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Si je passe à travers mon année universitaire, je jure de... j'allais dire de me raser la tête, mais il y a tout de même une chance que je passerai à travers, alors je jure de remercier Dieu. Vaut mieux remercier Dieu que de se raser la tête. L'alcool et l'altitude sont un mélange qui me rend folâtre. J'ignore s'il y aura des cours à la Sorbonne la semaine prochaine. Je me sens coupable, je me ronge les sangs. Il y a que je retourne un mois au Canada et que j'ai besoin d'une autre bière et que les hôtesses sont cheap et que je ne veux pas passer pour un alcoolique sur les ailes d'Air Canada. J'aime mieux Canadian, ils se foutent du client sur Air Canada. C'est ça quand tu as ton monopole. Je suis végétarien ? Ça cause problème, elles sont toutes fuckées, plus capables de comprendre la chaîne industrielle de la distribution des cochonneries pour contenter le passager qui souffre un voyage interminable de sept heures. Le service me fait penser un peu à ce film où tout le vol l'avion risque de s'écraser, les moteurs pètent, les ailes partent, plus de roues, pire, plus de café, et voilà qu'à la fin on vous dit merci d'avoir pris Air Canada, nous espérons vous revoir bientôt sur nos lignes.

J'étais bien mal pris ce matin quand Steve m'a demandé si j'allais à Jonquière, notre ville commune. Enervé comme je l'étais, comment ma destination aurait pu être autre chose que ma famille ? C'est qu'il ne comprend pas que mon Sébastien m'attend à Ottawa et que je n'en peux plus d'être loin. N'empêche que ce matin le cœur m'a plié en deux. Quoi ? Quitter Paris ? Je vais dire comme Franklin, bientôt je ne pourrai plus me passer de Paris. J'y étais encore et je m'ennuyais déjà. C'est inexplicable. Je ne me suis même pas ennuyé une miette d'Ottawa. Il fallait que je me dise que j'allais bientôt revenir, ça ne suffisait pas. Tout l'étage était là ce matin pour me dire adieu. C'était charmant, Steve en bedaine en plus. Tout à coup tu comprends que sans le vouloir tu deviens proche d'eux. Que tu existes par eux, que tu respires par leurs narines. Que lorsqu'ils sont dans le corridor tu veux ouvrir la porte et quand ils vont manger tu y vas aussi. C'est complexe la vie. Aussi complexe qu'une truite disséquée sur le bord du comptoir. J'aime Paris aussitôt que je sais que je vais le perdre.

Céline Dion se marie avec son gérant. Célinas, my beauty, like all gays in America I need your picture all over my room! I love you so much, you became suddenly the Madonna of Quâback. I want you to become more successful, so Quâback will finally be on the map. But if Quâback is not on the map, who cares? And we will finally be able to get rid of English everywhere and at last we will be free to speak French and only French! I hate English so much, I can't stand anyone who speaks that language at all. Moreover, when I hear just one English word, I want to take out a gun and shoot those bastards! I am the separatist you don't want to meet around the corner. Oh, oh, I guess we will be arriving soon. I can't wait to go to Ottawa and hear some Chinese or Arab people. Soon French will be the third official language in Ottawa. In fact, I can tell you French is already the third. Les statistiques mentent encore ! Les statistiques sont l'outil rêvé des gouvernements pour nous faire gober à peu près n'importe quoi. La différence d'avec le régime communiste, c'est que sous Staline au moins la Russie connaissait la vérité, il suffisait de prétendre ne pas la connaître. C'est déjà mieux qu'ici. De toute façon j'aime les Arabes, eux au moins ils ne parlent pas l'anglais. J'aime les Anglais. Ce n'est pas de leur faute s'ils sont nés dans des familles anglaises, il ne faudrait pas commencer à faire de la discrimination. Etre anglais ou ne pas l'être, ce n'est pas un choix. Puis j'aime Jean Chrétien, c'est un brave bougre. Ses politiques sont tout sauf transparentes et c'est ce dont un pays a besoin. J'adore les Indiens qui veulent ravoir l'Amérique du Nord en entier parce que leurs ancêtres y auraient peut-être habité et qu'on les aurait décapités jusqu'au dernier. Que voulez-vous, quand la civilisation arrive, il faut prendre le virage. Puis j'adore CSIS, c'est grâce à eux qu'on nourrit le racisme et que l'on sauve notre pureté d'origine. Sans les Services Secrets d'intelligence canadiens, nous serions privés de l'équivalent du Ku Klux Klan canadien, The Heritage Front, financé et composé à même l'argent et les agents secrets du pays, ce brave Grant Bristow par exemple. C'est bien, nous sommes en train de nous construire une histoire et un patrimoine. Je me sens fédéraliste aujourd'hui, comment cela pourrait-il être autrement ? Je vis à Ottawa, je veux m'y établir plutôt qu'à Paris, ça vous montre jusqu'à quel point je suis fédéraliste. Aujourd'hui j'adore vraiment les Anglais, sans eux notre niveau de vie serait encore les cavernes et les feux de camp, car la France ne se servait de ses colonies que pour les matières premières, pillage en fait. Ce n'est pas du colonialisme ça. Je vous l'ai dit que je connaissais mon histoire, n'importe quel historien français me contredira, mais franchement, dites-moi, croiriez-vous vraiment un historien français qui parle de l'histoire de la France ? Aujourd'hui j'aime le pape, il n'y a pas plus saint qu'un pape, c'est ma grand-mère qui le dit. Selon ma grand-mère, un pape ça devient pape par ordre du ciel, ça communique directement avec Dieu et ça n'a tué personne pour arriver où c'est. Ça n'a même pas trafiqué quelques magouilles et écrasé tous les autres pour arriver à la tête du gouvernement le plus puissant de la planète. Pour ma grand-mère, un pape c'est pur. Moi aussi j'ai la foi, il n'y a pas plus saint qu'un pape. On atterrit, c'est le temps, je commençais à devenir fou aliéné.

carole cadotte <138194788@archambault.ca>