Le 11 août 2013
Jeudi, ça faisait 25 ans que le grand Félix Leclerc est allé accrocher ses souliers au paradis. De plus, en 2014, on célébrera le 100e anniversaire de la naissance du poète de La Tuque.
J’espère qu’on va nous bombarder d’hommages, d’émissions spéciales et de spectacles-concepts. Gens du showbiz, ne vous retenez surtout pas. Pour une fois, trop ne sera jamais assez. Il faut que tout le Québec soit remis en contact avec cette œuvre qui fut le big bang de la chanson québécoise. C’est l’occasion idéale de rappeler aux nouvelles générations que Félix n’est pas seulement un nom de trophée, qu’il est avant tout le nom de notre identité artistique.
Découvrir l’œuvre de Félix Leclerc, c’est comprendre l’âme de notre peuple. Sa force, sa poésie, sa simplicité et son courage. Ses chansons sont immortelles parce qu’elles existent de façon naturelle : une voix et une guitare. Pas besoin d’échantillonnages, de remix ou de synthétiseurs. Des cordes tendues sur du bois, la façon la plus intemporelle de faire de la musique, des troubadours jusqu’à Ed Sheeran.
Ses textes aussi sont indémodables parce qu’ils racontent les sentiments et les batailles qui habitent l’homme depuis la nuit des temps. Une diversité de sujets montrant le grand rayonnement de ses intérêts.
Le bonheur perdu…
Mon bonheur a fleuri
Il a fait des bourgeons
C’était le paradis
Ça s’voyait sur mon front
Or un matin joli
Que j’sifflais ce refrain
Mon bonheur est parti
Sans me donner la main
J’eus beau le supplier, le cajoler, lui faire des scènes
Lui montrer le grand trou qu’il me faisait au fond du cœur
Il s’en allait toujours la tête haute, sans joie, sans haine
Comme s’il ne pouvait plus voir le soleil dans ma demeure
(Le p’tit bonheur)
C’est en écoutant cette chanson, enfant, que j’ai compris la détresse des gens. Et que dire de ces vers scellant le grand amour. Il n’y a pas d’image plus belle… .
Lui : Quand je te détesterai
Pour que tu le voies bien
Quand je te détesterai
Je mettrai ma casquette
Elle : Quand je ne t´aimerai plus
Pour que tu le voies bien
Quand je ne t´aimerai plus
Je me ferai des tresses
Lui : Depuis cette entente, ma mie porte chignon
Elle : Et lui, à tous les vents, il marche tête nue
(Dialogue d’amoureux)
Félix, c’est aussi l’engagement social…
Je reviens aux sentiments premiers
L’infaillible façon de tuer un homme
C’est de le payer pour être chômeur
Et puis c’est gai dans une ville
Ça fait des morts qui marchent
(Les 100 000 façons de tuer un homme)
… et politique.
J’ai un fils dépouillé
Comme le fut son père
Porteur d’eau, scieur de bois
Locataire et chômeur
Dans son propre pays
Il ne lui reste plus
Qu’la belle vue sur le fleuve
Et sa langue maternelle
Qu’on ne reconnaît pas
(L’alouette en colère)
Félix s’est exprimé sur tout ce qui importe. C’est notre Confucius. Le plus grand sage du Québec. Il n’est pas seulement le patriarche de la chanson d’ici, il a mis au monde plein de chanteurs à travers toute la francophonie.
La chanson française, telle que nous la connaissons, est née d’un couple de deux hommes : Trenet et Félix. Trenet, c’est la chanson heureuse, la chanson piano, la chanson soleil. Le fou chantant est l’influence des Montand, Bécaud, Sardou… Félix, c’est la chanson tourmentée, la chanson guitare, la chanson lune. Le chanteur canadien, comme on l’appelait en France, aura influencé les Brassens, Moustaki, Cabrel.
Heureusement que sa fille Nathalie Leclerc a consacré sa vie à la survie de l’œuvre de son père en créant l’Espace Félix-Leclerc sur l’île d’Orléans. En 2014, montrons-lui que nous sommes tous ses frères et sœurs en fêtant nous aussi notre paternel.
Cet été, nous avons déjà eu un hommage musical aux Francofolies et un défilé inspiré des chansons de Félix au Festival Juste pour rire. Heureuses initiatives, il faut les multiplier durant la prochaine année, pour que chaque québécois s’enrichisse de son héritage.
Peu importe l’époque, pour supporter le difficile et l’inutile, il y aura toujours les chansons de Félix.