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La prière est inutile. Inutile, inutile, inutile. Ma mère m'a téléphoné chez Sébastien while I was on the roof working for the family, and she told me she was praying for me to find a summer job. Elle s'est vite rétractée pour me dire qu'elle faisait des blagues. Bien sûr que non ! Mais prier, quessadone quand l'autre femme avec qui j'ai parlé l'autre jour, qui n'a jamais cessé de prier, a perdu son mari écrasé sous une voiture, son fils mort noyé à la pêche, sa sœur morte intoxiquée par une mauvaise prescription du médecin et son frère mort brûlé dans un incendie causé par de l'huile à patates frites ? She missed the point. Qu'est-ce qui est mieux pour le destin de l'humanité, pour le destin d'un de ses individus ? L'individu l'ignore certainement si effectivement Dieu est là pour le guider. Et ses prières ne changeront rien à l'affaire. La souffrance a pour seul but, apparemment, de nous faire acquérir certaines connaissances, la première, celle que la prière n'influence pas les événements. J'ai demandé à la vieille dame qu'est-ce qu'elle avait appris là-dedans. Elle ne semble pas en être consciente, elle demeurait incertaine. Elle remerciait Dieu de l'avoir épargnée, ne s'est pas posé la question du pourquoi. Elle m'a non seulement raconté en détail la mort de toute sa famille, mais l'a aussi racontée avant mon arrivée à tout le monde présent au souper de Thanksgiving de Jim. L'ami de Jim (le petit-fils de la femme) m'a dit qu'elle n'arrêtait pas d'en parler. J'y ai d'ailleurs promis de l'emmener avec moi à Paris si je devais y aller (!). Il me semble que les gens qui prient évitent les vraies questions. Evitent de voir certains avantages en des moments plutôt affreux, ou du moins refusent d'en voir les conséquences. Ils prient mais acceptent que les choses se soient passées telles quelles, ils disent que c'est le destin et Dieu, ce qui revient à dire que la prière est inutile. Sinon, si la prière influence quelque chose, par exemple en envoyant des ondes positives envers quelqu'un, alors la prière ne suffit peut-être pas puisque qu'ils crèvent de toute façon. S'il y a la fatalité, les ondes positives sont inutiles. Quant aux déterminismes, évidemment que la prière ne peut rien contre ça si, en un tel contexte, telle chose ne peut pas ne pas arriver. De toute manière, exiger quelque chose de son Dieu me semble mesquin en rapport à ce que ceux qui prient sont effectivement prêts à faire pour lui et son message d'amour. Ceci dit, on peut se satisfaire à espérer que l'on ne mourra pas, à espérer que Dieu existe, à espérer qu'une vie meilleure nous attend, à espérer que la fin du monde est toute proche, mais il ne faut pas oublier que le désespoir tue.
En parlant de famille, la petite cousine Marie-Anne est venue à Ottawa voilà deux semaines ou la semaine passée, je crois. Elle savait que j'étais homosexuel. Un de mes cousins le savait aussi lorsque je lui ai avoué au bar le Caméléon à Chicoutimi dans le temps de Noël. Toute la famille, des deux côtés, est au courant de mon orientation sexuelle. Le tout caché comme ce n'est pas possible. Taboo subject. On en parle dans mon dos, à mon insu, on n'ose même pas me dire qui a dit quoi à qui. J'ai fait la grosse nouvelle de la famille. Je n'entends jamais rien d'eux, je me demande souvent s'ils existent encore et voilà qu'ils m'ont tous jugé sans en savoir plus que le fait que je sois homosexuel. Ça résume tout. Voilà ce qu'il fait loin dans le fond d'Ottawa, il se cache de nous, il vit son homosexualité. Et eux ? Ah ! Ils sont hétérosexuels, ce qui explique leurs commérages. Tabou, tabou, tabou, comment vais-je me sentir au prochain party de Noël ? Ecoutez tous ! Je suis gay, ouvertement ! No way. Que ça reste tabou s'il le faut, ou qu'ils viennent m'en parler individuellement. Je ne veux surtout pas que la famille se mette à faire la même chose que la maudite Marie-Anne au dernier dîner du jour de l'an chez la grand-mère. Elle a commencé à pointer moi et Sébastien et à dire : « Les deux tapettes l'autre bord de la table. » Pierre-Marc qui a repris en disant : « Qu'est-ce que tu ferais si c'était vrai ? », puis j'ai manqué le reste de la conversation. Ce que je sais, c'est qu'on a dit à Pierre-Marc de sacrer le camp chez Tania. On pensait, jusqu'à la venue de Marie-Anne à Ottawa, que c'était ma sœur qui avait fait l'hypocrite et avait elle-même dit « les tapettes », ensuite répété par Marie-Anne. Les grandes justifications de fou de ma sœur qui ont suivi nous ont laissé à moi et à Sébastien un goût amer. On n'a jamais vraiment compris ce qui s'est passé, à dire franchement, on s'en fout. J'en reparle aujourd'hui parce que l'hypocrisie de l'humain n'a pas de limites. Moi aussi je suis hypocrite, je l'avoue sans crainte,vous ne pourrez donc pas m'accuser d'accuser les autres sans que je m'accuse moi. Quand donc suis-je le plus hypocrite ? Il me semble très difficile de ne pas être hypocrite dans la société où l'on vit. Si je garde pour moi mes mauvaises pensées, je suis hypocrite. Si je les dis sans que la personne concernée les entende, je suis hypocrite. Si je dis tout ce que je pense à tout le monde, je ne suis pas hypocrite, mais je n'ai plus d'ami ni aucune crédibilité. Il me serait impossible d'avoir un emploi ou de travailler avec qui que ce soit si l'on savait que je suis homosexuel. Soyons hypocrite donc, à moins d'être pur, de changer toutes nos idées négatives en positives, de devenir hétérosexuel, alors il est facile de ne pas être hypocrite. De toute façon, il est possible d'essayer d'être moins hypocrite et c'est ce que je me propose de faire. Mais il est difficile de ne pas être hypocrite dans un monde d'hypocrisie, lorsque nos institutions elles-mêmes jusqu'aux religions sont basées sur l'hypocrisie et ne cessent de l'encourager.
carole cadotte <138194788@archambault.ca>