Mes confrères de la Société des études historiques de Paris ont accueilli avec faveur d’abord : les Registres d’une famille péronnaise puis les Lettres d’un lycéen et d’un étudiant de 1848 à 1852. Ce bienveillant accueil m’encourage à faire imprimer, pour cette Société et un cercle restreint d’amis, de vieilles notes griffonnées en 1869, 1870 et 1871 ; j’ai complété par mes souvenirs celles peu fournies de mai 1869 à mai 1870, et j’ai augmenté les autres, quoique déjà très nombreuses, au moyen d’extraits de lettres, presque quotidiennes, envoyées par moi en province pendant le siège de Paris et la Commune.
J’ai fait suivre d’annotations beaucoup de ces notes afin de les éclairer et les mettre plus en relief.
Enfin, j’ai donné à ma modeste gazette le titre de : Griffonnages quotidiens d’un bourgeois du Quartier latin parce que la plupart du temps ces griffonnages parlent de ce qui s’est passé dans ce quartier ; mais je n’ai pas voulu pour cela écarter d’autres notes relatives à quelques faits privés ou généraux, à mes voyages en Picardie et en Flandre après la guerre, à ma profession d’avocat, etc.
J’espère que ce travail ne sera pas considéré comme trop indigne de figurer à côté des remarquables travaux envoyés annuellement à la Société des études historiques.
Je ne suis pas cependant exempt d’une certaine appréhension, car mes confrères peuvent trouver fort étrange une étude historique qui ne relate bien souvent que de minces détails, de très menus faits sans importance. Pour combattre cette impression fâcheuse je me permets d’invoquer l’autorité de mon confrère Edmond Rousse, ancien bâtonnier du barreau de Paris et membre de l’Académie française,
Voici, en effet, ce qu’il a écrit dans le préambule de ses charmants et émouvants Souvenirs de 1870 et 1871 : « Pour moi, je pense que dans les grands événements qui bouleversent tout un peuple, il n’est si petit citoyen qui ne doive à la vérité son témoignage. Le fait qu’on vient de voir, le discours qu’on vient d’entendre, l’émotion dont on est encore agité, les propos du quartier et la rumeur du carrefour, tout peut avoir après nous sa place et son prix ; on ne sait pas dans quelles mains ces simples récits tomberont un jour et ce qu’un historien en saura faire. »
Ainsi encouragé j’ose, petit citoyen, apporter mon témoignage dans ce modeste livre ; je prie mes confrères de l’accueillir encore favorablement, quoique rédigé souvent en un style trop familier et trop cru ; mais c’est l’écho fidèle des propos de la rue, des rumeurs de carrefour.
Henri DABOT
Paris, 1er janvier 1895