Le 3 mai 2014

Pour en finir avec le racisme

« Sur ton Instagram de merde, tu n’as pas à te montrer à côté de Noirs. Tu peux coucher avec, tu peux les faire venir chez toi, tu peux faire ce que tu veux avec eux, mais la moindre des choses est de ne pas en faire la publicité et de ne pas les emmener à mes matchs. » Donald Sterling semonce sa petite amie au téléphone. Elle a publié une photo d’elle avec Magic Johnson, la légende du basket, sur les réseaux sociaux, et ça le fait capoter. Donald Sterling est le propriétaire des Clippers de Los Angeles, une équipe de la NBA.

Jeudi soir, P. K. Subban a donné la victoire au Canadien de Montréal, en deuxième période de prolongation, avec un puissant tir de la pointe. Des partisans des Bruins ont passé une partie de la nuit à le traiter de nigger sur les réseaux sociaux. Certains lui ont conseillé de lâcher le hockey et de retourner jouer au basketball.

Dimanche dernier, le joueur du FC Barcelone Daniel Alves a reçu une banane lancée des tribunes. C’est un geste assez fréquent lors des matchs de foot. On lance des bananes et on imite le cri du singe pour se moquer des joueurs de couleur. Alves a ramassé la banane et l’a mangée.

La banane se digère mieux que la bêtise humaine.

En moins de sept jours, trois événements ont démontré que le racisme est toujours présent dans le monde du sport. Comme il l’est dans le monde tout court. Combien d’événements racistes, croyez-vous, ont eu lieu dans le monde tout court cette semaine ? Au moins 3 milliards. C’est juste qu’il n’y a pas toujours une caméra pour le montrer. C’est juste que tous les propos racistes ne sont pas partagés sur Twitter. C’est juste que toutes les conversations racistes ne sont pas enregistrées par les petites amies.

Quand Barack Obama a été élu président des États-Unis, on s’est dit : « Il est fini, le temps du racisme. » Ce qu’on peut être naïf ! Le racisme cessera quand il n’y aura plus de cons sur la Terre. Ne comptez pas trop là-dessus. Le nouveau CHUM et le nouveau pont Champlain risquent d’être bâtis d’ici là. Le racisme ne repose sur rien d’autre que la méchanceté. Le manque de lumière. L’ignorance. Le racisme est la pratique des lâches.

P. K. Subban est beau, riche, brillant et talentueux. Vous prenez pour Boston et il vous fait chier. S’il portait le B, il serait votre héros. Comment vous venger du tort qu’il fait à votre équipe ? Comment le diminuer ? En le traitant de nègre. Méchante trouvaille. Comme si c’était un défaut d’avoir la peau noire ! Les trois quarts des racistes s’étendent au soleil parce qu’ils se trouvent plus beaux le teint bronzé. Gang de jaloux.

De la peau, c’est juste de la peau, qu’elle soit blanche, noire ou jaune, qu’est-ce que ça change ? On a tous le sang rouge. On est tous des frères de sang. En plus, au Québec, avec l’hiver qu’on a eu, qu’on vienne de la step­p­e ou du Plateau, on est tous verts.

Le racisme est une invention de faibles voulant se sentir supérieurs. En tout cas, moi chus blanc ! Ouais, pis ? Tout un accomplissement. Être valorisé par sa pigmentation, ça en dit long sur ses réalisations.

Il n’y a qu’une seule façon d’en finir avec les racistes, c’est de les rejeter. C’est ce que la NBA a fait avec le propriétaire des Clippers. Elle l’avait toléré trop longtemps. Cette fois, elle n’avait pas le choix. La pression médiatique a quand même du bon.

Les partisans des Bruins qui insultent P. K. Subban font honte aux Bostoniens. À eux de les rejeter. Il y a une façon de couper le sifflet à un tweeteur ordurier : le bloquer. Quand les racistes seront bloqués par tous les gens censés, leurs propos n’auront plus d’impact. Il faut que les foules dans les stades cessent d’être des lavettes. Qu’elles cessent de laisser agir la minorité d’agitateurs comme s’ils étaient leurs leaders. Quand 50 000 personnes vont se retourner contre un lanceur de bananes, je ne donnerai pas cher de sa fraise.

Dénoncer, c’est la clé. Ne jamais accepter, ne jamais tolérer un mot, un geste, une pensée dégradant les gens. C’est dans le silence de la majorité que naissent les crimes contre l’humanité.

La meilleure façon d’éviter de tomber dans le piège, c’est de ne jamais faire de généralités. Les Français ne sont pas comme ça. Les Japonais ne sont pas comme ci. Il y a des Français comme ça, il y a des Japonais comme ci. Comme il y a des gens d’ici comme ci, comme ça.

Exerçons-nous avec la race des fans des Bruins. Ne les traitons pas de tous les noms. Les fans des Bruins ne sont pas tous outranciers. Ceux qui ont insulté Subban, oui. Mais les autres, et c’est la majorité, ne sont que de braves chauvins comme nous. Tout ça, c’est juste pour s’amuser.

Même chose pour les joueurs. Sous leurs chandails rouges ou jaunes, ils sont tous de la même couleur : bleus, à force de se frapper dessus !

Bon match à midi trente !

Le sport peut être la représentation de ce qu’il y a de plus laid chez l’Homme. Il peut aussi être la représentation de ce qu’il y a de plus beau. Comme voir Canadiens, Américains, Russes, Tchèques, Danois, Suédois, Slovaques, Autrichiens, francos, anglos, Blancs, Noirs former un tout pour aller plus loin. Go, Habs, Go ! Cela dit, en tout respect de Boston.