Reposant la chemise du compte de la Fondation Louis Augustus Jonas d’aide aux enfants pauvres, Tomás prit un nouveau dossier parmi les documents de monseigneur Dardozzi. Sur la couverture, écrit au stylo à bille rouge, on pouvait lire « Fonds caritatif Roma ».
Il en feuilleta le contenu. Les extraits mentionnaient des virements provenant à la fois du compte du Fonds Mamma Roma pour la lutte contre la leucémie et de la Fondation Louis Augustus Jonas d’aide aux enfants pauvres en faveur d’institutions comme les Sœurs de sainte Brigitte et les Œuvres de don Picchi. Cependant, comme rien ne concernait Omissis, il se demanda si cela valait la peine de continuer.
Il consulta sa montre et sursauta. Il se faisait tard, le délai avant l’exécution du pape se réduisait.
– Nous perdons notre temps, décida-t-il enfin tout en refermant brusquement la chemise du Fonds caritatif Roma. Il faut tenter d’identifier Omissis d’une autre manière.
– Facile à dire, répliqua Catherine, plongée elle aussi dans un dossier. Mais comment ?
Tomás se frottait le menton, l’air songeur. Ils ne pouvaient passer plus de temps enfermés ici, à lire les documents laissés par monseigneur Dardozzi ; le tiroir contenait des milliers de papiers, plusieurs jours auraient été nécessaires pour tout examiner. Or, le temps était un luxe qu’ils ne pouvaient s’offrir.
– Nous devons trouver un raccourci.
– Oui, mais lequel ?
Il réfléchit à la question.
– Qui pourrait connaître l’identité d’Omissis ?
– Monseigneur De Bonis, bien sûr, répondit-elle. Mais il est mort.
– Le pape doit également le savoir. S’il a ordonné de placer les documents de Dardozzi sous scellés, c’est parce qu’il avait compris qu’il s’agissait d’une véritable bombe.
– Je crains malheureusement que Sa Sainteté ne soit pas en mesure de répondre à nos questions.
– Mais la personne en qui elle a le plus confiance l’est peut-être, ajouta Tomás, une lueur dans les yeux. Le pape a certainement dû lui faire quelques confidences.
– Vous faites allusion à Ettore, son secrétaire particulier ? L’historien secoua la tête.
– Non. Je pense au numéro deux : le secrétaire d’État.
– Son Éminence ?
– Si le pape a évoqué cette question avec quelqu’un, c’est certainement avec lui, rétorqua Tomás. Il faut en parler au cardinal Barboni.
Tout à fait d’accord avec Tomás, Catherine saisit aussitôt son portable, composa le numéro du Saint-Siège et attendit quelques secondes.
– Flûte ! Ça ne passe pas !
Elle essaya encore à deux reprises puis tenta d’autres numéros, mais rien ne passait. Tomás se leva précipitamment.
– Les lignes doivent être saturées, dit-il. Il vaut mieux y aller. Le Vatican est à deux pas…
Catherine acquiesça et rangea les dossiers dans le tiroir. Puis elle fit signe à son compagnon et se dirigea vers la porte.
– Allons-y.
L’historien resta planté, sur place.
– Non, nous n’y allons pas, la corrigea-t-il. J’y vais.
La chef de la COSEA se tourna vers lui avec une expression de surprise.
– Vous y allez ? Et moi alors ?
– Je ne suis pas certain que le pape ait révélé l’identité d’Omissis au cardinal Barboni. Le temps presse et nous devons aussi poursuivre les recherches dans une autre direction. Si Omissis était l’un des titulaires du compte de la Fondazione Cardinale Francis Spellman, j’aimerais que vous contactiez la fondation afin de vous renseigner sur l’identité des personnes qui étaient autorisées à utiliser ce compte à la banque du Vatican.
– Bonne idée ! approuva Catherine. Je vais tout de suite à mon bureau pour faire des recherches.
Tous deux quittèrent la salle des archives confidentielles de l’IOR, dans la cave du palais des Congrégations. L’auditrice ferma la porte à clé pendant que Tomás appelait l’ascenseur.
– Après avoir parlé avec le cardinal Barboni, je reviendrai ici, dit le Portugais. Sur quel bouton du bâtiment devrai-je appuyer pour que vous m’ouvriez la porte ?
Catherine sortit un objet métallique de son sac.
– Parfois la sonnette en bas ne fonctionne pas, dit-elle. J’ai un double de la clé. Prenez-le.
L’universitaire le mit dans sa poche.
– Je vous le rendrai en revenant.
L’ascenseur apparut enfin et, avec un bruit sourd, la cabine s’immobilisa. Ils entrèrent et Tomás appuya sur deux boutons, celui du rez-de-chaussée, où il s’arrêtait, et celui du quatrième étage, où devait aller la chef de la COSEA.
– Vous pensez vraiment que vous arriverez à rejoindre Son Éminence ?
Le Portugais indiqua la poche de son manteau.
– J’ai toujours le laissez-passer que l’inspecteur Trodela m’a donné. Il devrait encore me permettre d’aller partout au Vatican.
– Certes, mais n’oubliez pas qu’il a donné l’ordre de vous arrêter…
– Ne vous en faites pas, répondit l’historien. À l’heure qu’il est, la police judiciaire doit être très occupée.
En quelques secondes, l’ascenseur arriva au rez-de-chaussée puis s’immobilisa. Tomás poussa la porte, mais il sentit quelque chose qui l’en empêchait. Il se retourna ; Catherine lui retenait le bras avec force et le regardait fixement.
– Je vous en prie, soyez prudent.