cela dit, je suis désolée pour l’erreur de dosage dans l’injection de Tris. Sincèrement. Mais elle a enfreint les termes de notre accord, et je crains qu’en conséquence, vous ne puissiez pas rester ici très longtemps. L’altercation entre elle et ce garçon – Peter – n’est pas une chose sur laquelle nous pouvons passer l’éponge.

– Ne vous inquiétez pas, répond Tobias. Nous comptons partir dès que cela nous sera humainement possible.

– Bien, dit-elle avec l’ébauche d’un sourire. On ne peut maintenir la paix entre Fraternels et Audacieux qu’en gardant nos distances.

– Ça explique beaucoup de choses.

– Pardon ? Qu’est-ce que tu insinues ?

– Ça explique, reprend-il entre ses dents, pourquoi sous prétexte de neutralité – si une telle chose est possible ! – vous nous avez laissés mourir sous les balles des Érudits.

Johanna lâche un soupir en se tournant vers la fenêtre, qui donne sur une petite cour plantée de vigne vierge. Ses vrilles atteignent la vitre comme si elles essayaient d’entrer pour se joindre à la discussion.

– Les Fraternels ne feraient jamais ça, protesté-je. C’est trop nul.

– Si nous restons neutres, c’est pour préserver la paix, commence Johanna.

– La paix, crache Tobias. Oui, je ne doute pas qu’elle régnera quand tout le monde sera soit mort, soit sous contrôle mental, soit coincé dans une simulation permanente.

Une grimace déforme le visage de Johanna. Je l’imite, pour voir quel effet ça fait : pas très agréable. En plus, je ne vois pas bien pourquoi elle a fait ça.

– Ce choix n’est pas le mien, précise-t-elle lentement. Ou notre discussion d’aujourd’hui serait peut-être différente.

– Vous êtes en train de dire que vous ne l’approuvez pas ?

– Je dis que je ne suis pas en position d’exprimer publiquement un désaccord avec ma faction. Mais je pourrais le faire dans l’intimité de mon propre cœur.

– Tris et moi serons partis dans deux jours, observe Tobias. J’espère que votre faction ne reviendra pas sur sa décision de faire de cette enceinte un refuge.

– Nous ne revenons pas facilement sur nos décisions. Et pour Peter ?

– Vous devrez vous occuper de son cas séparément, dit-il. Il ne viendra pas avec nous.

Tobias me prend la main et le contact de sa peau sur la mienne est agréable, même si elle n’est ni douce ni lisse. J’adresse un sourire d’excuse à Johanna, mais son expression ne change pas.

– Quatre, soupire-t-elle. Si toi et tes amis préférez… ne pas être soumis aux effets de notre sérum, vous devriez peut-être éviter le pain.

Tobias la remercie par-dessus son épaule tandis qu’on s’engage dans le couloir, où je sautille un pas sur deux.