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Sébastien est venu ce soir. On a fait l'amour pour la deuxième fois depuis le départ d'Ed. C'était mieux que voilà trois jours, mais il manque cet effet piquant comme quand Ed est avec moi. J'ai peur. Peur de ne plus l'aimer, sans pour autant avoir Ed, sans pour autant savoir si j'aimerais Ed. Je me suis vu si libre en le reconduisant à sa voiture. Pour la première fois je me sentais comme quelqu'un qui faisait sa jeunesse ou qui allait la faire. Je me voyais partir pour Paris, non pris dans une relation, libre de jouir de la vie comme je l'entends, acquérir l'expérience la plus bizarre avec les gens les plus variés, pour ne pas dire avariés. Ouais. Moi qui capotais de voir que Sébastien avait couché avec au moins une dizaine de personnes, voilà Ed qui couche avec sa copine, couche avec un gars probablement écœurant la veille à Montréal, le lendemain le voilà dans mon lit alors que je sors avec Sébastien. Quelle histoire, digne du vaudeville parisien. Ah, je me délecterai de ce théâtre de boulevard lorsque je serai à Paris. J'aimerais revoir Edward pour comparer avec Sébastien. Cette nuit furtive n'a peut-être pas été concluante. Seulement au niveau de la brisure de mon asservissement envers Sébas, si je puis m'exprimer ainsi. Ah ! que la vie est difficile parfois.

Ed m'a laissé un message de mauvais goût. Il a signé un billet d'un dollar américain et a écrit : "Here is a real American dollar from your American friend, Ed de NY." Semble-t-il, il joue sur le fait qu'il soit américain, comme si l'on était en admiration envers ce fait. Ne sait-il pas que la planète entière déteste les Américains ? Même si l'on ne peut critiquer le fait qu'ils sont absolument nécessaires à un équilibre mondial dans la balance des pouvoirs. Mais encore, on connaît ses tares, ses contradictions. Peut-on être fier d'être américain ? Quand je vois les chartes musicales ou de cinéma à travers l'Europe et que je constate que dans le top 10 il y a huit films américains traduits, j'ai envie de pleurer. Quel viol au niveau culturel ! Cela ne m'empêchera pas d'apprécier ces films, ces acteurs, cette musique, que voulez-vous, on appartient à sa génération. Je me demande juste comment leur monopole et leur réussite peuvent être si absolus. Mais Edward a raison, il existe tout de même une jeune génération à travers l'Europe qui adore les Etats-Unis. Puis ça impressionne d'être new-yorkais. Moi-même, j'étais fier d'avoir couché avec un Américain. Où s'arrêtera donc la bêtise ? Quelle est donc la sensation que l'on ressent lorsque l'on couche avec un Allemand ? Un Juif ? Je n'en dis pas davantage. Mais s'il existe une différence entre Sébastien et Edward, elle est psychologique, et mes sentiments pour l'un et l'autre semblent indépendants de ma volonté.

Que c'est extraordinaire de croire qu'Ed soit straight, puis de finalement savoir qu'il est gai et de coucher avec lui. Jamais je n'aurais osé croire qu'il était comme moi et qu'il me tiendrait dans ses bras un jour. Comme je l'appellerais tout de suite et l'inviterais à retourner à Paris. Mais n'aimerais-je pas mieux m'assurer un avenir avec Sébastien ? He is still very beautiful, especially when he's nude. Mais Edward en caleçon et t-shirt, avec son bedon qui se voit un peu, c'est incroyable. J'explorerais son corps de A à Z s'il revenait. Mais il m'a spécifié qu'il ne recoucherait pas avec moi, car Sébastien est son ami. C'est vrai qu'il serait définitivement immoral de bâtir une double relation dans le dos de Sébastien. Mais devrais-je le laisser là ? What a tricky situation. Je réentends Ed me dire : "I tried so hard to resist you!" J'imagine qu'il voulait dire qu'il a essayé un peu plus que s'il n'y avait eu aucune barrière. Tout s'est passé si rapidement. Quelle expérience ! Je me revois allumer la lumière, le voir étendu sur le lit, me coller contre lui, avoir sa bouche contre la mienne. Chacun des détails de sa personnalité refait surface. Sa petite boîte où il range sa brosse à dents, sa soie dentaire, sa voiture, ses cassettes, on me dirait en admiration totale. Ô Edward, je revois même le gros ED écrit au crayon-feutre sur ta tasse. Si tu as pu sentir que j'étais en érection lorsque je t'ai pris dans mes bras à l'Hôtel des Gouverneurs à Montréal, cela ne me surprend guère. Je pense même que Sébastien l'a remarqué, il s'est retourné deux fois pour regarder. Tant pis, j'ai tant besoin de cela, je ne pourrais même pas reprocher à qui que ce soit la tournure des événements. Ed serait-il l'âme sœur ? J'espère que non.

carole cadotte <138194788@archambault.ca>