Le 22 mars 2009

L’homme et le spa

Vendredi matin, c’est le printemps. C’est aussi mon anniversaire. Quarante-huit printemps, justement. C’est jeune. L’âge d’un joueur de hockey dans la ligue nationale. (Un seul, pour être franc : Chris Chelios. Oui, je sais, il a 47 ans, mais avec tous les partys qu’il a derrière la coquille, ça lui fait au moins 48.)

Ma blonde a des plans. Elle veut me donner ce dont j’ai le plus besoin : du repos. Elle nous a réservé une journée au spa. Une journée à se faire dorloter. En même temps. Les deux, un à côté de l’autre. Quelle tendre idée !

Les portes de l’ascenseur s’ouvrent. Nous voilà au 12e étage d’un grand hôtel du centre-ville, au spa Izba. Une dame nous accueille. Autour d’elle, il y a des tablettes remplies de crèmes. Toutes sortes de crèmes. Des crèmes pour le visage, le corps, les pieds, les fesses, des crèmes pour toutes les parties.

La dame parle doucement. Ma blonde lui répond en chuchotant. On se croirait dans une église. L’église de la relaxation. Je me sens bizarre. Pas dans mon élément. L’ambiance est trop crémeuse. Un homme qui débarque dans un spa, c’est comme un homme qui débarque dans un shower. Je ne suis pas censé être là.

J’ai l’air de Rémi dans Les Invincibles. Vous savez, la fois où il a accompagné sa blonde au yoga. Elle voulait qu’il relaxe lui aussi.

Il faut enlever ses souliers pour mettre des gougounes. J’ai jamais mis de gougounes. Y a un début à tout.

On s’en va se changer. La loge des femmes est grande et spacieuse, celle des hommes est petite et exiguë. La preuve que, ici, nous sommes des touristes. La clientèle est avant tout féminine. Il y a quelques exceptions. Quelques hommes qui ont reçu un chèque-cadeau de leur femme.

L’homme est un ours. Il n’est pas fait pour se faire bichonner. L’homme aime les activités viriles. Escalader l’Everest. Chasser le lion. Crier contre l’arbitre au hockey.

Marie-Pier note mon malaise : « Qu’est-ce que t’as ?

— Je sais pas… J’ai l’impression d’être malade. Tu sais, moi, j’aime l’action…

— Ça va te faire du bien. »

Je suis en peignoir noir, je suis prêt. Dernière formalité avant la grande détente : il faut remplir un questionnaire sur notre état de santé. Avez-vous des problèmes cardiaques ? Prenez-vous des médicaments ? Signez ici pour dégager l’établissement de toute responsabilité.

Je ne m’en vais pas sauter en parachute, je m’en viens me faire masser ! Je ne savais pas que le massage était un sport extrême. Ah ! les femmes, comme elles sont douillettes. Pourquoi autant de précautions ? Il me semble que plus on est mal en point, plus on a besoin de se faire tripoter.

Une gentille massothérapeute vient prendre le formulaire : « Savez-vous en quoi consiste le massage Izba ?

— Non.

— Je vais vous l’expliquer. Le massage se donne dans le sauna, car le but est de provoquer un choc thermique qui permet de libérer les toxines contenues dans le gras corporel.

— Cool…

— Quand votre corps va transpirer, nous allons, avec des feuilles de chêne chauffées, vous fouetter légèrement, puis vous frictionner avec du miel avant de vous lancer un seau d’eau froide pour provoquer le choc thermique.

— Ah ben… »

Ma blonde semble ravie. Je suis dubitatif. Pour moi, le concept de repos, c’est s’allonger devant RDS. D’ailleurs, ça ne s’appelle pas RDS pour rien : Relaxation Détente Spa. Avoir trop chaud, puis trop frette et se faire fouetter entre les deux, ça ne me tente pas. Mais c’est le cadeau de ma blonde, et elle est si heureuse de me l’offrir. Surtout qu’elle a choisi tout ça avec la belle-mère. De quoi vais-je avoir l’air ? J’ose quand même poser une question : « Vous allez… euh… nous fouetter ?

— Pas fort. On va balayer les feuilles de chêne sur votre corps…

— Et l’eau froide va être vraiment froide ?

— Glacée.

— Ah ben… »

L’homme a beau être un ours, il n’en est pas moins moumoune. Heureusement, sa compagne le sait mieux que quiconque. Marie-Pier me sourit : « Y me semblait que tu voulais de l’action ?

— Pas tant que ça, finalement.

Elle se retourne vers la massothérapeute :

— Est-ce possible de changer le forfait et de prendre un massage normal, sans aucun choc ?

— Bien sûr.

Je me sens poche :

— Marie-Pier, si tu veux aller dans le sauna, c’est correct, ça avait l’air de te tenter.

— Ce que je veux, c’est être avec toi. »

Ma blonde et moi avons donc eu un massage ordinaire. Qui m’a fait énormément de bien. Ça m’a enlevé tous les nœuds dans le cou, sur les épaules, dans le dos, sur les mollets. Tout le long du massage, j’avais un grand sourire dans le visage. Le sourire du gars qui sait que sa blonde veut être avec lui. Il n’y a pas plus grand bonheur !

Joyeux printemps, tout le monde ! Prenez soin de vos amours !