Tomás avait noté le résultat sur un bloc-notes et il se gratta la tête, l’air perplexe. Les lettres qu’il avait écrites étaient censées dévoiler l’identité d’Omissis, mais la solution n’avait aucun sens.
Il secoua la tête, refusant de croire ce qu’il voyait. De toute évidence, l’inconnu ne pouvait pas s’appeler lgbbczk. Ce charabia ne signifiait rien. Donc la méthode qu’il avait utilisée n’était pas la bonne.
Il leva les yeux vers le petit écran. La messe se déroulait à l’intérieur de la basilique Saint-Pierre et le cardinal Barboni, agenouillé, les mains tremblantes et les larmes aux yeux, priait. L’émotion qui se dégageait de cette scène en était suffocante et, incapable de la regarder, Tomás détourna le regard. Il jeta un coup d’œil sur l’horloge incrustée dans le coin de l’écran, à côté du logo de la BBC ; il serait minuit dans vingt-cinq minutes.
Vingt-cinq minutes avant la mort du pape.
Il avait certainement utilisé la bonne méthode, se dit-il pour essayer d’avancer, mais le point de départ était erroné.
Pour déchiffrer le message, il fallait très probablement ne commencer ni par le A du disque Stabilis, ni par le g du Mobilis. La première lettre devait forcément être une autre.
Mais laquelle ?
Il ne pouvait pas non plus ignorer le problème posé par le G entre parenthèses à la fin du message chiffré. Les deux seules lettres majuscules qui n’alternaient pas avec des minuscules étaient les finales, le K et le G entre parenthèses, ce qui rendait celle-ci doublement singulière. Mais dans quel but ?
Comprenant que la clé devait se trouver dans la photocopie de la page du De Cifris, Tomás redoubla d’attention pour étudier l’image du cadran d’Alberti.
Y avait-il dans ce dessin, réalisé plus d’un demi millénaire plus tôt, un indice quelconque indiquant par quelle lettre commençaient les alphabets insérés dans les deux disques concentriques, et qui permettrait de déchiffrer le message ? Le A majuscule du Stabilis, choix évident parce qu’il s’agissait de la première lettre de l’alphabet et qu’il se situait au sommet du disque d’Alberti, était une fausse piste. En analysant très attentivement le dessin, Tomás se concentra pour la première fois sur l’espèce de fioriture au centre du disque, dans l’espace situé à l’intérieur des deux séquences alphabétiques.
Qu’est-ce que ça pouvait bien être ?
On y voyait un grand cercle et un demi-cercle, plus petit, au-dessus. Les deux anneaux semblaient unis par une espèce d’arabesque qui se terminait par une pointe en haut, tournée vers la droite, comme si elle montrait quelque chose.
Comme si elle montrait.
– Hum…
Et si elle montrait vraiment quelque chose ?
Tomás se gratta le menton, pensif. Que pouvait bien indiquer cette pointe ? Il la prolongea mentalement jusqu’aux deux alphabets du cadran chiffrant. Elle indiquait les lignes situées avant le t du Mobilis et le G du Stabilis.
La lettre G ?
Il regarda aussitôt le message chiffré, comme s’il cherchait une confirmation.
C’était bien ça, le G entre parenthèses.
Il se leva lentement et ouvrit la bouche, entrevoyant une solution.
– Serait-ce… ?
Il se sentait bouillonner d’enthousiasme, d’excitation, d’impatience, de nervosité et de tant d’autres choses encore. Il ne pouvait pas s’agir d’une coïncidence. Le bout de l’arabesque au centre du disque désignait la lettre G de l’alphabet du Stabilis. Le même G qui se trouvait entre parenthèses dans le message chiffré.
Le même G.
Cela ne pouvait définitivement pas être une coïncidence. L’auteur du code avait laissé le G entre parenthèses parce qu’il constituait, non un élément du message chiffré, mais une piste indiquant la première lettre de l’alphabet du Stabilis.
Tomás reprit son stylo et aligna frénétiquement les trois alphabets sur une nouvelle page de son bloc-notes. Il commença par l’alphabet normal, comme l’exigeait le protocole de déchiffrement polyalphabétique du chiffre d’Alberti, puis ceux des disques Stabilis et Mobilis, mais cette fois en commençant par les bonnes lettres, celles que désignait la pointe de l’arabesque au centre du cadran chiffrant. C’est-à-dire le G du Stabilis et la lettre qui se trouvait en dessous, à savoir le t du Mobilis.
Il reprit le processus de déchiffrement, toujours en suivant le protocole d’Alberti. La première lettre du code étant le O, il la chercha dans l’alphabet du Stabilis, puis identifia celle qui lui correspondait dans l’alphabet normal, à savoir le F.
Il écrivit sur son bloc-notes.
Puis, il passa à la deuxième lettre du message, le t, qu’il trouva aussitôt dans l’alphabet du Mobilis, car il s’agissait de la première lettre, à savoir le A de l’alphabet normal.
Il écrivit.
Il en vint à la troisième lettre du code, puis procéda ainsi jusqu’à ce qu’il eut déchiffré tout le message. Il avait écrit mécaniquement, sans chercher le moindre sens à ce qu’il faisait, et ce n’est que lorsqu’il eut achevé l’exercice qu’il s’arrêta pour regarder le résultat final.
Il avait enfin déchiffré le code.