Stratégies efficaces pour les parents

LA PLANIFICATION EST UN ÉLÉMENT CRUCIAL

Examinons d’abord quelques situations typiques dans les familles canadiennes:

Mike et Wendy, tous deux professionnels vers la fin de la trentaine, ont trois enfants, une belle maison dans un quartier recherché, de bons voisins — et un problème. Leur fils de 14 ans, Jeremy, les inquiète depuis un certain temps. Depuis qu’il est en 9e année, l’<< ancien >> Jeremy, celui qui aime s’amuser, qui réussit assez bien à l’école, qui remporte des médailles de soccer, qui joue dans un groupe de musique, qui collectionne des bandes dessinées et des personnages Lego semble avoir disparu. Maintenant, il est toujours sorti ou passe son temps sur l’ordinateur avec ses nouveaux amis (désagréables) du secondaire, et délaisse ses devoirs. D’ailleurs, ses notes s’en ressentent. Tous les contacts avec ses parents virent vite en dispute, et plus ses parents tentent de le faire obéir, plus il se rebiffe et se fâche. Mike et Wendy ne sont pas des parents désagréables, mais ils veulent que leur fils voie les choses comme eux. Ont-ils tort de vouloir que Jeremy mange bien et dorme suffisamment, qu’il réussisse à l’école et n’ait pas d’ennuis? Pourquoi leur fils rend-il les choses si difficiles?

Miranda vit une situation semblable avec sa fille Stéphanie. En tant que mère célibataire, Miranda doit conjuguer son travail et ses deux enfants, et Stéphanie semble exiger plus que sa part de l’énergie de sa mère. Sa chambre est un champ de bataille, elle n’est jamais à la maison lorsque vient le temps des corvées importantes, elle passe ses soirées en ligne avec ses amies ou sur son cellulaire, etc. Miranda ne sait pas comment accorder à sa fille suffisamment de liberté pour sortir avec ses amies et s’amuser et, en même temps, exiger qu’elle assume ses responsabilités à la maison. Stéphanie a un petit ami depuis peu. Il est âgé d’un an de plus qu’elle et Miranda se demande jusqu’à quel point elle peut leur faire confiance lorsqu’ils sont seuls à la maison ou sortent ensemble. Tout comme Jeremy, Stéphanie semble s’être désintéressée des devoirs et des activités qu’elle aimait auparavant, comme la chorale et le patin. Comment Miranda peut-elle superviser sa fille sans l’étouffer par la même occasion?

Fatim et Harshil semblent vivre d’autres difficultés. Depuis leur établissement au Canada il y a cinq ans, ils ont été témoin de l’adaptation de leur fille aînée, Noor, à son nouvel environnement. Déjà, elle parle l’anglais plus couramment qu’eux et elle s’est adaptée à des coutumes que ses grands-parents n’auraient jamais admises. Fatim veut surtout que Noor soit plus respectueuse des traditions et coutumes de la famille, mais elle semble plus intéressée par ses amies – leurs vêtements, fêtes, musique, maquillage et langage — que par les valeurs prônées par ses parents. Elle affirme qu’on la confine à la maison alors que ses amies sont beaucoup plus libres. Elle se plaint que ses parents sont injustes. S’ils sont heureux d’avoir trouvé un pays où leur fille est en sécurité et peut s’épanouir et s’exprimer, ils s’inquiètent du fait qu’elle délaisse leurs valeurs. Ils craignent que si Noor a toutes les libertés accordées aux Canadiennes, elle abandonnera les valeurs qu’ils ont travaillé si fort pour préserver. Comment Fatim et Harshil peuvent-ils accorder à Noor ce qu’elle désire sans sacrifier les coutumes et les traditions qui leur sont chères?

Ça vous dit quelque chose? Si vous êtes parent d’un adolescent (ou tuteur, grand-père, grand-mère, tante, oncle ou ami d’un adolescent), je suis certain que vous vivrez des situations semblables. Même si les problèmes ou les conflits semblent familiers, les approches et les solutions pour en venir à bout ne le sont souvent pas.

Les familles dont il est question dans ces exemples font face à des changements soudains lorsque leur adolescent est à la recherche de sa propre identité et abandonne graduellement son rôle d’enfant au sein de la famille. Les adolescents n’ont pas de parcours précis en tête ni de guide à suivre; ils sont happés par la culture dominante des jeunes, la curiosité et les nouvelles expériences. Leurs tests des limites établies, leurs sautes d’humeur et leur attitude très critique font souvent partie de cette transformation, mais vos valeurs, votre affection, l’exemple que vous montrez, le temps que vous leur accordez et les conseils que vous leur prodiguez influencent grandement leurs décisions et leur comportement. Concentrez-vous sur la situation dans son ensemble (la maturité et l’autonomie de votre adolescent), et acceptez que ce cheminement ne soit pas chose facile.

Les parents sont souvent bombardés de conseils, de mises en garde et de critiques sur la façon d’élever les enfants. Nous avons cependant bien peu l’occasion de réfléchir à l’éducation de nos propres enfants. Nous nous fions le plus souvent aux méthodes connues de nos parents (même si elles nous rappellent de mauvais souvenirs) tout simplement parce qu’on ne sait plus qui croire — les émissions télévisées, les nombreux magazines sur l’art d’être parent, les sites Internet innombrables, les sites de chat et les bulletins électroniques à l’intention des parents. Il nous arrive de simplement retenir notre souffle et de réagir lorsque des difficultés surviennent au lieu de réfléchir à notre rôle et de planifier notre approche face aux situations délicates avec notre adolescent.

Les nouveaux rapports de votre jeune avec ses amis posent de nouveaux défis. Même si ses camarades peuvent avoir une influence positive sur lui et vice-versa, vous savez que ses occasions de consommer du tabac, de l’alcool et d’autres drogues, d’avoir des relations sexuelles non protégées et d’adopter des comportements délinquants s’en trouvent augmentées. Vous faites alors face à un tout autre ensemble de problèmes et d’inquiétudes.

Si cette perspective peut sembler sombre, n’oubliez pas que vous continuez à exercer une grande influence sur le comportement et les décisions de vos enfants, et ce, durant l’adolescence et au-delà. Vos rapports se transforment évidemment, mais ce processus n’a pas à être pénible ni déplaisant — en fait, les changements que vous vivez tous deux sont parmi les plus importants, précieux et durables.

GARDER LE CONTACT AVEC SON ADOLESCENT

C’est à la suite de mon expérience et de celle de mes collègues passée à écouter les adolescents dans le but d’élaborer des stratégies éducatives pour renforcer des rapports sains et réduire les comportements risqués que j’ai eu l’idée de rédiger ce livret. En résumé, les jeunes sont avides de conseils pour être acceptés par leurs camarades — de même sexe ou de sexe opposé — sans commettre d’erreurs qui pourraient les mettre dans le pétrin ou entraîner leur rejet. Ils sont aussi avides de renseignements sur les choix qu’ils peuvent faire devant les nouvelles pressions et attentes (relations sexuelles, consommation d’alcool ou de drogues, mauvais traitements par des camarades ou un partenaire intime). Par contre, ces jeunes doivent avoir confiance dans leur source d’information, se sentir compris, savoir que l’on respecte leurs opinions et avoir, dans une certaine mesure, leur mot à dire dans leurs décisions. Bref, ils ne veulent pas se faire dire seulement << tu n’as qu’à dire non >> ou << parce que c’est moi qui décide >>.

Les jeunes disent souvent qu’ils voudraient que leurs parents fassent plus d’efforts pour comprendre les pressions qu’ils vivent à l’école, à la maison et dans la collectivité. Durant les discussions en classe, je les entends souvent dire: << Mes parents doivent savoir ça! >> Ils se plaignent souvent du fait que leurs parents réagissent rapidement lorsque vient le temps de fixer des règles et des punitions, mais ne semblent pas prendre le temps de vraiment les écouter ni de les aider à résoudre leurs problèmes (par exemple: << Puis-je aller à une fête vendredi soir? >>). Ils pensent parfois que leurs parents entretiennent une vision dépassée de l’adolescence, tirée de leur jeunesse, ou pire encore qu’ils se fient aux manchettes des journaux parlant de tragédies pour prendre des décisions injustes et non fondées. Je ne dis pas qu’ils ont raison. Je veux simplement vous faire comprendre comment ils voient les choses.

Pour éviter ces problèmes, certains adolescents trouvent plus facile de se créer une façade afin d’éviter les soupçons et de toujours montrer le même visage à leurs parents. En cachant leurs nouveaux intérêts, amis et expériences, ils croient que leurs parents n’y verront que du feu et qu’ils seront plus heureux ainsi.

Un adolescent qui adopte cette approche peut savoir par exemple que son père ou sa mère s’inquiètera s’il assiste à une fête. Il préparera alors une phrase toute faite du style: << Les parents de Pat seront là. Il n’y aura pas d’alcool ni de drogues. Tu sais que je n’en prends pas. Tu peux me faire confiance. Pas besoin d’appeler les parents de Pat. >> Cette approche est fondée sur le vieil adage qui dit: << Moins on en sait, mieux on se porte. >> Pour un parent qui ne soupçonne rien, ceci le rassurera et lui confirmera que son jeune est plus digne de confiance et responsable que les autres (jusqu’à ce que l’inévitable se produise).

D’autres jeunes sont plus directs et conflictuels, et choisissent tout simplement d’enfreindre l’autorité parentale et d’invoquer haut et fort leurs nouveaux statut et privilèges. L’attitude du << et puis après? >> et du << je m’en fiche >> peut améliorer leur statut auprès de leurs camarades et imposer une nouvelle relation avec les parents. Ces jeunes sont plus susceptibles d’être les << entrepreneurs >> en montrant la voie à leur groupe d’amis dans leurs expérimentations de drogues, de relations intimes et d’activités sexuelles.

Lorsque cette personnalité de << meneur >> se manifeste au début de l’adolescence, cela implique bien entendu de nombreux risques. Non seulement s’agit-il ici des risques directement liés à ces activités (par exemple la grossesse, les infections transmises sexuellement, les blessures et la toxicomanie), mais aussi des risques indirects (par exemple la baisse des résultats scolaires, la violence, l’intimidation et la délinquance) que certains jeunes ignoreront totalement ou minimiseront, en se concentrant plutôt sur leur nouveau statut auprès de leurs camarades.

Personne ne connaît votre enfant mieux que vous. Vous savez qu’il n’y a pas de recette miracle, de méthode universelle et que les erreurs font partie de la vie. Vous avez appris à élever votre enfant au fil des ans. Vous devez maintenant poursuivre votre apprentissage: Qu’est-ce qui est normal? Qu’est-ce qui change? Quel rôle devez-vous jouer durant cette étape? Même si le parcours n’est pas facile, quelques stratégies simples peuvent vous guider lorsque vous vous heurtez à de nouvelles situations. Cet ouvrage aborde ces problèmes du point de vue du développement normal de l’adolescent; il est fondé sur les résultats de recherches et l’expérience de l’auteur en tant que parent d’adolescents. Il vous fournit des conseils pratiques pour renforcer votre relation avec votre adolescent et réduire le plus possible les conflits.

L’information que renferme ce document a pour but de vous faire réfléchir aux stratégies que vous utilisez avec votre adolescent, et peut-être à en changer quelquesunes, tout comme nous demandons aux adolescents de penser à leurs stratégies et de les revoir pour prendre des décisions sécuritaires et saines. Il n’y a pas de solutions faciles ni de remèdes miracles, mais il existe des stratégies simples qui ont plus de succès que d’autres pour favoriser le sens des valeurs et des responsabilités chez votre enfant. L’information et l’ouverture d’esprit sont un bon point de départ.