LXXXIX

Le pape était enfermé au sein même du Vatican !

La conclusion était surprenante mais tout à fait logique. Retenir le souverain pontife à l’intérieur des murailles léonines était le meilleur moyen de tromper les autorités qui recherchaient le chef de l’Église partout ailleurs, remuant Rome et sa banlieue de fond en comble, mais ignorant totalement la basilique Saint-Pierre, le cœur de la chrétienté, le lieu où le premier pape avait été crucifié et où le dernier allait être égorgé.

Cela expliquait aussi l’attaque dont Tomás avait été lui-même victime dans l’après-midi, lorsque les terroristes l’avaient séquestré pour l’interroger. Le fait que les ravisseurs le capturent dans la basilique l’avait laissé perplexe : que faisaient encore les terroristes dans la basilique ? Pourquoi étaient-ils revenus sur les lieux du crime ? Sur le moment, cela n’avait pas semblé important, mais à présent la réponse était claire. En réalité, ils n’en étaient jamais sortis.

Le commando avait emmené le pape dans les catacombes et le retenait à l’endroit même où se trouvait le trophée de Gaius, là où Pierre aurait été enterré et où, quelques heures auparavant, Tomás avait découvert ce qui pourrait être les ossements du plus important disciple de Jésus.

Mais il y avait plus. « Pierre a été le premier pape, que je ne sois pas le dernier », avait dit le souverain pontife. Cette phrase contenait une information supplémentaire. En disant qu’il espérait ne pas être le dernier, le pape semblait indiquer que ses ravisseurs avaient l’intention de l’exécuter là même où avait été enterré le fondateur de l’Église. L’intelligence avec laquelle le souverain pontife avait distillé toutes ces informations dans sa courte déclaration sans que ses ravisseurs s’en aperçoivent remplit Tomás d’admiration, mais…

Aurait-on assez de temps pour le sauver ?

Fébrile, l’historien regarda sa montre. Elle indiquait 23 h 50. Dix minutes.

Il disposait d’à peine dix minutes pour sauver le pape. Angoissé, les mains tremblantes, il saisit son portable et rechercha une nouvelle fois le numéro de l’inspecteur Trodela. Il appuya sur la touche d’appel et entendit deux sonneries.

– Allô ?

La voix lui était désormais familière.

– Inspecteur Trodela ? Ici Tomás Noronha. Je viens de découvrir le…

– Encore vous ? coupa le policier d’un ton plein de lassitude. Che fastidia ! Je n’ai jamais rencontré quelqu’un d’aussi agaçant ! Mama mia !

– Écoutez, inspecteur…

– Vaffanculo, professeur ! Vaffanculo !

– Écoutez, inspecteur, j’ai découvert l’endroit où se trouve le pape ! Vous avez entendu ? Il est dans les catacombes de la basilique, juste sous l’autel papal, dans la partie de la nécropole chrétienne qu’on appelle le trophée de Gaius, ou trophée de Pierre. Vous devez y aller et le sauver ! (Il fit une pause, attendant la réponse.) Vous m’entendez, inspecteur ? Allô ? Allô ?

La ligne resta muette, le responsable de la police judiciaire lui avait raccroché au nez. Il n’avait même pas écouté ce qu’il avait à lui dire. À peine s’était-il rendu compte que c’était Tomás, qu’il lui avait asséné ses insultes habituelles et avait raccroché.

Le Portugais chercha frénétiquement dans sa liste de contacts. Catherine Rauch. Il appuya sur la touche d’appel. Après deux sonneries, il entendit le même message que plus tôt. « Le numéro que vous avez composé n’est pas disponible actuellement. Veuillez laisser… »

– Oh, non !

La Française refusait encore de répondre.

Lorsqu’il entendit le bip du répondeur, Tomás hésita. À quoi bon lui laisser un message alors qu’il devait absolument lui parler maintenant ? D’un autre côté, qu’avait-il à perdre ?

– Catherine, c’est Tomás, dit-il rapidement, d’une voix confuse. Le pape se trouve dans le trophée de Pierre, dans le secteur des catacombes situées sous le maître-autel de la basilique et c’est là qu’il sera exécuté. J’ai appelé l’inspecteur Trodela, mais il n’a même pas voulu m’écouter. Il m’a raccroché au nez. Dès que vous entendrez mon message, contactez la police, s’il vous plaît.

Il raccrocha et regarda sa montre.

Huit minutes.