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Hier j'ai parlé avec Edward, il est allé à Montréal comme prévu, a rencontré un gars au K.O.X., a passé la journée du lendemain avec lui. Ses idées sont : suis-je bien gay ? suis-je amoureux ? J'avais osé lui dire un petit je t'aime l'autre jour, tout de suite réprimé. Hier, il me disait un gros : « Roland, je t'adore ! » N'a-t-on pas sauté une étape ici ? Pendant que je l'oubliais, car pas de photo, pas de lettre et pas de communication, lui il se rapprochait de moi d'une façon radicale, en traînant partout ma photo découpée et mes lettres qu'il relit sans cesse. Résultat, il vit dans mes émotions, mais dans celles de voilà un mois ! Il veut venir cette fin de semaine, j'appréhende les complications. Sébastien est en pleine crise existentielle. Celui-là vit aussi dans mes émotions, mais dans celles du mois d'octobre prochain. C'est-à-dire mon hypothétique départ pour Paris, peut-être synonyme de la fin de notre relation. Il n'y a que moi, semble-t-il, qui ne vive pas dans mes émotions.

J'ai relu la troisième lettre postée à Edward, je viens de me rendre compte de la séduction que je lui ai fait subir. Le pauvre, pour peu qu'on se laisse séduire et que l'autre n'est pas si repoussant, on est foutu. Trois grandes lettres de fleurs, une cassette de chansons françaises dont une qui fera office de chanson commune à notre relation (Les feuilles mortes se ramassent à la pelle). Le voilà séduit au sang. Ce qui me vaut la multiplication de ses appels, il veut m'entendre lui reconfirmer mon amour : « Roland, je t'adore ! » Il va finir par me séduire aussi à force de me répéter combien il ne pense qu'à moi. J'ai eu le temps de m'en détacher, voudrais-je souffrir davantage ?

carole cadotte <138194788@archambault.ca>