Donner à manger à ceux qui ont faim, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, loger les pèlerins, visiter les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts : les œuvres de miséricorde forment un ensemble d’impératifs moraux édictés par l’Église, censés obliger les chrétiens et peser de leur poids dans la balance du Jugement dernier. Au nombre de sept, comme les péchés capitaux, elles sont comme eux connus de tous ceux qui, nés en culture chrétienne, en sont imprégnés, qu’ils le veuillent ou non, sans bien savoir ni d’où ils en tiennent la connaissance, ni à quoi elle se rattache précisément.
L’origine de ces impératifs est à rechercher dans ce passage de l’Évangile de Matthieu (25, 34-40) : « Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite : “Venez, vous qui êtes bénis de mon Père ; prenez possession du royaume qui vous a été préparé depuis la fondation du monde. Car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli ; j’étais nu, et vous m’avez vêtu ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus vers moi.” Les justes lui répondront : “Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, et t’avons-nous donné à manger ; ou avoir soif, et t’avons-nous donné à boire ? Quand t’avons-nous vu étranger, et t’avons-nous recueilli ; ou nu, et t’avons-nous vêtu ? Quand t’avons-nous vu malade, ou en prison, et sommes-nous allés vers toi ?” Et le roi leur répondra : “Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites.” »
L’Histoire dit que le dernier impératif, ensevelir les morts, a été ajouté plus tard. Cet ensemble forme donc les œuvres de miséricorde dite « corporelle », auxquelles il faut ajouter pour être complet sept œuvres de miséricorde spirituelle, énoncées plus tardivement encore, dont il ne sera pas question ici : conseiller ceux qui doutent, enseigner ceux qui sont ignorants, réprimander les pêcheurs, consoler les affligés, pardonner les offenses, supporter les importuns, prier Dieu pour les vivants et les morts – un parfait bréviaire pour la maîtrise des âmes…
Mais le chapitre 25 de l’Évangile de Matthieu se poursuit par ces versets qui sont l’autre versant (41-46) : « Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : “Allez-vous-en loin de moi, maudits, au feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges. Car j’ai eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’ai eu soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ; j’étais un étranger et vous ne m’avez pas recueilli ; nu, et vous ne m’avez pas vêtu ; malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.” Alors eux aussi répondront : “Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé ou assoiffé, étranger ou nu, malade ou en prison, sans venir t’assister ?” Alors il leur répondra : “En vérité, je vous le déclare, chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, à moi non plus vous ne l’avez pas fait.” Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes à la vie éternelle. » On n’a rien sans rien.