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Aujourd'hui, on m'a dragué en direct à Châtelet-Les Halles. Un gars, sous prétexte que je tenais des lettres et que j'allais au bureau de poste sur la rue du Louvre, proposait de me suivre parce qu'il ignorait où était le seul bureau de poste ouvert du coin en ce samedi. Alors on a commencé à parler, il est switzerlandais. Sur le coup je pensais à un pays bizarre que je ne cherchais pas à situer sur une carte mentale (pour ce que ça vaut ces cartes), puis en réfléchissant j'ai compris qu'il s'agissait de la Suisse. We spoke English because his French is really bad. His English is not that great either. He spoke German. He asked me some questions, like how old I am, if I have any family here, if I do any sports. Questions that lead to, "do you want to come to my place?". So he invited me to eat at that vegetarian restaurant (he's vegetarian!), Le Grenier de Notre-Dame near le petit-pont Saint-Michel. It was not that good. He paid for me, c'est normal lorsque tu entretiens ta future victime. Un bon sugar daddy paye toujours les factures, c'est à peu près tout ce qu'il fait à part t'emmener partout sur la planète. J'ai demandé où était son hôtel, j'y retourne ce soir pour qu'on aille prendre un verre ensemble. At the very end he told me he liked me very much, he repeated it twice. Il avait déjà un autre rendez-vous avec une autre tapette pour aller nager à 17 heures. Je suppose qu'il va coucher avec à 19 heures, puis à 22 heures avec moi. Il n'aura rien perdu de ses trois jours à Paris. Inutile de dire que je n'irai pas chez lui ce soir. Mais c'était le seul moyen pour ne pas avoir à lui donner mon numéro et mon adresse. Je l'ai bien regardé pourtant, il n'est pas laid. Mais si je suis pour tromper Sébastien à nouveau, ce sera au moins avec quelqu'un qui est jeune et beau. Sinon ma conscience risque de me faire perdre Sébastien pour des monstres genre Eric. Parce qu'il s'appelle Eric, et il a un frère qui s'appelle Roland. Des noms typiquement allemands, je suppose. Alors voici comment on se fait payer un souper dans Paris quand on est pauvre, sans passer au lit ensuite. Il me faudrait en rencontrer un par jour d'ici Noël, car je commence à mourir royalement de faim. Le problème, c'est que ce n'est qu'à la fin du repas que l'on sait s'il va payer ou non. Et lorsque tu te demandes si tu vas payer les 100 balles ou non que tu n'as pas, tu paniques. Je l'imagine tout nu, il doit être un peu défraîchi. Il dit qu'il a 33 ans, l'âge du Christ à sa mort, l'âge magique. Un an de plus on serait trop vieux, un an de moins on est encore frais et un gay de 19 ans pourrait se dire que ce n'est pas si pire en rapport à la viande qu'il y a sur le marché. Mais ses cheveux blancs le trahissent, à cet âge-là le Christ est mort depuis longtemps, il a eu le temps de décomposer deux fois.
Lorsque je suis allé recevoir mes vaccins, la femme chargée de l'accueil à l'hospital Nostre-Dame sur la place du Parvys m'a reçu. Dieu qu'elle était bête ! Bête avec tout le monde. Je m'étais préparé à en dire le moins possible, ne pas lui poser la question à propos de l'hépatite B dont je n'ai pas reçu le vaccin, parce qu'elle était vraiment de mauvaise humeur et qu'elle allait me recevoir comme seuls les Français savent recevoir. Bref, elle s'est transformée comme par enchantement quand elle a vu que j'étais canadien. La même chose chez sa collègue qui, elle, m'a chicané en grand lorsque je suis entré dans la salle des vaccins et qu'il y avait une femme à poil là-dedans. Elles se sont toutes mises à crier, un homme qui voit une femme à poil ! Au secours, le viol va suivre ! Elle a regretté ensuite, elle s'est reprise avec des blagues, me disant que ça ne me faisait probablement pas trop d'effets puisque je devais être habitué d'en voir. Bien sûr, une nouvelle chaque soir dans mon lit. La réceptionniste était d'ailleurs mal à l'aise parce que l'autre m'avait chicané. J'ai reçu le vaccin de la tuberculose, paraît que dans trois semaines ça va se mettre à couler, le gros abcès que cela va faire. Pisser le sang qu'elle me disait. Bon dieu, êtes-vous bien certaine de m'avoir donné une injection pour me prémunir contre la tuberculose ou bien vous m'avez donné la maladie ? Des fois je remercie le ciel de n'être pas né en Algérie avec une peau un peu bronzée et quelques années et kilos en plus. Jamais je n'aurais pu m'en sortir avec toutes les formalités d'usage avec des gens aussi bêtes dans chaque bureau de Paris. C'est tout à leur vouloir vous savez. Il y a toujours une solution, parfois très simple, c'est à savoir si elles vont faire l'effort ou non de la trouver, et fort souvent cela va en fonction de la tête.
carole cadotte <138194788@archambault.ca>