LX

Affolé, Tomás mit la main dans la poche de son pantalon. Il devait faire taire son maudit portable ! Il le chercha désespérément, mais ne le trouva pas suffisamment vite.

– Tu entends ça ? demanda une voix au loin.

Le silence se fit à nouveau. Les deux policiers tendaient l’oreille.

– C’est un portable ! C’est un portable qui est en train de sonner !

– Mais…

– C’est lui !

Tomás se maudit en se saisissant de l’appareil qu’il finit par éteindre maladroitement. Il fallait que ça arrive maintenant, alors qu’il pensait s’être débarrassé des carabiniers ! Qui pouvait bien être l’abruti qui avait eu l’excellente idée de l’appeler à ce moment-là ? Il devait absolument escalader le trou le plus vite possible.

Il continua de monter à la manière d’une araignée géante, centimètre après centimètre, mais avec une telle frénésie que la progression fut relativement rapide. Tous les muscles de son corps lui faisaient mal. Il était conscient qu’il n’arriverait pas à progresser à ce rythme pendant très longtemps. D’autant que ses gestes maladroits détachaient du mur des grains de sable et de pierre.

– On n’entend plus le portable.

– Il l’a éteint. Mais ce type doit être par ici, tu peux en être sûr. Exténué, Tomás s’arrêta quelques instants pour souffler et baissa les yeux ; il vit de nouveau les lueurs qui dansaient en bas. Les carabiniers étaient déjà revenus et examinaient une fois de plus tout l’espace au fond du tunnel. Ils ne tarderaient pas à diriger les torches vers le plafond et à le découvrir. Il rassembla ses dernières forces pour monter au plus vite.

– Tu vois bien qu’il n’est pas là. Si ça se trouve, c’est un portable qui a sonné dehors et on l’a entendu ici parce que…

– Arrête tes conneries, Alfredo ! coupa l’autre. Le bruit venait de l’intérieur du tunnel. Le type est forcément caché par là.

Son cœur battant à tout rompre, plus de fatigue que de peur, Tomás recommença à grimper. Il aurait voulu allumer sa lampe pour voir s’il était encore loin de la partie incurvée qu’il avait vue un peu auparavant, mais il ne s’y hasarda pas.

Au-dessous, la conversation se poursuivait.

– Mais s’il est ici, où diable peut-il se cacher ?

– Je l’ignore. (Il fit une pause.) Tu sais dans quel secteur du Vatican on se trouve exactement ?

– Dans le réseau souterrain, quelle question !

– Stronzo, ça je le sais ! Ce que je veux dire : quel bâtiment se trouve au-dessus de nous ? C’est la chapelle Sixtine ?

Aïe, aïe ! faillit gémir Tomás. S’ils se mettaient à parler de ce qui se trouvait au-dessus d’eux, ils ne tarderaient pas à éclairer le plafond. Il devait se cacher au plus vite.

– Non, la chapelle Sixtine, c’est un peu plus loin.

– Alors où sommes-nous ?

– Eh bien… je dirais que… que…

– Qu’est-ce que c’est que ça ?

Ils se turent et tendirent l’oreille.

– C’est du sable qui est en train de tomber.

– De tomber ? Mais d’où ?

Soudain, Tomás fut ébloui par les lampes torches des carabiniers qui venaient de le localiser.

– Qu’est-ce que c’est que ça ?

– C’est… c’est lui ! Il est là-haut, tu ne vois pas ?

Grâce à la lumière, Tomás put enfin distinguer la courbe qu’il cherchait à atteindre ; elle se trouvait à moins de deux mètres au-dessus de lui. Les muscles de ses jambes, de ses bras et de son dos étaient durs et lourds, mais il leur faudrait faire un dernier effort.

– Stop ! ordonna l’un des policiers, en criant en l’air. Descends de là !

Il ne restait qu’un mètre et demi à Tomás.

– Tu n’entends pas ? insista le carabinier. Descends immédiatement !

– Dis donc, fit observer l’autre, s’il est arabe, le type ne comprend peut-être pas l’italien…

– Stop ! répéta le premier. Come down ! Now !

Un mètre.

– Cazzo ! jura l’autre. Où diable va-t-il ?

– Est-ce que je sais ? Où sommes-nous en fin de compte ? Quel est le bâtiment au-dessus ?

Son compagnon réfléchit durant un court instant.

– C’est… c’est le Palais apostolique.

– Quoi ?

– Le type est en train de monter vers le Palais apostolique. Cinquante centimètres.

– Madonna ! On ne peut pas le lâcher !

– Qu’est-ce qu’on fait ?

– On ne peut pas le laisser monter dans la résidence officielle du pape…

– Tu sais bien que le pape ne vit plus ici maintenant.

– Mais il y a Son Éminence, se souvint l’autre, faisant allusion au secrétaire d’État. Il faut l’arrêter !

Tomás y était presque.

On entendit un clic métallique.

– Je tire.

– Tu es fou ?

– C’est un terroriste, Alfredo ! Nous ne pouvons pas le laisser pénétrer dans la résidence officielle du pape ! C’est impensable !

– Porco dio, tu as raison ! Abats-le !

Un coup de feu résonna. Tomás, qui avait déjà les deux bras dans le passage coudé et s’apprêtait à se hisser, sentit le projectile se loger dans la paroi, sur sa droite, et des éclats de pierre l’atteignirent au visage. La prochaine fois, il aurait moins de chance.

– Recommence !

Un nouveau coup de feu éclata dans le tunnel, mais Tomás avait déjà atteint la courbe dans laquelle il s’était glissé. Son cœur battait à tout rompre.