Le 27 mai 2007
Lettre aux joueurs de hockey québécois
Chers joueurs de hockey québécois de la LNH,
Vous êtes presque tous en vacances. Il n’y a qu’Antoine Vermette, François Beauchemin, Jean-Sébastien Giguère et Sébastien Caron qui s’éreintent encore à essayer de faire gagner leur équipe.
Vous vous la coulez douce. Vous êtes jeunes, riches et, si vous n’avez pas reçu trop de coups de bâton sur la gueule, beaux. La vie est formidable.
Plusieurs d’entre vous sont en renégociation de contrat, question d’ajouter quelques millions à leur petit tas d’argent. C’est bien correct. Si le propriétaire peut s’acheter un club de foot en Angleterre, pourquoi ne pourriez-vous pas vous acheter une Cage aux sports à Brossard ? Chacun a droit à son morceau de tarte. Vos salaires astronomiques ne me scandalisent pas. C’est la business. Vous êtes des stars, comme les chanteuses et les acteurs de cinéma. Vous méritez votre part de l’argent que vous faites entrer dans les coffres. Le contraire serait scandaleux.
Vous jouez là où on vous paye le mieux. Où on vous paye le plus. Parfait. C’est la game. Si c’est New York, ce sera New York. Si c’est Nashville, ce sera Nashville.
Et si c’est Montréal… Là, vous n’êtes pas sûrs. Vous hésitez. À salaire égal, vous préféreriez jouer ailleurs. Même que vous seriez prêts à être un peu moins payés pour ne pas avoir la pression de Montréal.
Pardon ? Est-ce que j’ai bien compris ? Ça, c’est scandaleux. Je ne suis plus capable de l’entendre, cette chanson-là. Où est votre cœur ? Où est votre honneur ? Réalisez-vous que vous reniez les vôtres en tenant de tels propos ?
Nous, les caves, on rêve de voir jouer les Daniel Brière, Vincent Lecavalier, Martin Saint-Louis avec le Canadien, parce que ce sont des petits gars de chez nous, parce qu’on les aime. Mais eux préfèrent jouer à Tampa Bay ou à Buffalo parce que, là-bas, on ne les reconnaît pas, on les laisse tranquilles. Parce que, là-bas, on ne les aime pas. C’est dur, l’amour. C’est éprouvant. Mieux vaut faire son cash caché. Rentrer au bercail l’été, se faire chouchouter par môman et, à l’automne, retourner jouer au hockey dans des villes où l’on préfère les courses de lévriers.
Ce n’est pas digne des vedettes que vous êtes censés être. La pression, c’est ce qui permet de départager les vrais des faux. Il y a ceux qui carburent à la pression et ceux qui s’aplatissent sous la pression.
Un acteur rêve de jouer à Hollywood. Un ténor rêve de chanter à la Scala de Milan. Un joueur de hockey devrait rêver de jouer à Montréal. Encore plus s’il est Québécois.
Vous avez peur de 110 % et des Amateurs de sport. Pas fort ! Vous pourriez jouer sans casque, il ne sert pas à grand-chose. La force du mental, c’est pas juste dans Les boys. Bien sûr, ici, vous allez être épiés. Trois matchs sans point et on va vouloir vous crucifier. Mais trois matchs avec des buts et vous allez être Dieu. Tout le monde ne parlera que de vous. Vous deviendrez l’idole d’un peuple.
Être un sportif professionnel, ce n’est pas seulement faire de l’argent en pratiquant son sport. C’est aussi inspirer la jeunesse, faire rêver la foule, donner un bon show. À Nashville, le cow-boy capable de ficeler un veau en 10 secondes inspire plus de gens que vous. À Montréal, vous aurez plus d’ascendant sur la vie des gens que le premier ministre et Gregory Charles réunis.
Arrêtez de bouder les gens qui vous ont aidés à devenir qui vous êtes. Si aujourd’hui vous êtes des millionnaires du hockey, c’est peut-être parce que vous venez d’un endroit où le hockey est sacré. Le gars qui arrosait la glace de la patinoire de votre enfance, les voisins qui allaient vous encourager dans vos tournois, les partisans qui vous attendaient dehors après les matchs de votre équipe junior, tous ces gens vous ont aidés à vivre votre passion. Accepter de venir vivre la vôtre avec eux va de soi.
Bien sûr, chaque être humain est maître de son destin. Si ça ne vous tente pas de jouer à Montréal parce que c’est trop exigeant, c’est votre affaire. Vous ne savez pas ce que vous manquez.
Maurice Richard, Jean Béliveau et Guy Lafleur ont été plus que des joueurs de hockey. Ils ont été des héros. Des vrais. Bien sûr, pour être un héros, il ne faut pas avoir peur de Michel Villeneuve. Il faut avoir des couilles. Il faut avoir de l’âme.
Et, surtout, il faut être capable de donner. À Tampa Bay, Buffalo ou San Jose, vous n’avez pas besoin de donner, vous avez juste à prendre. À prendre le gros chèque.
C’est sûr qu’à Montréal il vous faudra donner. Donner votre temps, donner vos tripes. Mais si vous saviez tout l’amour que vous recevrez en retour, vos convictions de mercenaires seraient ébranlées.
En espérant qu’il y en ait un parmi vous assez fier de sa gang, assez fier de sa famille pour venir jouer devant elle. Pour venir jouer avec elle.
Je ne sais pas si Bob Gainey va embaucher, au courant de l’été, une superstar québécoise. Mais s’il ne le fait pas, j’aimerais que ce soit de sa faute, pas de la vôtre. Get it ?
Bonne fin d’été ! Et bons contrats !
Signé : un partisan blessé.