Abraham rouvrit les paupières une éternité plus tard, à la fois soulagé et horrifié de se découvrir encore vivant. La souffrance envoyait des vrilles dans ses nerfs et la peau déchiquetée de son dos. Il respirait, mais mal, le nez et la gorge cartonnés de poussière. Son bassin et ses jambes tressautaient sur le sol dur. Dans sa brume de douleur, il comprit qu’on l’avait décroché et qu’on le tirait à présent par les chevilles à travers le saloon. Il tenta en vain de se débattre pour se libérer et, les yeux larmoyants, de voir qui le traînait ainsi. Il ne parvint même pas à soulever la tête. Incapable de lutter, il sombra à nouveau dans l’inconscience. Juste avant, il entendit Belle qui ordonnait :
— Amenez aussi son cheval !
Un seau d’eau glacée le réveilla. Il s’entendit crier, à distance, comme s’il s’agissait d’un autre ou d’un chiot qui couinait. Pendant un long moment, il ne comprit pas où il était ni ce qui lui arrivait. Rien n’avait de sens dans ce qu’il distinguait entre ses paupières à moitié collées. Il était dans le désert rouge, à la lisière de la ville fantôme, de nouveau calme et silencieuse, et le soir tombait. Des ombres s’étiraient, immenses, derrière les silhouettes de ses anciens camarades. Celle de Belle, blanche, était reconnaissable entre toutes… Mais ses compagnons se tenaient à l’envers.
Lentement, à force de lutter pour éclaircir ses pensées, une image de lui-même se matérialisa dans son esprit. On l’avait attaché, tête en bas, sur une structure en bois. Du barbelé était enroulé autour de son corps. Il avait mal partout. Sa chair n’était plus qu’une plaie. Le pire restait sa tête. Des aiguillons lui perforaient le crâne comme si on lui avait planté des couteaux dans le cuir chevelu… La douleur pulsait jusque dans ses dents. Terrifié, il pensa qu’on l’avait scalpé. Il se mit à trembler, s’efforça de s’arrêter, car cela stimulait la douleur, mais n’arrivait plus à se contrôler. Un vertige le saisit. Il eut l’impression qu’il basculait. Les liens le retinrent solidement. Son sang coulait sur son corps martyrisé et formait une flaque sombre sur le sol, sous lui.
— Comment tu te sens ?
La voix de Belle, joviale.
— Tu… es folle.
Ses mots tombèrent comme son sang dans la poussière. Sans aucune force. Impuissants.
— La Harpiste t’a… ensorcelée.
— Nous t’avons fait un cadeau, poursuivit Belle. Devine lequel.
Avait-elle seulement entendu ses phrases ?
— Je ne sais pas… répondit-il d’une voix rauque.
Réfléchir était au-dessus de ses forces.
— Fais un effort ! C’est facile. Que désires-tu ? Quel est ton rêve ?
— Retrouver… Jarod.
Belle claqua de la langue, agacée. De la cravache, elle tapota sa botte.
— Jarod n’existe pas.
— C… Comment ?
— Un homme-chien existe, mais il n’a plus de nom.
— Arrête…
Il avala péniblement du sang.
— Devine, Abraham, le cadeau que nous t’avons fait.
Et il sut. Il comprit. La peur l’inonda des pieds à la tête. Les tremblements convulsifs le faisaient s’agiter sur la croix. La douleur, sur son crâne, comme des fourmis enflammées qui piétinaient dans ses cheveux, comme si on lui avait planté des aiguilles dans le cuir chevelu…
— La greffe… balbutia-t-il.
— Oui ! s’exclama Belle. Félicitations ! Tu as trouvé. Ce n’était pas bien difficile.
— Quel… organe ?
Mais il savait. Dès le début, il s’en doutait. Depuis son monstrueux éveil, crucifié à l’envers dans le désert rouge.
— Earl a opéré avec beaucoup de soin. Nous espérons tous que la greffe va tenir.
— Quelle greffe ? insista-t-il.
— Du crin de cheval ! lui répondit Earl en riant. Nous t’avons greffé quelques brins de la crinière d’As-de-Pique.
La bande éclata de rire. Abraham, nauséeux, tenta de trier ses pensées affolées. C’était stupide. Une simple mauvaise blague. As-de-Pique était un mustang, un…
Une créature de l’Ouest, oui, née à Nacarat, peut-être même capturée à Symphonie.
Il tâcha de dominer sa peur.
Personne ne greffait les chevaux. Comme les derviches, les bisons et quantité d’autres créatures, la greffe de leurs organes ne réveillait aucun pouvoir ou bien des dons mineurs ou sans intérêt. La perspective d’un rejet ne valait pas la prise de risque. Les mustangs de Nacarat avaient toujours été considérés comme meilleure monture que réservoir de magie.
— Ça ne… me fera… rien, exhala-t-il.
— Peut-être ? Peut-être pas. C’est ton problème, lui répondit Belle. J’aimerais continuer à m’occuper de toi, mais la nuit tombe et nous allons devoir nous retirer provisoirement. Nous reprendrons le spectacle au matin… Si tu es toujours parmi nous.
Sa voix baissait comme de l’obscurité se massait au coin des yeux d’Abraham. Il allait sombrer à nouveau.
Oui, pensa-t-il, que ça cesse… Que ça cesse enfin…
Ses camarades s’éloignèrent en direction du saloon, l’abandonnant à la seule surveillance de Noah. Le soleil n’allait pas tarder à disparaître. Abraham perdit brièvement conscience. Quand il rouvrit les yeux, il faisait noir. Noah, sa tête encagée, était tourné vers lui.
Comme si je pouvais aller quelque part, songea Abraham.
Il souhaita mourir. S’il n’expirait pas avant l’aube, son calvaire prendrait des proportions abominables. Il fallait qu’il meure. Mais son corps saignait et pleurait et tremblait, et il ne mourait pas.
— A… bra… ham…
Il crut que la voix rauque appartenait à un démon venu le chercher pour le haler au cœur des enfers.
Tu es déjà en enfer ! lui asséna sa petite voix.
— Tu dois… te libérer.
Jarod ?
Venait-il réellement d’entendre la voix de son frère ou l’avait-il hallucinée ?
Une sueur huileuse lui couvrait le visage. Elle lui piquait les yeux, coulait dans sa bouche. Sa langue pouvait cueillir un mélange de sel, de morve et de larmes sur ses lèvres craquelées. Surtout, il n’arrêtait pas de trembler. Pourtant, la voix de Jarod avait rallumé quelque chose en lui, un espoir fou.
Vivre. Vivre. Vivre.
Mais pour cela, il devait réussir à se détacher.
Clignant des yeux, il tâcha d’apercevoir le visage de Noah entre les barreaux de la cage. L’oiseau s’était endormi. Et l’humain ?
Il rêve, pensa-t-il. Depuis notre rencontre avec la Harpiste, ils sont tous dominés par leur malédiction… Il doit planer quelque part dans les rêves d’Astraios.
— D’accord…
Abraham prit une inspiration sifflante.
— Je vais essayer.
Il accomplit alors l’effort le plus violent de sa vie : il bougea le bras droit. Aussitôt, les pointes des barbelés s’incrustèrent dans sa peau comme des couteaux chauffés à blanc. Un étourdissement fit tanguer son être, même si son corps restait fixé à la croix. Il serra les dents, et intensifia son effort. Des frissons dévalèrent son corps. Son bras se mit à gigoter si fort qu’il semblait agité de spasmes. Mais le fil barbelé bougea. De la corde l’aurait en réalité maintenu plus solidement que ce fil fin et relativement flexible.
Allez, allez… s’encouragea-t-il.
La sueur huileuse, dégoulinant sur son visage, l’aveuglait.
Il força à nouveau, gémissant, les dents serrées, les lèvres retroussées, les muscles de son bras tremblant comme de la gelée. Son poignet se décolla de la croix et bougea sur deux centimètres.
Abraham s’évanouit.
La voix de son frère le ramena, appelant son nom sans relâche.
— Je suis là, balbutia-t-il.
Il lui semblait n’avoir pas perdu connaissance trop longtemps.
— Je suis là, répéta-t-il d’une voix plus assurée. Je vais… y arriver…
Il serra de nouveau les dents, verrouilla ses mâchoires pour les empêcher de claquer et, avec un râle rauque, poussa de nouveau sur son bras. La gravité l’aidait. Il s’efforça d’ignorer la douleur. Il ne devait pas crier de peur de réveiller Noah. Le barbelé se distendit et son poignet tomba mollement. Ses doigts se balançaient à dix centimètres au-dessus du sol.
Allez, je vais y arriver.
Pour soulager son bras, il tenta de bouger la jambe gauche. Il gémit comme il contractait les muscles de sa cuisse. Un éclair de souffrance lui traversa l’épine dorsale et il étrangla un cri misérable.
Allez !
Il força sur sa jambe, essayant de plier le genou pour étirer le fil barbelé, les yeux exorbités, les veines et les tendons saillant de son cou comme des cordes. Il ouvrit la bouche pour mieux respirer et sa langue parut tomber comme une pierre entre ses dents.
Je suis en train de crever… De crever !
Mais oui, meurs à la fin ! tempêta sa conscience acculée. Meurs et qu’on n’en parle plus !
Il gagna quelques centimètres. Son genou commença à fléchir. Il jeta ses dernières forces dans la bataille. Le fer acéré lui vrillait les nerfs. Il était à bout de forces, la vue brouillée, la tête bourdonnante, comprimant une nausée violente, à deux doigts de vomir.
Allez, Abraham !
C’était la voix de son frère. Elle lui donna l’énergie de se dépasser, de se battre encore. Le bois de la croix émit un craquement. Son corps s’affaissa brusquement de plusieurs dizaines de centimètres comme sa jambe glissait dans l’arceau distendu du barbelé. Le choc que causa la secousse déclencha une nouvelle onde de douleur, abominable. Sa tête heurta le sol. Il s’évanouit une seconde fois.
— Abraham… Abraham…
Son frère l’appelait à travers le brouillard.
Il cligna des paupières, reprenant lentement conscience. Il poussa un gémissement atroce, inhumain. L’espace de quelques secondes, il s’abandonna. Son cuir chevelu greffé et sanguinolent, encore tout fourmillant de la douleur des aiguilles, pulsait au rythme des battements de son cœur. Il tremblait de nouveau, moins fort qu’avant, mais des spasmes agitaient sa main et sa jambe détachées. Ses doigts cognaient contre le sol par soubresauts convulsifs. Sa tête était pliée selon un angle bizarre dans la poussière. Il avait eu la chance de ne pas se rompre la nuque.
Son propre poids l’aidait. La gravité l’aspirait. Son autre jambe se mit à glisser comme le barbelé se détendait. Son épaule heurta le sol à son tour. Son bras droit était totalement libre à présent.
Assurant ses appuis à tâtons, il prit une grande inspiration, et rua de toutes ses forces contre la croix. Le dispositif bricolé à la hâte craqua derechef. Abraham chuta de plusieurs centimètres. Les pointes des barbelés lacérèrent sa peau.
Allez, pensa-t-il, au bord de la rupture. Un dernier effort.
Il frappa la croix du talon. Elle oscilla, mais ne rompit pas. Comment pouvait-il espérer faire crouler toute la structure avec ses faibles forces ? Il n’y arriverait jamais !
— Abraham… répéta Jarod.
Son frère se tenait près de lui, ombre dans l’ombre, à l’envers. Il cligna des paupières pour éclaircir sa vue au maximum.
— C’est moi… répéta la silhouette. Je vais t’aider, mais ensuite, tu seras seul. Si Belle apprend que je t’ai délivré… Je ne veux pas, tu comprends ?
La voix se frayait lentement un chemin dans ses pensées embrumées, et soudain, son frère se métamorphosa en Amy. La jeune femme, avec des gestes ralentis par son revers et handicapée par sa main manquante, desserrait les derniers barbelés.
— Je veux rester avec Belle, poursuivit Amy de sa voix enrouée. Je resterai jusqu’à ce que je parvienne à faire taire la musique qui joue en elle. La Harpiste a laissé une note dans leur tête. Ils ne sont pas eux-mêmes. Crois-moi, ce qui t’es arrivé était un divertissement inventé par la Harpiste. Je reconnais son style, sa folie. Belle n’est pas comme ça. Elle n’a pas sa cruauté ni son sadisme. Ce n’est pas un monstre. Aucun de nos amis ne l’est. Tu dois leur pardonner. Ils sont manipulés.
— Belle… est… dangereuse.
— Non ! répliqua furieusement Amy.
Elle se figea craintivement, croyant avoir fait trop de bruit, mais le revers avait à moitié étouffé son éclat de colère. Comme rien ne bougeait, elle reprit sa tâche fastidieuse.
— Vous êtes dangereux, reprit-elle avec effort. Je déteste l’Ouest et je déteste Frontières. Les monstres et les humains. Vous êtes tous pareils. Je ne peux pas vous faire confiance. Belle est la seule avec qui je veux être, où qu’elle aille. Toi, tu t’en iras. Tu partiras le plus vite possible, sinon, Belle te suivra. La musique la poussera à le faire. La Harpiste a cru que tu étais greffé toi aussi. Elle a joué un sortilège pour les greffés. Moi…
Pause.
— Je résiste, parce que je déteste ma greffe avec une telle force… Et toi… Tu n’avais aucun organe étranger qui pouvait réagir à ce sort. Nous y avons échappé tous les deux. Mais la Harpiste veut ta peau, désormais. Elle s’amuse avec eux et avec toi. Elle invente un spectacle, des divertissements… Elle vous regarde à travers les yeux de toutes ses créatures. Cependant, je vais tout faire pour libérer Belle de cette emprise. Je dois trouver un moyen. Toi, pars, tu entends ? Pars loin d’ici. De nous. Ne reviens jamais.
Abraham avait du mal à l’écouter. Il glissait sur la croix au fur et à mesure qu’elle desserrait les barbelés autour de ses membres et la douleur fulgurait dans son corps à chaque petit mouvement. Finalement, les liens cédèrent. Ils tombèrent sur le sol en une pluie d’acier. Abraham se retrouva, un peu ébahi, étendu sur le ventre, aux pieds d’Amy. Son propre sang tachait le sol de ronds sombres, presque invisibles dans la nuit.
— Je te laisse, chuchota Amy. Cours, Abraham.
— J’ai besoin d’une arme… S’il te plaît.
— Non. Tu t’en prendrais à elle ! Je ne peux pas risquer sa vie. Pars le plus loin possible… Je t’en prie. Pars et disparais !
Elle s’effaça au ralenti dans les ténèbres.
Il se releva en chancelant, tâchant d’ignorer la douleur qui rugissait en lui. L’adrénaline l’aida. Il se mit à courir à grandes enjambées pataudes. Il était nu, désarmé. Où étaient les chevaux ? Son pauvre As-de-Pique ? Il tituba dans la direction du saloon, cherchant les mustangs. Au même moment, Noah se réveilla. Son regard se posa par réflexe sur l’endroit où se trouvait la croix et leur prisonnier. Il se releva péniblement et se mit à chercher frénétiquement son arme. Il tâtonnait en jurant, comme s’il était aveugle. Dans quelques secondes pourtant, sa main trouverait son fusil et son index, la détente.
Cours ! s’ordonna Abraham.
Il tourna le dos à la ville fantôme et détala vers le grand désert en poussant des râles de souffrance. Son allure déjetée, oscillant de gauche à droite, lui fit esquiver par miracle une balle. Il lui fallait son cheval, son pauvre cheval, et déguerpir au triple galop, mais les mustangs n’étaient pas visibles.
As-de-Pique, pensa-t-il avec douleur.
Lui avaient-ils fait du mal ?
Il espéra que ses anciens camarades s’étaient contentés de lui couper quelques crins pour les greffer ensuite à son crâne ensanglanté…
Une balle fusa, soulevant une gerbe de poussière juste entre ses pieds. La détonation résonna une fraction de seconde plus tard. De peur, Abraham dansa sur place. Noah ajustait maladroitement un nouveau tir. Si Jesse avait été de la partie, le pistolero l’aurait couché d’une balle, mais l’oiselier était plutôt mauvais au tir et l’obscurité jouait en la faveur du fugitif. Abraham se remit à courir. C’était une fuite piteuse au regard des souffrances que lui avait infligées le gang, mais il n’avait plus le choix. Il s’enfonça dans la nuit. Le tir suivant se perdit loin de lui.
J’ai raté les chevaux, pensa-t-il avec douleur.
Il était désarmé, nu, et sans monture… Autrement dit, totalement foutu.
Son instinct de survie l’emporta. Il fonça au hasard, jusqu’à perdre haleine. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine et un méchant point de côté lui tailladait le flanc. Il avait envie de vomir, de douleur, d’épuisement. Comment ses jambes lacérées pouvaient-elles encore le porter ? Comment son dos déchiqueté pouvait-il encore le soutenir ? Belle et les autres lui avaient fait tant de mal… Ses anciens alliés…
C’est la Harpiste qui les a envoûtés. Ils sont ses pantins à présent…
Il ralentit malgré lui. Il n’en pouvait plus. Même si cela signifiait la mort, il fallait qu’il marche et qu’il retrouve son souffle. Le sang bourdonnait à ses oreilles. Sa propre respiration l’empêchait d’écouter les alentours. Noah l’avait-il poursuivi ?
Bien sûr que oui. Ils ne te laisseront pas filer comme ça. Et eux ont des chevaux…
Si Noah enfourchait l’un des mustangs, il le rattraperait en quelques instants…
D’une main tremblante, prudente, il toucha son cuir chevelu. L’éclair de douleur qui lui traversa le crâne manqua l’envoyer dans les limbes. Il s’arrêta, plié en deux, poussant des râles rauques. De la bile mêlée de sang coula sur son menton.
Sous ses doigts, il avait senti le contact rêche de quelques crins de cheval.
Ainsi, ils l’avaient vraiment fait. Ils l’avaient greffé.
Ce n’est pas une vraie greffe… Ce n’est qu’une mascarade, pour te faire souffrir et t’humilier. Il ne va rien se passer. Rien du tout. Pourquoi auraient-ils pris le risque de t’offrir un pouvoir de toute façon ?
Si les greffes issues de mustangs avaient pris sur les humains, il n’y aurait plus eu de chevaux à Nacarat. Tous auraient été démembrés et conservés en bocaux dans les cabinets des chirurgiens.
Il n’en pouvait plus. Le découragement l’assomma. Il crut qu’il allait rester là, ne plus bouger, ne plus lutter. Pourtant, au bout de longues minutes, il respira mieux, et il se remit à marcher. Il ne pouvait plus courir. L’adrénaline retombait et une fatigue écrasante ralentissait chacun de ses mouvements. Même si Noah surgissait juste derrière lui, il n’était pas sûr de pouvoir s’enfuir.
Il parvint à avancer, à force de volonté. La souffrance ne refluait pas. Son cuir chevelu paraissait en feu et la nausée lui prenait la gorge et l’estomac.
Enfin, les premières lueurs de l’aube éclairèrent l’horizon. Abraham sentit qu’un poids s’allégeait sur sa poitrine. Il avait survécu. Il s’était échappé.
Une ombre se profila sur le sol, devant lui, discrète et rapide.
— Quoi ?
Son ventre se serra. Très lentement, il leva la tête, gémissant déjà d’appréhension.
Un aigle tournait au-dessus de lui dans le ciel.
Astraios.