> Au beau fixe ?
Avant de partir pour l’école, je n’avais toujours pas de nouvelles de l’état de santé de Grand-Papi.
Mom dit qu’on lui a fait passer des tests.
On essaie de comprendre pourquoi son pouls est si rapide et pourquoi il fait tant de fièvre.
Paraît qu’il a fait des blagues au goût douteux, ce qui signifie qu’il ne va pas si mal.
(...)
J’ai croisé Lara ce matin, elle est super nerveuse pour son lancement.
Ce n’est pas le mien et j’ai une nuée de papillons dans le ventre qui veulent migrer vers les chauds pays !
Quand je dis qu’elle est nerveuse, c’est pas des blagues, elle a vomi.
Je lui ai conseillé de ne pas s’inquiéter, parce que tout allait super bien se passer, que c’est un événement positif et qu’elle doit en profiter au maximum.
C’est une des plus grandes journées de sa vie !
Je suis tellement plus enthousiaste qu’elle.
Je lui ai promis de l’aider à traverser ce moment. Une fois les premières minutes passées, elle se sentira mieux.
Je vais l’accueillir dans le gymnase comme une championne.
Je vais me déguiser en cheerleader et, tenant dans chaque main une marmotte morte trouvée sur le bord de l’autoroute, je vais chanter : « Donne-moi un L, donne-moi un A, donne-moi un R, donne-moi un A, L-A-R-A, LARA ! »
Et je vais souffler dans un vuvuzela à des moments inopportuns tout en criant des statistiques cocasses comme:« 70% des femmes ne portent pas la bonne taille de soutien-gorge ! »
Je devrais réussir à faire dévier l’attention de la pauvre Lara vers moi.
(...)
Je n’ai rencontré qu’une seule fois Mathieu « par hasard» cet avant-midi.
Il dit qu’il aimerait qu’on parle.
– Vas-y, je t’écoute.
– Pas ici. En privé.
– Genre où ? Dans ta chambre pendant que ton frère a l’oreille collée au mur pour écouter notre conversation?
– Tu penses qu’il fait ça ?
– J’en suis sûre.Tu n’as pas remarqué qu’il avait toujours une oreille plus rouge que l’autre ?
– Oui. Je pensais que c’est parce qu’il la maquillait.
– La maquillait ? Qui maquille ses oreilles ?
– Mon frère.
– Ah bon.
– Il est excentrique.
– Je n’ai pas remarqué.
La cloche a sonné, il a fallu qu’on s’éloigne l’un de l’autre.
– Je veux vraiment te parler, m’a répété Mathieu. De quelque chose de super important.
– Tu as trouvé un remède contre le cancer ?
– Hein ? Oh, non.
– Alors tu n’as rien à me dire. Je suis entrée dans mon casier et j’ai refermé la porte. Par les orifices, j’ai observé l’air déconcerté de Mathieu après l’avoir laissé en plan.
Qu’est-ce qu’il peut bien avoir de si important à me dire ? La canaille, il a piqué ma curiosité !
– C’est juste un moyen qu’il a trouvé pour avoir ton attention, Kim a dit.Tu as bien fait de le repousser.
– Peut-être, mais s’il avait quelque chose de vraiment important à me dire ?
– Important comme quoi ? Tant qu’il n’y aura pas d’incendie dans tes cheveux, il n’y aura rien qui mérite de lui accorder l’attention qu’il souhaite. Passe à autre chose. Il y a plein de gars intéressants à l’école.
– Pas comme Mathieu.
– Mais oui. Regarde le gars au fond de la classe.
– Le roux avec les cheveux frisés ? Benoît ?
– Oui. Lui est intéressant.
– Il passe tous ses temps libres à dessiner des champignons nucléaires dans ses cahiers d’exercices avec son portemine.
– Je sais. Et il frotte un peu de salive dessus pour leur donner des dégradés de gris.
– Ça me dégoûte, moyen.
– Tu n’es pas une fille superficielle. Regarde au-delà de ce comportement révoltant.Va le voir.Va lui parler. Inté ressetoi à ce qu’il fait. De toute façon, ce sera ton rebond. Ça ne va pas durer longtemps.
– Mon rebond ? C’est chien, il n’est pas si gros que ça.
– Je n’ai pas dit qu’il allait rebondir comme un ballon. Je te parle d’une théorie amoureuse. Le rebond est la personne avec qui on sort après avoir vécu un grand amour. C’est une relation qui ne dure pas, c’est comme juste pour se prouver qu’on peut encore être désirée par quelqu’un.
– Et tu veux que mon rebond soit un obsédé de la bombe atomique qui bave sur ses dessins ?
– Pourquoi pas ? Je sais que tu peux aller au-delà de l’image.
– Pas cette fois. Il me fait un peu peur, Benoît.
J’en suis donc rendue à un point où j’aimerais être seule avec Mathieu pour discuter, mais où je ne devrais pas parce que, selon Kim, c’est juste un moyen qu’il utilise pour m’hameçonner.
Je fais quoi ?
Pour l’instant, je retourne en classe, la cloche vient de sonner.