LVI

Adossé à la porte, le cœur battant, épuisé par la peur et l’excitation, les muscles des jambes, du dos et des bras endoloris, Tomás n’eut pas le temps de reprendre ses forces. Des voix s’approchaient, de l’autre côté, et il comprit ce qui allait arriver.

– Prêts ? cria quelqu’un à l’extérieur. Avanti !

La porte trembla en un grondement brutal qui fit sursauter le fugitif ; les carabiniers allaient la défoncer sans perdre de temps.

– Reculez, reculez ! ordonna une autre voix masculine.

Reprenez vos positions !

– Mon capitaine, lança quelqu’un, le lieutenant-colonel Marchisio vient de nous communiquer que les blindés de l’Esercito sont prêts à intervenir. Que faisons-nous ?

– Faites-les venir !

Les blindés ! « Pas étonnant », se dit Tomás. S’ils pensaient vraiment qu’il était lié à l’enlèvement du pape, ils feraient tout pour mettre la main sur lui, quitte à utiliser des blindés.

La voix de l’autre côté de la porte gronda de nouveau.

– Prêts ?

La situation s’aggravait. Était-ce vraiment utile de continuer à fuir ? À quoi bon s’entêter ? Ce qui s’était déjà passé ne lui suffisait-il pas ? Il se répéta que la priorité n’était pas de régler son problème personnel, mais de trouver le pape avant minuit. Compte tenu des enjeux, c’était tout ce qui importait.

– Avanti !

La porte trembla de nouveau sous le choc ; elle ne résisterait plus très longtemps. Au bruit assourdissant des moteurs, il réalisa que les carabiniers ouvraient la voie avec des véhicules lourds de l’armée italienne.

– Attenzione ! Laissez passer le tank !

Interloqué, Tomás regarda derrière lui : les seules issues étaient la porte de l’ascenseur et les escaliers à côté.

– Écartez-vous ! Le tank va avancer !

Il entra dans l’ascenseur et appuya sur le bouton du quatrième étage. Puis il en sortit, se mit à dévaler les escaliers et descendit jusqu’à la cave.

– Avanti !

Au-dessus de lui, les voix dans la rue et les bruits étaient devenus plus lointains. Il entendit un nouveau tremblement, plus violent que les précédents. Quelque chose s’était brisé, la porte de l’entrée avait commencé à céder. Elle ne résisterait pas à la quatrième tentative.

Il n’avait que quelques secondes.

Dans le hall de la cave, il passa par la porte du garage, alluma la lumière, ouvrit l’armoire à outils qu’il avait aperçue lorsqu’il était venu avec Catherine et jeta un coup d’œil rapide sur les instruments mécaniques, les pièces détachées et les autres objets qui s’y trouvaient.

Un grondement résonna au loin. Tomás entendit des voix agitées ; les carabiniers avaient fini par pénétrer dans le palais des Congrégations.

– Là-haut ! Il est monté au quatrième étage ! Bloquez les escaliers et appelez l’ascenseur ! Faites évacuer l’édifice !

Le coup de l’ascenseur lui avait permis de gagner un peu de temps, quatre ou cinq minutes peut-être, se dit-il avec un léger sourire de satisfaction.

Il devait agir rapidement.

Il prit la corde qui était enroulée dans l’armoire et la passa autour de son cou, attrapa une petite pioche et un chalumeau portatif de la main droite, tandis que de la gauche il saisit une torche. Il l’alluma pour vérifier le niveau de la batterie ; elle fonctionnait. Il farfouilla hâtivement, mais il n’avait que deux mains et dut se résigner et se contenter de ce qu’il avait.

 

Il sortit du garage d’un pas rapide sans éteindre la lumière, pour qu’elle attire les carabiniers, et emprunta la deuxième porte, celle située entre le garage et les archives secrètes de l’IOR. Il la verrouilla de l’intérieur. Peut-être parviendrait-il ainsi à retarder encore les policiers, voire à les tromper.

L’obscurité était totale.

Il alluma la torche ; la lumière illumina les murs, révélant le tunnel qui passait par le palais des Congrégations. Voilà où commençait le réseau souterrain que Catherine lui avait montré en début d’après-midi. Il tenta de s’orienter, reconstituant mentalement l’espace par rapport à la porte afin de déterminer la direction à suivre.

– Hum…, murmura-t-il. C’est par là.

 

Sans perdre une seconde, il plongea dans les entrailles du Vatican. Il se dirigea vers l’ouest, la lueur de sa lampe dansait devant lui, éclairant son chemin. Le tunnel semblait abandonné, ce qui paraissait normal. Peu de gens connaissaient son existence, et il n’était même pas sûr de pouvoir l’emprunter jusqu’au bout.

L’humidité suintait par les parois et des gouttes tombaient depuis la voûte. Dans les coins, quelques silhouettes fugitives se confondaient avec les ombres, sans doute des rats et des cafards. Ses pas résonnaient comme des tambours assourdissants. Effrayé par le vacarme qu’il faisait en marchant, Tomás ralentit, s’efforçant d’être plus silencieux.

La torche effleurait de temps à autre les parois, mais elle éclairait surtout ses pieds. La lumière était son guide. Soudain, devant lui, une structure métallique grillagée lui barra le passage.

Le portail.