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Murielle a laissé son copain voilà un an et demi parce qu'elle ne voulait pas d'une vie de couple dont l'avenir est déjà tout prévu. Elle a couché avec deux gars avant d'en trouver un troisième et de l'emmener chez elle. Marko vient de la Bulgarie et a les cheveux longs, les parents de Murielle en ont perdu l'appétit. Une semaine plus tard, Murielle avait son billet pour le downtown Ottawa. Elle déménagea un ou deux mois après, pour un avenir moins que certain, avec Marko. La vérité à propos de ce nouveau venu a pris du temps avant de faire surface. Et les problèmes refont encore surface. Vols et vendeur de drogue, entre autres. Enfin, tout ça pour dire que l'on peut changer sa vie, coucher avec d'autres, tout cela avec une conscience claire. Elle n'est pas folle, elle crisse son copain là avant d'aller voir ailleurs. Ô misère ! Moi qui n'ai que 21 ans, que se passerait-il si je n'avais pas vécu ? Dring ! Le réveil sonne, j'ai 35 ans, seul, impossible d'attirer quoi que ce soit. Comme cela me fait du bien d'entendre Edward me dire que ce fut extraordinaire le week-end passé. Je l'ai appelé ce soir. Je lui parle, il bande. Malheur, il me compare encore à un écureuil, mais il trouve ça tellement cute les écureuils, ça lui donne envie de le prendre dans ses bras et l'écrabouiller. Moi, j'ajoute qu'un des écureuils finit toujours par se faire écraser de toute façon, ou pire, demeure à des kilomètres de l'autre. Si je laisse Sébastien, il s'en remettra, trouvera quelqu'un d'autre. Je n'en peux plus d'espérer qu'il réussisse dans la musique, j'ai déjà suffisamment de tracas. Paris, next destination, un jeune homme du Canada qui débarque à Paris avec le seul Père Goriot et qui s'imagine qu'il deviendra un Balzac.

Où es-tu ce soir ? Perdu dans l'Université d'Oswego, tu portes une de tes chemises en flanelle et ton parfum français. Entouré d'amis ou seul avec ta copine. Elle te serrera dans ses bras, t'embrassera dans le cou et vous vous embrasserez à la française. Où es-tu ce soir ? Devant un ordinateur ou seul à marcher à l'extérieur, pensant à moi peut-être. Je t'embrassais derrière l'oreille et tu jouissais fort. Quel effet je te fais, on dirait. Si Anne avait été absente de la maison, comme nous en aurions fait davantage. Lunatiques de l'univers, je vous ai compris ! Je suis en léthargie complète, malade moralement, séduit au sang, déchiré entre deux hommes. Tu me prenais la main, me parlais de très près. Comme Sébastien, tu m'as dit que j'étais la première personne avec qui tu aimais être aspergé de mon... Ton visage, c'est la joie, l'expression du bonheur, la folie, le prêt à faire n'importe quoi, même à sacrifier des choses. Mais certainement aussi seras-tu porté à ne point manquer une chance d'avoir du plaisir, cela inclut l'infidélité. Ainsi nous ne serons jamais en relation à long terme. Mais plutôt des amis qui coucheront ensemble à l'occasion. Comment puis-je ne pas m'indigner en disant cela ? L'Amour christ ! Je t'aime ! Ma peur, c'est de découvrir que je t'aime plus que le Sébastien. Dans ce cas je sacrifierais tout. Mais maintenant je me vois incapable de distinguer mes sentiments, c'est là le fruit du mois de mars. Chacun se réveille à la vie mais doit d'abord traverser la période du réveil. Ah, Ed, j'aimerais te revoir pour apprendre à te connaître davantage. Ouvre-moi ton passé, j'y devine l'opposé de Sébastien en personnalité. J'y soupçonne encore bien de l'admiration. Que je tomberais amoureux facilement avec toi !

La fin du monde est à nos portes ! Le mois de mars m'apporte à nouveau la joie des échéances. Déclaration de revenu, formule de prêt et bourse, demandes d'inscription aux universités, travaux longs, livres à lire, rêves à réaliser... je sacrerais mon camp pour la France aujourd'hui ! Paris, Paris, Paris ! Cette ville m'appelle à elle comme jadis elle appelait à elle les artistes des quatre coins du monde. Un grand cri languissant au-dessus de l'océan, ouaaaahhhh, quand bien même il s'agirait d'une vie de misère, une misère à Paris, c'est une littérature pour l'éternité ! A Ottawa, ma misère est sans avenir ! Bon dieu, il est probablement trop tard pour aller étudier en France. Paris, Paris, Paris ! Même s'il s'agit d'y laisser Sébastien derrière, s'il m'aime, il me suivra, sinon, je trouverai quelqu'un d'autre. Quelle libération ! Vive Ed pour m'avoir ouvert les yeux sur l'asservissement qui m'assaille. Pour Sébastien je mourrais à Ottawa ? Sébas ne partira jamais seul, il faut le forcer à me suivre. Peut-être viendra-t-il ? Il est un Français, c'est déjà ça, moi je vais faire des démarches pour sacrer le camp d'ici ! Ma crise commence, imaginons celle de Sébas qui s'en vient.

Ô Ed, tu me rappelles Paris, tu es la misère que je veux vivre, rue des Bernardins, Quartier Latin, le site de ma nouvelle inspiration. Ces derniers temps j'ai expérimenté ces sortes de vertiges-fatigues qui me rendent prêt à perdre connaissance. Si je repars pour Paris, seul, je me trouverai vite des amis. Comment faire avaler ça à mes parents ? Fuck them, j'y vais cet été ! J'y resterai le plus longtemps possible, sur place je ferai des démarches pour y demeurer. Mais pourquoi pas Montréal ? No way ! « Les feuilles mortes se ramassent à la pelle, tu vois, je n'ai pas oublié. Les feuilles mortes se ramassent à la pelle, les souvenirs et les regrets aussi ! Et le vent du nord les emporte... » Prévert's poetry !

carole cadotte <138194788@archambault.ca>