Le 12 avril 2014
C’est fini. Ça fait du bien quand ça arrête, comme la fraise du dentiste. La campagne électorale du printemps 2014 a été si pénible que même le printemps n’a pas voulu en faire partie. Cinq semaines de médisance.
Couillard parlait contre Marois et Legault, Marois parlait contre Couillard et Legault, Legault parlait contre Marois et Couillard, et David parlait contre les trois. Au lieu de nous démontrer qu’ils étaient les meilleurs, les chefs se sont acharnés à nous montrer qu’ils étaient les moins pires. Au lieu de nous convaincre de voter pour eux d’emblée, ils ont tenté de nous convaincre de ne pas voter pour les autres. De voter pour eux en dernier recours. Par défaut. C’est la stratégie du petit. Montrer la paille dans l’œil du voisin pour détourner l’attention de la super-poutre qu’on a dans le sien.
Parler contre les autres, c’est facile. Il n’y a pas juste les politiciens qui s’adonnent à cette pratique. On le fait tous au quotidien. Dès qu’on se sent menacé, dès qu’on se sent en danger. On se trouve moche, une collègue s’est fait remonter le visage. On ne se trouve pas assez reconnu professionnellement, un confrère a reçu une promotion canapé. On se sent délaissé, le camarade populaire est un téteux. Toujours cet instinct de salir les autres pour mieux dissimuler nos propres taches. Pour expliquer nos limites.
Les médias sociaux sont remplis de commentaires négatifs à propos des autres. On y déploie son venin. Ce n’est pas la faute des médias sociaux, c’est la faute de ceux qui s’en servent. Les médias sociaux ne sont que le reflet de nos conversations d’usage. Que ce soit en personne ou au téléphone, on perd une bonne partie de sa vie à critiquer ce que font les autres. Ce que l’on reproche tant aux politiciens durant la campagne, force est d’admettre qu’on le fait nous aussi. De façon pas aussi concentrée, pas aussi exacerbée. Mais quand même, on est aussi coupable de ce travers humain. C’est juste que ça ne se retrouve pas à la une du journal.
On ne le fait pas pour obtenir des votes. On le fait pour obtenir de l’attention, de la compassion ou de l’avancement. C’est la même chose. On recherche tous l’approbation d’autrui. Et les autres se rejoignent souvent en mangeant du prochain. Cette pratique s’exerce normalement dans le dos des personnes concernées. Durant une campagne électorale, il n’y a pas de dos. Les chefs sont tournés à 360 degrés. Alors ils s’insultent dans la face. Dans le Face-à-face. Et ça crée des malaises.
Espérons que le triste spectacle de la dernière campagne nous servira d’exemple acontrario. Et si on arrêtait de se remonter en rabaissant les autres ? Tout alpiniste sait bien que c’est la meilleure façon de croupir à terre. Si on veut monter, il faut aider les autres à monter. Il faut leur faire la courte échelle pour qu’ils puissent nous la faire à leur tour.
S’il est difficile de cesser de parler contre les autres, si on commençait au moins par arrêter d’écouter quelqu’un qui parle contre les autres, ce serait déjà ça. Arrêter d’être complice de la médisance. Quand plus personne n’écoutera les calomnieux, ils seront bien obligés de trouver autre chose à dire pour se rendre intéressants. Le problème est là. La plupart du temps, on encourage les gens à s’insulter. Les chefs ont été un peu victimes de ça. On se scandalisait de leurs commentaires, mais on faisait tout pour qu’ils en rajoutent. Quand deux lutteuses s’affrontent dans la boue, il y a toujours du monde autour pour les regarder.
Sauf que cette fois, on en a eu assez. On avait hâte que ça finisse. Cet écœurement est bon signe. Le chialage a ses limites. On est en manque de noblesse. De gentilshommes et de gentilles dames. J’espère que les prétendants et les prétendantes pour remplacer Pauline Marois à la direction du PQ ont compris le message. Parlez pas contre vos rivaux. Le mépris n’est pas rassembleur. Il divise.
Aussitôt que le verdict est tombé, aussitôt que la victoire libérale a été confirmée, les chefs sont redevenus grands. Les jeux étaient faits. Ils ne se sentaient plus menacés. Leur cœur voyait clair. Couillard, Marois, Legault et David ont fait leurs meilleurs discours des dernières semaines. Sans insulte, avec respect, conviction et ouverture. C’est pas compliqué, c’est ce ton-là qu’on veut tout le temps. Jouer de manière agressive, c’est bon pour Parros, c’est bon pour Chara. Nos leaders, on veut qu’ils jouent comme Béliveau, on veut qu’ils jouent comme Gretzky. Avec intelligence. Avec générosité. On veut qu’ils nous montrent l’exemple.
Et on cessera tous, peut-être un jour, de parler contre les autres pour parler de soi avec les autres. Pour parler de nous.
Joyeux printemps, tout le monde ! Il a cessé de bouder. Il est de retour.
Les printemps aiment les fleurs et les mots doux.