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Sans trop m'en rendre compte, c'est encore au mois de mars que le besoin d'écrire se fait sentir. Cette fois-ci Ed peut en être la raison, mais certainement pas Sébastien. Sa crise à lui devrait venir avec le changement de température plus tard durant le mois. Il se mettra à paniquer jusqu'à ce qu'il s'achète des billets pour aller quelque part. Je pense encore à Ed, c'est plutôt stupide, je n'ai pas aimé extraordinairement faire l'amour avec. C'est son absence tout court qui m'ennuie. Mais j'ai encore cette envie de le prendre dans mes bras, sentir son parfum, l'embrasser.

Sébastien me dit souvent que j'ai autour de moi, juste par les gens que je connais, matière à écrire un roman complet. C'est vrai, mais ces gens que je décrirais, me parleraient-ils ensuite ? Comment pourrais-je écrire sur mon oncle Jean-Marc à propos qu'il est l'homme de la maison et que sa maison, avec les quatre enfants, est une porcherie permanente ? Sans dire en plus qu'il fait partie, comme Louis et Charles, d'une sorte de religion bizarre. J'ai eu de bonnes conversations avec mon oncle Louis et peut-être même qu'avec lui j'ai inconsciemment acquis plusieurs connaissances. Il pense que d'être gay est mal et que je devrais changer tout de suite. Il croit que ma vie est une perte de temps et d'énergie, que je vais souffrir après la vie. Il s'agit donc de dire que je suis immoral et que je brûle la chandelle par les deux bouts. Eh bien, je me suis masturbé une fois avec Sylvain, j'ai eu un copain, Sébastien, des préliminaires avec Ménard arrêtés par les remords, puis couché avec Edward malgré les remords. Les remords disparaissent, mais pas les regrets de ne pas avoir été plus loin. Je suppose que la vie de Louis était déjà plus chargée lorsqu'il avait 21 ans. Juste à considérer ma sœur Dominique, elle a bien couché au minimum avec une trentaine de gars, il est vrai qu'elle n'en a jamais trompé un seul. Mais mon père trompe sa femme depuis le début des temps, et maintenant qu'ils sont séparés, il trompe ses maîtresses. La société est un gros melting-pot, la non-vertu se retrouve un peu partout. Il serait vain de mal juger une catégorie sous prétexte qu'elle ne fait pas partie de la majorité. Mais ses raisons, à Louis, vont plus loin. Cela remonte à Sodome et Gomorrhe. Moi, de ce que j'en ai lu, il s'agit surtout de parler d'une société où la promiscuité est devenue la loi, c'est-à-dire que l'on couche avec tout le monde, sans fin. Ce qui n'est pas mon cas, ni celui de mes amis. Mais je ne cacherai pas que le sexe est important pour moi, comme pour tout le monde d'ailleurs. Ceux qui le refoulent aux yeux des autres en arrivent certainement à la jalousie, à crier à la non-vertu ou au jugement, seul moyen pour croire que leur sacrifice n'est pas inutile. Moi, j'ai pour idée que rien n'est mal jusqu'à ce que quelqu'un souffre physiquement ou moralement. Alors coucher avec Ed est mal, car Sébastien pourrait en souffrir. Et connaissant la mécanique des événements, il le saura un jour, alors j'en verrai les conséquences.

carole cadotte <138194788@archambault.ca>